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PP 99 22 64 THOMAS DASTOUS Plaignant c. MINISTÈRE DU REVENU DU QUÉBEC Intimé LA PLAINTE Le plaignant reproche à lintimé davoir transmis au ministère du Revenu du Canada (Revenu Canada) des renseignements confidentiels le concernant, pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, à deux reprises, à savoir en 1996 et en 1997, et ce, sans son consentement. LA POSITION DE L'INTIMÉ L'intimé, par l'intermédiaire de M. Gaëtan Hallé, directeur du traitement des plaintes et de la protection des renseignements personnels, admet avoir transmis à Revenu Canada des renseignements concernant le plaignant, mais que cette transmission aurait été effectuée « conformément aux dispositions de l'Entente sur les échanges de renseignements entre le ministre du Revenu du Québec et le ministre du Revenu national, laquelle a été conclue en vertu des articles 9 et 70 de la Loi sur le ministère du revenu. » LENQUÊTE Après étude du dossier et des observations reçues du plaignant et de lintimé, la Commission daccès à linformation du Québec (la Commission) rend sa
PP 99 22 64 - 2 -décision en vertu des pouvoirs denquête qui lui sont conférés aux articles 123, 124 et 128.1 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (la loi) 1 : 123. La Commission a également pour fonctions: 1 o de surveiller l'application de la présente loi, de faire enquête sur son fonctionnement et sur son observation; 2 o d'approuver les ententes conclues entre les organismes en vertu de l'article 172; 3 o de donner son avis sur les projets de règlement qui lui sont soumis en vertu de la présente loi, sur les projets d'entente de transfert de renseignements de même que sur les projets de décrets autorisant l'établissement de fichiers confidentiels; 4 o d'établir, si elle juge opportun, les règles de tenue du registre visé à l'article 67.3; 5 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans les dossiers ayant trait à l'adoption d'une personne et détenus par un organisme public. 6 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 124. La Commission peut prescrire des conditions applicables à un fichier de renseignements personnels auxquelles l'organisme public doit se conformer et notamment: 1 o les types de renseignements qui peuvent être recueillis et les fins pour lesquelles ils peuvent être conservés; 2 o l'usage qui peut être fait du fichier; 3 o la nature des mesures de sécurité à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements nominatifs; 4 o les catégories de personnes qui ont accès aux renseignements nominatifs dans l'exercice de leurs fonctions et, s'il y a lieu, les restrictions à l'accès ainsi que les conditions particulières d'accès; 5 o les conditions particulières auxquelles la gestion du fichier peut être assujettie, le cas échéant. 128.1 La Commission peut au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 2 o du premier alinéa de l'article 127 et après avoir fourni à l'organisme public qui détient le dossier visé à ce paragraphe l'occasion de présenter des observations écrites: 1 L.R.Q., c. A 2.1.
PP 99 22 64 - 3 -1 o ordonner à un organisme public de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements personnels contenus dans un dossier ayant trait à l'adoption d'une personne; 2 o indiquer les mesures nécessaires à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels contenus dans un tel dossier; 3 o indiquer les conditions particulières auxquelles la gestion d'un tel dossier peut être assujettie. La Commission exerce les mêmes pouvoirs à l'égard du curateur public au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 3 o du premier alinéa de l'article 127. Discussion relative à la plainte devant la Commission Selon M me Yolaine Bilodeau, agente de recherche en droit chez l'intimé, Direction des lois sur les impôts et de l'accès à l'information, le plaignant a fait l'objet d'une vérification fiscale par l'intimé pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, laquelle a mené à des modifications dans ses dossiers fiscaux. À la suite de cette vérification, l'intimé a transmis à Revenu Canada lesdites modifications. Elle déclare qu'afin de pouvoir effectuer son travail, « Revenu Canada a demandé à Revenu