Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 081847 Date : Le 7 février 2014 Membre: M e Christiane Constant … Plaignante c. VILLE DE QUÉBEC Organisme DÉCISION OBJET PLAINTE en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . [1] Le 25 septembre 2008, madame … (la plaignante) formule une plainte à la Commission d’accès à l’information (la Commission) à l’endroit de la Ville de Québec (l’organisme), lui reprochant d’avoir communiqué des renseignements personnels la concernant à des tiers. [2] En effet, la plaignante allègue que M. A. , son supérieur immédiat, a communiqué à d’autres employés des renseignements personnels à caractère médical la concernant, alors qu’elle n’y avait pas consenti. [3] La Commission a procédé à une enquête en vertu de l’article 123 de la Loi sur l’accès. 1 L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
081847 Page : 2 LES FAITS [4] L’enquête démontre que le 27 juin 2008, M. A , supérieur immédiat de la plaignante, a fait parvenir un courriel à M. B, directeur de la Division exploitation et entretien du Service de la gestion des immeubles, dont une copie a été envoyée à E. , infirmier, et F. , contremaître au sein de la même division que M. A., concernant la plaignante. Plus précisément, ce courriel spécifiait que celle-ci avait consulté son médecin traitant deux jours auparavant en raison de « douleur au centre du dos », que celui-ci lui a fait une recommandation pour un suivi en physiothérapie, qu’elle a déjà été en arrêt de travail pour des douleurs similaires et que sa physiothérapeute lui recommande de faire la physiothérapie trois jours par semaine. [5] Ce courriel a été transmis aux destinataires dans le cadre d’une réclamation faite par la plaignante auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) eu égard à un accident de travail. Version des faits de l’organisme [6] Dans le cadre de l’enquête, M e … , responsable de l’accès au sein de l’organisme, transmet à la Commission une lettre que lui a fait parvenir M me … , conseillère en ressources humaines santé et sécurité au travail (la conseillère). Cette lettre représente la position de l’organisme, à laquelle M e souscrit. [7] Selon la conseillère, le courriel de M. A. fait suite à un accident de travail subi par la plaignante le 25 juin 2008. Lorsque survient un accident de travail, le gestionnaire doit enquêter et analyser cet accident en vertu de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles 2 et de la Loi sur la santé et la sécurité du travail 3 . [8] La conseillère indique notamment : [...] Dans le cas qui nous occupe, M. A., contremaître à l’entretien général, est le supérieur immédiat de M me ... Il est rattaché à la Division exploitation et entretien du Service de la gestion des immeubles. Du même Service, M. B. est 2 L.R.Q,. c. A-3.001, ATMP. 3 L.R.Q., c. S-2.1, LSST.
081847 Page : 3 en copie conforme, car il est le directeur de la Division exploitation et entretien. Quant à M. F. , il est contremaître dans la même Division et chargé de remplacer M. A. . […] D’autre part, nous attirons votre attention sur le fait qu’il n’y a aucun diagnostic indiqué au courriel et la plupart des informations dont dispose le gestionnaire proviennent de la travailleuse elle-même puisque M. A. en fait état. […] [9] À la suite de l’enquête, un rapport factuel est transmis par la Commission le 22 septembre 2009 à la plaignante et à l’organisme afin d’obtenir leurs observations respectives. [10] Le 19 octobre 2009, la conseillère de l’organisme transmet une lettre à M e … qui en fait parvenir une copie à la Commission. Cette lettre réfère à la plainte déposée par la plaignante auprès de la Commission : [....] Nous tenons à préciser que la plainte de M me …, datée du 25 septembre 2008, a d’abord été transmise à M me C., directrice du Service des ressources humaines, pour considération et analyse. M me C. a donc fait appel à M. D., directeur de la Division santé et sécurité au travail, puisque c’est de M. E. , technicien-infirmier, dont il était question dans la plainte et qu’il relevait de M. D . En tant que responsable de la gestion des dossiers d’invalidité, M. D. a personnellement demandé à la soussignée d’émettre ses commentaires puisqu’elle coordonne le travail des membres de cette équipe. [11] M e … informe la Commission qu’elle souscrit aux explications additionnelles fournies par la conseillère, ajoutant que les personnes mentionnées par celle-ci dans sa lettre sont les supérieurs de la plaignante selon le quart de travail où elle travaille, d’une part. D’autre part, les renseignements divulgués sont ceux qui apparaissent dans le formulaire de l’organisme intitulé « Déclaration et analyse d’un accident de travail » « DAAT » signé par la plaignante le 26 juin 2008. Ce formulaire est destiné à la CSST. [12] La plaignante, pour sa part, maintient sa position selon laquelle ses renseignements personnels de nature médicale ont été communiqués, sans son
