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PV 97 17 29 ÉLISE PRADERES Plaignante c. LES IMMEUBLES DE LA MONTAGNE STE-CATHERINE (1974) INC. Entreprise-intimée LA PLAINTE La plaignante allègue qu'elle a été congédiée de son emploi à la boutique de vêtements pour dames Guy Laroche parce qu'elle a refusé de signer un formulaire autorisant l'entreprise-intimée à recueillir auprès d'un agent d'enquête et de crédit des renseignements sur sa solvabilité. LE CONTEXTE Le 16 juin 2000, l'enquête s'amorce à Montréal en présence des parties et de leur procureur. Une requête du procureur de l'entreprise-intimée est présentée aux termes de l'article 52 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 pour que la Commission d'accès à l'information du Québec (ci-après nommée « la Commission ») cesse d'examiner la présente plainte : 52. La Commission peut refuser ou cesser d'examiner une affaire si elle a des motifs raisonnables de croire que la demande est frivole ou faite de mauvaise foi ou que son intervention n'est manifestement pas utile. Le procureur de l'entreprise-intimée prétend que le questionnaire à la source de la présente plainte n'est plus utilisé par l'entreprise-intimée (pièce E-2)
PV 97 17 29 - 2 -et que celui-ci a été modifié, rendant le litige manifestement sans objet (pièce E-3). Il ajoute qu'une entente est intervenue entre les parties en 1998 au sujet du congédiement de la plaignante (pièce E-1 en liasse). Il reconnaît toutefois que cette dernière entente réserve les droits de la plaignante au sujet de la présente plainte, mais qu'il y est également prévu que la plaignante renonce à toute indemnité monétaire. L'examen de la plainte par la Commission devient dès lors, selon le procureur, théorique et purement académique. Le 6 octobre 2000, la Commission rejette, par décision préliminaire, la requête parce qu'elle est d'opinion que les faits qui lui ont été soumis jusqu'à présent ne lui permettent pas de conclure dans le même sens que le prétend l'entreprise-intimée. Selon la Commission, l'enquête sur le fond permettra d'apporter l'éclairage nécessaire à la situation qui nous est soumise eu égard à la protection des renseignements personnels. Le 6 mars 2001, l'enquête se poursuit en présence des parties. LA SITUATION RELATIVE À LA PLAINTE La plaignante raconte avoir travaillé comme couturière pour la Boutique Guy Laroche (ci-après nommée « la Boutique ») de 1975 à 1997 et que, depuis 1997, la Boutique est gérée par la Maison Ogilvy. Elle allègue avoir rencontré M me Vera Turko, directrice du personnel chez l'entreprise-intimée, le jeudi 6 février 1997, et, à ce moment, celle-ci lui a présenté le formulaire en litige (ci-après nommé « le formulaire ») pour qu'elle le remplisse (pièce E-2) : « Je déclare que tous les renseignements fournis par moi dans la formule d'application sont, au meilleur de ma connaissance, exacts et complets, et je reconnais que toute omission volontaire ou fausse déclaration de ma part peut constituer un motif suffisant de rejet de ma candidature ou de renvoi. Je consens à ce que Les Immeubles de la Montagne Ste. Catherine (1994) Inc. vérifie mes références et se 1 L.R.Q., c. A-2.1 (ci-après nommée « Loi sur l'accès » ou « la loi »).
