PV 96 14 02 JOCELYN MOSES Plaignant c. CAISSE POPULAIRE NOTRE-DAME-DE-LA GARDE Intimée LA PLAINTE Le plaignant reproche à l’intimée d’avoir photocopié son permis de conduire et sa carte d’assurance maladie, lors de l’ouverture d’un compte chez celle-ci, et d’avoir conservé les photocopies desdites cartes. LES PRÉTENTIONS DE L’INTIMÉE L’intimée réplique qu’en : « […] raison de la nature des opérations d’une caisse populaire, l’identification du membre est primordiale à sa sécurité et à la légitimité de ses transactions. […] Dans le cadre d’une ouverture de compte, les caisses populaires doivent demander la production d’une ou deux pièces d’identité, lesquels peuvent inclure au choix du requérant : – Carte d’assurance-maladie du Québec (avec ou sans photo) – Permis de conduire du Québec (avec ou sans photo) Il existe évidemment d’autres types de pièces d’identité qui pourraient être produites par un requérant, notamment un passeport, une carte d’assurance-sociale (NAS), une carte de crédit, une carte d’identité-étudiant, une carte de sécurité de la vieillesse, un certificat de citoyenneté, etc. […] […]
PV 96 14 02 - 2 -Lorsque le requérant produit la ou les pièces d’identité de son choix, la caisse populaire doit alors consigner l’information suivante sur la carte d’ouverture du compte: le type de la pièce présentée et le numéro du titulaire. […] » (sic) M e Nicholas Faucher, conseiller juridique à la Fédération des caisses populaires Desjardins, confirme en partie les prétentions du plaignant voulant que, lors de l’ouverture d’un compte, celui-ci doive produire son permis de conduire et sa carte d’assurance maladie. En ce qui concerne la conservation des photocopies des pièces d’identité du plaignant chez l’intimée, cette dernière croit que cette pratique n’est pas généralisée au sein des caisses populaires. Il explique, entre autres, que le but de la collecte des renseignements est nécessaire dans les trois cas ci-après mentionnés : • « identification du membre lors de l’ouverture de compte, alors qu’une expérience de crédit peut être effectuée concernant celui-ci; • identification du membre lors d’une transaction inter-caisses; • recouvrement de créances ». Par ailleurs, l’intimée prétend que les deux identifiants faisant l’objet de cette plainte sont attribués normalement une seule fois, soit lors de l’ouverture d’un compte. Elle indique également que le Règlement visant la répression du recyclage financier des produits de la criminalité 1 , de compétence fédérale, lui permet notamment de vérifier l’identité de la personne faisant affaire avec elle. L’article 11 dudit Règlement prévoit ce qui suit : Vérification d’identité 11. (1) Sous réserves de l’article 12 : a) les personnes visées aux alinéas 3a), b) et d) à c.1) de la Loi doivent s’assurer de l’identité de chaque individu qui signe la fiche de spécimen de signature d’un compte ouvert auprès d’elles sauf si, dans le cas du compte d’une 1 (1993) 127 Gaz. Can. II, art. 11 (n o 4, 1993-02-24).
PV 96 14 02 - 3 -personne morale dont la fiche de spécimen de signature est signée par plus de trois individus, elles se sont assurées de l'identité d'un nombre minimal de trois iindividus qui ont signé la fiche après l’entrée en vigueur du présent règlement et qui demeurent autorisés à agir à l’égard du compte; […] L’ENQUÊTE La Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) détient des pouvoirs d’enquête qui lui sont conférés en vertu de l’article 81 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 2 (la loi) : 81. La Commission peut, de sa propre initiative ou sur la plainte d'une personne intéressée, faire enquête ou charger une personne de faire enquête sur toute matière relative à la protection des renseignements personnels ainsi que sur les pratiques d'une personne qui exploite une entreprise et recueille, détient, utilise ou communique à des tiers de tels renseignements. À cette fin, toute personne autorisée par la Commission à faire enquête peut: 1 o avoir accès, à toute heure raisonnable, dans les installations d'une entreprise exploitée par une personne qui recueille, détient, utilise ou communique à des tiers des renseignements personnels; 2 o examiner et tirer copie de tout renseignement personnel, quelle qu'en soit la forme. APPRÉCIATION L’article 11 dudit Règlement indique que les personnes concernées doivent, entre autres, s’assurer de l’identité de chaque individu. Nulle part il n’est question de la production et de la collecte d’identifiants. L’article 5 de la loi prévoit que : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y 2 L.R.Q., c. P-39.1.
PV 96 14 02 - 4 -consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l'objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. Cette disposition législative fait ressortir deux obligations à respecter par la personne qui constitue un dossier sur autrui. Il s’agit, premièrement, que les renseignements doivent être nécessaires à l’objet du dossier et, deuxièmement, que lesdits renseignements soient obtenus par des moyens licites. De plus, l’article 9 de la loi prévoit : 9. Nul ne peut refuser d'acquiescer à une demande de bien ou de service ni à une demande relative à un emploi à cause du refus de la personne qui formule la demande de lui fournir un renseignement personnel sauf dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes: 1 o la collecte est nécessaire à la conclusion ou à l'exécution du contrat; 2 o la collecte est autorisée par la loi; 3 o il y a des motifs raisonnables de croire qu'une telle demande n'est pas licite. En cas de doute, un renseignement personnel est considéré non nécessaire. En ce qui concerne la production de la carte d’assurance maladie, l’article 9.0.01 de la Loi sur l’assurance maladie 3 spécifie ce qui suit : 9.0.0.1. La production de la carte d’assurance-maladie ou de la carte d’admissibilité ne peut être exigée qu’à des fins liées à la prestation de services ou à la fourniture de biens ou de ressources en matière de santé ou de services sociaux dont le coût est assumé par le gouvernement, en tout en en partie, directement ou indirectement, en vertu d’une loi dont l’application relève du ministère de la Santé et des Services sociaux. (soulignement ajouté) 3 L.R.Q., c. A-29.
PV 96 14 02 - 5 -Quant à la production et la collecte du permis de conduire, l’article 61 du Code de la sécurité routière 4 prévoit que : 61. […] Le titulaire d’un permis n’est tenu de produire celui-ci qu’à la demande d’un agent de la paix ou de la Société et à des fins de sécurité routière uniquement. Cet article prévoit également les circonstances par lesquelles le titulaire d’un permis peut s’en servir. Cet identifiant ne doit pas, en principe, être utilisé à d’autres fins. La Commission constate que la cueillette des numéros de la carte d’assurance maladie et du permis de conduire n'est pas requise pour les soins de santé ou au sens du Code de la sécurité routière et qu’il n’a pas été démontré que ces renseignements étaient nécessaires dans le cadre des fonctions de l’intimée. Il n’a pas été démontré que, lors de l’ouverture du compte chez l’intimée, celle-ci ait donné au plaignant une autre alternative que de produire les deux pièces d’identité qui lui ont été demandées. En cas de refus, ses chances d’ouvrir ledit compte sont peu probables. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE la plainte fondée; ORDONNE à l’intimée de ne pas requérir auprès de ses nouveaux membres, pour l’ouverture de comptes, leur carte d’assurance maladie et leur permis de conduire; et 4 L.R.Q., c. C-24.2.
PV 96 14 02 - 6 -AVISE l’intimée de ne pas collecter ni conserver lesdites pièces d’identité pour les motifs ci-dessus mentionnés. Montréal, le 4 décembre 2001CHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire
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