Québec, au moyen du formulaire T-150 et conformément à l'entente, de lui envoyer copie du dossier de vérification du requérant. » (pièce I-1). M me Bilodeau ajoute que cette entente est en vigueur entre l'intimé et Revenu Canada depuis le mois d'août 1988, laquelle porte le nom de « Entente sur les échanges de renseignements entre le ministre du Revenu du Québec et le ministre du Revenu national » (l'entente). M me Bilodeau déclare également qu'un affidavit dûment signé par M. Paul Chartier, analyste en procédés administratifs et agent de liaison pour l'intimé, démontre la procédure de communication qui a été suivie par le représentant de l'intimé afin de transmettre à Revenu Canada la copie du dossier de vérification du plaignant (pièce I-2). Elle ajoute que la divulgation des renseignements personnels,
PP 99 22 64 - 4 -faisant l'objet de cette plainte, a été effectuée selon les dispositions prévues aux articles 9 et 70 de la Loi sur le ministère du Revenu 2 (LMR). Le plaignant désapprouve cette façon de procéder de lintimé. APPRÉCIATION Les renseignements qui ont été divulgués par l'intimé démontrent que celui-ci a apporté des modifications dans les déclarations de revenus du plaignant, augmentant ainsi ses revenus nets. La preuve démontre qu'essentiellement, la plainte peut se résumer en deux volets : La transmission à Revenu Canada, à deux reprises, en 1996 et en 1997, des renseignements concernant les déclarations de revenus du plaignant pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994; et La transmission d'une vérification fiscale le concernant (1992). Le plaignant soutient que la divulgation desdits renseignements le concernant est illégale et viole l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés 3 (la Charte) qui protège son droit à la vie privée : 7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. À cet effet, le plaignant invite la Commission à porter une attention particulière au volumineux document qu'il a soumis en trois exemplaires pour étayer ses prétentions, à savoir : le Mémoire, les cahiers, les notes et autorités, la liste des pièces et la liste des arrêts. Il commente également quelques-uns de ces arrêts, dont les pourvois sont issus de la Cour suprême du Canada. 2 L.R.Q., c. M-31. 3 1982, R.-U., c. 11.
PP 99 22 64 - 5 -Le plaignant cite l'arrêt Duarte c. La Reine 4 . Dans celui-ci, l'appelant faisait l'objet d'une surveillance électronique effectuée sans l'autorisation judiciaire par des agents de police, dans le cadre d'une enquête sur le trafic de stupéfiants. Le plaignant cite également l'arrêt O'Connor c. La Reine 5 . Dans celui-ci, l'appelant voulait obtenir la divulgation des dossiers médicaux des victimes pour lesquelles il était accusé d'agressions sexuelles. Avec toute déférence, la Commission estime que les arrêts soumis par le plaignant sont inapplicables dans le cas sous étude. En effet, les sujets traités, les articles de loi cités ainsi que l'analyse effectuée par la majorité des juges de la plus haute Cour permettent à la Commission d'en arriver à cette conclusion. Celle-ci est tenue, en vertu de la loi, d'analyser la plainte du plaignant ainsi que la preuve présentée par les parties, afin de déterminer si l'intimé a divulgué des renseignements confidentiels à Revenu Canada, sans son autorisation. La Commission est tenue également de vérifier s'il existe, entre autres, des dispositions législatives dont est régi l'intimé permettant à celui-ci de procéder de la manière dont il l'a fait dans le dossier fiscal du plaignant. L'intimé cite les articles 9 et 70 de la LMR : 9. Le ministre peut, conformément à la loi et avec l'autorisation du gouvernement conclure tout accord avec tout gouvernement ou organisme, conformément aux intérêts et aux droits du Québec, pour faciliter l'exécution d'une loi fiscale, pour éviter la double imposition ou pour donner effet à des accords internationaux d'ordre fiscal. Un tel accord peut autoriser ce gouvernement ou cet organisme à conclure avec un tiers toute entente visant à faciliter son application. 70. Une entente peut être conclue avec tout autre gouvernement pour l'échange de renseignements ou de documents obtenus en vertu d'une loi fiscale 4 [1990] 1 R.C.S. 30. 5 (1995) 4 R.C.S. 411.
