Commission d'accès à l'information du Québec Dossier : CP 04 09 89 Date : 1 er mars 2006 Commissaire : M e Hélène Grenier X Plaignant c. CLSC DES FAUBOURGS (CSSS JEANNE-MANCE) Organisme DÉCISION OBJET PLAINTE RELATIVE À LA COLLECTE NON AUTORISÉE DE RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS ET À L’INSCRIPTION DE RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS INEXACTS. [1] Le plaignant reproche à l’organisme d’avoir recueilli, sans son consentement, des renseignements nominatifs le concernant; il lui reproche également d’avoir « fabriqué » des renseignements nominatifs le concernant. Tous ces renseignements se rapportent à un événement survenu le 19 juillet 2001. Le plaignant demande qu’une procédure pénale soit, en conséquence, intentée contre l’organisme. [2] La plainte est examinée les 7 juin et 22 novembre 2005, en présence des parties et de témoins; une période d’environ six heures est consacrée à cet examen. D’entrée de jeu, l’avocat de l’organisme informe la Commission que son
04 09 89 Page : 2 client était, en 2001, désigné sous l’appellation de « CLSC des Faubourgs » et qu’il est actuellement désigné sous l’appellation de « Centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance ». PREUVE Témoignage de M me Sylvie Simard : [3] M me Sylvie Simard témoigne sous serment. Le 19 juillet 2001, elle était membre du personnel de l’organisme; elle y exerçait les fonctions de directrice des services professionnels ainsi que de responsable de l’examen et du traitement des plaintes des usagers. Le détail de son témoignage est ci-après rapporté. [4] Le plaignant n’était pas, en date du 19 juillet 2001, un usager des services de l’organisme et aucun dossier n’était ouvert à son nom; les intervenants du service d’aide en situation de crise de l’organisme le rencontraient alors pour la première fois. [5] Après le 19 juillet 2001, le plaignant s’est adressé à l’organisme pour formuler des plaintes et demander la rectification de son dossier; l’une de ces plaintes a été réexaminée par le Protecteur des usagers. C’est à l’occasion de ces plaintes et demandes de rectification que M me Simard a échangé avec le plaignant à plusieurs reprises. Le 8 avril 2002, par exemple, celui-ci se plaignait au sujet des intervenants de l’organisme. [6] M me Simard a donc traité les plaintes du plaignant, y compris celle qu’il soumet à la Commission. Elle a examiné, en réponse à une plainte écrite qu’il lui avait adressée le 10 octobre 2002, les raisons pour lesquelles les intervenants du service d’aide en situation de crise de l’organisme avaient communiqué avec son médecin le 20 juillet 2001; le 29 octobre 2002, elle lui fournissait les raisons justifiant cette communication. Ces raisons sont les suivantes : les intervenants devaient estimer si l’état mental du plaignant présentait un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui et, à cet égard, ils ont considéré qu’il était approprié de communiquer avec son médecin pour avoir l’information leur permettant de valider leur évaluation et la suite de l’intervention du service d’aide en situation de crise de l’organisme. [7] L’intervention de ce service d’aide auprès du plaignant a été effectuée en vertu d’un mandat qui a été confié à l’organisme; celui-ci exécute son mandat par l’intermédiaire de son équipe appelée « Urgence psychosociale-justice UPS-J ».
04 09 89 Page : 3 Cette équipe (O-1) avait été mise sur pied à l’automne 1996 au terme de travaux qui ont impliqué des chercheurs ainsi que des services de police et qui visaient à déterminer les modalités d’intervention auprès des personnes qui se désorganisent dans les lieux publics parce qu’elles sont aux prises avec de sévères et persistants problèmes de santé mentale. Les intervenants de l’UPS-J essaient d’éviter la judiciarisation de ces personnes, notamment leur incarcération préventive, et de leur faciliter l’accès aux services de santé ainsi qu’aux ressources appropriées. [8] Le 14 juin 2001 et conformément à l’article 8 de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui 1 , la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre (la Régie) désignait spécifiquement l’organisme pour agir comme « service d’aide en situation de crise » et intervenir sur son territoire afin d’évaluer si l’état mental des personnes qui lui sont signalées présente un danger grave et immédiat pour elles ou pour autrui, afin de désamorcer la crise et afin d’accompagner ces personnes vers les ressources appropriées (O-2). [9] Le mandat confié à l’organisme par la Régie précitée en juin 2001 est décrit dans le document intitulé « Le CLSC des Faubourgs – L’UPS-J et la loi 38.001 – Cadre de référence – Janvier 2003 » (O-1). L’organisme, désigné pour mettre en place un service d’aide en situation de crise, offre ce service 7 jours par semaine, 24 heures par jour, via son équipe de l’UPS-J formée de membres de son personnel. L’équipe intervient rapidement