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Commission daccès à linformation du Québec Dossier : 1005359 Date : Le 4 novembre 2013 Membre: M e Diane Poitras Plaignante et LA RONDE (PARC SIX FLAGS MONTRÉAL) Entreprise DÉCISION OBJET PLAINTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . [1] La Commission daccès à linformation (la Commission) est saisie dune plainte à lendroit de La Ronde Parc Six Flags de Montréal (lentreprise) concernant la collecte de renseignements personnels. M me (la plaignante) reproche à lentreprise davoir recueilli des renseignements personnels qui nétaient pas nécessaires à lobjet du dossier, soit lémission dune carte dembarquement prioritaire aux manèges. À cette fin, lentreprise lui aurait demandé le diagnostic médical de son fils handicapé. [2] La Commission a procédé à une enquête conformément à larticle 81 de la Loi sur le privé et les parties ont présenté leurs observations. 1 L.R.Q., c. P-39.1, la Loi sur le privé.
1005359 Page : 2 LES FAITS [3] En 2012, la plaignante se rend à La Ronde avec son fils atteint dun handicap important non visible. Lentreprise offre aux personnes handicapées et à leur accompagnateur le privilège de réduire ou déliminer leur temps dattente en leur offrant un accès prioritaire aux manèges auxquels ils peuvent avoir accès en toute sécurité. [4] Lorsque la demanderesse sest présentée à La Ronde avec son fils afin dobtenir une carte dembarquement lui permettant, pour la journée, de bénéficier de ce privilège, le service à la clientèle lui a demandé quel était le handicap ou le diagnostic de son fils. [5] Elle a présenté la carte dassurance maladie de ce dernier qui contient une vignette daccompagnement touristique et de loisir et souligné la présence dun chien guide les accompagnant. Lentreprise a jugé cela insuffisant et a exigé que la plaignante produise un document faisant état de la condition médicale ou du handicap de son fils et justifiant quil nétait pas en mesure de faire la file dattente. On lui a aussi offert de se doter dun passeport-saison, pour lequel elle naurait à fournir ce document quune seule fois. [6] La plaignante souligne que son fils a bénéficié de ce privilège dans le passé, sans quelle nait à communiquer ce renseignement. [7] Lentreprise ne nie pas les faits. Elle explique que dans le cas dun handicap visible, une personne en fauteuil roulant par exemple, aucune preuve nest requise. [8] Toutefois, lorsquun handicap nest pas visible, elle exige une preuve de lexistence dune condition médicale ou dun handicap justifiant que la personne nest pas en mesure de faire la file dattente. Cette preuve peut se faire par la production dune lettre dun médecin ou de tout autre document faisant état de la condition du client. [9] Lentreprise précise que dans le cas des cartes dembarquement dune journée, elle ne conserve aucune copie de ce document et aucun dossier nest constitué au sujet du client. [10] Dans le cas des passeports-saison, lentreprise exige également que le client produise un document faisant état de sa condition médicale, lors de lémission du passeport. Une vignette est alors apposée sur le passeport et vaut pour toute la saison.
1005359 Page : 3 [11] Une fois cette vérification faite, lentreprise inscrit dans un registre les renseignements personnels des détenteurs des passeports-saison ayant obtenu cette vignette. Ce registre comprend les nom, prénom et coordonnées du client, la raison de la demande, la nature de la preuve présentée, la date, le numéro de passeport-saison, le nom du préposé ayant fait cette vérification et celui de son superviseur. [12] Ce registre, conservé pour une période maximale de cinq ans, sert à lusage exclusif des employés du service à la clientèle afin déviter quune nouvelle preuve soit requise lors du renouvellement du passeport-saison. Il permet également de contrôler lutilisation frauduleuse des vignettes. OBSERVATIONS AU TERME DE LENQUÊTE [13] Au terme de lenquête, la Commission a transmis un avis dintention à lentreprise le 17 juillet 2013, linformant quelle envisage de lui ordonner de cesser de recueillir le diagnostic médical précis de ses clients afin démettre une carte dembarquement prioritaire ou la vignette correspondante dans le cas dun passeport-saison. Lentreprise a alors soumis des observations additionnelles. [14] Lentreprise précise quaucun dossier nest constitué au sujet dun client lors de lémission dune carte dembarquement prioritaire. Après avoir consulté la pièce justificative présentée par le client, lentreprise nen conserve aucune copie et ne recueille aucune information. [15] Dans le cas des passeports-saison, lentreprise justifie la collecte des renseignements par le fait quelle veut éviter quune demande pour bénéficier du privilège dembarquement prioritaire soit fondée sur de faux motifs. Elle précise que les informations consignées au registre permettent aux clients déviter davoir à démontrer de nouveau leur condition lors du renouvellement du passeport-saison et à lentreprise de contrôler lutilisation frauduleuse des vignettes. [16] Lentreprise précise que la preuve présentée par le client doit attester que sa condition médicale ou son handicap ne lui permet pas de faire la file dattente puisquil sagit du seul critère considéré pour loctroi de ce privilège. Cette preuve peut être faite par divers moyens, au choix du client, à la condition quelle permette à lentreprise de conclure que le client satisfait ce critère. Elle convient, comme le précise la demanderesse dans sa plainte, que ses employés ne disposent pas de lexpertise médicale nécessaire pour évaluer si la condition dun client lui permet de faire la file dattente ou non. Cest pourquoi lentreprise exige une preuve à cet effet.
