Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 100980 Date : Le 20 décembre 2013 Membre: M e Diane Poitras … Plaignante et SOCIÉTÉ POUR LA PRÉVENTION DE LA CRUAUTÉ ENVERS LES ANIMAUX (SPCA MONTRÉAL) Entreprise DÉCISION OBJET PLAINTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] Le 1 er juin 2010, la Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie d’une plainte à l’endroit de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de Montréal (l’entreprise) concernant la collecte de renseignements personnels au sujet de M me … (la plaignante). [2] La plaignante allègue qu’on lui a demandé de remplir un formulaire visant à recueillir plusieurs renseignements personnels la concernant, notamment son numéro de permis de conduire et son lieu de résidence, lorsqu’elle s’est présentée pour visiter des animaux lors de l’événement « Félinomania ». 1 L.R.Q., c. P-39.1, la Loi sur le privé.
100980 Page : 2 [3] À la suite de ces allégations, la Commission a procédé à une enquête. La plaignante et l’entreprise ont transmis à l’analyste enquêteur de la Commission leur version des faits et certains documents. LES FAITS [4] L’enquête a démontré que l’entreprise recueille, dans un formulaire, divers renseignements personnels qui ne sont pas en lien avec l’adoption d’un animal, notamment le numéro de permis de conduire ou le numéro d’assurance maladie d’une personne, des renseignements concernant ses déménagements et les allergies des membres de sa famille, incluant celles qui ne sont pas liées à la présence d’un animal. [5] De plus, cette personne n’est pas informée de l’objet du dossier que l’entreprise constitue à son sujet, de l’utilisation qui sera faite des renseignements recueillis, des catégories de personnes qui y auront accès au sein de l’entreprise, de l’endroit où sera détenu son dossier, de même que de ses droits d’accès et de rectification. [6] L’enquête démontre également que l’entreprise détient ce qu’elle appelle une « liste noire » contenant le nom, prénom, adresse des personnes qui ont retourné ou abandonné un animal à l’entreprise et le motif de cet abandon. Le « Manuel – Formation théorique – conseillers à l’adoption » de l’entreprise, daté de 2011/2012, en fait d’ailleurs mention. Ces renseignements sont recueillis à l’insu des personnes concernées. Toutefois, l’entreprise a indiqué à l’analyste enquêteur qu’elle n’utilisait plus ce document. Observations et avis d’intention [7] La Commission a transmis une copie du rapport d’enquête à l’entreprise et lui a permis de présenter ses observations. L’entreprise n’a pas contesté l’essentiel des faits contenus dans le rapport d’enquête. Elle a expliqué pourquoi elle collige ces renseignements personnels et répondu aux questions de l’analyste enquêteur de la Commission. [8] Le 20 juin 2013, la Commission a transmis à l’entreprise un avis d’intention l’invitant à transmettre ses observations, le cas échéant. Cet avis prévenait l’entreprise que la Commission pourrait, à la lumière des faits du présent dossier, lui ordonner de :
100980 Page : 3 - Cesser de colliger le numéro de permis de conduire, le numéro d’assurance maladie ou tout autre numéro d’identification d’une personne pour l’adoption d’un animal ou à des fins de contrôle de la foule lors de la journée « Félinomania »; - Cesser de recueillir, dans le formulaire d’adoption d’un animal, des renseignements concernant des allergies qui ne sont pas en lien avec l’adoption et le nombre de personnes qui habitent avec une personne qui souhaite adopter; - Détruire la liste noire ou « Black list » à laquelle réfère le « Manuel – Formation théorique – conseillers à l’adoption » daté de 2011/2012; - Prendre les mesures nécessaires afin de se conformer à l’article 8 de la Loi sur le privé, notamment informer la personne qui complète le questionnaire d’adoption ou celui pour devenir famille d’accueil de l’objet du dossier que l’entreprise constitue à son sujet, de l’utilisation qui sera faite des renseignements recueillis, des catégories de personnes qui y auront accès au sein de l’entreprise, de l’endroit où sera détenu son dossier, de même que de ses droits d’accès et de rectification. [9] À la suite de cet avis, l’entreprise sollicite une rencontre à la Commission afin de proposer des pistes de solutions. Elle précise qu’elle a déjà évalué comment elle pourrait modifier ses formulaires d’adoption et d’abandon d’animaux eu égard aux recommandations contenues au rapport d’enquête et qu’elle aimerait en discuter. [10] La Commission mandate donc un médiateur pour communiquer avec l’entreprise à ce sujet. [11] Au terme de cette médiation, l’entreprise écrit à la Commission le 4 décembre 2013. Dans un premier temps, elle explique pourquoi elle recueille certaines informations personnelles. Essentiellement, elle indique que la collecte de renseignements au sujet des personnes qui souhaitent adopter un animal est requise pour s’assurer que leurs conditions de vie sont favorables à une adoption réussie et éviter un nouvel abandon de l’animal. [12] En ce qui concerne la « liste noire », l’entreprise explique qu’il s’agit d’une liste de personnes qu’elle considère non éligibles à l’adoption d’un animal au motif qu’elles ont déjà été condamnées pour cruauté envers les animaux, ont un historique de violence ou d’abus envers un animal ou d’abandons répétés.