lorsqu’une personne est en situation de crise et qu’elle se désorganise publiquement; les policiers communiquent avec l’équipe qui intervient en 20 minutes environ et qui évalue la situation afin d’orienter la personne vers des soins adéquats en santé mentale. Depuis le 14 juin 2001, l’équipe de l’UPS-J a pour mandat d’estimer la dangerosité d’une personne et, si le danger évalué est grave et immédiat, d’acheminer cette personne vers un hôpital. [10] L’équipe de l’UPS-J de l’organisme répond à des appels; elle travaille en collaboration avec des ressources communautaires et publiques oeuvrant en santé mentale de même qu’avec des services de police. Si nécessaire, l’équipe de l’UPS-J communique avec d’autres personnes dont l’existence lui est révélée lors de l’évaluation de l’état mental de la personne auprès de laquelle elle intervient. Cette communication permet à l’équipe d’effectuer l’évaluation la plus précise possible de l’état mental de cette personne, notamment lorsque l’état mental de cette personne présente un danger pour elle-même ou pour autrui. L’équipe tente d’obtenir le consentement de la personne dont l’état mental est évalué avant de communiquer avec d’autres personnes. 1 L.R.Q., c. P-38.001
04 09 89 Page : 4 [11] L’équipe de l’UPS-J de l’organisme a obtenu le consentement du plaignant pour communiquer avec son médecin; le plaignant a lui-même fourni à l’équipe le nom ainsi que les coordonnées de son médecin. M me Simard en a fait part aux analystes/enquêteurs de la Commission le 5 mai 2003 (O-3) et le 14 mai 2004 (O-4). La collecte de renseignements par l’équipe de l’UPS-J auprès du médecin du plaignant était nécessaire, compte tenu du mandat de cette équipe. [12] L’équipe de l’UPS-J de l’organisme est souvent sollicitée par le service de police de la Ville de Montréal qui lui communique alors des renseignements sur la personne à évaluer et sur le risque que cette personne représente. [13] Les intervenants de l’équipe de l’UPS-J inscrivent au dossier de la personne auprès de laquelle ils interviennent des renseignements sur l’intervention qu’ils ont effectuée et ils indiquent si un consentement à la collecte de renseignements auprès de tiers a été obtenu, comment ce consentement a été obtenu et quels renseignements étaient visés par ce consentement. [14] Les démarches qu’entreprend l’équipe de l’UPS-J pour l’obtention de services ou de soins appropriés au bénéfice de la personne auprès de laquelle elle intervient peuvent comprendre la préparation d’une requête visant à faire subir un examen psychiatrique à cette personne. La préparation de pareille requête est plus fréquente chez l’équipe d’intervention de l’UPS-J que chez toute autre équipe de l’organisme parce que l’équipe de l’UPS-J intervient dans un contexte où l’état mental d’une personne est perturbé et suscite de l’inquiétude chez les policiers ou chez ceux qui sont en sa présence; ce contexte laisse entendre que l’assistance d’un spécialiste est requise pour l’évaluation de la personne. [15] Lorsque la personne évaluée présente un danger pour elle-même ou pour autrui, l’équipe d’intervention de l’UPS-J de l’organisme peut, sans le consentement de cette personne, communiquer avec des tiers si la garde forcée en établissement s’impose ou dans le cadre de démarches pour obtenir des services. [16] C’est généralement le service de police de la Ville de Montréal qui prend l’initiative de demander à l’équipe de l’UPS-J de l’organisme d’intervenir; celle-ci oriente la personne concernée vers les services ou soins qui sont appropriés et évite ainsi la judiciarisation. D’autres personnes demandent aussi à l’équipe de l’UPS-J d’intervenir puisque le service d’aide en situation de crise de l’organisme est connu du public. Des renseignements sont nécessairement communiqués à l’équipe de l’UPS-J lors de la demande d’intervention afin de justifier cette demande.
04 09 89 Page : 5 Témoignage de M me Hélène Brouillet : [17] M me Hélène Brouillet témoigne sous serment. Elle était membre du personnel de l’organisme le 19 juillet 2001 et elle exerçait, au sein de l’équipe d’intervention de l’UPS-J, la fonction d’agente de relations humaines. Le détail de son témoignage est ci-après rapporté. [18] Le 19 juillet 2001, le plaignant n’était pas un usager de l’organisme. C’est à cette date, avant midi, que le service de police de la Ville de Montréal, poste de quartier 20, a requis l’intervention de l’équipe de l’UPS-J de l’organisme auprès du plaignant. Les policiers ont alors mentionné qu’un homme s’était présenté au poste pour porter plainte parce qu’il se disait suivi dans la rue, menacé; ils ont requis les services de l’équipe de l’UPS-J pour l’évaluation de l’état mental du plaignant et de ses besoins. Le poste de quartier 20 est situé dans un district relevant de M me Brouillet qui s’y est rendue avec un autre membre de l’équipe. Le plaignant leur a été présenté par les policiers; il a accepté de rencontrer