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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 1005592 Date : Le 29 septembre 2014 Membre: M e Diane Poitras X. Plaignante et CELLULAIRE PLUS Entreprise DÉCISION OBJET PLAINTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] Le 19 septembre 2012, la Commission daccès à linformation (la Commission) est saisie dune plainte à lendroit de Cellulaire Plus concernant la collecte de renseignements personnels au sujet de M me (la plaignante) à loccasion dune demande de mise en service dun téléphone cellulaire. [2] La plaignante reproche à Cellulaire Plus davoir voulu recueillir des renseignements personnels qui nétaient pas nécessaires à lobjet du dossier, plus précisément son numéro dassurance sociale (NAS) et son numéro de permis de conduire, dans le cadre de la mise en service dun téléphone cellulaire selon une offre de forfait corporatif. 1 RLRQ, c. P-39.1, la Loi sur le privé.
1005592 Page : 2 [3] La Commission a procédé à une enquête conformément à larticle 81 de la Loi sur le privé. LES FAITS [4] La plaignante explique quelle voulait se prévaloir du forfait de cellulaire corporatif offert par TELUS aux employés de la Ville de Gatineau. Selon la procédure prévue, elle a transmis sa demande par courriel à Cellulaire Plus. [5] Cellulaire Plus lui a demandé de compléter un formulaire. La plaignante y a inscrit son nom, ses deux dernières adresses résidentielles, sa date de naissance et son numéro de carte de crédit. Toutefois, elle a refusé de donner son NAS et na pas inscrit de numéro de permis de conduire, nétant pas détentrice dun tel permis. [6] Nayant pas obtenu de réponse à sa demande, la plaignante sest présentée à une succursale de Cellulaire Plus située à Gatineau. Le gérant du magasin a photocopié une pièce didentité de la plaignante. Par la suite, elle a reçu un courriel de Cellulaire Plus lui mentionnant que lactivation du cellulaire nétait pas possible parce quelle ne détient pas de permis de conduire. On lui a donc proposé un forfait personnel. [7] La plaignante a porté plainte à la Commission et souhaite que Cellulaire Plus cesse dexiger de ses clients leur numéro de permis de conduire ou leur NAS pour lobtention de services de téléphonie sans fil. [8] M. …, propriétaire de la succursale Cellulaire Plus, a transmis sa version des faits à lenquêteur de la Commission en novembre 2012. [9] Il indique quà titre de détaillant autorisé de TELUS, Cellulaire Plus agit pour son compte lors de la mise en service dappareils sans fil sur ce réseau. Elle est donc tenue de respecter les politiques de TELUS, dont le processus didentification dun client et la vérification de son crédit. Il souligne également que ce processus est le même pour lensemble des clients de TELUS à travers le Canada. [10] Selon Cellulaire Plus, la première étape consiste à valider, en magasin, lidentité du client par le biais dune carte didentité gouvernementale avec photo. En lespèce, la plaignante a fourni sa carte demployée.
