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PV 99 17 45 GÉRALD DESJARDINS Plaignant c. GROUPE LYRAS & GODARD Intimé LA PLAINTE Le plaignant reproche à l'intimé, le 12 octobre 1999, d'avoir communiqué à la compagnie Axa Assurances inc. (Axa), sans son consentement, des renseignements personnels à son sujet. LA POSITION DES PARTIES Le plaignant raconte avoir contracté une police d'assurance habitation avec le Groupe Commerce, par l'intermédiaire de l'intimé, courtier d'assurances, pour la période du 29 septembre 1996 au 29 septembre 1998. Il certifie avoir signé à l'époque un formulaire, intitulé « Instaprime », autorisant spécifiquement le Groupe Commerce à prélever automatiquement le paiement de la prime d'assurance. Lors du renouvellement de ladite police d'assurance, il a constaté la substitution de sa compagnie d'assurances, le Groupe Commerce, par celle d'Axa (pièce P-1). Il a refusé, dit-il, de renouveler sa police d'assurance avec Axa. Il affirme que cette dernière « a collecté de mon compte 40.24$ le 29 sept 98 et 40.14$ le 29 oct 98 ». Il reconnaît avoir été remboursé pour ces montants. Il avance n'avoir jamais transigé avec Axa ni autorisé l'intimé à communiquer à celle-ci les renseignements le concernant au sujet de son compte bancaire. Il déplore
PV 99 17 45 - 2 -cette situation et veut que la Commission d'accès à l'information du Québec (la Commission) statue sur le bien-fondé de sa plainte. M. Serge Lyras, président de l'intimé, nous informe avoir consulté un avocat et décidé, à titre d'officier, de représenter l'intimé devant la Commission. Il confirme la version des faits rapportés par le plaignant. Il explique que le Groupe Lyras a fait l'acquisition, en 1996, des 20 cabinets de courtage détenus par le Groupe Godard. Il note que cette dernière transaction de 10 millions de dollars en primes d'assurance touchait quelque 20 000 clients, et était, à l'époque, la plus importante acquisition de cabinet de courtage; le nouveau cabinet devient alors le Groupe Lyras & Godard. M. Lyras fait valoir que le Groupe Lyras transigeait avec Axa et que le Groupe Godard faisait affaire avec le Groupe Commerce. De cette situation, il a négocié le transfert des polices d'assurance détenues par le Groupe Godard avec le Groupe Commerce à celui d'Axa. Il fait valoir que la fusion est une opération d'envergure ayant été réalisée dans le but d'éviter au client de remplir de la « paperasse » et, surtout, dans le respect intégral de la couverture d'assurance des assurés, du montant de la prime ou d'une diminution de la protection d'assurance. Il indique n'avoir eu aucune plainte à la suite de cette transaction, à l'exception de celle du plaignant. M. Lyras mentionne à la Commission que l'intimé œuvre principalement dans les régions des Hautes-Laurentides et de l'Outaouais et que l'acquisition du Groupe Godard par celui de Lyras a été largement médiatisée dans la région. Il atteste que l'intimé n'a pas envoyé aux clients de lettres spécifiques les informant de la transaction ni requis de ceux-ci un nouveau consentement au transfert d'informations d'une compagnie d'assurances à une autre. Il spécifie que le mandat du cabinet de courtage en assurances est, en autre, de négocier des
PV 99 17 45 - 3 primes d'assurance et de protéger les intérêts du client et qu'il lui arrive souvent de transférer un client vers un nouvel assureur. M. Lyras note que le processus administratif visant à retirer une personne du système de prélèvement automatique est très lourd. Il faut d'abord que le client lui retourne son avis de « non-renouvellement ». Ensuite, dès réception, il expédie l'information à l'assureur et ce dernier, après un certain temps, cesse ledit prélèvement. Dans le cas sous étude, il précise ultérieurement par lettre ce qui suit : « Le 25 septembre 1998, le Groupe Lyras a réceptionné l'avis de non-renouvellement de la part de Monsieur Desjardins. Nous avons immédiatement retourné, le même jour (soit le 25 septembre 1998), le contrat non requis à la compagnie AXA, qui nous confirme l'annulation de la police d'assurance en date du 29 septembre 1998 L'annulation de la police a été transmise au service de la perception, le 29 septembre 1998, par AXA. Toutefois, cette dernière n'a émis son avis d'annulation qu'en date du 4 novembre 2001 et informé le client du remboursement en date du 17 novembre 2001. C'est pourquoi les prélèvements n'ont pas été arrêtés avant cette date par AXA et que deux prélèvements ont été faits après la date d'annulation. » M. Lyras prétend que l'article 18(4) de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la loi) et la Loi 188 sur les intermédiaires de marché 2 l'autorisent à transmettre à l'assureur toute l'information qu'il détient au sujet d'un assuré, et ce, dans leur meilleur intérêt de ce dernier. 1 L.R.Q., c. P-39.1. 2 Loi sur les intermédiaires de marché, L.R.Q., c. I-15.1.