les intervenants, en présence des policiers, dans la salle d’entrevue où il se trouvait déjà. À l’arrivée au poste 20, M me Brouillet a précisé qu’elle était une intervenante de l’équipe de l’UPS-J de l’organisme et qu’elle était présente à la demande des policiers, pour évaluer la situation; le plaignant était collaborant, orienté et il a accepté l’entrevue. [19] L’équipe d’intervention de l’UPS-J devait évaluer l’état mental du plaignant pour déterminer, à la demande des policiers, s’il présentait alors un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui. M me Brouillet a pris le temps nécessaire pour tenter d’évaluer le cours de la pensée, l’attitude et le comportement du plaignant à l’aide de la « grille d’évaluation de l’état mental » habituellement utilisée et pour tenter d’obtenir des renseignements complémentaires lui permettant de comprendre la trajectoire de son état mental. En réponse à ses questions, le plaignant lui a expliqué, avec détails, les faits qui l’avaient amené au poste de police et il a décrit certains symptômes qui sont significatifs en langage clinique. M me Brouillet a conclu à la présence d’idées délirantes de persécution et elle a indiqué au plaignant, envers qui elle avait adopté une attitude très franche au cours de l’entrevue, que ses propos étaient inquiétants. Le plaignant s’est opposé à la proposition de M me Brouillet suggérant qu’elle l’accompagne dans un centre hospitalier pour qu’il soit évalué par un psychiatre; M me Brouillet a poursuivi l’entrevue pour être en mesure de déterminer si le plaignant devait, contre son gré, être conduit dans un centre hospitalier pour être évalué par un psychiatre. Au cours de l’entrevue, un policier l’a informée que, selon leur dossier, le plaignant était en possession d’une arme de calibre 22; ce renseignement, confirmé par le plaignant, a inquiété M me Brouillet parce que le plaignant se sentait suivi, menacé. Les policiers ont donc
04 09 89 Page : 6 décidé de procéder, en après-midi, à la saisie de cette arme au domicile du plaignant. M me Brouillet a de nouveau demandé au plaignant de l’accompagner dans un centre hospitalier pour qu’il soit évalué par un psychiatre; M me Brouillet a alors respecté l’opposition réitérée du plaignant qui collaborait par ailleurs et elle a considéré, parce qu’il pouvait facilement être localisé et que ses cibles possibles étaient imprécises, qu’il présentait un danger non immédiat mais imminent pour autrui. Puisqu’elle avait le support des policiers de même que l’adresse et le numéro de téléphone du plaignant, elle a, dans les circonstances, jugé qu’une requête motivée visant l’évaluation psychiatrique du plaignant s’imposait. [20] M me Brouillet demeurait inquiète de l’état mental du plaignant qui refusait d’être conduit dans un centre hospitalier. Elle ne l’a pas informé qu’elle communiquerait à nouveau avec lui; elle avait cependant jugé qu’elle devait continuer de s’informer à son sujet pour la présentation de la requête susmentionnée. L’entrevue avait permis à M me Brouillet de connaître la situation du plaignant et d’apprendre de celui-ci, à la suite de son refus de se rendre dans un centre hospitalier, le nom de son médecin avec qui il s’entendait bien depuis plusieurs années de même que le nom des médicaments qui lui étaient prescrits. [21] L’entrevue du 19 juillet 2001, effectuée avec le plaignant en présence des policiers et d’une collègue de l’équipe de l’UPS-J de l’organisme, a duré 90 minutes. Après le départ du plaignant, M me Brouillet s’est entretenue avec les policiers pour déterminer la meilleure façon d’aider le plaignant. L’état mental perturbé du plaignant, l’évaluation du danger présenté par son état ainsi que ses refus de subir un examen psychiatrique ont convaincu M me Brouillet qu’il était nécessaire de poursuivre ses démarches pour trouver les personnes les mieux placées pour témoigner de la détérioration de son état mental. À son avis, la requête voulant qu’il subisse un examen psychiatrique s’imposait toujours; M me Brouillet considérait qu’elle ou sa collègue ne pouvaient pas, à elles seules, présenter cette requête à titre de personne intéressée et témoigner de la détérioration de l’état mental du plaignant. M me Brouillet a jugé, puisque le plaignant lui avait indiqué entretenir une bonne relation avec son médecin, que celui-ci pouvait être une personne intéressée aux fins de la présentation de cette requête. Elle a donc, sans le consentement exprès du plaignant et afin de vérifier et d’améliorer les renseignements qu’elle détenait déjà, décidé, de façon réfléchie, de communiquer avec le médecin du plaignant. Son intention était, notamment, d’identifier le requérant le mieux placé pour soumettre au tribunal une requête visant à faire examiner le plaignant par un psychiatre. M me Brouillet était prête à soutenir cette requête en tant que mise en cause si le médecin du plaignant acceptait d’en être le requérant.
