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PP 97 14 89 RHÉAL MESSIER Plaignant c. COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL DU QUÉBEC Intimée LA PLAINTE Le plaignant prétend que lintimée a transmis, sans son consentement, à la firme Provisoir, son employeur, un renseignement personnel et confidentiel le concernant et ayant causé la perte de son emploi. LES PRÉTENTIONS DES PARTIES Le plaignant raconte que M. Réjean Thiffault, conseiller en réadaptation chez l'intimée, est responsable de son dossier d'accidenté du travail. Il mentionne avoir également été victime, le 12 avril 1997, d'un acte criminel. Il prétend que l'intimée a divulgué ce dernier renseignement à son employeur, l'entreprise Provisoir, et que cette communication a provoqué la perte de son emploi. M. Thiffault atteste, le 25 mai 1998, sous serment, être responsable pour l'intimée du dossier visant à aider le plaignant à réintégrer le marché du travail, d'avoir rencontré et discuté, avec la propriétaire du dépanneur Provisoir a travaillé celui-ci, « des conditions demploi, des tâches à accomplir ainsi que des possibilités que la CSST subventionne en tout ou en partie lemploi offert. » Il ajoute : « Je ne me souviens pas si au cours de cette conversation il a été question des évènements dont fut victime M. Messier ».
PP 97 14 89 - 2 M. Thiffault confirme l'embauche du plaignant au poste de commis dépanneur par la propriétaire du dépanneur Provisoir, mais que celui-ci n'a pu répondre aux exigences de l'emploi. Il certifie que le dossier détenu par l'intimée ne contient aucune allégation faisant l'objet de la présente plainte. M. Daniel Gauthier, responsable de laccès, indique que l'intimée a pour mission première la réinsertion sociale et professionnelle du plaignant par des programmes de réadaptation conforme à son état de santé. Il soutient que : Cest précisément dans le but daider M. Messier à trouver un emploi satisfaisant à ses attentes que le conseiller en réadaptation de la Commission a communiqué avec lemployeur qui se montrait intéressé à retenir ses services. Dans ce contexte, il serait étonnant quun professionnel de la réadaptation communique à un employeur potentiel, une information qui serait de nature à entraîner un résultat contraire à celui quil tente dobtenir. M me Danielle Desloges, du dépanneur Provisoir, affirme, pour sa part, le 24 août 1998, que : « Jai rencontré son agent de la C.S.S.T. qui ma informé un peu du dossier de Mr. Messier. Je suis donc au courant quil sest fait attaquer dans un endroit public et quil a un léger handicap à une main. Suite à cette discussion, nous avons quand même décidé de lui donner une période dessai qui sest avéré néfaste après seulement une semaine. Il a été incapable de faire le travail et ne pourrait pas le faire. […] il ne peut saffirmer au niveau du service à la clientèle. Comme il y avait un impact direct sur son travail, jai apprécié être informer par son agent pour tous ces détails. » (sic)
PP 97 14 89 - 3 -APPRÉCIATION En vertu des pouvoirs denquête conférés aux articles 123, 124 et 128.1 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi), létude du dossier et les commentaires formulés par le plaignant et lintimée, la Commission décide de rendre décision sur dossier : 123. La Commission a également pour fonctions: 1 o de surveiller l'application de la présente loi, de faire enquête sur son fonctionnement et sur son observation; 2 o d'approuver les ententes conclues entre les organismes en vertu de l'article 172; 3 o de donner son avis sur les projets de règlement qui lui sont soumis en vertu de la présente loi, sur les projets d'entente de transfert de renseignements de même que sur les projets de décrets autorisant l'établissement de fichiers confidentiels; 4 o d'établir, si elle juge opportun, les règles de tenue du registre visé à l'article 67.3; 5 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans les dossiers ayant trait à l'adoption d'une personne et détenus par un organisme public. 6 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. 124. La Commission peut prescrire des conditions applicables à un fichier de renseignements personnels auxquelles l'organisme public doit se conformer et notamment: 1 o les types de renseignements qui peuvent être recueillis et les fins pour lesquelles ils peuvent être conservés; 2 o l'usage qui peut être fait du fichier; 3 o la nature des mesures de sécurité à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements nominatifs; 4 o les catégories de personnes qui ont accès aux renseignements nominatifs dans l'exercice de leurs fonctions et, s'il y a lieu, les restrictions à l'accès ainsi que les conditions particulières d'accès; 5 o les conditions particulières auxquelles la gestion du fichier peut être assujettie, le cas échéant. 128.1. La Commission peut au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 2 o du premier alinéa de l'article 127 et après avoir fourni à l'organisme public qui 1 L.R.Q., c. A 2.1.