100980 Page : 4 L’entreprise souligne qu’elle considère inapproprié de confier un animal à des personnes ayant pareil historique compte tenu de sa mission de protection des animaux. Le nom de cette liste a été modifié pour « No-adopt List ». [13] En plus de ces observations, l’entreprise propose de modifier ses pratiques dans un délai de trois mois, de la façon suivante : - At the time of animal adoptions, as it is necessary to be able to follow-up so as to ensure the well-being and safety of adopted animals, the SPCA shall request identification such as a health card or valid driver’s license, but solely with a view of ensuring accurate coordinates. The SPCA shall make no copies and keep no information presented on the card other than the adopting party’s address; - The SPCA shall destroy any copies of driver’s licenses and health cards presently kept in any adoption records; - In light of the justification hereinabove, the SPCA shall modify its request in relation to the number of years an adopting party has resided at his or her current address to request the following: How many times have you moved in the past five (5) years, and do you intend on moving in the near future? - The SPCA undertakes to modify its request for information pertaining to allergies, limiting the request so as to read as follows: Does the adopting party or any person living at the residence where the adopted animal will be kept have any allergies to animals, if so, specify. - A clear explanation shall appear on all animal adoption forms pertaining to the collection of personal information reflecting that specific conduct of an adopting party can result in their ineligibility for future adoption and their name could be added to a list of persons who are ineligible for future adoption; - The list of persons ineligible for adoption for the reasons explained more fully hereinabove (the “no-adopt” list) shall be limited to the following information: The person’s name; The person’s contact information; - The SPCA shall take the following measures to ensure that the personal information collected in relation to adoption remains confidential:
100980 Page : 5 Any paper documents shall be kept in locked files or in a locked room; All electronic documents shall be protected with a password; Access to all personal information will be limited to the employees and volunteers of the SPCA directly involved with the adoption process; It is also of note that authorized personnel of the SPCA involved in the adoption process may access the electronic files pertaining to adoption off-site through the Internet by Iogging into a network protected by password. Off-site access by Internet is strictly limited to authorized personnel of the SPCA. - All applicants shall be allowed to consult the information conserved by the SPCA which specifically pertains to them; - The information collection forms pertaining to adoption at the SPCA shall include the following explanations: Paper and/or electronic information contained in the form shall be kept on record at the SPCA so as to allow the SPCA to proceed with any follow-up, if necessary, and to ensure the well-being and safety of adopted animals; The record kept by the SPCA shall remain confidential and only be accessible by the SPCA’s employees and volunteers involved in the adoption process; Inappropriate conduct such as abuse to animaIs, or repetitive returning of adopted animals can result in an adopting party’s name and contact information being added to a list of ineligibility for future adoption; All personal information conserved by the SPCA shall be kept at the SPCA’s offices located at 5215 Jean-Talon West, Montreal (Quebec) H4P 1X4 and may be consulted upon request during normal business hours; requests for rectification may also be made upon request; - Employees and volunteers of the SPCA shall be trained so as to ensure that the abovementioned undertakings are respected.