04 09 89 Page : 7 [22] M me Brouillet a communiqué (O-5) avec le médecin du plaignant le 20 juillet 2001 parce qu’elle jugeait que l’état mental de ce dernier présentait un danger non immédiat mais imminent pour lui-même et pour autrui. Elle s’est présentée en tant qu’intervenante de l’équipe de l’UPS-J de l’organisme et elle lui a expliqué le contexte dans lequel elle travaillait à ce titre; elle l’a informé du contexte d’intervention effectuée auprès du plaignant et il lui a confirmé être le médecin du plaignant. Elle lui a communiqué l’évaluation qu’elle avait établie concernant l’état mental du plaignant et elle lui a fait part de son inquiétude; le médecin lui a alors fourni des renseignements illustrant « une trajectoire de détérioration » de l’état mental du plaignant et il a indiqué que celui-ci avait déjà refusé de subir un examen psychiatrique. Le médecin a confirmé à M me Brouillet qu’une requête en examen psychiatrique était souhaitable pour venir en aide au plaignant et pour s’assurer de la réalisation de cet examen dans un court délai; il a refusé de prendre part à cette requête, tant à titre de requérant que de mis en cause, pour conserver son lien de confiance avec son client. Le médecin a également confirmé à M me Brouillet que le plaignant n’avait plus de liens avec sa famille, qu’il était de plus en plus isolé, que ses propos étaient de plus en plus à teneur paranoïde et qu’il croyait fermement à un complot. Le médecin a enfin confirmé à M me Brouillet avoir observé depuis le printemps 2001 une détérioration de l’état mental du plaignant. M me Brouillet maintient que les notes d’observation inscrites au dossier du plaignant (O-5) concernant son entretien avec le médecin du plaignant correspondent à cet entretien qui a duré de 10 à 15 minutes et qui n’a pas été suivi d’un autre entretien. Ces notes indiquent notamment que le médecin du plaignant a remercié M me Brouillet et qu’il s’est dit disponible pour une collaboration future. À l’issue de cet entretien, M me Brouillet se voyait donc comme étant la seule personne intéressée qui puisse soumettre une requête visant l’évaluation psychiatrique du plaignant. [23] M me Brouillet ne connaissait pas le médecin du plaignant; lors de leur entretien, il n’a pas demandé à M me Brouillet de confirmer son identité de façon formelle. [24] Le 20 juillet 2001, M me Brouillet a rédigé le plan d’intervention de l’organisme concernant le plaignant (O-6). [25] M me Brouillet a pris connaissance de la lettre que le médecin de famille du plaignant aurait écrite à son patient le 8 octobre 2002 (O-7); dans cette lettre, le médecin précise au plaignant qu’il respecte la confidentialité et qu’il ne fournit aucun résumé de dossier sans signature complète. M me Brouillet précise qu’elle n’a pas demandé de résumé de dossier au médecin; elle indique que le 2 e paragraphe de cette lettre confirme qu’elle a communiqué avec le médecin.
04 09 89 Page : 8 Elle ne se rappelle pas avoir informé le médecin qu’elle avait, ou n’avait pas, le consentement du plaignant pour communiquer avec lui. [26] M me Brouillet a considéré qu’elle devait, en vertu de la loi et du mandat confié à l’organisme, de même que par respect pour le plaignant, recueillir des renseignements complémentaires auprès de la personne qui était la mieux placée pour appuyer l’évaluation qu’elle avait faite concernant l’état mental du plaignant. [27] Les collègues de travail de M me Brouillet ont pris sa relève le 21 juillet 2001 en vue de poursuivre l’intervention de l’équipe de l’UPS-J auprès du plaignant. À leur demande faite en vertu de la loi, le plaignant a consenti à subir une évaluation psychiatrique dans un centre hospitalier. (Les notes d’observation rédigées par M me Brouillet et par ses collègues de l’équipe de l’UPS-J pour la période du 31 juillet au 7 août 2001 sont déposées) (O-8). M me Brouillet s’est entretenue avec le plaignant qui lui a téléphoné le 31 juillet 2001 alors qu’il était en garde préventive dans un centre hospitalier à la suite de la décision d’un psychiatre. Cet entretien a confirmé à M me Brouillet qu’elle avait créé un lien avec le plaignant lors de l’intervention commencée le 19 juillet 2001 et l’a rassurée quant aux décisions qu’elle avait prises dans le cadre de cette intervention. Elle a expliqué au plaignant que son rôle et son expertise à titre d’intervenante de l’UPS-J consistaient à évaluer l’état mental d’une personne en lien avec sa dangerosité et à déterminer la nécessité d’un examen psychiatrique dans un contexte d’absence du consentement de cette personne; elle ne lui a pas, en conséquence, donné son opinion sur le diagnostic proposé et sur la médication prescrite par le psychiatre. [28] M me Brouillet a rejoint le médecin du plaignant le 20 juillet 2001 pour vérifier l’évaluation à laquelle elle procédait et pour intervenir le mieux possible dans le respect du plaignant. Elle aurait pu, le 19 juillet 2001, indiquer aux policiers d’amener le plaignant contre son gré auprès d’un centre hospitalier pour lui faire subir un examen psychiatrique en raison de son état mental; elle a préféré le laisser choisir. [29] Si le médecin du plaignant avait refusé de collaborer avec elle, M me Brouillet aurait requis une intervention coercitive des policiers à l’égard du plaignant. Les renseignements que lui a communiqués le médecin ont permis à M me Brouillet de constater que la détérioration de l’état mental du plaignant n’était pas subite mais qu’elle s’inscrivait dans une trajectoire. Ces renseignements indiquaient à M me Brouillet qu’elle disposait d’un délai pour choisir des avenues autres que la coercition qu’imposaient à eux seuls les renseignements obtenus au cours de l’entrevue du 19 juillet 2001 avec le