PV 97 17 29 - 3 -renseigne sur ma solvabilité, et je dégage de toute responsabilité les personnes qui fourniront des renseignements à ce sujet. La compagnie se réserve le droit de ne m'embaucher que si elle obtient de bonnes références et des renseignements satisfaisants sur ma solvabilité. J'autorise également Les Immeubles de la Montagne Ste. Catherine (1994) Inc. à se procurer des renseignements additionnels d'une agence spécialisée. » Après une lecture sommaire du formulaire, la plaignante indique avoir requis de M me Turko un délai pour pouvoir l'analyser. Le lundi suivant, soit le 10 février 1997, elle en arrive à la conclusion que le formulaire est illégal. Elle rencontre de nouveau M me Turko, le 11 février, en présence cette fois de la secrétaire de cette dernière et d'une autre personne, pour l'informer qu'elle ne signera pas ledit formulaire. Elle signale avoir rencontré pendant presque une heure M. Bernard Paré, président de l'entreprise-intimée, le jeudi 13 février 1997, et que celui-ci lui a demandé pourquoi elle n'avait pas rempli le formulaire. Elle lui a répondu qu'elle n'en voyait pas la nécessité et lui a offert comme preuve de sa solvabilité des références de son institution financière, de son propriétaire, d'Hydro-Québec et de Bell Canada. Elle signale que la Boutique vend des vêtements haut de gamme valant plus de 1 000 $. À la suite de cette rencontre du 13 février, elle est convoquée par M. Paré à ses bureaux pour le 14 février 1997 à 17 h, et ce dernier lui signifie alors qu'il met fin à son emploi. Elle prétend que la cessation de son emploi a un lien avec le fait qu'elle n'a pas signé le formulaire. Elle signale avoir déposé la présente plainte ainsi qu'une autre auprès de la Commission des normes du travail. LA POSITION DES PARTIES La procureure de la plaignante fait valoir que l'entreprise-intimée ne pouvait recueillir les renseignements sur la solvabilité de sa cliente parce que ces
PV 97 17 29 - 4 -renseignements ne lui étaient pas nécessaires 2 au sens de l'article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 3 : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. La procureure expose que la plaignante a travaillé de nombreuses années pour la Boutique, que l'entreprise-intimée la connaît depuis cinq ans et que cette dernière n'a présenté aucune preuve sur la nécessité de recueillir les renseignements exigés par le formulaire. Elle suggère que la Commission déclare le formulaire contraire aux articles 5 et 14 de la loi, que soit retiré le formulaire de tous les dossiers d'employés, que soit ordonné à l'entreprise-intimée de ne plus utiliser un formulaire qui requiert des renseignements sur la solvabilité d'un employé et que l'entreprise-intimée remette copie de la présente décision à tous ses employés : 14. Le consentement à la communication ou à l'utilisation d'un renseignement personnel doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques. Ce consentement ne vaut que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé. Un consentement qui n'est pas donné conformément au premier alinéa est sans effet. Le procureur de l'entreprise réplique que l'article 83 de la loi porte sur la protection des renseignements personnels et, qu'à son avis, les trois dernières conclusions demandées par la procureure de la plaignante ne lui apparaissent pas recevables : 83. Au terme d'une enquête relative à la collecte, à la détention, à la communication ou à l'utilisation de renseignements personnels par une personne qui exploite 2 X c. Résidence l'Oasis Fort-Saint-Louis, [1995] C.A.I. 367; X c. Commission scolaire Laurenval, [1996] C.A.I. 391; X c. Aventure électronique inc., [1996] C.A.I. 396. 3 L.R.Q., c. P-39.1.
