Section surveillance

Informations sur la décision

Contenu de la décision

PP 98 13 00 LA PLAINTE M mes X et Y reprochent à lintimé, l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, davoir versé, sans leur consentement, des renseignements du dossier de la clinique de psychosomatique au dossier de médecine physique, ce dernier étant accessible à d'autres praticiens. Moyens préliminaires L'avocat de l'intimé soulève devant la Commission d'accès à l'information (la « Commission ») deux moyens préliminaires, à savoir : 1. Lintimé ne peut dévoiler les renseignements personnels contenus au dossier médical de lune des plaignantes, en présence de l'autre plaignante. M mes X et Y consentent mutuellement à l'enquête à ce que la preuve soit faite en présence de lune et lautre. 2. M me Y ne réfère pas à un événement particulier, mais elle appuie plutôt la plainte déposée par M signale son impossibilité de procéder immédiatement si la Commission décide quil sagit dune plainte.M me X, -et-M me Y, plaignantes, c. HÔPITAL DU SACRÉ-CŒUR DE MONTRÉAL, intimé. me X devant la Commission. Lintimé
PP 98 13 00 - 2 M me Y confirme que sa plainte ne réfère à aucun événement particulier. Il sagit plutôt de supporter M me X pour éviter la circulation de renseignements confidentiels chez lintimé, sans le consentement de la personne concernée. Elle signale avoir vécu une situation similaire à celle de la coplaignante. De ces précisions de M mes X et Y, la Commission décide dentendre la plainte sur le fond. La position de M me X M me X déclare, sous serment, quau mois de juin 1989, son médecin traitant, le D r Steben, la référée au D r Monday, qui pratique alors chez l'intimé, à la clinique externe de psychosomatique. M me X savait quune correspondance la concernant parviendrait au nouveau médecin, mais elle dit qu'elle ignorait alors lampleur des renseignements qui seraient transmis. Elle dit ne pas savoir également sil y a eu ou non échange dinformation entre les médecins après le mois de juin 1989. M me X déclare posséder un dossier médical au Département de psychiatrie depuis plusieurs années. Elle soutient être suivie à la clinique de psychosomatique, parce quen raison de sa situation financière, elle était incapable de défrayer les honoraires professionnels dun psychologue en clinique privée. Elle ajoute que son thérapeute, le D r Monday, l'a toujours rassurée que son dossier médical resterait confidentiel au Département de psychiatrie, à moins qu'elle ne consente, au préalable, au transfert des renseignements à d'autres services. Au mois de février 1998, M me X éprouve des problèmes de santé quelle qualifie dordre physique. Elle déclare souffrir de « fibromialgie ». Le 23 avril 1998,
PP 98 13 00 - 3 -en raison de douleurs intenses à la jambe, elle décide de rencontrer un médecin à lurgence de la Clinique Salaberry pour y recevoir des soins. Elle est référée à la clinique de médecine interne chez l'intimé elle est reçue en consultation par le D r Laurier. M me X mentionne que celui-ci avait déjà alors en sa possession son dossier de la clinique de psychosomatique. Au moment de sa visite, le D r Laurier lui aurait posé des questions précises au sujet de sa vie conjugale, et ce, à trois reprises. M me X affirme que ce médecin naurait pas pu lui poser de telles questions sil navait pas pris connaissance, au préalable, de son dossier de la clinique de psychosomatique. De plus, le médecin aurait sabstenir de tout commentaire. Elle souligne ne pas comprendre le lien entre sa visite pour des problèmes de nature physique et les questions posées par le D r Laurier. M me X affirme que le comportement du D r Laurier est inacceptable. Elle a été bouleversée et « s'est sentie en danger parce que je voyais que le médecin portait un jugement sur ma vie de couple, alors quil nexiste aucun lien entre cette situation et le problème physique dont je souffrais à ce moment. Je crois que le médecin ne ma pas soignée convenablement, parce quil a découvert des renseignements sur ma vie privée dans le dossier de psychosomatique, alors que cela naurait pas y être. » En contre-interrogatoire, M me X a constaté que son dossier à la clinique de psychosomatique est volumineux. Elle a également constaté que le D r Laurier était en possession de ce dossier, lors de sa visite en avril 1998. M me X ajoute qu'elle na jamais consenti à la divulgation ou à la circulation des renseignements contenus dans son dossier de la clinique de psychosomatique. Elle se dit préoccupée par le transfert de cette information au
