PV 00 08 18 CLAUDE THIBODEAU Plaignant c. LOOK COMMUNICATIONS INC. Intimée LA PLAINTE Le plaignant reproche à l’intimée de lui avoir refusé, par téléphone, un service parce qu’il ne lui a pas fourni l’une des pièces d’identité suivantes, à savoir : ses numéros d’assurance sociale, d’assurance maladie ou de permis de conduire. LES PRÉTENTIONS DE L’INTIMÉE L’intimée réplique que tous ses nouveaux clients doivent fournir l’une des pièces d’identité citées ci-dessus. Étant propriétaire de l’équipement qui sera mis en location, il considère que cet identifiant représente l’un des moyens lui permettant, entre autres, de retrouver ses clients lors d’un déménagement ou annulation de services. L’ENQUÊTE La Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) détient des pouvoirs d’enquête qui lui sont conférés en vertu de l’article 81 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la loi) : 1 L.R.Q., c. P-39.1.
PV 00 08 18 - 2 -81. La Commission peut, de sa propre initiative ou sur la plainte d'une personne intéressée, faire enquête ou charger une personne de faire enquête sur toute matière relative à la protection des renseignements personnels ainsi que sur les pratiques d'une personne qui exploite une entreprise et recueille, détient, utilise ou communique à des tiers de tels renseignements. À cette fin, toute personne autorisée par la Commission à faire enquête peut: 1 o avoir accès, à toute heure raisonnable, dans les installations d'une entreprise exploitée par une personne qui recueille, détient, utilise ou communique à des tiers des renseignements personnels; 2 o examiner et tirer copie de tout renseignement personnel, quelle qu'en soit la forme. APPRÉCIATION L’intimée confirme les prétentions du plaignant voulant que, pour obtenir le service demandé, celui-ci doive divulguer l’une des pièces d’identité mentionnées dans ladite plainte. Ainsi, M. Charles Jean Sucsan, directeur des communications chez l’intimée, déclare également que ce numéro d’identité personnel est nécessaire : « […] afin de compléter leurs demandes d’abonnement à nos services de télédistribution. Puisque nous n’exigeons pas de nos clients qu’ils achètent l’équipement requis pour souscrire à nos services, Look demeure donc propriétaire du récepteur numérique raccordé à leur téléviseur. Afin d’être en mesure de retracer cet appareil d’une valeur d'environ 500$, lors d’un déménagement ou d’une annulation de nos services, nous demandons à nos clients de nous fournir l’un ou l’autre des numéros d’identification personnel mentionnés ci-haut. Dans le cas où un abonné procède à l’achat de l’équipement requis, nous n’exigeons pas ce type de renseignements. »
PV 00 08 18 - 3 L’article 5 de la loi prévoit que : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. Cette disposition législative fait ressortir deux obligations à respecter par la personne qui constitue un dossier sur autrui. Premièrement, les renseignements doivent être nécessaires à l’objet du dossier et, deuxièmement, ceux-ci doivent être obtenus par des moyens licites. Par ailleurs, l’article 9 de la loi indique : 9. Nul ne peut refuser d'acquiescer à une demande de bien ou de service ni à une demande relative à un emploi à cause du refus de la personne qui formule la demande de lui fournir un renseignement personnel sauf dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes: 1 o la collecte est nécessaire à la conclusion ou à l'exécution du contrat; 2 o la collecte est autorisée par la loi; 3 o il y a des motifs raisonnables de croire qu'une telle demande n'est pas licite. En cas de doute, un renseignement personnel est considéré non nécessaire. Il importe également de citer les articles traitant les trois identifiants faisant l’objet de cette plainte, lesquels prévoient, entre autres, les conditions de leur utilisation en vertu de leur loi respective. Il s’agit de l’article 61 du Code de la sécurité routière 2 , l’article 9.0.01 de la Loi sur l’assurance maladie 3 et l’article 237 de la Loi de l’impôt sur le revenu 4 . 2 L.R.Q., c. C-24.2. 3 L.R.Q., c. A-29. 4 L.C. 2000, c. 19.