1005592 Page : 3 [11] Létape suivante consiste à effectuer une demande douverture de compte et une vérification de crédit auprès de TELUS. Outre le nom et ladresse du client, TELUS exige deux renseignements afin de procéder à la vérification de crédit. Le client peut fournir 2 des 3 pièces suivantes : carte de crédit émise par une banque canadienne, permis de conduire ou carte dassurance sociale. Cellulaire Plus affirme quelle naccède pas au dossier de crédit du client : la vérification de crédit est effectuée uniquement par TELUS. [12] Dans le cas de la plaignante, la demande de mise en service initiale a été refusée par TELUS parce quelle na pas produit deux des pièces didentité requises pour la vérification de son crédit personnel. En effet, elle a fourni son numéro de carte de crédit, mais ne détient pas de permis de conduire et a refusé de fournir son NAS. [13] Cellulaire Plus soutient également que TELUS, à titre dentreprise de juridiction fédérale, se conforme entièrement aux lois et à la réglementation fédérales en matière de protection des renseignements personnels. Elle ajoute que la protection de lidentité est souvent en cause dans ce genre dindustrie et que des moyens nécessaires sont mis en œuvre pour sassurer de lexactitude des informations recueillies lors de louverture dun compte client. OBSERVATIONS AU TERME DE LENQUÊTE [14] Le 17 juin 2013, la Commission transmet à Cellulaire Plus le rapport denquête et un avis dintention linformant quelle envisage de lui ordonner de cesser de recueillir le NAS ou le numéro de permis de conduire dune personne pour la mise en service dun téléphone cellulaire dans le cadre dun forfait corporatif. [15] Lavis prévoit que Cellulaire Plus peut faire parvenir à la Commission ses observations écrites additionnelles dans un délai de 30 jours. Cet avis a été transmis par courrier recommandé et reçu par Cellulaire Plus le 25 juin 2013. [16] Cellulaire Plus na pas soumis dobservations additionnelles à la suite de cet avis. [17] La Commission a également fait parvenir une copie de lavis dintention et du rapport denquête à TELUS, puisque Cellulaire Plus soutient quelle collige certains renseignements pour le compte de TELUS, à titre de détaillant autorisé de ses produits.
1005592 Page : 4 [18] TELUS a transmis ses observations à la Commission le 29 novembre 2013. Elle affirme quà titre dentreprise fédérale de télécommunications, elle se conforme aux lois et à la réglementation fédérales en matière de protection des renseignements personnels, soit la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques 2 (LPRPDE). [19] Selon TELUS, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada considère raisonnable quune entreprise demande deux pièces didentité pour confirmer la solvabilité ou lidentité dun client potentiel. À ce propos, TELUS réfère la Commission à une enquête effectuée en vertu de la LPRPDE 3 dans le cadre de laquelle « le Commissariat a conclu quil est raisonnable dobtenir deux pièces didentité pour confirmer la solvabilité ou lidentité ». [20] TELUS ajoute que cette activité de validation de lidentité du client relève de ses fonctions essentielles qui sont effectuées pour son compte par ses détaillants. Elle soumet une décision concluant que les fonctions essentielles dune entreprise de télécommunications relèvent de la compétence exclusive de lautorité fédérale 4 et soutient que la plainte ne relève pas de la compétence constitutionnelle de la Commission. ANALYSE [21] La Commission doit déterminer si Cellulaire Plus est autorisée, en vertu des dispositions de la Loi sur le privé, à recueillir le NAS et le numéro de permis de conduire de la plaignante. Elle doit également disposer des arguments de Cellulaire Plus et de TELUS concernant sa compétence à légard de la présente plainte. La collecte de renseignements personnels [22] La présente plainte porte sur la collecte, par Cellulaire Plus, du numéro de permis de conduire et du NAS à des fins didentification et denquête de crédit. Puisque ces renseignements concernent une personne physique et permettent de lidentifier 5 , ils constituent des renseignements personnels visés par les dispositions de la Loi sur le privé. 2 L.C. 2000, ch. 5. 3 Résumé de conclusions denquête en vertu de la LPRPDE no 2005-288, intitulé « Exigences relatives à lidentification pour obtenir des services de téléphone cellulaire ». 4 Téléphone Guèvremont Inc. c. P. G. Québec, [1994] 1 R.C.S. 878. 5 Art. 2 de la Loi sur le privé.