PP 98 13 00 - 4 dossier pour ses problèmes de nature physique. De cette rencontre avec ce médecin, M me X résume « en être sortie traumatisée ». M me X souligne quelle croyait que les renseignements contenus dans son dossier de psychosomatique étaient confidentiels et ne pouvaient en sortir. Elle était convaincue que ces informations ne seraient pas divulguées, peu importe la situation, sans son consentement. Elle ne savait pas, spécifie-t-elle, que la note du D r Monday, de la clinique de psychosomatique, avait été versée au dossier de médecine physique et qu'elle traitait de ses problèmes conjugaux. M me X fait valoir quelle se sent « trahie par la divulgation de mes problèmes personnels que je tente à tout prix de garder confidentiels ». Elle soutient que, par sa façon de faire, lintimé « met une étiquette sur le patient qui ne concorde pas nécessairement à la réalité ». La position de M me Y M me Y affirme que sa plainte représente, en quelque sorte, un appui aux préoccupations de M me X qui constate que lintimé a communiqué des renseignements « très sensibles » la concernant, pour les motifs amplement énoncés ci-dessus. M me Y indique que cette façon de procéder de lintimé contrevient aux règles de confidentialité relatives au contenu, à la gestion et à la circulation des renseignements médicaux. Elle soutient quelle « avait une confiance absolue » sur la façon dont lintimé gérait les dossiers des patients. Elle se questionne maintenant sur le degré de confiance quelle pourra accorder à lintimé, et ce, pour les motifs énoncés ci-dessus. M me Y ajoute que lorsque lintimé estime nécessaire le transfert de renseignements dun dossier à un autre, il devrait, au préalable, en informer le patient.
PP 98 13 00 - 5 La position de l'intimé Pour comprendre la déposition de M me X, l'avocat de l'intimé fait témoigner, sous serment, M me Danielle Masson, responsable du Service des archives depuis 11 ans. Elle travaille chez l'intimé depuis 32 ans. M me Masson déclare, quavant 1972, le dossier psychiatrique ou psychosomatique d'un patient était conservé au Service des archives du Pavillon Albert-Prévost. Les activités de ce pavillon touchent une clientèle ayant une problématique en santé mentale. En 1972, ce pavillon fusionne avec lintimé et devient « un pavillon psychiatrique ». Depuis cette fusion, on attribue à chaque patient du pavillon et de lintimé un dossier à numéro unique et identique. Selon M me Masson, chaque dossier peut contenir deux ou trois « chemises ». M me Masson souligne que le dossier de M me X contient une chemise renfermant des renseignements psychiatriques et, une autre, des renseignements physiques. Afin de mieux saisir cette partie du témoignage de M me Masson, lavocat de lintimé dépose, sous le sceau de la confidentialité et avec le consentement de M me X, le dossier qui contient les chemises psychiatrique et physique. M me Masson ajoute, quen 1989, conformément aux instructions écrites du D r Monday, « le dossier psychosomatique a mené à la création dune chemise à volet physique et la note de ce médecin fait un résumé de létat dans lequel se trouvait sa patiente à ce moment. Quant au dossier psychosomatique, il est conservé au Service des archives pour les patients nécessitant des soins psychiatriques. Ce dossier
PP 98 13 00 - 6 -demeure actif tant et aussi longtemps que le patient nécessite des soins dans ce domaine. » M me Masson ajoute quun rapport de consultation contenu dans la chemise à volet physique peut se retrouver dans celle à volet psychiatrique et vice-versa suivant les instructions écrites dun médecin. Elle indique que, lorsquun patient rencontre un médecin, sur rendez-vous, en clinique externe, pour une consultation dordre physique, seulement la chemise à volet physique lui est transmise. « On nenvoie pas le dossier psychiatrique » parce quil se trouve au Département de psychiatrie. Elle affirme que le Service des archives contient des dossiers de patients ayant des problèmes de nature physique. Le témoin ajoute que ce Service ne prend pas de décision sur ce qui doit ou non être versé dans un dossier médical. Cette dernière appartient uniquement au médecin. M me Masson soutient que le service ne fait quexécuter les directives émises par le médecin. De plus, elle déclare que, selon les informations contenues dans le dossier physique de M me X, le D r Monday a écrit une note, datée du 8 août 1989, qui contient des renseignements spécifiques sur létat de santé de sa patiente. Elle ajoute que « si la note du D r Monday est dans le dossier physique, cest parce quil a donné instructions de la verser au dossier physique ». M me Masson constate que, le 28 avril 1998, M me X rencontre le D r Laurier, qui pratique alors chez lintimé, pour des problèmes dordre physique. En contre-interrogatoire, elle explique que le rapport psychosomatique dûment « signé par le médecin et versé au dossier physique, indique clairement au nouveau médecin que le patient possède un dossier en psychosomatique ». LES ARGUMENTS DES PARTIES