1005359 Page : 4 [17] Aussi, lentreprise souligne quelle naccepte pas comme preuve suffisante de lexistence dune condition médicale ou dun handicap certaines vignettes qui ne font quattester quune personne est atteinte dun handicap, sans préciser lequel. En effet, ces vignettes ne lui permettent pas de conclure spécifiquement que cette condition empêche le client de faire la file dattente. [18] Lentreprise souligne que ce nest pas le diagnostic médical précis qui lui importe, mais la preuve de lincapacité du client à faire la file dattente. [19] Elle précise que la prévention de demandes frivoles ou frauduleuses visant lobtention de ce privilège constitue un motif sérieux et légitime justifiant la constitution dun dossier au sujet dune personne dans le cas des passeports-saison. Lentreprise soumet enfin que la collecte de renseignements médicaux lui permettant de déterminer quelles personnes peuvent bénéficier dune priorité daccès aux manèges en raison de leur condition médicale ou dun handicap est nécessaire au sens de la Loi sur le privé. ANALYSE [20] La Loi sur le privé établit certaines règles relatives à la protection des renseignements personnels quune entreprise doit respecter. Ces règles visent à établir un équilibre entre le droit dun individu au respect de sa vie privée et les besoins dune entreprise en matière de collecte, dutilisation et de communication de renseignements personnels dans le cadre de lexercice de ses activités. [21] À titre dentreprise 2 , La Ronde est soumise à ces règles, notamment celles relatives à la collecte de renseignements personnels. [22] En vertu de larticle 5 de la Loi sur le privé, lentreprise ne peut recueillir que les renseignements nécessaires à lobjet du dossier : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. 2 Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services (art. 1 de la Loi sur le privé et 1525 du C.c.Q.).
1005359 Page : 5 [23] Ainsi, seuls les renseignements nécessaires et requis pour lémission et la gestion dune carte dembarquement prioritaire ou dune vignette à cet effet sur un passeport-saison, permettant à un client de bénéficier de ce privilège, peuvent être recueillis par lentreprise. [24] Lenquête révèle que lentreprise ne recueille aucun renseignement personnel pour lémission dune carte dembarquement prioritaire valide pour une seule journée. En effet, bien quelle exige la présentation dune preuve dune condition médicale ou dun handicap du client justifiant son incapacité de faire une file dattente, lentreprise ne conserve pas de copie de ce document et ne recueille aucune information au sujet du client. [25] Soulignons que la Commission approuve la décision de lentreprise de laisser le choix au client du document ainsi présenté, dans la mesure il lui permet de déterminer si la condition médicale ou le handicap satisfont le critère justifiant loctroi de ce privilège, soit lincapacité de faire la file dattente. [26] Cette pratique ne contrevient donc pas à la Loi sur le privé. [27] Dans le cas des détenteurs de passeports-saison, lentreprise exige également une telle preuve. Une fois cette vérification faite, lentreprise inscrit dans un registre les renseignements personnels des détenteurs des passeports- saison ayant obtenus la vignette dembarquement prioritaire, soit les nom, prénom et coordonnées du client, la raison de la demande, la nature de la preuve présentée, la date, le numéro de passeport, le nom du préposé ayant fait cette vérification et celui de son superviseur. [28] La Commission considère que la collecte de renseignements médicaux nest pas nécessaire lors de loctroi du privilège dembarquement prioritaire. Certes lentreprise est justifiée de demander au client qui souhaite bénéficier de ce privilège et dont le handicap ou la condition médicale nest pas visible une preuve de lexistence dune condition lempêchant de faire la file dattente. Toutefois, une fois cette vérification effectuée, la collecte de renseignements nest pas requise pour lémission des passeports-saison, pas plus quelle nest nécessaire dans le cas de loctroi des cartes dembarquement dune journée. [29] Dailleurs, lentreprise reconnaît que ce nest pas le diagnostic médical précis qui lui importe, mais la preuve de lincapacité du client à faire la file dattente. Une fois cette démonstration faite, il nest pas nécessaire de conserver la preuve soumise par le client. [30] Lentreprise soutient également que la collecte de renseignements personnels, dans le cas des passeports-saison, vise deux objectifs : éviter que
1005359 Page : 6 le client nait à refaire cette preuve lors du renouvellement de son passeport-saison et permettre à lentreprise de contrôler lutilisation frauduleuse des vignettes qui y sont apposées. [31] Or, lentreprise na pas démontré en quoi la consignation du diagnostic médical dans le registre tenu à cet effet est requise afin datteindre ces objectifs. Lentreprise peut y consigner la nature du document consulté (ex. : attestation, certificat médical, etc.) et les renseignements personnels didentification, le numéro du passeport-saison et le nom des employés ayant effectué la vérification. [32] Les explications fournies à la Commission dans le cadre du présent dossier ne lui permettent pas de conclure que la collecte du diagnostic médical, de la nature du handicap ou de la condition médicale est nécessaire pour éviter au client de refaire cette preuve lors du renouvellement de son passeport ni pour permettre à lentreprise de contrôler lutilisation frauduleuse des vignettes. Les autres renseignements déjà consignés au registre suffisent pour atteindre ces objectifs. CONCLUSION [33] À la lumière de lenquête et des observations de lentreprise, la Commission conclut que celle-ci a contrevenu à larticle 5 de la Loi sur le privé en recueillant des renseignements personnels non nécessaires à lobjet du dossier, soit des renseignements médicaux tels le diagnostic, la nature du handicap ou de la condition médicale de certains de ses clients bénéficiant dun privilège. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [34] DÉCLARE la plainte fondée en partie; [35] ORDONNE à lentreprise de cesser de recueillir les renseignements qui ne sont pas nécessaires à la gestion du privilège dembarquement prioritaire accordé à certains de ses clients lors de lémission du passeport-saison, soit des renseignements médicaux tels le diagnostic et la nature du handicap ou de la condition médicale. Diane Poitras Juge administratif
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