1005592 Page : 5 [23] En vertu de larticle 5 de cette loi, Cellulaire Plus doit démontrer que les renseignements quelle veut recueillir sont nécessaires à lobjet du dossier constitué au sujet de la plaignante, soit la mise en service dun téléphone cellulaire dans le cadre dun forfait corporatif : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. [24] Le fardeau de démontrer la nécessité de recueillir des renseignements personnels repose sur lentreprise qui demande les renseignements. [25] Quant au critère de nécessité, la Cour du Québec 6 propose dinterpréter ce critère à la lumière de la finalité poursuivie par lentreprise qui recueille des renseignements personnels : [33] Ce principe dinterprétation, voulant que la nécessité doit être évaluée relativement aux fins pour lesquelles un renseignement est requis, est conforme à la lettre et à lesprit de la loi. Il ne sagit pas de déterminer ce quest la nécessité en soi, mais plutôt de chercher, dans le contexte de la protection des renseignements personnels, et pour chaque situation, ce qui est nécessaire à laccomplissement de chaque fin particulière pour laquelle un organisme public plaide la nécessité. […] [44] […] Un renseignement sera donc nécessaire non pas lorsquil pourra être jugé absolument indispensable, ou au contraire simplement utile. Il sera nécessaire lorsque chaque fin spécifique poursuivie par lorganisme, pour la réalisation dun objectif lié à ses attributions, sera légitime, importante, urgente et réelle, et lorsque latteinte au droit à la vie privée que pourra constituer la cueillette, la communication ou la conservation de chaque élément de renseignement sera proportionnelle à cette fin. Cette proportionnalité jouera en faveur de lorganisme lorsquil 6 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., [2003] C.A.I. 667 (C.Q.); Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] QCCQ 93. Ces décisions portent sur linterprétation de larticle 64 de la Loi sur laccès qui réfère également au critère de nécessité.
1005592 Page : 6 sera établi que lutilisation est rationnellement liée à lobjectif, que latteinte est minimisée et que la divulgation du renseignement requis est nettement plus utile à lorganisme que préjudiciable à la personne. Autrement, le droit à la vie privée et à la confidentialité des renseignements personnels devra prévaloir. [nos soulignements] [26] En lespèce, Cellulaire Plus soutient que la collecte des pièces didentité et des numéros qui y sont inscrits est requise pour identifier le client et permettre à TELUS de vérifier son dossier de crédit avant la mise en service dun téléphone cellulaire dans le contexte dun forfait corporatif. Examinons chacune des finalités alléguées. - Identification dun client [27] Dans plusieurs décisions 7 , la Commission a conclu que la collecte dun numéro contenu sur une pièce didentité, tels les numéros de permis de conduire ou dassurance sociale, ou la photocopie de ces pièces, nest pas nécessaire pour valider lidentité dune personne. Cellulaire Plus peut demander de voir une pièce didentité, au choix du client, pour atteindre cet objectif, sans quil ne soit nécessaire de recueillir lidentifiant contenu sur cette pièce ni de la photocopier. [28] En lespèce, Cellulaire Plus explique quelle procède elle-même, en magasin, à la validation de lidentité de la personne à partir dune carte didentité valide avec photo. La plaignante a présenté sa carte demployée de la ville de Gatineau et Cellulaire Plus en a fait une copie afin de la conserver. [29] Toutefois, lentreprise na fait valoir aucun élément concret justifiant la nécessité de colliger une copie de la pièce pour les fins didentification du client. [30] Dans ses observations, TELUS ne fait pas de distinction entre la nécessité de colliger le NAS et le numéro de permis de conduire pour lidentification dun client ou pour la vérification de sa solvabilité. 7 Regroupement des comités logement et Association de locataires du Québec et Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, [1995] C.A.I. 370; Julien c. Domaine Laudance, [2003] C.A.I. 77 ; Perreault c. Blondin, [2006] C.A.I. 162 ; X. et Loca-Meuble, CAI 08 11 10, 1er octobre 2013, c. Poitras; X. et Skyventure Montréal, C.A.I. 101888, 16 septembre 2013, c. Desbiens.