04 09 89 Page : 9 plaignant. Sans les renseignements recueillis auprès du médecin du plaignant, M me Brouillet aurait demandé aux policiers d’amener le plaignant contre son gré auprès d’un psychiatre et elle se serait elle-même adressée au tribunal afin qu’il ordonne que le plaignant soit gardé en établissement pour y subir un examen psychiatrique. À son avis, l’échange avec le médecin du plaignant a permis une intervention plus respectueuse des droits du plaignant. [30] Lors de son entretien avec les policiers le 19 juillet 2001, le plaignant a indiqué qu’il était en possession d’une arme à feu; les policiers ont communiqué ce renseignement à M me Brouillet lors de son intervention. Le même jour et en présence de M me Brouillet qui l’a questionné à ce sujet, le plaignant a confirmé aux policiers qu’il détenait une arme de poing de calibre 22, chez lui, dans un coffre-fort. Les policiers sont allés saisir cette arme au domicile du plaignant, le jour même. M me Brouillet a inscrit ces renseignements dans la fiche d’identification (O-9, en liasse) du plaignant; cette fiche est conservée par l’organisme avec la fiche d’appel qui a donné lieu à l’intervention de l’organisme (O-9, en liasse) et la fiche d’évaluation (O-9, en liasse) du plaignant que M me Brouillet a elle-même complétées le 19 juillet 2001. [31] Le 19 juillet 2001, M me Brouillet a évalué, après une entrevue de 90 minutes avec le plaignant, que l’état mental de celui-ci était inquiétant. Elle a alors demandé au plaignant s’il acceptait d’être accompagné dans un centre hospitalier pour être évalué par un psychiatre, demande qu’il a refusée. M me Brouillet avait pour rôle et mandat d’évaluer l’état mental du plaignant pour déterminer si cet état présentait un danger grave et immédiat pour le plaignant ou pour d’autres personnes; elle a, à l’issue de l’évaluation du 19 juillet 2001, estimé que cette dangerosité était imminente. Pour protéger le plaignant ou d’autres personnes de ce danger imminent et compte tenu du refus du plaignant de se rendre à l’hôpital, M me Brouillet devait, dans un court délai, voir à ce qu’une requête soit adressée à un tribunal pour qu’il ordonne l’examen psychiatrique du plaignant. M me Brouillet croyait opportun de mettre le médecin du plaignant en cause aux fins de la présentation de cette requête pour que celui-ci complète l’évaluation clinique qu’elle avait elle-même effectuée et pour qu’il fournisse son opinion de médecin. Elle a donc communiqué avec le médecin du plaignant par téléphone, espérant qu’il accepterait d’être mis en cause pour présenter cette requête. [32] M me Brouillet s’est identifiée auprès de ce médecin en lui donnant son nom et son titre et en précisant son équipe d’appartenance. Le médecin a accepté de l’écouter sans vérifier son identité. M me Brouillet lui a indiqué qu’elle communiquait avec lui pour l’informer de l’évaluation qu’elle avait faite de son patient; après l’avoir écoutée, le médecin a donné d’autres renseignements à M me Brouillet.
04 09 89 Page : 10 [33] M me Brouillet a demandé au plaignant s’il détenait une arme à son domicile; le plaignant lui a répondu que tel était le cas. M me Brouillet a posé cette question suite à l’information que l’un des policiers lui avait donnée. [34] Au début de l’entrevue du 19 juillet 2001 avec le plaignant, M me Brouillet s’est clairement identifiée, à l’aide d’une carte, comme intervenante sociale du service de l’UPS-Justice de l’organisme : elle a précisé être présente à la demande des policiers. Elle intervenait pour offrir aux policiers une expertise, c’est-à-dire pour évaluer l’état mental du plaignant et lui venir en aide selon le résultat de l’évaluation de son état et du danger alors présenté pour lui ou pour d’autres. La fiche d’évaluation (O-9, en liasse) complétée par M me Brouillet indique que le plaignant a été avisé de l’arrivée de M me Brouillet et de sa collègue, qu’il acceptait de les rencontrer et qu’il était orienté. [35] Le service de l’UPS-Justice de l’organisme, créé en novembre 1996, est généralement connu du public. [36] Lors de l’évaluation de l’état mental du plaignant, le 19 juillet 2001, M me Brouillet a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’amener le plaignant, contre son gré et sans l’autorisation du tribunal, auprès d’un établissement de santé pour lui faire subir un examen psychiatrique. [37] De l’avis de M me Brouillet, la loi autorise un intervenant à communiquer à un médecin des renseignements concernant une personne dont l’état mental présente un danger immédiat ou imminent pour elle-même ou pour autrui, ce, sans le consentement de la personne dont l’état mental a été évalué. La Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui prévoit une issue d’intervention qui est probable dans la majorité des cas mais qui demeure exceptionnelle. L’évaluation de l’état mental d’une personne pour déterminer sa dangerosité n’est toutefois pas exceptionnelle. [38] M me Brouillet a évalué l’état mental du plaignant le 19 juillet 2001; les suites de son intervention sont les suivantes : elle a tenté, pour avoir une meilleure compréhension de l’état mental du plaignant, d’avoir l’opinion d’un professionnel qui le connaissait bien. Elle a ainsi pu confirmer son évaluation voulant que l’état mental du plaignant présentait un danger imminent et qu’un examen psychiatrique s’imposait. [39] Lors de l’évaluation du plaignant, M me Brouillet a pu être en contact avec lui parce qu’il était orienté, non halluciné (O-9). Un lien professionnel a donc été créé.
