Montréal, le 25 février 2015
Maître …
Maître …
Secrétaire général et responsables
Responsable de l’accès aux documents
de l’accès aux documents
Commission scolaire de Montréal
Commission scolaire de la Capitale
3737, rue Sherbrooke E.
1900, rue Côté
Montréal (Québec) H1X 3B3
Québec (Québec) G1N 3Y5
Maître …
Secrétaire général et responsable
des affaires juridiques et corporatives
Société GRICS
5100, Sherbrooke Est, bureau 300
Montréal (Québec) H1V 3R9
Objet : Enquête concernant une plainte relative à la divulgation d’une demande
d’accès transmise aux commissions scolaires du Québec
N/Réf. : 1006661
_______________________________________________________________
Maîtres,
La Commission d’accès à l’information (la Commission) a mandaté un
enquêteur
1
afin d’analyser les circonstances ayant mené à la diffusion d’un
communiqué, par la Société de Gestion du réseau informatique des
commissions scolaires (Société GRICS), contenant des informations relatives à
des demandes d’accès à l’information présentées par la Coalition avenir
Québec (CAQ) à l’ensemble des commissions scolaires du Québec.
Ce mandat d’enquête a été accordé à la suite des informations portées à
l’attention de la Commission par M. …, coordonnateur de l’information de l’Aile
parlementaire de la CAQ.
Ce dernier dénonçait le fait que le 8 avril 2013, la Société GRICS a publié sur
son site Internet un communiqué mentionnant avoir été informée des
demandes adressées par la CAQ à l’ensemble des commissions scolaires, en
1
Articles 123 et 129 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels, RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
... 2
N/Réf. :1006661
2
vertu de la Loi sur l’accès, afin d’obtenir les montants totaux versés à la Société
GRICS et au Carrefour Éducation pour chaque année financière depuis 2005-
2006.
Le communiqué diffusé sur le site de la Société GRICS est le suivant :
Montréal, le 8 avril 2013 - La Société GRICS a appris que la
Coalition Avenir Québec (CAQ) a demandé, par le biais de la
Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements personnels, à toutes les
commissions scolaires du Québec de lui communiquer le
montant annuel respectif que chacune d’entre elles verse à la
Société GRICS, pour l’ensemble de ses services et l’accès au
site Carrefour Éducation, et ce, à partir de l’exercice financier
2005-2006.
Comme vous le savez, la Société GRICS est gérée par les
commissions scolaires. Dans ce contexte, nous avons cru bon
de dresser un portrait de notre organisme que nous
considérons comme étant un modèle novateur et efficace
dans le domaine des TI.
Vous trouvez, sur notre site Web, une fiche d’information sur
la Société GRICS et ses principales réalisations. Vous aurez
ainsi des réponses aux questions qui pourraient vous être
posées.
La CAQ pose les questions suivantes à la Commission :
1- Est-ce que les commissions scolaires avaient le droit de communiquer le
contenu de la demande d’accès à l’information à la Société GRICS?
2- Est-ce que la Société GRICS avait le droit de diffuser ce communiqué et
son contenu?
ENQUÊTE ET OBSERVATIONS
La demande d’accès, formulée par la CAQ, a été transmise à plus de
70 commissions scolaires au Québec. Il importe de préciser que la Commission
a décidé de mener son enquête auprès de la Société GRICS et de deux des
commissions scolaires ayant reçu la demande d’accès, soit la Commission
scolaire de la Capitale et la Commission scolaire de Montréal, choisies en
fonction de leur taille. Ces dernières ont répondu aux questions de l’enquêteur
visant à déterminer si les prescriptions de la Loi sur l’accès ont été respectées
lors du traitement des demandes d’accès de la CAQ.
… 3
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La Société GRICS a également fourni ses observations. Le 12 septembre 2014,
la Commission lui a demandé des précisions qui ont été transmises le
9 février 2015.
Il ressort de l’enquête et des observations fournies les éléments qui suivent.
Les commissions scolaires
Les responsables de l’accès des deux organismes ont confirmé avoir reçu la
demande d’accès signée par la recherchiste de la CAQ et avoir transmis un
accusé de réception.
Considérant que la demande ne nécessitait pas d’avis au tiers au sens des
articles 23 et 24 de la Loi sur l’accès, aucun des deux organismes n’a interpellé
la Société GRICS dans le cadre du traitement de la demande.
Les responsables de l’accès se sont adressés à leurs services des ressources
financières et de l’informatique pour obtenir le détail des sommes ayant été
versées à la Société GRICS.
Les deux commissions scolaires ont acheminé une copie intégrale de la
demande d’accès aux services concernés, afin qu’ils puissent effectuer les
recherches appropriées. Par conséquent, le demandeur d’accès pouvait être
identifié par le personnel des organismes.
Les 2 et 10 avril 2013, les réponses aux demandes d’accès ont été transmises
par les organismes avec l’information demandée. Aucun renseignement
personnel n’était visé par la demande d’accès et aucune autre restriction n’a
été invoquée pour refuser l’accès aux renseignements demandés.