1005592 Page : 7 [31] Puisque latteinte à la vie privée que constitue la collecte de renseignements personnels doit être minimisée, la Commission conclut que la collecte du NAS ou du permis de conduire nest pas nécessaire en lespèce pour identifier le client. [32] Tel quindiqué précédemment, si Cellulaire Plus désire vérifier les renseignements didentité fournis par un client, elle peut demander de voir une pièce didentité avec photo. Par contre, Cellulaire Plus ne peut recueillir les informations contenues sur ce document, que ce soit en les notant dans le dossier ou en photocopiant le document. Le fait de noter le type de document consulté permet, au besoin, de documenter la vérification de lidentité faite par lemployé de Cellulaire Plus et den rendre compte à TELUS, tout en respectant la Loi sur le privé. [33] Cette façon de faire permet un équilibre entre la protection des renseignements personnels, le respect de la vie privée des clients et le besoin de Cellulaire Plus de recueillir des renseignements personnels pour atteindre certaines finalités, dont celle de sassurer de lidentité dune personne avec qui elle sapprête à contracter. [34] Notons par ailleurs que certaines lois particulières en vertu desquelles certains documents sont émis édictent quils ne peuvent être exigés que dans des situations spécifiques. [35] Cest le cas du Code de la sécurité routière 8 qui prévoit : Code de la sécurité routière 61. La Société délivre les permis suivants autorisant la conduite de véhicules routiers: le permis dapprenti- conducteur, le permis probatoire, le permis de conduire et le permis restreint. Le titulaire dun permis nest tenu de produire celui-ci quà la demande dun agent de la paix ou de la Société et à des fins de sécurité routière uniquement. [36] Ainsi, une personne nest tenue de fournir son permis de conduire quà la demande dun agent de la paix ou de la Société de lassurance automobile du Québec, et uniquement à des fins de sécurité routière. Cellulaire Plus ne peut donc exiger de ses clients, comme en lespèce, la production de ce document 8 RLRQ, c. C-24.2.
1005592 Page : 8 spécifique aux fins de la mise en service dun téléphone cellulaire dans le contexte dun forfait corporatif. - Vérification du dossier de crédit [37] Cellulaire Plus et TELUS prétendent que le NAS ou le permis de conduire sont nécessaires pour effectuer une enquête de crédit. [38] La Commission a déjà conclu que les nom, adresse et date de naissance dune personne suffisent pour effectuer, avec le consentement de la personne concernée, une enquête de crédit 9 . [39] Au surplus, lancienne adresse du client ou un numéro de carte de crédit constituent des renseignements moins sensibles que le NAS ou le permis de conduire pour permettre, lorsque requis, de sassurer dobtenir le bon dossier de crédit. En lespèce, la plaignante avait fourni ces renseignements. Cellulaire Plus et TELUS nont pas expliqué en quoi les renseignements fournis par la plaignante ne leur permettaient pas de vérifier son dossier de crédit. [40] La Commission souligne que le NAS est un identifiant unique pouvant faciliter laccès à certaines bases de données et le vol didentité sil se retrouve entre les mains de personnes mal intentionnées. Puisquil existe des alternatives moins attentatoires à la protection des renseignements personnels, celles-ci doivent être privilégiées, selon le test de nécessité élaboré par la Cour du Québec. [41] Ainsi, la Commission conclut que la collecte du NAS et du permis de conduire (numéro ou photocopie de la pièce didentité) nest pas nécessaire pour lobtention du dossier de crédit dune personne. Cellulaire Plus et TELUS nont pas démontré ce qui justifie de sécarter de cette position en lespèce. [42] La Commission considère donc que Cellulaire Plus ne peut recueillir ces renseignements, même sur une base volontaire, pour le compte de TELUS. En effet, puisque larticle 5 de la Loi sur le privé est une disposition impérative, 9 Id. Voir aussi, Brazeau c. Sutera, [1996] J.L. 282 (R.L); Gasparrini c. Marciszewski, [1998] J.L. 318 (R.L); Colombie-Britannique, Office of the Information and Privacy Commissioner, Privacy Guidelines for Landlords and Tenants, 2010, en ligne : Oipc.bc.ca, <http://www.oipc.bc.ca/guidance-documents/1456>, consulté le 19 septembre 2014; Alberta, Office of the Information and Privacy Commissioner of Alberta, Privacy & Landlord-Tenant Matters, 2007, en ligne : Oipc.ab.ca, <http://www.Oipc.ab.ca/Content_Files/Files/Publications/Landlord_Tenant- FAQs_Mars2007.pdf>, consulté le 19 septembre 2014.
