PP 99 11 26 JEAN-PIERRE LAFOND Plaignant c. HYDRO-QUÉBEC Intimée LA PLAINTE Le plaignant reproche à l’intimée d’avoir obtenu, sans son consentement, la copie du bail conclu avec son locateur. LA VERSION DU PLAIGNANT Le plaignant emménage dans un nouveau logement après avoir signé un bail avec son locateur, « Les Jardins Jean-Bosco ». Ce dernier informe l’intimée du changement de locataire, afin que les factures d’électricité soient adressées directement au plaignant. À la suite de ce renseignement, le plaignant allègue que l’intimée a obtenu la copie de son bail sans son consentement. LA VERSION DE L’INTIMÉE L’intimée soutient qu’en vertu d’une réglementation en vigueur, elle est autorisée à recueillir ce genre de document sur ses abonnés. C’est le motif pour lequel le locateur du plaignant lui a transmis le document requis.
PP 99 11 26 - 2 -LES FAITS ANTÉRIEURS AU PRÉSENT CAS L’intimée nous informe qu’antérieurement, le plaignant occupait un autre logement pour lequel il était responsable avec une tierce personne des coûts d’électricité. À son départ, il devait à l’intimée une certaine somme d’argent qui, selon cette dernière, demeure impayée en date du 30 juin 1998. Le plaignant ne conteste pas cette affirmation. Durant cette même période, le locateur informe l’intimée que le nouveau titulaire du bail est M. Jean-Pierre Lafond. Pour s’assurer de l’identité de celui-ci, l’intimée demande la copie du bail afin de comparer la signature du plaignant avec celle qu'elle détient. Elle prétend que cet exercice lui était nécessaire pour pouvoir recouvrer la somme due, et ce, pour les motifs ci-dessus mentionnés. M me Katia Lavoie, « commis recouvrement » chez l’intimée, déclare à l’époque qu’une réglementation en vigueur lui permet la collecte de ce bail faisant l’objet du présent litige, ce qui fut fait. Le 30 juillet 1998, l’intimée indique ceci : « Comme nous le permet la réglementation en vigueur, nous vous saurions gré de nous transmettre par télécopieur une copie du bail signé par notre client. » (Pièce O-1) De plus, M me Stella Leney, directrice-Affaires corporatives chez l’intimée, ajoute : « Dans ces circonstances, les responsables d’Hydro Québec ont considéré qu’il était nécessaire de recueillir une copie du bail pour s’assurer de l’identité de monsieur Lafond et d’ainsi pouvoir recouvrer la somme qui lui était due. Cette cueillette s’est donc faite dans le respect des articles 64 et 65 de la Loi sur les accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui permettent à un organisme public de recueillir, de la personne concernée
PP 99 11 26 - 3 -ou d’un tiers, des renseignements nominatifs qui sont nécessaires à l’exercice de ses attributions. » Le locateur transmet donc le bail du plaignant à l’intimée, après avoir été convaincu de l’existence de la réglementation mentionnée par le commis recouvrement de celle-ci. Cependant, les 12 juillet 1999 et 10 octobre 2001, l’intimée précise : « […] qu’il n’existe aucune réglementation lui permettant de demander le bail d’un logement. Hydro Québec considère qu’un bail impliquant une personne physique contient des renseignements nominatifs de nature confidentielle. » (Pièce O-2) La Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) décide toutefois d’examiner la nécessité de la cueillette de ce document par l’intimée. L’ENQUÊTE Les articles 123, 124 et 128.1 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 (la loi) ci-après mentionnés confèrent à la Commission des pouvoirs d’enquête : 123. La Commission a également pour fonctions: 1 o de surveiller l'application de la présente loi, de faire enquête sur son fonctionnement et sur son observation; 2 o d'approuver les ententes conclues entre les organismes en vertu de l'article 172; 3 o de donner son avis sur les projets de règlement qui lui sont soumis en vertu de la présente loi, sur les projets d'entente de transfert de renseignements de même que sur les projets de décrets autorisant l'établissement de fichiers confidentiels; 4 o d'établir, si elle juge opportun, les règles de tenue du registre visé à l'article 67.3; 5 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans les dossiers 1 L.R.Q., c. A 2.1.