100980 Page : 6 Analyse [14] Dans le présent dossier, l’entreprise ne conteste pas les faits contenus au rapport d’enquête de la Commission. [15] Elle convient, à la suite de différents échanges avec la Commission, de modifier certaines de ses pratiques afin de se conformer aux dispositions de la Loi sur le privé relatives à la collecte de renseignements personnels. [16] La Loi sur le privé prévoit qu’une entreprise peut recueillir uniquement les renseignements personnels nécessaires à l’objet d’un dossier. Elle prévoit également que nul ne peut refuser un bien ou un service à cause du refus d’une personne de fournir un renseignement personnel, à moins que cette collecte soit nécessaire à la conclusion ou à l’exécution du contrat, autorisée par la loi ou qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la demande n’est pas licite. [17] Enfin, la Loi sur le privé prévoit qu’une entreprise doit informer une personne de l’objet du dossier qu’elle constitue à son sujet, de l’utilisation qui sera faite des renseignements recueillis, des catégories de personnes qui y auront accès au sein de l’entreprise, de l’endroit où sera détenu son dossier, de même que de ses droits d’accès et de rectification. [18] Plus précisément, les dispositions pertinentes de la Loi sur le privé se lisent comme suit : 4. Toute personne qui exploite une entreprise et qui, en raison d'un intérêt sérieux et légitime, peut constituer un dossier sur autrui doit, lorsqu'elle constitue le dossier, inscrire son objet. Cette inscription fait partie du dossier. 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. 8. La personne qui recueille des renseignements personnels auprès de la personne concernée doit, lorsqu'elle constitue un dossier sur cette dernière, l'informer: 1° de l'objet du dossier;
100980 Page : 7 2° de l'utilisation qui sera faite des renseignements ainsi que des catégories de personnes qui y auront accès au sein de l'entreprise; 3° de l'endroit où sera détenu son dossier ainsi que des droits d'accès ou de rectification. [19] Considérant la mission de protection des animaux de l’entreprise, la Commission conclut qu’elle a démontré la nécessité de recueillir des renseignements au sujet des personnes condamnées pour cruauté envers les animaux, ayant un historique de violence ou d’abus envers un animal ou d’abandons répétés. De plus, la Commission constate que cette collecte ne se fera plus à l’insu de ces personnes, comme le prévoit la Loi sur le privé. [20] D’autre part, à la lumière des commentaires et des propositions de l’entreprise contenus dans sa lettre du 4 décembre 2013, la Commission se déclare satisfaite des modifications qu’elle entend apporter à ses pratiques en matière de collecte de renseignements personnels lors du processus d’adoption. [21] En effet, les modifications que l’entreprise apportera à ses formulaires d’adoption limiteront la collecte de renseignements personnels concernant les allergies, les déménagements et l’identification des personnes aux seuls renseignements nécessaires à l’objet du dossier. L’ajout d’explications relatives à la collecte de renseignements personnels sur ces formulaires permettra également à l’entreprise de se conformer à son obligation d’information prévue par la Loi sur le privé. [22] En ce qui concerne l’identification des personnes qui souhaitent adopter un animal, la Commission tient à rappeler les dispositions du Code de la sécurité routière 2 et de la Loi sur l’assurance maladie 3 qui prévoient qu’une entreprise ne peut exiger qu’une personne présente sa carte d’assurance maladie ou son permis de conduire pour s’identifier : Code de la sécurité routière 61. La Société délivre les permis suivants autorisant la conduite de véhicules routiers: le permis d'apprenti-conducteur, le permis probatoire, le permis de conduire et le permis restreint. 2 L.R.Q., c. C-24.2. 3 L.R.Q., c. A-29.
100980 Page : 8 Le titulaire d'un permis n'est tenu de produire celui-ci qu'à la demande d'un agent de la paix ou de la Société et à des fins de sécurité routière uniquement. Loi sur l’assurance maladie 9.0.0.1. La production de la carte d'assurance maladie ou de la carte d'admissibilité ne peut être exigée qu'à des fins liées à la prestation de services ou à la fourniture de biens ou de ressources en matière de santé ou de services sociaux dont le coût est assumé par le gouvernement, en tout ou en partie, directement ou indirectement, en vertu d'une loi dont l'application relève du ministre de la Santé et des Services sociaux. [23] Le choix de la pièce d’identité devra donc être laissé à l’individu qui pourra présenter une autre pièce d’identité valable. La Commission comprend également qu’aucun numéro apparaissant sur ces cartes ne sera recueilli par l’entreprise et qu’aucune copie n’en sera faite. Conclusion [24] En conséquence, la Commission considère que la plainte est fondée puisque l’entreprise recueillait des renseignements personnels qui n’étaient pas nécessaires à l’adoption d’un animal et qu’elle ne se conformait pas à son devoir d’information de la personne concernée lors de la constitution d’un dossier à son sujet. [25] Toutefois, à la lumière des engagements pris par l’entreprise dans sa lettre datée du 4 décembre 2013, la Commission conclut qu’aucune ordonnance n’est requise en l’espèce. L’entreprise a manifesté clairement son intention de se conformer aux dispositions législatives précitées et s’est engagée à modifier ses pratiques en conséquence, le tout à la satisfaction de la Commission. [26] La Commission ferme donc le présent dossier. Diane Poitras Juge administratif
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