La Société GRICS
La Société GRICS est une entreprise à but non lucratif créée en 1985 pour
répondre à l’ensemble des exigences informatiques du milieu scolaire. Ses
membres sont les commissions scolaires du Québec, la Fédération des
commissions scolaires du Québec ainsi que l’Association des commissions
scolaires anglophones du Québec. Son conseil d’administration est composé
de 16 administrateurs, lesquels sont dans les faits majoritairement des
directeurs généraux de commissions scolaires.
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Le 11 mars 2013, la directrice générale de la Commission scolaire de la Baie-
James informait par courriel le président-directeur général de la Société GRICS
de la demande d’accès de la CAQ et lui en transmettait une copie. Elle l’a
informé que la CAQ s’intéressait à la Société GRICS et qu’il était important, tant
pour la GRICS que pour les commissions scolaires, d’offrir à la CAQ tous les
éléments afin de bien comprendre l’information demandée et éviter une
utilisation hors contexte de ces informations, par exemple à des fins partisanes.
Considérant sa mission particulière et son rôle fédérateur pour les commissions
scolaires, la Société GRICS considérait être la mieux placée pour fournir une
information d’ordre général. De plus, la demande d’accès la visait directement.
À la suite de vérifications auprès d’autres commissions scolaires, la Société
GRICS a été informée que toutes les commissions scolaires avaient reçu la
même demande d’accès.
Le sujet a été discuté avec le président du conseil d’administration, lui-même
directeur général d’une commission scolaire. C’est le secrétaire général de
l’époque qui a préparé et fait publier, le 8 avril 2013, sur le site internet de la
GRICS, un document d’information ainsi qu’un communiqué intitulé « La
Société GRICS, un modèle novateur et efficace dans le domaine des TI » afin
de mettre en contexte les services offerts par la GRICS aux commissions
scolaires à la lumière de l’intérêt évident de la CAQ pour ce dossier.
La Société GRICS est d’avis que les commissions scolaires membres étaient
justifiées de l’informer des demandes d’accès formulées par la CAQ. De plus,
aucune disposition de la Loi sur l’accès ne prévoit expressément que les
demandes d’accès formulées par des personnes morales auprès d’organismes
publics doivent demeurer confidentielles. Seuls les renseignements personnels
des demandes d’accès formulées par des personnes physiques sont protégés
par la Loi.
ANALYSE
À la suite de son enquête, la Commission constate les faits suivants.
En vertu de la Loi sur l’accès, la CAQ a formulé la même demande à toutes les
commissions scolaires du Québec pour obtenir le montant annuel que chacune
d’entre elles a versé à la Société GRICS, pour l’exercice financier 2005-2006.
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Cette demande a été traitée conformément à la Loi sur l’accès par les
commissions scolaires enquêtées et aucune disposition exigeant qu’un tiers
concerné par une demande soit avisé ne trouvait application en l’espèce
2
. La
Société GRICS a quand même été informée de cette demande.
Elle a reçu copie de la demande d’accès par une commission scolaire ayant
reçu la demande. Elle n’est pas intervenue auprès des commissions scolaires
quant au traitement de la demande. Elle a diffusé un communiqué adressé aux
commissions scolaires les invitant à prendre connaissance d’une fiche
d’information dressant un portrait de l’organisme. Ce communiqué contient le
contenu de la demande et l’identité du demandeur.
Y a-t-il eu contravention à la Loi sur l’accès?
La Loi sur l’accès est fondée sur deux principes, l’accès aux documents des
organismes publics et la protection des renseignements personnels.
L’article 9 de la Loi sur l’accès prévoit que toute personne qui en fait la
demande peut avoir accès aux documents d’un organisme public. La CAQ s’est
prévalue de ce droit.
Une demande d’accès n’est pas en soi confidentielle ou accessible. C’est
l’information qu’elle contient qui doit être analysée à la lumière de la loi afin de
déterminer si elle est confidentielle. En l’espèce, la demande contient l’identité
du demandeur et l’objet de la demande.
Aucune disposition de la Loi sur l’accès ne prévoit expressément que l’identité
d’une personne qui formule une demande d’accès est confidentielle.
Cependant, la Loi sur l’accès prévoit que les renseignements personnels
détenus par un organisme public sont confidentiels à moins d’exception. C’est
la raison pour laquelle l’identité d’un demandeur est habituellement
confidentielle.
2
Art. 25 de la Loi sur l’accès : Un organisme public doit, avant de communiquer un
renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical fourni
par un tiers, lui en donner avis, conformément à l'article 49, afin de lui permettre de
présenter ses observations, sauf dans les cas où le renseignement a été fourni en
application d'une loi qui prévoit que le renseignement peut être communiqué et dans les cas
où le tiers a renoncé à l'avis en consentant à la communication du renseignement ou
autrement.