PP 98 13 00 - 7 M me X Afin de veiller au respect de la confidentialité des dossiers, M me X déclare « quil est du devoir des autorités médicales daviser les patients sur la circulation, la divulgation des renseignements contenus dans leur dossier, et de lexistence dune chemise à volet physique, le cas échéant ». Elle désapprouve le fait davoir été informée, pour la première fois, de lexistence de cette chemise lors de la consultation dun nouveau médecin. Elle insiste pour dire que « lhôpital doit aussi exiger lautorisation écrite du patient pour transmettre son dossier ». Elle considère que les renseignements médicaux touchant ses consultations à la clinique de psychosomatique devraient être confidentiels et qu'elle a droit « à la sauvegarde de sa dignité, au respect de sa vie privée et au respect du secret professionnel ». Dans leur plainte conjointe, adressée à la Commission le 12 août 1998, M mes X et Y écrivaient : Le contenu dun dossier psychiatrique renferme indiscutablement des renseignements de nature on ne peut plus personnelle et certainement le (sic) lordre des « confidences ». Tout patient en psychiatrie assume quil peut se confier à son médecin et/ou thérapeute en toute sécurité et le fait à cause de cette condition implicite. Il a droit au secret professionnel même sil consulte dans un hôpital sinon cela reviendrait à dire quil est dangereux de se faire soigner en psychiatrie dans notre système de santé. Divulguer sans discernement la totalité de linformation dun dossier psychiatrique peut réellement nuire aux patients. Tous ceux à qui nous avons exposé le cas ont eu une réaction unanime dindignation dabord, deffroi ensuite à lidée davoir à vivre une situation semblable. Cest le gros bon sens que ces révélations restent confidentielles. Dans son témoignage lors de l'audience, M me X déclare que, si elle avait consulté un psychiatre dans une clinique privée, les renseignements contenus dans son dossier seraient demeurés confidentiels. Personne dautre naurait pu y avoir accès. Selon M me X, elle aurait être assurée de cette même étanchéité et confidentialité chez l'intimé.
PP 98 13 00 - 8 Par ailleurs, elle déplore la réponse transmise par M. Jean Gélinas, cadre supérieur désigné pour le traitement des plaintes, dans sa lettre du 10 juillet 1998 (pièce P-1), dans laquelle il indique : Nous sommes informés que les dossiers de la clinique de psychosomatique sont des dossiers parallèles aux dossiers médicaux et sont gardés au service de la psychosomatique. À lavenir, votre dossier sera identifié confidentiel et ne sera pas automatiquement remis au médecin que vous consulterez pour des soins physiques, sauf si vous en avez donné lautorisation. D'un autre côté, le directeur des services professionnels et hospitaliers croit quun médecin impliqué dans les soins à donner à un patient doit avoir accès à tous les éléments du dossier médical pour pouvoir donner les soins appropriés. M me X déclare que la confidentialité entourant son dossier au Service des archives de psychiatrie doit sappliquer non seulement à elle, mais à tous les autres patients requérant des soins médicaux dans ce domaine. Cest une question de respect et de dignité. M me Y Par ailleurs, M me Y a soumis de la doctrine et de la jurisprudence traitant, selon elle, des règles auxquelles les professionnels de la santé sont assujettis en ce qui concerne la confidentialité et le secret professionnel. L'intimé Pour sa part, lavocat de lintimé argumente, quau mois davril 1998, le D r Laurier a pris connaissance dune note qui relate notamment des problèmes vécus par M me X, en 1989, alors qu'elle avait consulté le D r Monday à la clinique externe de psychosomatique. Selon lavocat, « la question nest pas de savoir si cette note est à la bonne place, car la Commission nest pas saisie dune demande de suppression de note ».