PV 99 17 45 - 4 M. Lyras répond à la Commission qu'un avis verbal du non-renouvellement de la police d'assurance du client est suffisant pour arrêter la couverture d'assurance, pourvu toutefois que celui-ci lui retourne un formulaire à cet effet dûment rempli. À défaut par le client de retourner ledit formulaire, l'intimé avise par lettre le client de la cessation de la couverture d'assurance. Il indique que l'avis expédié au plaignant en 1998 mentionne qu'il s'agit d'un renouvellement avec la compagnie Axa et qu'il n'y a pas de référence au Groupe Commerce. Concrètement, il spécifie que la majorité des personnes avec qui il traite à titre de courtier d'assurances révèle être assurée avec le Groupe Lyras & Godard, sans même se rappeler le nom de la compagnie d'assurances. Il réitère qu'aucun client n'a été lésé financièrement lors de la fusion des deux entreprises. M. Lyras témoigne qu'après la fusion des activités des deux entreprises, un employé de la compagnie Axa recueillait, deux à trois mois avant l'échéance des polices d'assurance du Groupe Commerce, dans les bureaux de l'intimé, les renseignements au sujet des clients qui devaient renouveler leur assurance, et ce, à l'aide d'un formulaire abrégé. Il atteste détenir, comme courtier d'assurances, depuis la Loi 188 sur les intermédiaires de marché, une autorisation d'ordre général d'un client, mais qu'il n'en a pas dans le présent cas. M. Lyras fait remarquer que la situation soulevée par le plaignant ne peut se reproduire aujourd'hui, l'intimé possédant depuis quatre ans son propre système de prélèvement automatique. Ainsi, l'intimé prélève le montant du client et le verse par la suite à l'assureur. Le consentement de l'assuré est actuellement signé au nom de l'intimé.
PV 99 17 45 - 5 -APPRÉCIATION Les principales dispositions de la loi au sujet de la cueillette de renseignements personnels, du consentement à ladite cueillette par la personne concernée et de la communication à des tiers sont les suivantes : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. 8. La personne qui recueille des renseignements personnels auprès de la personne concernée doit, lorsqu'elle constitue un dossier sur cette dernière, l'informer: 1 o de l'objet du dossier; 2 o de l'utilisation qui sera faite des renseignements ainsi que des catégories de personnes qui y auront accès au sein de l'entreprise; 3 o de l'endroit sera détenu son dossier ainsi que des droits d'accès ou de rectification. 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit. 14. Le consentement à la communication ou à l'utilisation d'un renseignement personnel doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques. Ce consentement ne vaut que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé. Un consentement qui n'est pas donné conformément au premier alinéa est sans effet. 18. Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu'elle détient sur autrui: 1 o à son procureur; 2 o au procureur général si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec; 3 o à une personne chargée en vertu de la loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois, qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions, si le renseignement est nécessaire pour la poursuite d'une infraction à une loi applicable au Québec; 4 o à une personne à qui il est nécessaire de communiquer le renseignement dans le cadre de l'application de la loi ou d'une convention collective et qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions;
PV 99 17 45 - 6 -5 o à un organisme public au sens de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q., chapitre A-2.1) qui, par l'entremise d'un représentant, le recueille dans l'exercice de ses attributions ou la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion; 6 o à une personne ou à un organisme ayant pouvoir de contraindre à leur communication et qui les requiert dans l'exercice de ses fonctions; 7 o à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée; 8 o à une personne qui est au-torisée à utiliser ce renseignement à des fins d'étude, de recherche ou de statistique conformément à l'article 21; 9 o à une personne qui, en vertu de la loi, peut recouvrer des créances pour autrui et qui le requiert dans l'exercice de ses fonctions; 10 o à une personne conformément à l'article 22 s'il s'agit d'une liste nominative. La personne qui exploite une entreprise doit inscrire toute communication faite en vertu des paragraphes 6 o à 10 o du premier alinéa. Cette inscription est considérée faire partie du dossier. Les personnes visées aux paragraphes 1 o et 9 o du premier alinéa qui reçoivent communication de renseignements peuvent communiquer ces renseignements dans la mesure cette communication est nécessaire, dans l'exercice de leurs fonctions, à la réalisation des fins pour lesquelles elles en ont reçu communication. Une agence d'investigation ou de sécurité qui est titulaire d'un permis conformément à la Loi sur les agences d'investigation ou de sécurité (L.R.Q., chapitre A-8) ou un organisme ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à la loi et une personne qui exploite une entreprise peuvent, sans le consentement de la personne concernée, se communiquer les renseignements nécessaires à la conduite d'une enquête visant à prévenir, détecter ou réprimer un crime ou une infraction à une loi. Il en est de même, entre personnes qui exploitent une entreprise, si la personne qui communique ou recueille de tels renseignements a des motifs raisonnables de croire que la personne concernée a commis ou est sur le point de commettre, à l'égard de l'une ou l'autre des personnes qui exploitent une entreprise, un crime ou une infraction à une loi. (soulignements ajoutés) L'enquête a démontré, à la satisfaction de la Commission, que les conditions relatives au consentement et à la communication des renseignements au Groupe Commerce au sujet du plaignant respectent les articles de la loi ci-dessus mentionnés.