081847 Page : 4 consentement, à des personnes autres que celle qui était responsable de son dossier d’invalidité. [13] Le 7 mai 2013, un avis d’intention est transmis à l’organisme par la Commission, demandant à celui-ci de lui faire parvenir dans un délai précis ses observations relatives à la communication des renseignements personnels de la plaignante par M. A. aux destinataires qui y sont identifiés et d’expliquer en quoi ils avaient la qualité pour recevoir ces renseignements personnels. [14] La Commission demande également à l’organisme de lui faire savoir en quoi la référence aux accidents de travail antérieurs de la plaignante, de même que la position que pourrait prendre l’organisme advenant une réclamation pour un accident de travail étaient nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions. De plus, la Commission informe l’organisme qu’advenant qu’elle déclare la plainte fondée, elle pourrait émettre des ordonnances ou des recommandations à son égard. [15] L’organisme n’a pas donné suite à cet avis d’intention. ANALYSE [16] L’enquête a été menée en vertu de l’article 123 de la Loi sur l’accès et la Commission rend la présente décision en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 129 de cette loi : 123. La Commission a également pour fonctions: 1° de faire enquête sur l'application de la présente loi et sur son observation; 2° d'approuver les ententes conclues entre les organismes en vertu de l'article 172; 3° de donner son avis sur les projets de règlement qui lui sont soumis en vertu de la présente loi, sur les projets d'entente de transfert de renseignements, de même que sur les projets de décrets autorisant l'établissement de fichiers confidentiels; 4° d'établir, si elle le juge opportun, les règles de tenue du registre visé à l'article 67.3; 5° de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans les dossiers ayant trait à l'adoption d'une personne et détenus par un organisme public;
081847 Page : 5 6° de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. 129. La Commission, ses membres et toute personne qu'elle charge de faire enquête pour l'application de la présente section sont investis, à cette fin, des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement. Les enquêtes de la Commission sont faites selon un mode non contradictoire. Au terme d'une enquête, la Commission peut, après avoir fourni à l'organisme public l'occasion de présenter ses observations écrites, lui ordonner de prendre les mesures qu'elle juge appropriées. [17] Les faits relatifs à la transmission du courriel et au contenu de celui-ci ne sont pas niés par l’organisme. Ce dernier précise cependant que tous les destinataires du courriel devaient en prendre connaissance, en raison de leurs fonctions respectives et afin de prendre les mesures nécessaires pour ne pas compromettre l’état de santé de la plaignante. Par exemple : • M. A. , l’auteur du courriel, est contremaître et superviseur immédiat de la plaignante. Il est rattaché à la Division exploitation et entretien du Service de la gestion des immeubles; • M. B. est le directeur de cette division; • M. F. est contremaître de cette division; il est aussi appelé à remplacer M. A. ; • M. E. , infirmier, travaille au Bureau de la santé de l’organisme. [18] L’enquête de la Commission a fait ressortir que les renseignements de la plaignante qui ont été communiqués aux destinataires ci-dessus mentionnés sont personnels. Il s’agit de renseignements de nature médicale qui la concernent. Par exemple, M. A , auteur du courriel du 27 juin 2008, indique notamment : « E. m’a expliqué que madame a déjà eu dans un passé récent ce genre ou type de douleur avec des restrictions et des traitements en Physio. […] madame semble ne plus être en condition pour effectuer ce type d’entretien si je regarde son passé sur le portail, elle a eu à