PP 98 13 00 - 9 L'avocat de l'intimé déduit quen 1989, le D r Monday, après avoir rencontré M me X, a décidé dexercer son jugement professionnel, en donnant des consignes pour quune copie conforme de la note psychiatrique concernant sa patiente soit déposée dans la chemise à volet physique. Cest un acte médical sur lequel la Commission na pas de compétence. Lavocat de l'intimé soulève la question suivante : « Le D r Laurier a-t-il consulté la chemise psychosomatique de M me X? » Afin dy répondre, il réfère les membres de la Commission aux dispositions législatives applicables dans le secteur de la santé, plus spécifiquement aux articles 17 à 28 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 L.s.s.s.s. »). Lavocat de l'intimé argumente que cette section de la loi traite de la communication du dossier médical à lextérieur de létablissement. Larticle 19 traite du principe de la confidentialité, sous réserve du consentement de l'usager ou de l'une des trois exceptions qui y sont précisées. 19. Le dossier dun usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de lusager ou de la personne pouvant donner un consentement en son nom, sur lordre dun tribunal ou dun coroner dans lexercice de ses fonctions ou dans le cas la présente loi prévoit que la communication de renseignements contenus dans le dossier peut être requise dun établissement. Il cite dautres articles de la L.s.s.s.s en résumant leurs buts et les conditions de leur application : Les articles 19.1 et 19.2 traitent de la communication dun dossier à des fins de recherche; Larticle 20 sapplique à lusager de moins de 14 ans; 1 L.R.Q., c. S-4.2.
PP 98 13 00 - 10 - Larticle 21 sadresse au titulaire de lautorité parentale, sous réserve de la restriction dordre impératif relatif à lusager âgé de moins de 14 ans et à celui âgé de 14 ans et plus; Larticle 22 traite de laccès aux renseignements au dossier dun usager accordé, entre autres, au tuteur et au curateur; Larticle 23 concerne le droit des héritiers et des représentants légaux dun usager décédé; Larticle 24 spécifie les exigences à respecter quant à la communication du dossier dun usager entre les établissements; Larticle 28 contient la clause dérogatoire applicable à la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (la « Loi »). Il importe de citer cet article : 28. Les articles 17 à 27 sappliquent malgré la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A.2-1). Lavocat de l'intimé attire lattention des membres de la Commission sur la décision X c. Centre hospitalier universitaire de Québec 3 , dans laquelle la commissaire, M e Hélène Grenier, statue : Larticle 28 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit que les articles 17 à 27 de cette loi sappliquent malgré la Loi sur laccès; parce que ces articles 17 à 27 ne traitent que du droit daccès au dossier de lusager, les dispositions de la Loi sur laccès, relatives au tribunal dont la compétence est exclusive et à lexercice du droit de rectification s'appliquent nécessairement : Les dispositions contenues à cet article sont sans équivoque; elles sappliquent, malgré la Loi. Lavocat de l'intimé ajoute, quen matière de communication interne, le consentement de M me X nest pas requis, tel que le prévoit larticle 62 de la Loi. Selon lui, « cest ce critère qui doit déterminer si le D r Laurier pouvait consulter le dossier lorsquil a rencontré M me X » :
PP 98 13 00 - 11 -62. Un renseignement nominatif est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4 o du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5 o du premier alinéa de l'article 81. De plus, il plaide que lintimé soccupe de la gestion des dossiers, selon le cadre législatif prévu à cette fin, sans égard au degré dinsatisfaction dun usager, incluant M me X. « Il applique la loi. » Le consentement du patient nest pas requis. Pour étayer son argumentation, lavocat cite les articles 2.01 et 2.02 du Règlement sur la tenue des dossiers dun médecin 4 : 2.01. Le médecin doit constituer un dossier médical pour toute personne qui le consulte. 2.02. Le médecin doit insérer au dossier médical quil a constitué, les renseignements, les observations et les documents suffisants pour décrire clairement lidentité du patient, notamment ses nom, prénom, sexe, date de naissance et adresse, et à loccasion de chaque consultation: a) la date; b) les observations médicales recueillies par suite de linterrogatoire de lexamen; c) les demandes et comptes rendus des examens complémentaires et des consultations avec un autre médecin ou autre professionnel; d) le diagnostic; e) les ordonnances, avec mention, dans le cas dune ordonnance de médicaments, du nom du médicament, de la concentration et la posologie; f) le traitement prescrit ou effectué, et dans le cas dun traitement chirurgical, le protocole rendant compte de lintervention; g) les autorisations légales, le cas échéant; 2 L.R.Q., c. A-2.1. 3 C.A.I., n o 00 04 89, 23 mars 2001, c. Grenier, p. 17. 4 R.R.Q., 1981, c. M-9, r. 19.
