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Montréal, le 4 mars 2015 Maître Karl Delwaide FASKEN MARTINEAU DUMOULIN 800, Place Victoria Bureau 3700, C. P. 242 Montréal (Québec) H4Z 1E9 Objet : Plainte à lendroit de Vidéotron N/Réf. : 1007198 _______________________________ Maître, La Commission daccès à linformation (la Commission) a reçu une plainte de M. (le plaignant) formulée à lendroit de lentreprise Vidéotron (lentreprise), et dune succursale du Superclub Vidéotron située à Blainville, concernant la collecte de renseignements personnels qui ne seraient pas nécessaires à lobjet du dossier, soit louverture dun compte client. Les renseignements personnels faisant lobjet de la plainte sont la date de naissance complète du plaignant et le nom de famille de sa mère à la naissance. La Direction de la surveillance de la Commission a procédé à une enquête visant à déterminer si lentreprise sest conformée aux prescriptions de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . Les faits Selon cette enquête, le plaignant a communiqué par téléphone avec le service à la clientèle de lentreprise afin de pouvoir sabonner à un service faisant lobjet dune promotion. En plus de ses coordonnées (nom, adresse, numéro de téléphone et adresse courriel), lentreprise lui a demandé de fournir sa date de naissance complète et le nom de famille de sa mère à la naissance, afin de procéder à louverture du dossier et à lactivation du service de télécommunication. Le plaignant a refusé de fournir les renseignements personnels demandés. 1 RLRQ, c. P-39.1, la Loi sur le privé. 2
N/Réf. : 1007198 2 Devant le refus du plaignant, le préposé de lentreprise laurait invité à se rendre à une succursale du Superclub Vidéotron afin de procéder à louverture du compte, sans quil nait à fournir ces renseignements. Le plaignant a alors téléphoné au Superclub Vidéotron de Blainville et on lui aurait indiqué que ces renseignements devaient être recueillis pour louverture du compte client. On aurait indiqué au plaignant que sans ces informations, il ne serait pas possible de lui offrir le service auquel il souhaite sabonner. Lentreprise souligne que le Superclub Vidéotron de Blainville est un «franchisé» de la compagnie le Superclub Vidéotron Ltée (franchiseur) et que ces deux entreprises sont distinctes de Vidéotron. En conséquence, ni le « franchiseur » ni Vidéotron nont lobligation dassumer de responsabilités en lien avec la conduite des affaires du « franchisé ». Néanmoins, lentreprise a soumis ses observations à légard de la présente plainte, sans admission quant à la compétence de la Commission. Lenquête révèle que lentreprise émet des procédures et des directives afin que les « franchisés » respectent les lois et les règlements applicables, notamment en matière de collecte et dutilisation de renseignements personnels. Dans le cadre de lenquête, lentreprise a fait valoir que la Commission doit évaluer la nécessité de la collecte des renseignements en cause, la date de naissance du client et le nom de famille de sa mère, lors de louverture dun compte client, à la lumière du test élaboré dans les décisions de la Cour du Québec dans les affaires Société de transport de Laval c. X 2 . et Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke 3 : [Un renseignement] sera nécessaire lorsque chaque fin spécifique poursuivie par lorganisme, pour la réalisation dun objectif lié à ses attributions, sera légitime, importante, urgente et réelle, et lorsque latteinte au droit à la vie privée que pourra constituer la cueillette, la communication ou la conservation de chaque élément de renseignement sera proportionnelle à cette fin. Cette proportionnalité jouera en faveur de lorganisme lorsquil sera établi que lutilisation est rationnellement liée à lobjectif, que latteinte est minimisée et que la divulgation du renseignement requis est nettement plus utile à lorganisme que préjudiciable à la personne. Autrement, le droit à la vie privée et à la confidentialité des renseignements personnels devra prévaloir. 2 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., [2003] C.A.I. 667 (C.Q.), affaire Laval. 3 [2010] QCCQ 93. 3
N/Réf. : 1007198 3 Lentreprise soumet quelle recueille les renseignements didentité, dont la date de naissance, afin de vérifier lidentité et la solvabilité dun nouveau client auprès dagences de crédit. Elle explique quil y a plusieurs circonstances le nom dune personne ne peut suffire pour satisfaire ces finalités : nom et date de naissance non conforme, plusieurs tentatives du client avec des noms similaires (ou par personnes interposées), cas de fraude, vol didentité, plusieurs personnes avec le même nom, etc. À cet effet, lentreprise a fourni des données détaillées sur ces situations et leur fréquence. Elle ajoute que les conséquences opérationnelles et financières sont majeures pour elle et lensemble de sa clientèle (documentation à lappui). La collecte didentifiants « immuables » (par opposition à des identifiants temporaires) comme la date de naissance et le nom de jeune fille de la mère du futur abonné permet de réduire les pertes pour lentreprise et de faire profiter sa clientèle des meilleurs tarifs. Elle souligne que la majorité des abonnements aux services de lentreprise sont conclus à distance, essentiellement par téléphone. Ainsi, lidentification physique et la présentation de pièces didentité ou dautres documents similaires ne sont pas réalistes. En ce qui concerne le nom de fille de la mère, lentreprise soutient quil lui permet didentifier de manière sécuritaire le client lors de toutes communications futures afin de sassurer quelle sadresse à labonné. Néanmoins, une fois le compte ouvert, labonné peut demander quun mot de passe lui soit attribué. Cette mesure vise à le protéger dune éventuelle fraude ou dun vol didentité. Lentreprise mentionne que la validation de deux identifiants est un procédé reconnu dans lindustrie et le monde des affaires en général pour assurer un niveau élevé de fiabilité. Puisque lentreprise ne peut demander au futur abonné des pièces didentité avec photo lors dun abonnement ou dune transaction par téléphone, la pratique veut quelle demande le nom de jeune fille de sa mère. Elle précise que cet identifiant immuable évite les oublis, les doutes et les hésitations qui peuvent camoufler des tentatives de contournement ou de fraude. Lentreprise conclut en indiquant quen application du test de laffaire Laval, le nom de jeune fille de la mère ne révèle que peu de la vie privée dune personne puisquil nidentifie en rien sa mère et ne permet pas de faire un lien direct et spécifique entre labonné et sa mère. Latteinte au droit à la vie privée est donc minimale. 4