PP 97 14 89 - 4 -détient le dossier visé à ce paragraphe l'occasion de présenter des observations écrites: 1 o ordonner à un organisme public de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements personnels contenus dans un dossier ayant trait à l'adoption d'une personne; 2 o indiquer les mesures nécessaires à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels contenus dans un tel dossier; 3 o indiquer les conditions particulières auxquelles la gestion d'un tel dossier peut être assujettie. La Commission exerce les mêmes pouvoirs à l'égard du curateur public au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 3o du premier alinéa de l'article 127. L'article 53 de la loi nous indique qu'un renseignement nominatif est confidentiel et l'article 54 nous enseigne ce qui est nominatif : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. La cueillette ou la communication d'un renseignement nominatif est, pour sa part, encadrée par les situations décrites à l'article 53 et également, mais non limitativement, aux articles 62, 64 et 67 de la loi : 62. Un renseignement nominatif est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4 o du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5 o du premier alinéa de l'article 81. 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à
PP 97 14 89 - 5 l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la gestion. 67. Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à toute personne ou organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec. La Commission souligne avoir déjà interprété le mot « nécessaire » 2 comme signifiant « requis, indispensable, obligatoire » 3 , et non pas ce qui est simplement utile. Elle tient également à rappeler qu'elle n'est pas habilitée à trancher un litige en matière civile, criminelle ou de relations de travail. Dans l'affaire Bellerose c. Université de Montréal 4 , le juge André Quesnel de la Cour du Québec a maintenu une décision de la Commission ayant refusé que soit rectifié le dossier d'un employé par la suppression de son numéro de téléphone confidentiel : « Il y a une différence entre exiger de l'employé un renseignement qui permette à l'employeur de la rejoindre en dehors des heures de travail et obliger un employé à s'abonner au téléphone. Il nest pas question ici pour lemployeur de sassurer indirectement de la disponibilité continuelle du salarié par le truchement de ce renseignement mais bien plutôt dutiliser un moyen normal, soit un renseignement, pouvant lui permettre, le cas échéant, dassurer la bonne marche dun de ses services. Il ny a, de lavis de cette Cour, dans cette façon dagir aucune exagération ni aucun manque de respect à la vie privée de lappelant qui peut disposer à sa guise de ses périodes de loisir même en dehors de son domicile ou de lendroit, au moyen des renseignements quil détient, son employeur pourrait tenter de le rejoindre le cas échéant. En ce sens, je suis davis que lintimée na pas abusé de son droit de gérance et que le droit à la vie privée de lappelant na pas été et nest pas menacé par le fait que son employeur, parmi les renseignements le concernant, possède son numéro de téléphone. » 2 Paul ROBERT, Le Nouveau Petit Robert, dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Montréal, DicoRobert inc., 1993 Nécessaire : 1° Se dit d'une condition, d'un moyen dont la présence ou l'action rend seul possible une fin ou un effet; 2° Dont l'existence, la présence est requise pour répondre au besoin (de qqn). 3 Bellerose c. Université de Montréal, [1986] C.A.I. 109, confirmée par la Cour du Québec à [1998] C.A.I. 377 (C.Q.). 4 Id.
PP 97 14 89 - 6 -(soulignement ajouté) La Commission observe que la divulgation présumée par l'intimée voulant que le plaignant ait subi une attaque dans « un endroit public et qu'il a un léger handicap à une main » n'a pas empêché la firme Provisoir de l'embaucher. La preuve démontre que le plaignant a obtenu l'emploi de commis chez un dépanneur Provisoir, et ce, sous réserve de ses capacités à en assumer les tâches. M me Desloges a déclaré que la période d'essai, malheureusement, n'a pas été concluante, malgré la motivation apparente du plaignant, et qu'elle n'a pas retenu les services de ce dernier. Le motif évoqué par le plaignant à l'appui de sa plainte ne nous semble pas justifié. Par ailleurs, les articles 1 et 15 de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels 5 énoncent que c'est la Commission de la santé et sécurité au travail qui est responsable de cette loi, et ce, en y faisant les adaptations nécessaires : 1. Dans la présente loi, les mots suivants signifient: a) «Commission»: la Commission de la santé et de la sécurité du travail; b) «blessure»: une lésion corporelle, la grossesse, un choc mental ou nerveux; «blessé» a une signification similaire; c) «réclamant»: la victime ou, si elle est tuée, ses personnes à charge, la personne visée dans l'article 6 et les parents visés dans l'article 7. 15. Les dispositions de la Loi sur les accidents du travail (chapitre A-3), à l'exception du paragraphe 1 de l'article 3, qui ne sont pas incompatibles avec la présente loi s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires. 5 L.R.Q., c. I-6.