1005592 Page : 9 Cellulaire Plus ne peut y déroger, même avec le consentement de la personne concernée 10 . La compétence de la Commission [43] La Commission doit également disposer de largument de Cellulaire Plus et de TELUS voulant quelle nait pas compétence pour se prononcer sur la présente plainte qui relèverait, selon ces deux entreprises, du Commissaire fédéral à la vie privée. [44] La Commission a compétence pour faire enquête sur lapplication de la Loi sur le privé : 81. La Commission peut, de sa propre initiative ou sur la plainte dune personne intéressée, faire enquête ou charger une personne de faire enquête sur toute matière relative à la protection des renseignements personnels ainsi que sur les pratiques dune personne qui exploite une entreprise et recueille, détient, utilise ou communique à des tiers de tels renseignements. [45] Selon son article 1, la Loi sur le privé sapplique à toute personne qui recueille, détient, utilise ou communique à des tiers des renseignements personnels, à loccasion de lexploitation dune entreprise au sens de larticle 1525 du Code civil du Québec 11 : 1. La présente loi a pour objet détablir, pour lexercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil en matière de protection des renseignements personnels, des règles particulières à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à loccasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil. Elle sapplique à ces renseignements quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. […] 10 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., préc., note 6; Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, préc., note 6. 11 RLRQ, le C.c.Q.
1005592 Page : 10 [46] Larticle 1525 du C.c.Q. édicte que constitue lexploitation dune entreprise lexercice, par une ou plusieurs personnes, dune activité économique organisée, quelle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services. [47] Selon les informations au dossier de la Commission, Cellulaire Plus est une entreprise enregistrée au Québec qui vend des produits de téléphonie cellulaire; elle est notamment un détaillant autorisé de TELUS. Létablissement concerné est situé à Gatineau. [48] Cellulaire Plus exerce une activité économique organisée de nature commerciale qui consiste en la vente de produits et services. Il sagit donc dune entreprise au sens de larticle 1525 du C.c.Q. Lexercice de cette activité économique implique la collecte, la conservation, lutilisation et la communication de renseignements personnels. [49] Cellulaire Plus est donc assujettie aux dispositions de la Loi sur le privé. [50] TELUS prétend que la Commission na pas compétence parce que Cellulaire Plus applique ses politiques et quelle est, à titre dentreprise en télécommunication, soumise uniquement aux règles fédérales en matière de protection des renseignements personnels. Elle ajoute que la validation de lidentité dun client relève de ses fonctions essentielles qui sont effectuées pour son compte par ses détaillants. [51] La Commission nest pas de cet avis. [52] Dabord, tel quexposé précédemment, Cellulaire Plus est une entreprise au sens du C.c.Q. dont les activités consistent à exploiter un commerce de détail. À ce titre, elle est soumise à la Loi sur le privé, loi dapplication générale qui, tel que le stipule larticle 1, sapplique à légard des renseignements personnels sur autrui quune personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à loccasion de lexploitation dune entreprise. [53] Dautre part, pour conclure à linapplicabilité de la Loi sur le privé comme le soutient TELUS, la Commission devrait conclure que cette loi affecte un élément vital ou essentiel de lentreprise, au point dentraver le plein exercice de la compétence fédérale en matière de télécommunication 12 . Cette conclusion 12 Téléphone Guèvremont Inc. c. P. G. Québec, préc., note 4.