04 09 89 Page : 11 Témoignage du plaignant : [40] Le plaignant témoigne sous serment. Il s’est rendu au poste de quartier 20 pour se plaindre aux policiers de certaines personnes dont il se disait victime. Il ne comprenait pas le but de ces personnes et il souhaitait que les policiers fassent enquête. Il a cru que M me Brouillet intervenait parce que les policiers voulaient compléter leur enquête avec les services sociaux. Il ignorait que son état mental serait évalué; à la fin de l’évaluation, il a compris, lorsqu’on lui a proposé de se rendre vers un établissement hospitalier, qu’on ne lui offrait pas l’aide qu’il recherchait. [41] Les policiers ont procédé à une fouille et à une saisie sans mandat à son domicile. [42] Le médecin du plaignant lui a confirmé ne pas avoir communiqué des renseignements à M me Brouillet. ARGUMENTATION i) de l’organisme [43] La plainte est régie par des règles qui s’appliquent au réseau de la santé et des services sociaux et qui comprennent celles que prévoit la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. [44] L’organisme doit, par l’entremise de son service de l’UPS-Justice, exécuter son mandat et conséquemment répondre à des situations particulières telles que celle dans le cadre de laquelle M me Brouillet est intervenue le 19 juillet 2001 concernant le plaignant. Il s’agit de questions relatives à la santé mentale, à la dangerosité et à la protection des personnes. [45] L’exécution du mandat de l’organisme requiert la collecte et la communication de renseignements personnels. Prétendre le contraire démontre une méconnaissance de l’existence et du fonctionnement du réseau de la santé. [46] Les intervenants doivent agir avec prudence, jugement et circonspection avant de demander, dans un but de protection, qu’une personne soit privée de sa liberté en raison de son état mental. [47] Le service de l’UPS-Justice est un service reconnu de l’organisme; la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre a
04 09 89 Page : 12 désigné l’organisme pour offrir les services en situation d’urgence dans le cadre de l’application de l’article 8 de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Cette désignation (O-2) résulte de l’expertise particulière en psychiatrie-justice développée depuis 1997 par l’équipe de l’UPS-Justice de l’organisme. L’organisme a donc été précisément mandaté par la Régie qui, pour sa part, est responsable de l’organisation des services en santé mentale. [48] Les interventions du service de l’UPS-Justice de l’organisme s’inscrivent dans le cadre prescrit par la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, le Code civil du Québec et le Code de procédure civile en matière d’examen clinique psychiatrique; elles sont effectuées selon un processus précis (O-1). [49] Lors de l’intervention requise par les policiers le 19 juillet 2001, l’organisme ne détenait aucun renseignement sur le plaignant qui n’était pas l’un de ses usagers. M me Brouillet s’est notamment entretenue avec le plaignant pour obtenir des renseignements le concernant; ces renseignements étaient nécessaires pour bien encadrer, orienter et accompagner le plaignant vers les ressources appropriées, pour soutenir le travail des intervenants de l’organisme qui prenaient la relève (O-8) de M me Brouillet et pour éviter une judiciarisation jugée non nécessaire. M me Brouillet a évalué le plaignant et recherché les solutions qui visaient sa prise en charge par les services de santé et les services sociaux (O-1, pages 4 et 5). [50] M me Brouillet a respecté le refus du plaignant d’être immédiatement examiné par un psychiatre. Elle considérait qu’il était orienté et le plaignant le lui a confirmé puisqu’il a témoigné avoir compris que M me Brouillet n’intervenait pas pour répondre à la plainte qu’il déposait auprès des policiers. M me Brouillet a cependant jugé nécessaire de confirmer son évaluation de l’état mental du plaignant parce que cet état l’inquiétait compte tenu du caractère des propos tenus par lui. [51] Le plaignant avait indiqué qu’il possédait une arme à feu. M me Brouillet a pour sa part évalué qu’il tenait des propos paranoïdes, que sa pensée était désorganisée et qu’il pouvait représenter un risque pour autrui; ces éléments ont été déterminants quant à la suite de l’intervention clinique de M me Brouillet. [52] Le 19 juillet 2001, M me Brouillet aurait pu, en vertu de l’article 8 de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, voir à ce que les policiers amènent le plaignant contre son gré auprès d’un établissement de santé afin de lui faire subir un examen
04 09 89 Page : 13 psychiatrique. Elle a choisi d’évaluer la pertinence de procéder à une requête pour examen psychiatrique; à cette fin, vu les propos inquiétants du plaignant, elle a communiqué avec son médecin. [53] L’intervention de M me Brouillet s’inscrit dans un contexte de protection du plaignant. Elle a respecté le refus du plaignant d’être immédiatement examiné par un psychiatre; elle devait cependant le diriger vers des services appropriés et, à cet égard, bien évaluer son état mental. [54] Le plaignant a lui-même communiqué le nom de son médecin à M me Brouillet; celle-ci a utilisé ce renseignement parce que le plaignant refusait d’être immédiatement examiné par un psychiatre et parce qu’elle voulait évaluer la pertinence de procéder à une requête pour qu’il soit ainsi examiné. Le médecin du plaignant était une personne significative qui pouvait avec rigueur et selon ce qu’il savait de son patient, soumettre cette requête au tribunal ou l’appuyer. [55] Le médecin du plaignant a écouté M me Brouillet qui s’est identifiée et qui lui a fait part (O-5) des impressions cliniques qu’elle a inscrites dans sa fiche d’intervention du 19 juillet 2001 concernant le plaignant (O-9); il a notamment confirmé une détérioration de l’état mental du plaignant ainsi que le bien fondé d’une requête pour examen psychiatrique qu’il ne souhaitait cependant pas lui-même soumettre au tribunal (O-5). La demande de renseignements adressée au médecin du plaignant par M me Brouillet était essentielle à la présentation et au soutien de cette nécessaire requête; c’est la raison pour laquelle le médecin a accepté de collaborer comme il l’a fait. [56] Aucune preuve ne démontre que M me Brouillet ait inventé quelque renseignement concernant le plaignant. Les renseignements qui le concernent témoignent des services professionnels qui lui ont été rendus le 19 juillet 2001 et par la suite. [57] La preuve démontre que M me Brouillet s’est entretenue avec le médecin du plaignant dans un contexte professionnel et au sujet de la nécessité d’un examen psychiatrique. [58] La preuve démontre que les renseignements échangés entre M me Brouillet et le médecin identifié par le plaignant étaient nécessaires pour valider et encadrer la démarche de protection envisagée par l’organisme pour le plaignant et pour autrui.
