PV 01 06 28 MICHEL ST-PIERRE Plaignant c. GINETTE DEMERS DION Intimée LA PLAINTE Le plaignant reproche à l’intimée d’avoir refusé de considérer sa candidature pour la location d’un logement, le 27 mars 2001, parce qu’il ne lui a pas divulgué son numéro d’assurance sociale. L’ENQUÊTE La Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) détient des pouvoirs d’enquête qui lui sont conférés en vertu de l’article 81 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la loi) : 81. La Commission peut, de sa propre initiative ou sur la plainte d'une personne intéressée, faire enquête ou charger une personne de faire enquête sur toute matière relative à la protection des renseignements personnels ainsi que sur les pratiques d'une personne qui exploite une entreprise et recueille, détient, utilise ou communique à des tiers de tels renseignements. À cette fin, toute personne autorisée par la Commission à faire enquête peut: 1 o avoir accès, à toute heure raisonnable, dans les installations d'une entreprise exploitée par une personne qui recueille, détient, utilise ou communique à des tiers des renseignements personnels; 2 o examiner et tirer copie de tout renseignement personnel, quelle qu'en soit la forme. 1 L.R.Q., c. P-39.1.
PV 01 06 28 - 2 -DÉCISION Le document intitulé « Offre de location » et signé par le plaignant le 27 mars 2001 (pièce P-1) démontre que l'intimée requiert son numéro d'assurance sociale. Le 5 février 2002, la Commission transmet à l’intimée, pour la première fois, une copie de la plainte relative aux allégations du plaignant et lui demande de lui faire parvenir ses commentaires, au plus tard, le 26 février suivant. L'intimée n’ayant pas répondu, la Commission lui transmet, le 8 mars 2002, une lettre l’avisant que le dossier sera acheminé aux autorités compétentes qui décideront des suites à donner audit dossier. Le 26 mars suivant, l’intimée répond à la Commission dans une lettre de la façon suivante : […] J’ai cependant rappelé à tous mes concierges, à la suite de notre conversation, que les candidats locataires ne sont pas obligés de donner leur numéro d’assurance sociale lorsqu’ils remplissent la demande de location. Ils sont libres de le donner ou non, et nous ne refuserons pas de leur louer le logement s’ils ne le donnent pas (pièce I-1). L'intimée ne nie donc pas avoir exigé, le 27 mars 2001, de son locataire éventuel, la communication de son numéro d'assurance sociale. La Commission, ayant examiné les observations des parties, décide de rendre sa décision. L’article 5 de la loi prévoit que : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites.
PV 01 06 28 - 3 -Cet article détermine deux obligations à être respectées par la personne qui constitue un dossier sur autrui. Premièrement, les renseignements doivent être nécessaires à l’objet du dossier et, deuxièmement, ceux-ci doivent être obtenus par des moyens licites. Par ailleurs, l’article 9 de la loi indique : 9. Nul ne peut refuser d'acquiescer à une demande de bien ou de service ni à une demande relative à un emploi à cause du refus de la personne qui formule la demande de lui fournir un renseignement personnel sauf dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes: 1 o la collecte est nécessaire à la conclusion ou à l'exécution du contrat; 2 o la collecte est autorisée par la loi; 3 o il y a des motifs raisonnables de croire qu'une telle demande n'est pas licite. En cas de doute, un renseignement personnel est réputé non nécessaire. La Commission considère également important de citer l’article 237 de la Loi de l’impôt sur le revenu 2 (la loi sur l'impôt) qui traite spécifiquement des conditions d’utilisation du numéro d’assurance sociale : 237. (1) Tout particulier, à l’exclusion d’une fiducie qui réside ou est employé au Canada à un moment donné d’une année d’imposition et qui produit une déclaration de revenu en vertu de la partie I pour l’année ou concernant lequel une personne est tenue par une disposition réglementaire prise en application de l’alinéa 221(1)d) de remplir une déclaration de renseignements doit demander, sur le formulaire prescrit et selon les modalités réglementaires, au ministre du Développement des ressources humaines de lui attribuer un numéro d’assurance sociale, s’il n’en a pas déjà un ou s’il n’en a pas déjà fait la demande. Cette demande doit être faite plus tard le premier février de l’année suivant pour laquelle la déclaration de revenu doit être produite ou dans les 15 jours après que la personne a enjoint au particulier de fournir son numéro d’assurance sociale. (1.1) Tout particulier (sauf une fiducie) doit indiquer son numéro d'assurance sociale et toute autre personne ou toute société de personnes, son numéro d'entreprise dans toute déclaration produite ou présentée en application de la présente loi et, le cas échéant, fournir le numéro applicable, sur demande, à la personne tenue par la présente loi ou 2 L.C. 2000, c. 19.