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En l’espèce, la demande d’accès a été formulée par la CAQ, une personne
morale, et a été signée par sa recherchiste dont le nom apparaît.
Le nom d’une personne morale n’est pas un renseignement personnel ni un
renseignement confidentiel dans le contexte d’une demande d’accès.
Le nom de la recherchiste de la CAQ signataire constitue-t-il un renseignement
personnel confidentiel au sens de la Loi sur l’accès?
La notion de renseignement personnel est définie à l’article 54 de la loi qui
prévoit:
54. Dans un document, sont personnels les renseignements
qui concernent une personne physique et permettent de
l’identifier.
Les renseignements personnels qui concernent une personne
physique et qui permettent de l’identifier sont confidentiels.
Par ailleurs, l’article 56 de la Loi sur l’accès prévoit que le nom d’une personne
physique n’est pas en soi un renseignement personnel :
56. Le nom d'une personne physique n'est pas un
renseignement personnel, sauf lorsqu'il est mentionné avec
un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule
mention révélerait un renseignement personnel concernant
cette personne.
Ainsi, l’interprétation combinée des articles 54 et 56 de la Loi sur l’accès
implique que le nom d’une personne n’est pas un renseignement personnel à
moins que sa seule mention révèle quelque chose de significatif à son sujet ou
qu’il soit mentionné avec un autre renseignement personnel la concernant
3
.
Il faut donc tenir compte du contexte afin de déterminer si le nom d’une
personne constitue un renseignement personnel dans une situation particulière.
De plus, on doit se rappeler qu’une personne morale ne peut agir que par une
personne physique qui la représente
4
.
3
L.G. c. Montréal (Ville de), 2013 QCCAI 164;
4
Clark c. Québec (Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration), [2004] C.A.I.
306.
... 7
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En l’espèce, la demande d’accès indiquait clairement le nom de la CAQ avec le
logo de l’Assemblée nationale du Québec, ainsi que le nom de la recherchiste
parlementaire mandatée par la CAQ, laquelle s’identifiait seulement par ses
coordonnées professionnelles. Aucune information significative la concernant
personnellement n’est associée à son nom. Il s’agit uniquement de la personne
ressource au sein de la CAQ dans le cadre du traitement de la demande
d’accès.
Dans ce contexte, le nom de la recherchiste signataire de la demande d’accès
n’est pas un renseignement personnel confidentiel au sens de la Loi. Au
surplus, le contenu de la demande d’accès ne réfère à aucun renseignement
personnel.
Par ailleurs, à sa face même, l’objet de la demande ne contient pas de
renseignement confidentiel.
Par conséquent, il n’y a pas eu de contravention à la Loi sur l’accès lors du
transfert par une commission scolaire de la demande d’accès à la Société
GRICS ni lorsque cette dernière a diffusé un communiqué qui contenait l’objet
de la demande.
Il est intéressant de souligner que le législateur a prévu que ce sont les
documents transmis dans le cadre d’une demande d’accès qui devraient être
diffusés plus largement, dans la mesure où ils sont accessibles en vertu de la
loi, s’ils présentent un intérêt pour l’information du public.
5
Par ailleurs, la présente affaire soulève de façon plus générale, la question de
l’intérêt de connaître l’identité du demandeur d’accès lors du traitement d’une
demande d’accès.
Une demande d’accès doit être traitée sans égard à l’identité du demandeur,
qu’il soit journaliste, représentant d’un parti politique ou citoyen. Toute
personne peut présenter une demande d’accès et la Commission a plusieurs
fois reconnu qu’il n’est pas pertinent de connaître les motivations, la destination
ou l’usage qu’entend faire de l’information le demandeur
6
.
5
Art. 4 al. (8) du Règlement sur la diffusion de l'information et sur la protection des
renseignements personnels, RLRQ, c. A-2.1, r. 2.
6
Miquelon et al. c. Commission scolaire des Milles-Iles, (1984-86) C.A.I. 38; Séguin c.
Dollard-des-Ormeaux, [1990] C.A.I. 213; Bombardier c. Courcy, 2008 QCCQ 7105. Hydro-
Québec c. Leclerc, 2013 QCCQ 1020.
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Ainsi, la Commission est d’avis qu’une demande d’accès doit être traitée sans
égard à l’identité du demandeur. Le traitement de la demande doit se faire à la
lumière des seules prescriptions de la loi. Le responsable de l’accès devrait
limiter la communication de renseignements permettant d’identifier l’auteur
d’une demande aux seules personnes qui ont besoin d’avoir connaissance de
ces renseignements afin d’éviter d’influencer le traitement d’une demande.
La Commission invite donc les organismes publics à prendre les mesures
nécessaires afin de ne pas révéler l’identité d’un demandeur dans l’exercice de
repérage et d’obtention des documents visés par une demande d’accès.
Compte tenu de ce qui précède, la Commission ferme le présent dossier.
Lina Desbiens
Juge administratif
c.c. M. …, Coalition avenir Québec
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