04 09 89 Page : 14 [59] M me Brouillet ne pouvait agir au hasard; elle a légalement recueilli toute l’information essentielle à la présentation d’une requête visant l’examen psychiatrique du plaignant. [60] La plainte doit être rejetée. ii) du plaignant [61] Les droits fondamentaux du plaignant n’ont pas été respectés. [62] Le plaignant s’est rendu chez les policiers pour porter plainte contre des personnes. [63] Il a donné communication du nom de son médecin mais il n’a pas consenti à être mis sous garde pour subir un examen psychiatrique. [64] De faux renseignements émanant de la GRC ont été utilisés pour le mettre sous garde. [65] Le plaignant avait accepté d’être examiné ailleurs qu’au centre hospitalier où il a été conduit et examiné. [66] Les échanges entre professionnels ne sont pas autorisés du seul fait du statut des professionnels. Le médecin du plaignant n’a pas communiqué de renseignements à M me Brouillet. [67] Des poursuites pénales doivent être entreprises contre l’organisme qui a causé divers préjudices au plaignant. DÉCISION [68] La plainte concerne la collecte de même que l’exactitude de renseignements nominatifs inscrits au dossier du plaignant. A) Le cadre juridique d’intervention de l’organisme : [69] En juillet 2001, la mission ainsi que les responsabilités de l’organisme étaient celles que prévoyaient déjà, depuis juin 1998, les 2 premiers alinéas de l’article 80 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 2 : 2 L.R.Q., c. S-4.2
04 09 89 Page : 15 80. La mission d'un centre local de services communautaires est d'offrir en première ligne des services de santé et des services sociaux courants et, à la population du territoire qu'il dessert, des services de santé et des services sociaux de nature préventive ou curative, de réadaptation ou de réinsertion. Responsabilité de l'établissement. À cette fin, l'établissement qui exploite un tel centre s'assure que les personnes qui requièrent de tels services pour elles-mêmes ou pour leurs familles soient rejointes, que leurs besoins soient évalués et que les services requis leur soient offerts à l'intérieur de ses installations ou dans leur milieu de vie, à l'école, au travail ou à domicile ou, si nécessaire, s'assure qu'elles soient dirigées vers les centres, les organismes ou les personnes les plus aptes à leur venir en aide. Mission. La mission d'un tel centre est également de réaliser des activités de santé publique sur son territoire, conformément aux dispositions prévues dans la Loi sur la santé publique (chapitre S-2.2). 1991, c. 42, a. 80; 1998, c. 39, a. 36; 2001, c. 60, a. 162. [70] La Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, entrée en vigueur le 1er juin 1998, prévoit que : 1. Les dispositions de la présente loi complètent celles du Code civil du Québec (Lois du Québec, 1991, chapitre 64) portant sur la garde par un établissement de santé et de services sociaux des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-
04 09 89 Page : 16 mêmes ou pour autrui et sur l'évaluation psychiatrique visant à déterminer la nécessité d'une telle garde. 1997, c. 75, a. 1. [71] Le Code civil du Québec prévoit à ce sujet ce qui suit : 27. S'il a des motifs sérieux de croire qu'une personne représente un danger pour elle-même ou pour autrui en raison de son état mental, le tribunal peut, à la demande d'un médecin ou d'un intéressé, ordonner qu'elle soit, malgré l'absence de consentement, gardée provisoirement dans un établissement de santé ou de services sociaux pour y subir une évaluation psychiatrique. Le tribunal peut aussi, s'il y a lieu, autoriser tout autre examen médical rendu nécessaire par les circonstances. Si la demande est refusée, elle ne peut être présentée à nouveau que si d'autres faits sont allégués. Si le danger est grave et immédiat, la personne peut être mise sous garde préventive, sans l'autorisation du tribunal, comme il est prévu par la Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. [72] L’article 8 de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui définit le « service d’aide en situation de crise » : 8. Un agent de la paix peut, sans l'autorisation du tribunal, amener contre son gré une personne auprès d'un établissement visé à l'article 6: 1° à la demande d'un intervenant d'un service d'aide en situation de crise qui estime que l'état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui;