1005592 Page : 11 doit reposer sur des éléments concrets et probants et non sur la seule allégation de lentreprise. Comme la souligné récemment la Cour suprême 13 : [63] Quoique lexclusivité des compétences demeure une doctrine constitutionnelle valide, la Cour a dénoncé le recours exagéré à celleci. Une application élargie de cette doctrine est à contrecourant de la conception moderne du fédéralisme coopératif qui préconise lapplication, dans la mesure du possible, des lois adoptées par les deux ordres de gouvernement. […] [64] Dans les rares circonstances dans lesquelles la doctrine de lexclusivité des compétences sapplique, la loi provinciale sera inapplicable dans la mesure son application « entraverait » le contenu essentiel dune compétence fédérale. Il y a entrave lorsquil y a « atteinte grave ou importante » à la compétence fédérale, particulièrement à notre « époque de fédéralisme coopératif souple » […]. [54] Or, les faits au dossier et les observations présentées par Cellulaire plus et TELUS ne démontrent pas en quoi lapplication de la Loi sur le privé, dans le cas de la vérification de lidentité dun client en vue de vérifier sa solvabilité, constitue une partie essentielle du rôle, du mandat et des activités de télécommunication. Elles nont fourni aucun élément concret permettant à la Commission de conclure que cette activité est absolument nécessaire à lexploitation de lentreprise TELUS dans ce qui constitue sa spécificité fédérale et faisant partie du contenu essentiel de la compétence fédérale sur les télécommunications 14 . [55] La Loi sur le privé sapplique donc à une entreprise de télécommunication, dans la mesure elle naffecte pas un élément essentiel dune compétence fédérale, de manière à lentraver, lempêcher ou à en restreindre le plein exercice 15 . [56] Plusieurs entreprises ont à valider lidentité de leurs clients et à vérifier leur solvabilité dans le cadre de lexercice de leurs activités. Il ne sagit pas dune activité propre à la télécommunication. 13 Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55. 14 Voir notamment : Banque canadienne de lOuest c. Alberta, 2007 CSC 22; 15 Voir notamment : Banque canadienne de lOuest c. Alberta, préc., note 14; Banque de Montréal c. Marcotte, préc., note 13; Irwin Toy Ltd c. Québec, [1989] 1 RCS 927; Procureur général de la Colombie-Britannique c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23.
1005592 Page : 12 [57] Tel quexposé précédemment, cette vérification ou validation de lidentité dune personne et la vérification de son dossier de crédit peuvent se faire sans quil soit nécessaire de recueillir des identifiants, tel le NAS ou le numéro de permis de conduire. Si Cellulaire Plus doit cesser la collecte de ces renseignements lorsquelle procède à la mise en service dappareils sans fil sur le réseau de TELUS, rien nindique que cette dernière entreprise serait empêchée, restreinte ou entravée dans ses activités de télécommunication. [58] Par ailleurs, la Commission et la Cour du Québec ont déjà conclu à lapplication de la Loi sur le privé à des entreprises de compétence fédérale 16 . [59] Enfin, TELUS soumet que le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada considère raisonnable de demander deux pièces didentité pour confirmer la solvabilité ou lidentité dun client potentiel en vertu des dispositions de la LPRPDE. [60] Or, la lecture du résumé des conclusions de lenquête effectuée en vertu de la LPRPDE sur laquelle se fonde TELUS ne permet pas à la Commission de conclure que deux pièces didentité peuvent être recueillies par une entreprise à des fins didentification du client et de vérification de sa solvabilité. En effet, on y précise : […] le Commissariat a conclu quil est raisonnable dobtenir deux pièces didentité pour confirmer la solvabilité ou lidentité. […] La commissaire adjointe est en désaccord avec le fait que lentreprise ait besoin de trois pièces didentité pour parvenir à ses fins. Ainsi, elle fait observer que le permis de conduire ou le passeport permettent de constater visuellement lidentité et la date de naissance afin dobtenir des renseignements exacts de lagence dévaluation du crédit. En conjuguant lun ou lautre de ces documents à une carte de crédit ou à de linformation bancaire (qui appuie la validation de lidentité et lexactitude des renseignements de solvabilité), lentreprise peut encore atteindre ses objectifs. [Nos soulignements]. 16 Voir notamment : Nadler c. Rogers Communications Inc., 2014 QCCQ 5609; Lamarre c. Banque Laurentienne, C.A.I. 99 09 63, 21 août 2002, c. Boissinot, Laporte et Stoddart, AZ- 5014474; Pierre c. Fédéral Express Canada Ltée, [2003] CAI 139; Rioux c. Recyclage Kebec inc., [2000] CAI 117; Jabre c. Middle East Airlines-AirLiban S.A.L., [1998] C.A.I. 404; Laperrière c. Air Canada, révision accordée pour dautres motifs (C.S., 1997-10-08, appel rejeté (C.A., 2000-0420). Contra : Zappone c. Banque nationale du Canada, CAI 04 09 30, 25 août 2006, c. Constant; Air Canada c. CAI et al., 2003 CanLII 1018 (QC CS), appel pendant, 2003-10-02.