PP 98 13 00 - 12 h) tout autre document se rapportant à la maladie de son patient. Lavocat de l'intimé ajoute que les articles précités indiquent au médecin la marche à suivre dans la tenue des dossiers des patients et identifient les éléments qui doivent y être inscrits à l'occasion de chaque consultation. Il cite larticle 2.05 selon lequel il ne doit y avoir quun seul dossier par patient. Il mentionne également larticle 50 du Règlement sur lorganisation et ladministration des établissements 5 qui prévoit qu'un établissement ne doit tenir quun seul dossier par patient, à lexception des cas inscrits aux articles 45 et 51 de ce règlement. Il argumente quen agissant comme il la fait, lintimé a respecté les dispositions législatives ci-dessus mentionnées. Par ailleurs, lavocat insiste sur le fait qu'en conformité aux instructions de son médecin traitant, à savoir le D r Steben, la plaignante a rencontré le D r Monday à la clinique de psychosomatique. Par la suite, une note a été versée au dossier de psychosomatique de la patiente alors qu'une copie conforme de la note était déposée dans la chemise à volet physique. L'avocat de l'intimé met en garde la Commission des exceptions prévues aux articles 58 et 59 de la Loi. Ces derniers traitent, entre autres, des motifs pour lesquels un rapport dexamen est conservé tant dans le dossier dun patient que dans un laboratoire. Il ajoute qu « il appert effectivement que la seule raison pour constituer le dossier physique cest à la demande expresse du D r Monday en 1989, alors que M me X rencontre le D r Laurier pour des problèmes de nature physique en 1998 ». Il questionne la Commission de la façon suivante : « Est-ce que le D r Laurier pouvait consulter le dossier physique de M me X? » À sa question, il répond par laffirmative. L'avocat de l'intimé ajoute : « Je ne peux pas concevoir quun médecin ne puisse pas consulter le dossier dun patient qui a pris rendez-vous, dautant plus
PP 98 13 00 - 13 -que cest le dossier physique quon lui a remis. Il na pas eu le dossier psychosomatique. » Cependant, il souligne que le médecin doit avoir accès au dossier complet dun patient. Le médecin décide de tenir compte de ce qui est pertinent. Dans ce cas-ci, il pose un acte médical, lequel ne relève pas de la compétence de la Commission. Par contre, lavocat de l'intimé plaide que, dans le cas sous étude, cest larticle 64 de la Loi qui sapplique : 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d'un programme dont il a la gestion. Le D r Laurier avait le devoir de prendre connaissance de la note qui se trouvait dans la chemise à volet physique du dossier de M me X. Lautorisation de celle-ci nétait pas requise dans ces circonstances. Le médecin accomplissait un acte médical dans lexercice de ses fonctions. Il a donc rencontré tous les critères prévus à larticle 64 précité. Réplique de M me X M me X réplique que la confidentialité entourant son dossier du Département de psychiatrie doit sappliquer non seulement au sien, mais aussi à celui de tout autre patient qui requiert des soins médicaux en santé mentale. Cest une question de respect et de dignité. DÉCISION La preuve non contredite démontre que M me X possédait un dossier en psychiatrie depuis plusieurs années à lInstitut Albert-Prévost, lequel a été fusionné avec lintimé en 1972. Il a été démontré que M me X a été suivie par le D r Monday à 5 R.R.Q., c. S-5, r. 3.01.