N/Réf. : 1007198 4 Analyse La Commission doit déterminer si lentreprise est en droit de recueillir la date de naissance dun futur abonné et le nom de famille de sa mère à la naissance lors de louverture dun compte client. Larticle 5 de la Loi sur privé prévoit : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou dy consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à lobjet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. Tel quindiqué par lentreprise, la Commission doit déterminer si lobjectif poursuivi par la collecte de ces renseignements est légitime, important, urgent et réel et si latteinte au droit à la vie privée que constitue cette collecte est proportionnelle à cet objectif. Lentreprise a expliqué, de manière détaillée et concrète, la nécessité de recueillir ces renseignements à louverture du compte dun futur client qui souhaite obtenir, par téléphone ou « à distance », des services de télécommunication. Elle a fourni à la Commission des données détaillées appuyant sa position. Lentreprise, qui fait affaire au Québec, offre des services de télécommunication (télévision, téléphonie filaire et cellulaire, internet), en plus de vendre et de louer des équipements. Elle doit sassurer de la solvabilité et de la capacité de payer de ses futurs abonnés et obtenir une identification véritable de la personne afin de pouvoir éventuellement retracer celle-ci, même en cas de déménagement. Tel que lindique lentreprise, toute entente de services est donc sujette, au préalable, à lidentification de la personne qui souhaite sabonner, à laide didentifiants permanents ou immuables et à une vérification de la solvabilité de cette personne. La collecte de ces renseignements permet à lentreprise de réduire ses pertes. Puisque, selon ce qua démontré lentreprise, la majorité des abonnements à ses services sont conclus à distance, essentiellement par téléphone, lidentification physique et la présentation de pièces didentité ou dautres documents similaires ne sont pas des alternatives envisageables. 5
N/Réf. : 1007198 5 Par ailleurs, la Commission a reconnu à plusieurs reprises la nécessité pour une entreprise de recueillir la date de naissance, en plus de lidentité et des coordonnées dune personne, pour effectuer, avec son consentement, une enquête de crédit 4 . Quant à la collecte du nom de jeune fille de la mère dun futur client, elle vise à valider lidentité du client lors de communications ultérieures avec lentreprise, afin de le protéger dune éventuelle fraude ou dun vol didentité. Comme le souligne lentreprise, le nom de jeune fille de la mère révèle peu de la vie privée dune personne. En effet, en labsence du prénom, il ne permet pas didentifier la mère et ne permet pas de faire un lien direct et spécifique entre labonné et sa mère. Ainsi, en comparaison avec dautres identifiants, par exemple des numéros contenus sur des documents gouvernementaux servant souvent comme pièces didentité (numéro dassurance maladie, dassurance sociale ou de permis de conduire, numéro de passeport), latteinte à la vie privée que constitue la collecte de ce renseignement est donc minimale. Aussi, la collecte de ce renseignement est nettement plus utile à lentreprise quelle est préjudiciable à la personne concernée. En fait, elle vise notamment, à le protéger, en évitant quun tiers puisse obtenir des informations au sujet de son compte ou effectue des modifications à son abonnement sans son consentement. De plus, lentreprise a mis en place une alternative à lutilisation de ce renseignement lors de communications ultérieures : une fois le compte ouvert, labonné peut demander quun mot de passe lui soit attribué, en remplacement de ce renseignement. Ainsi, en application du test de nécessité précité et à la lumière des éléments factuels au dossier et des observations de lentreprise, la Commission considère que celle-ci a démontré la nécessité de la collecte de la date de naissance dun futur abonné et du nom de jeune fille de sa mère. 4 Regroupement des comités logement et Association de locataires du Québec et Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, [1995] C.A.I. 370; Julien c. Domaine Laudance, [2003] C.A.I. 77 ; Perreault c. Blondin, [2006] C.A.I. 162 ; X. et Loca-Meuble, CAI 08 11 10, 1 er octobre 2013, c. Poitras; X. et Skyventure Montréal, C.A.I. 101888, 16 septembre 2013, c. Desbiens; X. et Cellulaire Plus, C.A.I. 1005592, 29 septembre 2014, c. Poitras, en appel : 500-80-029666-147 (C.Q.); X. et Rogers Communications inc., C.A.I. 111310, 29 septembre 2014, c. Desbiens, en appel : 500-80-029665-149 (C.Q.). 6
N/Réf. : 1007198 6 En effet, les objectifs poursuivis par la collecte de ces renseignements par lentreprise, dans le contexte du présent dossier, sont légitimes, importants, urgents et réels. Lentreprise a également démontré la proportionnalité de latteinte à la vie privée que peut constituer cette collecte au regard des finalités poursuivies : lutilisation des renseignements est rationnellement liée aux objectifs de cette collecte, latteinte est minimisée et la divulgation du renseignement requis est nettement plus utile à lorganisme que préjudiciable à la personne concernée. En conséquence, la Commission ferme le présent dossier. Diane Poitras, Juge administratif c.c. M. M. , Super Club Vidéotron de Blainville
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