1005592 Page : 13 [61] Tel quindiqué précédemment, la Commission considère quil faut distinguer la validation de lidentité dune personne en lui demandant de voir une pièce didentité, de la nécessité de recueillir les informations qui y sont contenues, tel un NAS ou un numéro de permis de conduire. Le Commissaire fédéral à la vie privée fait également cette distinction dans divers documents diffusés sur son site Internet 17 . [62] Quoi quil en soit, dans léventualité la conclusion du Commissaire fédéral soit que la collecte de deux identifiants était justifiée dans un contexte similaire à celui faisant lobjet de la présente plainte, la Commission ne croit pas que cela dispense Cellulaire Plus ou TELUS de respecter les dispositions de la Loi sur le privé applicables en lespèce. [63] En effet, la Cour suprême indique que sil est possible pour une entreprise de se conformer aux lois fédérale et provinciale en satisfaisant aux critères de la loi la plus stricte, il ny a pas de conflit 18 . De plus, cest à la partie qui invoque la prépondérance fédérale quincombe le fardeau de la preuve : elle « doit dabord établir lobjet de la loi fédérale pertinente et ensuite prouver que la loi provinciale est incompatible avec cet objet » 19 . [64] En effet, elle favorise, dans des décisions plus récentes, une interprétation visant la conciliation des lois provinciales et fédérales applicables à une situation donnée, surtout lorsque les deux lois poursuivent, par des moyens semblables, le même objet et la même finalité. [65] En lespèce, la Loi sur le privé et la LPRPDE visent le même objectif, soit la protection des renseignements personnels, donc du public. Elles limitent toutes deux la collecte de renseignements personnels et prévoient que seuls les renseignements nécessaires peuvent être recueillis par une entreprise 20 . [66] En labsence de démonstration dun conflit entre les deux lois précitées, la Commission conclut que la collecte de renseignements personnels didentité dun client en vue de vérifier sa solvabilité est soumise aux règles applicables de la Loi sur le privé et quelle a compétence pour statuer sur la présente plainte. 17 Voir notamment : Pratiques exemplaires pour lutilisation des numéros dassurance sociale dans le secteur privé, Fiche dinformation, en ligne: <https://www.priv.gc.ca/resource/fs- fi/02_05_d_21_f.asp>; Directive sur lidentification avec photo, Fiche dinformation, Septembre 2007, en ligne : https://www.priv.gc.ca/resource/fs-fi/02_05_d_34_tips_f.asp, consulté le 19 septembre 2014. 18 Procureur général de la Colombie-Britannique c. Lafarge Canada Inc., préc., note 15. 19 Banque de Montréal c. Marcotte, préc., note 13, par. 73. 20 Article 5 de la Loi sur le privé et article 5 et principe 4.4 de lannexe de la LPRPDE.
1005592 Page : 14 CONCLUSION [67] À la lumière de lenquête et des observations de Cellulaire Plus et de TELUS, la Commission conclut que lentreprise Cellulaire Plus a contrevenu à larticle 5 de la Loi sur le privé en recueillant des renseignements personnels non nécessaires à lobjet du dossier. [68] Cellulaire Plus doit donc cesser toute collecte de renseignements personnels qui ne sont pas nécessaires à lobjet du dossier dun client lors de la mise en service dun téléphone cellulaire. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [69] DÉCLARE la plainte fondée. [70] ORDONNE à Cellulaire Plus de cesser de recueillir le NAS, le numéro de permis de conduire et une copie dune pièce didentité dune personne dans le cadre de la mise en service dun téléphone cellulaire. Diane Poitras Juge administratif
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