PP 97 14 89 - 7 -De plus, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles 6 et ses règlements 7 prévoient, pour les personnes régies par cette dernière, dont le plaignant, une série de mesures pour faciliter le retour au travail. La déclaration de M. Gauthier, responsable de l'accès pour l'intimée, traite de cet aspect de réintégration à l'emploi lorsqu'il mentionne que « Cest précisément dans le but daider M. Messier à trouver un emploi satisfaisant à ses attentes que le conseiller en réadaptation de la Commission a communiqué avec lemployeur qui se montrait intéressé à retenir ses services. » Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes : Loi 1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès. La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle. 2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par: (…) «emploi convenable»: un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; «employeur»: une personne qui, en vertu d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, utilise les services d'un travailleur aux fins de son établissement; (…) «travailleur»: une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de travail ou d'apprentissage, à l'exclusion: (…) 6 L.R.Q., c. A-3.001. 7 L.R.Q, c. A-3.001, r. 0.2.
PP 97 14 89 - 8 -145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. 146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle. Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles. 147. En matière de réadaptation, le plan individualisé constitue la décision de la Commission sur les prestations de réadaptation auxquelles a droit le travailleur et chaque modification apportée à ce plan en vertu du deuxième alinéa de l'article 146 constitue une nouvelle décision de la Commission. 166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable. 167. Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment: 1° un programme de recyclage; 2° des services d'évaluation des possibilités professionnelles; 3° un programme de formation professionnelle; 4° des services de support en recherche d'emploi; 5° le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique; 6° l'adaptation d'un poste de travail; 7° le paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail; 8° le paiement de subventions au travailleur. 171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer. Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail. 175. La Commission peut, aux conditions qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec 30 jours avant leur mise en application, octroyer à l'employeur qui embauche un travailleur victime d'une
PP 97 14 89 - 9 -lésion professionnelle une subvention pour la période, n'excédant pas un an, pendant laquelle ce travailleur ne peut satisfaire aux exigences normales de l'emploi. Cette subvention a pour but d'assurer au travailleur une période de réadaptation à son emploi, d'adaptation à son nouvel emploi ou de lui permettre d'acquérir une nouvelle compétence professionnelle.
PP 97 14 89 - 10 -Règlement 1. Conformément à l'article 175 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001), la Commission de la santé et de la sécurité du travail détermine les conditions d'octroi, à un employeur qui embauche un travailleur victime d'une lésion professionnelle, d'une subvention pour la période, n'excédant pas un an, pendant laquelle le travailleur ne peut satisfaire aux exigences normales de l'emploi. Cette subvention a pour but d'assurer au travailleur, dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, une période de réadaptation à son emploi, d'adaptation à son nouvel emploi ou de lui permettre d'acquérir une nouvelle compétence professionnelle. 2. Pour obtenir une subvention, l'employeur qui embauche un travailleur victime d'une lésion professionnelle fait une demande à la Commission. La Commission fournit des services professionnels et techniques pour assister l'employeur dans l'élaboration de sa demande, notamment dans le cadre de l'évaluation du poste de travail ou de la définition du plan d'embauche ou de formation. 3. Cette demande contient les renseignements suffisants pour permettre l'élaboration d'un programme ayant pour but d'assurer au travailleur une période de réadaptation à son emploi, d'adaptation à son nouvel emploi ou de lui permettre d'acquérir une nouvelle compétence professionnelle. Elle permet à la Commission d'évaluer la stabilité du poste visé et les possibilités de maintenir le travailleur en emploi. En raison de ce qui précède, la Commission comprend que l'intimée a communiqué à M me Desloges le fait que le plaignant « sest fait attaquer dans un endroit public et quil a un léger handicap à une main » et que ce seul renseignement était, dans ce contexte, croyons-nous, un renseignement nécessaire à l'application de la Loi sur les accidents du travail qui vise la réinsertion au travail de celui-ci et ne constitue pas une intrusion injustifiée dans la vie privée du plaignant.
PP 97 14 89 - 11 La plainte est donc rejetée. Montréal, le 23 novembre 2001 M e Daniel Gauthier Procureur de l'intiméeCHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire
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