PP 99 11 26 - 4 -ayant trait à l'adoption d'une personne et détenus par un organisme public. 6 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. 124. La Commission peut prescrire des conditions applicables à un fichier de renseignements personnels auxquelles l'organisme public doit se conformer et notamment: 1 o les types de renseignements qui peuvent être recueillis et les fins pour lesquelles ils peuvent être conservés; 2 o l'usage qui peut être fait du fichier; 3 o la nature des mesures de sécurité à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements nominatifs; 4 o les catégories de personnes qui ont accès aux renseignements nominatifs dans l'exercice de leurs fonctions et, s'il y a lieu, les restrictions à l'accès ainsi que les conditions particulières d'accès; 5 o les conditions particulières auxquelles la gestion du fichier peut être assujettie, le cas échéant. 128.1 La Commission peut au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 2 o du premier alinéa de l'article 127 et après avoir fourni à l'organisme public qui détient le dossier visé à ce paragraphe l'occasion de présenter des observations écrites: 1 o ordonner à un organisme public de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements personnels contenus dans un dossier ayant trait à l'adoption d'une personne; 2 o indiquer les mesures nécessaires à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels contenus dans un tel dossier; 3 o indiquer les conditions particulières auxquelles la gestion d'un tel dossier peut être assujettie. La Commission exerce les mêmes pouvoirs à l'égard du curateur public au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 3 o du premier alinéa de l'article 127. Après étude du dossier et avoir reçu les observations du plaignant et de l’intimée, la Commission rend sa décision. DÉCISION Il importe de souligner que les renseignements nominatifs sont confidentiels au sens des articles 53 et 54 de la loi :
PP 99 11 26 - 5 -53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. Dans le cas sous étude, le plaignant n’a pas autorisé son locateur à transmettre à l’intimée une copie de son bail, ni à celle-ci de recueillir ledit bail. L’intimée reconnaît avoir recueilli le bail du plaignant sans le consentement de celui-ci. La preuve nous a convaincus que cette cueillette ne lui était pas nécessaire au sens de l’article 64 de la loi : 64. Nul ne peut, au nom d'un organisme public, recueillir un renseignement nominatif si cela n'est pas nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d'un programme dont il a la gestion. Dans l’arrêt X… c. Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal 2 , la Commission devait décider de la nécessité pour l’employeur de recueillir des renseignements confidentiels concernant l’un de ses employés. Elle conclut : « C’est donc dire qu’un organisme public ne peut recueillir, au sujet de ses employés, que des renseignements qui lui sont nécessaires en tant qu’employeur. Dans le présent cas, aucune démonstration n’a été faite de la nécessité, dans un document visant à faire le point sur le comportement de la demanderesse au travail, d’une foule de renseignements concernant sa vie personnelle. Partant, la soussignée conclut que la collecte de ces 2 (1989) C.A.I. 148.
PP 99 11 26 - 6 -renseignements n’est pas autorisée par la loi et accorde la rectification conformément à l’article 89. » La Commission en arrive à la conclusion que rien n’autorisait l’intimée à recueillir le bail du plaignant sans le consentement de celui-ci. Cependant, elle note que l’intimée a depuis remédié à cette situation et ne demande plus le bail d’un locataire. En effet, il indique : « […] De plus, notre cliente nous assure que des mesures ont été prises afin de rappeler aux responsables du recouvrement qu’ils ne doivent pas recueillir des renseignements personnels autres que ceux prévus à l’annexe I du Règlement 634, à savoir : nom, adresse, adresse précédente, numéro de téléphone résidentiel, numéro de téléphone au travail et numéro d’assurance sociale », tel qu'il a été mentionné dans sa pièce O-2 précitée. D’ailleurs, les renseignements personnels ci-dessus mentionnés représentent les critères établis antérieurement dans le cadre d’une entente intervenue entre la Commission et l’intimée pour la collecte et l’usage des renseignements nominatifs 3 , et ce, aux fins de l’application de l’article 64 de la loi précité. Ladite entente prévoit, entre autres : « Il ressort que le cadre de ses relations courantes avec sa clientèle, une fois que l’identité d’un nouveau client est établie et validée, les renseignements nominatifs les plus utiles et les plus utilisés par le personnel sont le numéro de compte du client, ses adresses précédente et actuelle ainsi que ses numéros de téléphone résidentiel et au travail. […] Il en résulte que le seul identifiant qui soit universel, unique à chaque individu et dont la validité peut être vérifiée partiellement au téléphone est le NAS. » 3 Rapport du Comité directeur, La cueillette et l’usage des renseignements nominatifs auprès des clients d’Hydro-Québec, Recherche conjointe C.A.I. – H.Q., 18 mai 1995.
PP 99 11 26 - 7 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE la plainte fondée; PREND ACTE que l’intimée, depuis les événements, ne recueille plus le bail d’un locataire; ORDONNE à l’intimée d’aviser le locateur du plaignant par écrit de la présente décision; RECOMMANDE à l’intimée, pour l’avenir, de se conformer au Rapport du Comité directeur du 18 mai 1995 sur « La cueillette et l’usage des renseignements nominatifs auprès des clients d’Hydro-Québec » préparé par la Commission et celle-ci. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 16 novembre 2001 M e Jocelyne Paquette Procureure de l'intimée
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