081847 Page : 6 quelques occasions des arrêts de travail, avec douleurs apparentes à celle de ce moment-ci. » [19] L’organisme doit donc démontrer, conformément au premier alinéa de l’article 62 de la Loi sur l’accès, qu’il pouvait communiquer les renseignements personnels de la plaignante, sans le consentement de celle-ci, et que cette communication était nécessaire à l’exercice des fonctions de toutes les personnes à qui le courriel était destiné et qu’elles avaient la qualité pour le recevoir. [20] À cet égard, l’article 62 de la Loi sur l’accès prévoit : 62. Un renseignement personnel est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5° du premier alinéa de l'article 81. [21] Ainsi, comme l’indique la Commission dans la décision X et Secrétariat du Conseil du Trésor 4 , il faut non seulement s’interroger sur la qualité d’une personne pour recevoir un renseignement sans le consentement de la personne concernée, mais également sur la nécessité que cette même personne en prenne connaissance. [22] À la lumière des observations soumises par l’organisme les 6 février et 22 septembre 2009, la Commission estime qu’en raison des fonctions occupées par MM. B. et E. , ceux-ci avaient la qualité pour recevoir, au sens de l’article 62 de la Loi sur l’accès, les renseignements personnels concernant la plaignante, de sorte que le consentement de celle-ci n’était pas nécessaire. [23] En effet, au moment du dépôt de la plainte, il est indiqué que M. B. est directeur et le supérieur de M. A. , ce dernier étant le superviseur de la plaignante. M. B. a le droit d’être informé des activités de M. A. eu égard notamment à la gestion des dossiers d’assiduité des employés qui sont sous sa responsabilité, y compris la plaignante. 4 X. c. Secrétariat du Conseil du Trésor, C.A.I. 031553, 17 juillet 2009, c. Constant et Saint-Laurent.
081847 Page : 7 [24] M. E. , pour sa part, est infirmier et travaille au Bureau de la santé de l’organisme, dont M. D. est le directeur et responsable de la gestion des dossiers d’invalidité. Les fonctions occupées par M. E. font en sorte qu’il pouvait être informé de l’état de santé de la plaignante et du contenu du formulaire « DAAT » de l’organisme destiné à la CSST qui a été complété par la plaignante. De plus, M. E. doit fournir à la CSST tout renseignement susceptible de l’aider à mieux comprendre les circonstances de la réclamation. [25] En fait, dans le cadre de leurs fonctions, il était nécessaire que MM B. et E. aient accès aux renseignements personnels concernant la plaignante et qu’ils avaient la qualité pour les recevoir. La Commission estime que les conditions prévues à l’article 62 de la Loi sur l’accès ci-dessus mentionné sont satisfaites. [26] Cependant, la Commission considère que les explications fournies par l’organisme lui permettent de conclure qu’il n’était pas nécessaire que M. A. partage avec M. F. les renseignements personnels concernant la plaignante. Le fait que celui-ci soit un gestionnaire au sein de l’organisme et qu’il soit appelé à remplacer M. A. ne signifie pas qu’il doive avoir un accès automatique aux renseignements personnels des employés, incluant la plaignante, lorsqu’il n’exerce pas ces fonctions. [27] La Commission considère qu’au moment de la communication des renseignements personnels de la plaignante, M. F. n’avait pas la qualité pour recevoir, dans l’exercice de ses fonctions, les renseignements qui sont décrits dans le courriel du 27 juin 2008. [28] Dans ces circonstances, la Commission estime qu’il y a lieu d’ordonner à l’organisme de prendre des mesures concrètes afin de s’assurer que les renseignements personnels de ses employés soient traités de façon confidentielle et que seules les personnes ayant la qualité pour les recevoir et pour qui ces renseignements sont nécessaires à l’exercice de leurs fonctions puissent en obtenir une copie. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [29] DÉCLARE la plainte fondée en partie; [30] ORDONNE à l’organisme de cesser de communiquer à des personnes non autorisées des renseignements personnels de nature médicale concernant ses employés dans un contexte de réclamation à la suite d’un accident de travail;
081847 Page : 8 [31] ORDONNE à l’organisme de s’assurer que ses directives en matière d’accès à des renseignements personnels par ses gestionnaires et ses employés soient conformes aux dispositions de l’article 62 de la Loi sur l’accès; [32] ORDONNE de plus à l’organisme de s’assurer que ces directives soient diffusées auprès de ses gestionnaires et employés. Christiane Constant Juge administratif M e … Avocate de l’organisme
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