PV 97 17 29 - 5 -une entreprise, la Commission peut, après lui avoir fourni l'occasion de présenter ses observations, lui recommander ou lui ordonner l'application de toute mesure corrective propre à assurer la protection des renseignements personnels. Elle peut fixer des délais pour l'exécution des mesures qu'elle ordonne. Le procureur fait valoir que la preuve soumise lors de la séance du 16 juin 2000 a démontré que sa cliente n'utilise plus le formulaire. Il indique qu'il n'a rien à ajouter au témoignage rendu par M me Turko le 16 juin ainsi qu'aux documents et autorités déposés. Sa présence, justifie-t-il, vise à s'assurer du respect de l'entente intervenue entre les parties, particulièrement les 3 e et 5 e attendus ainsi que l'article 4 de ladite entente (pièce E-1) : « (…) ATTENDU que, par la présente, Mme Pradères, entres autres, renonce à la réintégration dans un emploi chez Les Immeubles de la Montagne Ste. Catherine (1994) Inc.; (…) ATTENDU que Mme Pradères et la Compagnie ont déjà convenu verbalement et de gré à gré d'une transaction et d'une entente de fin d'emploi par l'intermédiaire de leurs avocats respectifs; (…) 4. Mme Pradères et la Compagnie reconnaissent que cette entente leur est mutuellement plus avantageuse que si elles faisaient éventuellement valoir leurs droits et prétentions devant les autorités et/ou tribunaux compétents; (…) » Le procureur note que la plaignante et sa procureure ne réclament pas de conclusion en vertu de l'article 9 de la loi, et ce, par le fait que cette situation a été réglée par l'entente intervenue entre les parties le 27 juillet 1998 (pièce E-1) : 9. Nul ne peut refuser d'acquiescer à une demande de bien ou de service ni à une demande relative à un emploi à cause du refus de la personne qui formule la demande de lui fournir un renseignement personnel sauf dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes: 1 o la collecte est nécessaire à la conclusion ou à l'exécution du contrat;
PV 97 17 29 - 6 -2 o la collecte est autorisée par la loi; 3 o il y a des motifs raisonnables de croire qu'une telle demande n'est pas licite. En cas de doute, un renseignement personnel est considéré non nécessaire. Il mentionne que sa cliente a décidé de ne pas faire de représentations supplémentaires et qu'elle s'en remet à la décision de la Commission. Il signale que sa cliente est disposée à signer une entente qui confirmera que l'entreprise-intimée a cessé d'utiliser et n'utilisera plus à l'avenir le formulaire en litige. APPRÉCIATION En raison de l'entente intervenue entre les parties en 1998, la Commission partage les prétentions du procureur de l'entreprise-intimée voulant qu'elle n'ait pas à trancher de l'application de l'article 9 de la loi. Est-ce que les renseignements personnels sur la solvabilité de la plaignante, couturière à l'emploi de l'entreprise-intimée, pouvaient être « nécessaires » à cette dernière en vertu de l'article 5 de la loi? La Commission a déjà interprété le mot « nécessaire » 4 comme signifiant « requis, indispensable, obligatoire » 5 et non pas ce qui est simplement utile. Le terme « nécessaire » doit donc recevoir une interprétation restrictive, particulièrement si l'on considère que l'article 5 de la loi impose à une entreprise qu'elle « ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. ». Il appartient à l'entreprise de démontrer que la solvabilité d'une employée est un renseignement qui lui est indispensable pour qu'elle exerce un emploi de couturière. Dans le cas sous étude, cette démonstration ne nous a pas été faite. 4 Paul ROBERT, Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Montréal, DicoRobert, 1993. 5 Bellerose c. Université de Montréal, [1986] C.A.I. 109, confirmée par la Cour du Québec à [1988] C.A.I. 377 (C.Q.).
PV 97 17 29 - 7 -Toutefois, selon l'article 83 de la loi, la preuve non contredite démontre que le formulaire, objet du litige, n'a pas permis la collecte, la détention, la communication ou l'utilisation de renseignements personnels par l'entreprise-intimée concernant la plaignante, qu'il n'est plus utilisé et qu'il ne le sera plus par celle-ci. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : CONSTATE que l'entreprise-intimée n'a pas démontré la nécessité de recueillir les renseignements exigés par le formulaire en litige; CONSTATE également que l'entreprise-intimée ne détient pas, n'a pas collecté, ni communiqué, ni utilisé de renseignements personnels à partir de cedit formulaire concernant la plaignante; et PREND ACTE que l'entreprise n'utilise plus le formulaire en litige. Montréal, le 2 avril 2001 MICHEL LAPORTE Commissaire E. ROBERTO IUTICONE Commissaire Québec, le 4 avril 2001 DIANE BOISSINOT Commissaire M e Susan Heap Procureur de la plaignante M e Daniel Leduc
PV 97 17 29 - 8 -Procureur de l'entreprise-intimée
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