04 09 89 Page : 17 2° à la demande du titulaire de l'autorité parentale, du tuteur au mineur ou de l'une ou l'autre des personnes visées par l'article 15 du Code civil du Québec (Lois du Québec, 1991, chapitre 64), lorsqu'aucun intervenant d'un service d'aide en situation de crise n'est disponible, en temps utile, pour évaluer la situation. Dans ce cas, l'agent doit avoir des motifs sérieux de croire que l'état mental de la personne concernée présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui. Prise en charge. Sous réserve des dispositions de l'article 23 et des urgences médicales jugées prioritaires, l'établissement auprès duquel la personne est amenée doit la prendre en charge dès son arrivée et la faire examiner par un médecin, lequel peut la mettre sous garde préventive conformément à l'article 7. « service d'aide en situation de crise ». Dans le présent article, on entend par «service d'aide en situation de crise» un service destiné à intervenir dans les situations de crise suivant les plans d'organisation de services en santé mentale prévus par les lois sur les services de santé et les services sociaux. 1997, c. 75, a. 8. [73] En juin 2001, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre était habilitée à désigner, suivant son plan d’organisation des services en santé mentale sur son territoire, les services d’aide en situation de crise définis par l’article 8 précité. Les intervenants de ces services d’aide étaient appelés à travailler en collaboration avec les agents de la paix dans le cadre de l’application de cet article 8 afin d’estimer le danger présenté par l’état mental d’une personne, de désamorcer la crise et d’accompagner cette personne vers une ressource appropriée. Selon ce que la Régie écrivait alors, « l’organisation de services, dans le réseau public, qui est la mieux placée pour rencontrer les spécificités de la désignation est le CLSC. » (O-2).
04 09 89 Page : 18 [74] Le 14 juin 2001, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre reconnaissait que l’organisme avait développé, au cours des trois années qui avaient précédé, une expertise particulière en psychiatrie/justice avec son équipe de l’UPS-Justice et elle le désignait pour intervenir dans les situations de crise aux fins de l’application de l’article 8 précité (O-2). B) Les faits : [75] Le 19 juillet 2001, le plaignant s’est trouvé dans une situation qui exigeait des agents de la paix du poste de quartier 20 qu’ils demandent, en vertu de l’article 8 précité, l’intervention de l’équipe de l’UPS-Justice de l’organisme. M me Brouillet et sa collègue, M me Lacombe, faisaient alors partie de cette équipe et elles ont, à ce titre, répondu à la demande d’intervention des policiers (O-9). [76] M me Brouillet devait estimer si l’état mental du plaignant, qui n’était pas un usager de l’organisme, présentait un danger pour lui-même ou pour autrui. Si elle avait estimé que l’état mental du plaignant présentait un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui, elle devait l’indiquer aux policiers qui dès lors pouvaient, sans l’autorisation du tribunal, amener le plaignant contre son gré auprès d’un centre hospitalier afin de lui faire subir un examen psychiatrique. Elle a estimé, après une entrevue de 90 minutes avec le plaignant, que l’état mental de celui-ci présentait un danger non immédiat mais imminent; elle a jugé, puisqu’elle pouvait, au besoin, compter sur la collaboration des policiers, que la présentation d’une requête visée par l’article 27 du Code civil du Québec était appropriée dans les circonstances connues et analysées. Elle a voulu confirmer son évaluation auprès du médecin du plaignant et lui demander s’il voulait soumettre cette requête au tribunal selon les prescriptions de l’article 27 du Code civil du Québec. [77] Agissant dans le cadre des fonctions qu’elle exerçait au nom de l’organisme, M me Brouillet a, dans un contexte de nécessaire protection de la santé et de la sécurité du plaignant de même que de nécessaire protection de la sécurité d’autrui, recueilli des renseignements additionnels pour préciser et valider son estimation et pour présenter une requête visant à faire subir une évaluation psychiatrique au plaignant. Elle a ainsi pu rédiger le plan d’intervention (O-6) de l’organisme concernant le plaignant. [78] La preuve détaillée démontre que M me Brouillet a recueilli et inscrit dans le dossier du plaignant des renseignements nécessaires à l’exercice des attributions de l’organisme, compte tenu des missions et responsabilités générales ou spécifiques de celui-ci et du contexte particulier dans lequel elle a évalué la dangerosité du plaignant; la collecte de renseignements reprochée par
04 09 89 Page : 19 le plaignant est autorisée par l’article 64 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 : 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion. [79] La preuve démontre de plus que les renseignements qui ont été échangés entre M me Brouillet et le médecin du plaignant pouvaient l’être en vertu de l’article 59 (4°) de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de l’article 18 (7°) de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 4 : 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent: 4° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; … 18. Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu'elle détient sur autrui: 7° à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 3 L.R.Q., c. A-2.1 4 L.R.Q., c. P-39.1
04 09 89 Page : 20 [80] La preuve détaillée, non contredite, démontre que les renseignements en litige sont exacts et que leur collecte était nécessaire. [81] La plainte n’est pas fondée. [82] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION CESSE d’examiner la présente affaire. HÉLÈNE GRENIER Commissaire M e Louis Letellier de St-Just Avocat de l’organisme
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