PP 98 13 00 - 14 la clinique de psychosomatique en 1989. Celui-ci rédige une note sur létat de santé et la situation familiale de M me X. La note est conservée dans sa chemise à volet psychosomatique. La preuve non contredite démontre également qu'une copie conforme de la note du D r Monday a été versée dans la chemise à volet physique de M me X. En aucun temps, lintimé na jugé nécessaire dinformer M me X de la création de cette nouvelle chemise à volet physique. En avril 1998, au moment elle consulte le D r Laurier pour des problèmes de nature physique, elle a découvert que la note du Dr Monday se trouve dans la partie physique, et ce, sans son consentement. Par ailleurs, selon M me Masson, en principe, la chemise dun patient traité à la clinique de psychosomatique est conservée au Service des archives de psychiatrie alors que celle concernant le volet physique demeure au Service des archives de médecine physique. Les deux chemises, concernant le même patient, ont un numéro unique et identique. Lintimé, pour sa part, prétend quil est du devoir du praticien de prendre connaissance de lensemble du dossier médical dun patient afin dêtre en mesure de prendre une décision éclairée. Cest ce qua fait le D r Laurier dans le cas de M me X, et ce, conformément à larticle 28 de la L.s.s.s.s. précité. Lintimé na toutefois pas indiqué le motif pour lequel une chemise à volet physique concernant M me X a été créée en 1989, sans que celle-ci nen soit jamais informée. De plus, le témoin de lintimé affirme, quen principe, les dossiers de patients ayant des problèmes en santé mentale sont conservés au Département de psychiatrie. Le Service des archives, pour sa part, gère les dossiers de patients ayant des problèmes de nature physique. La preuve démontre que M me X na jamais été avisée quun résumé sur son état de santé mentale et sur sa vie de couple serait versé dans la chemise à volet
PP 98 13 00 - 15 physique de son dossier. La Commission constate, cependant, quil sagit des seuls renseignements ayant été versés au dossier. La Commission considère quil y a eu circulation de renseignements provenant de la chemise à volet psychosomatique du dossier de M me X à la chemise à volet physique, et ce, sans que celle-ci en ait été informée. La Commission prend en compte les préoccupations légitimes de M me X sur la manière dont la circulation de cette information a eu lieu à son insu. Elle a été informée de ce transfert neuf ans après sa rencontre avec le D r Monday à la clinique de psychosomatique, alors quelle consulte un médecin, chez l'intimé, pour des problèmes dordre physique. Par ailleurs, la Commission ne peut que déplorer cette preuve non contredite qui démontre linconfort de M me X qui réalise la divulgation et la circulation, à son insu, de renseignements personnels la concernant. Celle-ci a droit à la sauvegarde de sa dignité et au respect à sa vie privée, tels qu'ils sont décrits ci-après aux articles 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne 6 (la « Charte ») : 4. [Sauvegarde de la dignité] Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. 5. [Respect de la vie privée] Toute personne a droit au respect de sa vie privée. Malgré lobligation légale dun médecin à prendre connaissance du dossier médical de tout patient, la Commission estime important que cela se fasse dans le respect de la Charte. 6 L.R.Q., c. C-12.
PP 98 13 00 - 16 La Commission considère quil est préférable et souhaitable que les personnes traitées en psychiatrie soient informées que les renseignements divulgués peuvent se retrouver entre les mains dun autre clinicien que celui en psychiatrie. La Commission comprend que M me X veuille « avoir son mot à dire » sur ce que doit contenir un nouveau dossier la concernant ou concernant tout autre patient en psychiatrie. Malgré ce désir légitime de M me X, la Commission ne peut ignorer larticle 2.01 de la L.s.s.s.s. qui oblige notamment un médecin à consulter le dossier médical de toute personne quil rencontre. Finalement, la Commission demeure toujours préoccupée par la circulation de renseignements sensibles comme ceux ayant fait lobjet de la présente plainte. Elle évalue que la protection liée à la circulation de ces renseignements doit être entourée de mesures permettant de conforter la personne visée par ceux-ci. Dans les circonstances, la Commission recommande donc à l'intimé : dobtenir, à lavenir, le consentement écrit de ses patients, lors du transfert des renseignements dune chemise à lautre d'un dossier médical; dinformer le patient, dès le premier contact avec lui, qu'il a une occasion valable de refuser que certains renseignements le concernant soient versés ou conservés dans une autre chemise que celle relevant du département il est alors traité. Par ailleurs, ne statuant pas de façon purement théorique, la Commission ne retient pas la plainte de M me Y. Nous disposons plutôt de celle de M me X. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :
PP 98 13 00 - 17 -CONSTATE que M me Y nintervient au dossier quen appui à M me X; CONSTATE que les renseignements faisant lobjet de la plainte ont été versés au dossier physique de M me X à linitiative du médecin traitant de celle-ci; CONSTATE également que les renseignements ont fait lobjet dune circulation restreinte et nont pas été divulgués publiquement; PREND ACTE de loffre de M. Gélinas, cadre supérieur désigné pour le traitement des plaintes, du 10 juillet 1998, voulant quà lavenir, le dossier de M me X soit identifié confidentiel; DÉCLARE la plainte de M me X non fondée. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 16 juillet 2002 M e François Charette Lavery, de Billy Procureurs de l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.