PV 00 08 18 - 4 L’article 61 du Code de la sécurité routière mentionne que : 61. […] Le titulaire d’un permis n’est tenu de produire celui-ci qu’à la demande d’un agent de la paix ou de la Société et à des fins de sécurité routière uniquement. Le titulaire d’un permis n’est tenu de produire celui-ci qu’à la demande d’un agent de la paix ou de la Société de l'assurance automobile du Québec, et à des fins de sécurité routière uniquement. L’article 9.0.01 de la Loi sur l’assurance-maladie spécifie ce qui suit : 9.0.0.1. La production de la carte d’assurance-maladie ou de la carte d’admissibilité ne peut être exigée qu’à des fins liées à la prestation de services ou à la fourniture de biens ou de ressources en matière de santé ou de services sociaux dont le coût est assumé par le gouvernement, en tout en en partie, directement ou indirectement, en vertu d’une loi dont l’application relève du ministère de la Santé et des Services sociaux. L’article 237 de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que : 237.1 (1) Tout particulier, à l’exclusion d’une fiducie qui réside ou est employé au Canada à un moment donné d’une année d’imposition et qui produit une déclaration de revenu en vertu de la partie I pour l’année ou concernant lequel une personne est tenue par une disposition réglementaire prise en application de l’alinéa 221(1)d) de remplir une déclaration de renseignements doit demander, sur le formulaire prescrit et selon les modalités réglementaires, au ministre du Développement des ressources humaines de lui attribuer un numéro d’assurance sociale, s’il n’en a pas déjà un ou s’il n’en a pas déjà fait la demande. Cette demande doit être faite plus tard le premier février de l’année suivant pour laquelle la déclaration de revenu doit être produite ou dans les 15 jours après que la personne a enjoint au particulier de fournir son numéro d’assurance sociale. (1.1) Tout particulier (sauf une fiducie) doit indiquer son numéro d'assurance sociale et toute autre personne ou toute société de personnes, son numéro d'entreprise dans toute déclaration produite ou présentée en application de la présente loi et, le cas échéant, fournir le numéro applicable, sur demande, à la personne tenue par la présente loi ou par son règlement de remplir une déclaration de renseignements qui doit comporter ce numéro.
PV 00 08 18 - 5 -(2) Pour l'application de la présente loi et de son règlement, toute personne tenue de remplir une déclaration de renseignements qui doit comporter le numéro d'assurance sociale ou le numéro d'entreprise d'une personne ou d'une société de personnes: a) doit s'appliquer raisonnablement à obtenir de la personne ou de la société de personnes qu'elle lui fournisse le numéro. b) ne peut sciemment, sans le consentement écrit de la personne ou de la société de personnes, utiliser ou communiquer le numéro ou permettre qu'il soit communiqué autrement que conformément à la présente loi et à son règlement. […] Les trois identifiants auxquels font référence les articles ci-dessus mentionnés démontrent que le législateur voulait s’assurer que leur production ne peut être exigée qu’aux fins prévues dans leur loi respective. À la lumière de l'article 237 précité, la Commission constate que la cueillette de ce renseignement n’est requise qu’à des fins fiscales et que celle-ci n’était donc pas nécessaire dans le cadre des fonctions de l’intimée. De plus, l’article 37 du Code civil du Québec stipule que : Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l’objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l’intéressé ou l’autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut non plus, dans la constitution ou l’utilisation du dossier, porter autrement atteinte à la vie privée de l’intéressé ni à sa réputation. Dans le cas sous étude, la preuve démontre que le plaignant n’était nullement obligé de produire ses numéros d’assurance sociale, d’assurance maladie ou de permis de conduire pour satisfaire aux exigences de l’intimée. Ces renseignements confidentiels n’étaient donc pas essentiels à l’exercice des
PV 00 08 18 - 6 -fonctions de ce dernier. L’intimée n’est ni une institution desservant des services à des fins fiscales ou des soins de santé, ni soumise au Code de la sécurité routière. La preuve démontre également que, pour la location du récepteur numérique qui devait être raccordé à son téléviseur tel qu'il a été requis par le plaignant, l’intimée ne lui a donné aucun autre choix que de produire l’une des trois pièces d’identité ci-dessus mentionnées. En cas de refus, ses chances d’obtenir ce service sont peu probables. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE la plainte fondée; ORDONNE à l’intimée de ne pas requérir auprès de ses nouveaux clients, pour la location du récepteur numérique, leurs numéros d’assurance sociale, d’assurance maladie ou de permis de conduire; et AVISE l'intimée qu'elle ne peut conserver lesdits renseignements pour les motifs ci-dessus mentionnés. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 28 janvier 2002
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