PP 99 22 64 - 6 -et en vertu d'une loi de cet autre gouvernement imposant des droits. Les articles précités traitent de toute entente qui peut être conclue entre le gouvernement ou l'organisme dans le cadre d'échanges de renseignements ou de documents obtenus en matière fiscale. L'intimé déclare que les échanges effectués dans ce dossier l'ont été en conformité avec l'entente intervenue entre celui-ci et Revenu Canada. Le plaignant, pour sa part, soumet à la Commission ladite entente (pièce P-1). Il importe de souligner certains articles pertinents relatifs à ce dossier : DÉFINITIONS 1. À moins que le contexte n'indique un sens différent : […] 3. le mot "partie" signifie d'une part Revenu Québec et d'autre part Revenu national, Impôt; 4. le mot "renseignement" signifie toute information obtenue par l'une des parties ou tout état écrit fourni à l'une des parties, selon l'une des Lois, ou pouvant être obtenu ou fourni en vertu d'une des Lois, ainsi que tout support d'information, y compris les données qu'il renferme, lisibles par l'homme ou la machine, décrits aux annexes "A" et "B", telles que modifiées de temps à autre; GÉNÉRALITÉS 2. Les présentes ont pour but d'accroître la coopération entre les parties en ce qui a trait à l'administration des Lois au moyen d'un plus grand échange de renseignements d'intérêt réciproque concernant tout contribuable. CONFIDENTIALITÉ 6. Les parties s'engagent à ne pas utiliser, ni communiquer, ni permettre que soient communiqués des renseignements obtenus en vertu de la présente entente pour toute fin que l'administration ou l'exécution de leur Loi. Par ailleurs, malgré les dispositions contenues dans ladite entente relatives au traitement des échanges de renseignements confidentiels concernant les contribuables et malgré le fait que ces échanges aient été effectués
PP 99 22 64 - 7 -conformément aux articles 9 et 70 de la LMR, le plaignant est insatisfait de la réponse de l'intimé. Il invoque le premier alinéa de l'article 69 de LMR qui, à son avis, « est le fondement du secret fiscal qui est indispensable à l'administration des lois fiscales » : 69. Sont confidentiels tous renseignements obtenus dans l'application d'une loi fiscale. Il est interdit à tout fonctionnaire de faire usage d'un tel renseignement à une fin non prévue par la loi, de communiquer ou de permettre que soit communiqué à une personne qui n'y a pas légalement droit, un tel renseignement ou de permettre à une telle personne de prendre connaissance d'un document contenant un tel renseignement ou d'y avoir accès. Il demande à la Commission d'ordonner à l'intimé de reconnaître que l'entente en vigueur précitée n'a pas été respectée par celui-ci. En contrepartie, il serait prêt à renoncer à tous ses droits et recours contre l'intimé. Il n'existe aucune disposition dans la loi qui permettrait à la Commission d'émettre une telle ordonnance. Par ailleurs, larticle 53 de la loi définit ce qui constitue un renseignement confidentiel, tandis que larticle 54 indique ce quest un renseignement nominatif : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier.
PP 99 22 64 - 8 Lintimé a-t-il recueilli des renseignements nominatifs concernant le plaignant, sans lautorisation de celui-ci? Larticle 62 de la loi ci-dessous mentionnée indique les trois conditions essentielles pour rendre un renseignement nominatif accessible, sans le consentement de la personne concernée : 62. Un renseignement nominatif est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4 o du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5 o du premier alinéa de l'article 81. Ces trois conditions 6 sont : « Avoir qualité pour les recevoir au sein de lorganisme; Être nécessaire à lexercice de ses fonctions; Appartenir à lune des catégories de personnes inscrites comme telle à la déclaration de fichier de lorganisme. » En raison de ce qui précède, la Commission considère que les renseignements communiqués à Revenu Canada étaient nécessaires à lexercice des fonctions de lintimé chargé dappliquer la Loi sur le ministère du Revenu ainsi que ladite entente. Les renseignements que l'intimé a transmis à Revenu Canada concernant le plaignant l'ont été selon les dispositions législatives, et ce, tel qu'il a été mentionné ci-dessus. 6 La loi, textes annotés, p. 291.
PP 99 22 64 - 9 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE la plainte non fondée. Montréal, le 15 mars 2002 M e Gérald Danis Procureur de l'intiméCHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire
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