PV 01 06 28 - 4 par son règlement de remplir une déclaration de renseignements qui doit comporter ce numéro. (2) Pour l'application de la présente loi et de son règlement, toute personne tenue de remplir une déclaration de renseignements qui doit comporter le numéro d'assurance sociale ou le numéro d'entreprise d'une personne ou d'une société de personnes: a) doit s'appliquer raisonnablement à obtenir de la personne ou de la société de personnes qu'elle lui fournisse le numéro; b) ne peut sciemment, sans le consentement écrit de la personne ou de la société de personnes, utiliser ou communiquer le numéro ou permettre qu'il soit communiqué autrement que conformément à la présente loi et à son règlement. […] (soulignement ajouté) Cette disposition législative démontre que le législateur voulait s’assurer que la production du numéro d'assurance sociale ne peut être exigée que suivant les conditions expressément indiquées. À la lumière de l'article 237 précité, la Commission constate que la cueillette de ce renseignement n’est requise qu’à des fins fiscales et que celle-ci n’était donc pas nécessaire dans le cadre des fonctions de l’intimée. Cette dernière est propriétaire d’un immeuble de logements. Par ailleurs, dans le cadre d’informations véhiculées au citoyen, la Commission a publié récemment une fiche « Contact » sous le thème Le bail et la protection des renseignements personnels. Des principes et des balises à respecter. La Commission rappelle que les échanges de renseignements intervenus entre un propriétaire et un futur locataire doivent se faire dans le respect de la vie privée. Il y est également indiqué qu’une entreprise ne peut pas exiger d'autrui certains renseignements personnels tels son numéro d’assurance sociale, notamment lorsque cette demande ne rencontre pas les critères d’utilisation prévus à l'article 237 de la loi sur l’impôt.
PV 01 06 28 - 5 -De plus, l’article 37 du Code civil du Québec stipule que : Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l’objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l’intéressé ou l’autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut non plus, dans la constitution ou l’utilisation du dossier, porter autrement atteinte à la vie privée de l’intéressé ni à sa réputation. Dans le cas en l’espèce, la preuve démontre que le plaignant n’était nullement obligé de produire son numéro d’assurance sociale pour satisfaire aux exigences de l’intimée. Ce renseignement confidentiel n’était donc pas indispensable à l’exercice des fonctions de cette dernière. L’intimée n’est pas une institution offrant des services à des fins fiscales. La preuve démontre également que, pour la location du logement convoité par le plaignant, tel qu’il appert de la pièce P-1, l’intimée ne lui a donné aucun autre choix que de produire ledit numéro. Le plaignant a refusé d’acquiescer à cette demande, sa candidature fut rejetée par l’intimée, et ce, en contravention des dispositions législatives ci-dessus mentionnées. Cependant, la Commission prend en compte la lettre que l’intimée lui a adressée le 26 mars 2002 (pièce I-1 précitée), selon laquelle les locataires éventuels ne seront pas obligés de fournir leur numéro d’assurance sociale lorsque ceux-ci voudront louer un logement. L’intimée permet, toutefois, la cueillette de ce renseignement sur une base facultative. La Commission considère que les dispositions législatives précitées en cette matière sont claires. Le numéro d’assurance sociale est divulgué uniquement à des fins fiscales. L’intimée n’a donc pas le droit de s’y référer, même sur une base facultative.
PV 01 06 28 - 6 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE la plainte fondée; ORDONNE à l’intimée de ne pas requérir auprès de ses futurs locataires, pour la location d'un logement, leur numéro d'assurance sociale respectif; et ce, même sur une base facultative; et AVISE l'intimée qu'elle ne peut conserver lesdits renseignements pour les motifs ci-dessus mentionnés. Montréal, le 16 avril 2002CHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire HÉLÈNE GRENIER Commissaire
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