PV 99 17 45 - 7 -Cependant, la Commission est d'avis que le plaignant n'a pas consenti à la communication de renseignements personnels le concernant à la compagnie Axa ni été avisé ou informé par l'intimé, préalablement, de ladite communication. Bien que la Commission comprenne les efforts déployés par l'intimé pour que les clients ne soient aucunement affectés par la fusion des activités du Groupe Lyras avec celles du Groupe Godard, il faut rappeler que la loi, prépondérante sur les autres lois ou ententes en vertu de l'article 94, prévoit des règles strictes en ce qui a trait à l'information que doit avoir une personne pour consentir de façon « manifeste, libre, éclairée » à la communication ou à l'utilisation de renseignement à son sujet : 94. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi. Toutefois elles n'ont pas pour effet de restreindre la protection des renseignements personnels ou l'accès d'une personne concernée à ces renseignements, résultant de l'application d'une autre loi, d'un règlement, d'un décret, d'une convention collective, d'un arrêté ou d'une pratique établie avant l'entrée en vigueur du présent article. D'une part, il n'a pas été contesté que l'intimé n'a pas renouvelé la police d'assurance détenue par le plaignant avec le Groupe Commerce. La lettre de l'intimé à l'échéance de ladite police ne parle même pas de cette dernière, mais indique seulement le « Renouvellement de votre police d'assurance propriétaire occupant Compagnie d'assurances: AXA ASSURANCES » (pièce P-1). De la compréhension de la Commission, pour renouveler une police d'assurance avec une compagnie, encore faut-il détenir une police d'assurance avec celle-ci. Ce qui, à l'évidence, n'est pas notre situation, le plaignant n'ayant pas d'assurance habitation avec la compagnie Axa. La Commission est d'avis que l'intimé devait obtenir du plaignant son autorisation avant de communiquer des renseignements à son sujet à Axa et, forcément, à ce que cette dernière puisse prélever des montants d'argent dans le compte bancaire personnel du plaignant.
PV 99 17 45 - 8 La Commission est toutefois satisfaite des correctifs apportés par l'intimé depuis la plainte, cette dernière ayant maintenant son propre système de prélèvement automatique des primes d'assurance. D'autre part, la Commission a relevé du témoignage de M. Lyras qu'un représentant de la compagnie Axa a eu accès aux renseignements personnels que l'intimé détenait dans le dossier du plaignant, et ce, sans son consentement. La Commission spécifie que les renseignements nécessaires peuvent être communiqués à des tiers, mais dans les seules situations circonscrites à la loi. Au présent dossier, nous n'avons pas trouvé, à l'article 18 de la loi, de motifs justifiant l'intimé de communiquer à la compagnie Axa, sans l'autorisation du plaignant, des renseignements personnels le concernant. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE la plainte fondée; PREND ACTE que l'intimé possède maintenant son propre système de prélèvement automatique de primes d'assurance; ORDONNE à l'intimé de recueillir auprès de ses clients un consentement conforme aux exigences de l'article 14 de la loi lors d'un changement de compagnie d'assurances; ORDONNE à l'intimé de sécuriser l'accès aux dossiers de ses clients aux seules personnes habilitées à le faire au sens du 2 e paragraphe de l'article 8 de la loi; et
PV 99 17 45 - 9 -ORDONNE à l'intimé de faire parvenir à la Direction de l'analyse et de l'évaluation de la Commission, dans les 30 jours de la présente, sa politique d'accès des employés aux dossiers de ses clients. Montréal, le 10 janvier 2002MICHEL LAPORTE Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire CHRISTIANE CONSTANT Commissaire
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