PP 97 18 95 MARC TIMOTHY Plaignant c. MINISTÈRE DU REVENU DU QUÉBEC Intimé LA PLAINTE Le plaignant reproche à la Direction de la perception des pensions alimentaires gérée par l’intimé d’avoir transmis à son employeur des renseignements confidentiels le concernant, sans son consentement et sans qu’il soit déclaré ou reconnu « mauvais payeur. » Il prétend que cette divulgation fait suite à un appel téléphonique de son ex-épouse à l’intimé, et ce, sans vérification par celui-ci du bien-fondé de la demande. Il reproche également à l’intimé d’avoir transmis à son employeur, par télécopieur, d'autres renseignements confidentiels, sans avoir vérifié si la personne qui les reçoit est en droit de les recevoir. LA POSITION DU PLAIGNANT Le plaignant allègue que l'intimé aurait dû le contacter d’abord afin de prendre arrangement pour ledit paiement. De plus, il soutient que l’intimé a entrepris ces démarches auprès de l‘employeur à la suite d’un entretien téléphonique tenu avec à son épouse.
PP 97 18 95 - 2 L’ENQUÊTE Après étude du dossier et des observations reçues du plaignant et de l’intimé, la Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission) rend sa décision en vertu des pouvoirs d’enquête qui lui sont conférés aux articles 123, 124 et 128.1 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (la loi) 1 : 123. La Commission a également pour fonctions: 1 o de surveiller l'application de la présente loi, de faire enquête sur son fonctionnement et sur son observation; 2 o d'approuver les ententes conclues entre les organismes en vertu de l'article 172; 3 o de donner son avis sur les projets de règlement qui lui sont soumis en vertu de la présente loi, sur les projets d'entente de transfert de renseignements de même que sur les projets de décrets autorisant l'établissement de fichiers confidentiels; 4 o d'établir, si elle juge opportun, les règles de tenue du registre visé à l'article 67.3; 5 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans les dossiers ayant trait à l'adoption d'une personne et détenus par un organisme public. 6 o de veiller au respect de la confidentialité des renseignements personnels contenus dans le dossier que le curateur public détient sur une personne qu'il représente ou dont il administre les biens. 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou par un tiers. Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents: écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. 124. La Commission peut prescrire des conditions applicables à un fichier de renseignements personnels auxquelles l'organisme public doit se conformer et notamment: 1 o les types de renseignements qui peuvent être recueillis et les fins pour lesquelles ils peuvent être conservés; 2 o l'usage qui peut être fait du fichier; 3 o la nature des mesures de sécurité à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements nominatifs; 1 L.R.Q., c. A 2.1.
PP 97 18 95 - 3 -4 o les catégories de personnes qui ont accès aux renseignements nominatifs dans l'exercice de leurs fonctions et, s'il y a lieu, les restrictions à l'accès ainsi que les conditions particulières d'accès; 5 o les conditions particulières auxquelles la gestion du fichier peut être assujettie, le cas échéant. 128.1 La Commission peut au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 2 o du premier alinéa de l'article 127 et après avoir fourni à l'organisme public qui détient le dossier visé à ce paragraphe l'occasion de présenter des observations écrites: 1 o ordonner à un organisme public de prendre les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements personnels contenus dans un dossier ayant trait à l'adoption d'une personne; 2 o indiquer les mesures nécessaires à prendre pour assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels contenus dans un tel dossier; 3 o indiquer les conditions particulières auxquelles la gestion d'un tel dossier peut être assujettie. La Commission exerce les mêmes pouvoirs à l'égard du curateur public au terme d'une enquête portant sur la matière visée au paragraphe 3 o du premier alinéa de l'article 127. Demande d’enquête du plaignant auprès du ministre du Revenu du Québec Parallèlement à la plainte devant la Commission, le plaignant demande au sous-ministre du Revenu du Québec, le 6 juin 1997, de mener une enquête à la suite d’une retenue sur son salaire effectuée par la Direction. Le plaignant considère que ladite retenue est abusive. Il prétend de plus qu’il ne devrait verser aucune pension alimentaire, en raison notamment de son salaire annuel et de celui de son ex-épouse. Discussion relative à la plainte devant la Commission Le plaignant est en instance de divorce. Le 27 janvier 1997, à la suite d’un jugement sur les mesures provisoires, la Cour supérieure lui ordonne de verser une pension alimentaire pour ses enfants mineurs. Ladite pension est fixée conformément à l’Annexe I du Formulaire de fixation des pensions alimentaires pour
PP 97 18 95 - 4 -enfants. La Direction, relevant de l’intimé, est chargée de faire appliquer la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires 2 . L’intimé explique qu’il détient une copie de la déclaration assermentée de l’ancienne épouse du plaignant (pièce I-1), dans laquelle on retrouve, entre autres, le nom de l’employeur de celui-ci, son salaire ainsi que ses coordonnées. Ces renseignements spécifiques permettent d’identifier chez l’intimé, via son système informatique, le nom de la personne habilitée à recevoir ce genre d’informations chez l’employeur. L’intimé transmet alors à ce dernier, par télécopieur, une lettre qui contient des renseignements confidentiels concernant le plaignant, à savoir, entre autres, son numéro d’assurance sociale et le montant de la pension alimentaire à être versé, incluant les arrérages. L’original de ladite lettre est transmis par courrier à l’employeur et est envoyée au plaignant. Celui-ci désapprouve cette façon de procéder de l’intimé. Le plaignant soutient que l’intimé aurait dû préalablement le contacter afin de prendre arrangement quant au paiement de la pension alimentaire et des arrérages à verser, au lieu de divulguer directement à l’employeur des renseignements relatifs à la retenue sur le salaire dont il fait l’objet. APPRÉCIATION La Commission tient à spécifier qu’elle n’est pas habilitée à trancher un litige en matière matrimoniale, notamment en ce qui concerne le montant de la pension alimentaire ou des recours d’appel ouverts en semblable matière. La plainte du plaignant comporte deux volets : a) l’intimé, via la Direction de la perception des pensions alimentaires, aurait divulgué à l’employeur des renseignements confidentiels le concernant, 2 L.R.Q., c. P-2.2.
PP 97 18 95 - 5 sans son consentement, et ce, à la suite d’un entretien téléphonique de celui-ci avec l'ex-épouse du plaignant; et b) cette Direction n’aurait pas vérifié si la personne ayant collecté ces renseignements était en droit de les recevoir. Le premier volet de la plainte Il importe de faire ressortir les articles pertinents de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires relatifs à la plainte : 6. Dès le prononcé d’un jugement qui accorde une pension alimentaire ou qui révise un tel jugement, le greffier du tribunal notifie au ministre les renseignements suivants : 1. la date d’exigibilité et le montant de la pension; 2. le montant des arrérages de pension, s’il en est; 3. l’indice d’indexation de la pension prévu au jugement, le cas échéant; 4. tout autre renseignement prévu par règlement; Il lui transmet également les déclarations assermentées prévues à l'article 827.5 du Code de procédure civile (L.R.Q., chapitre C-25), ainsi qu’une copie du jugement. 7. Une pension alimentaire est perçue au moyen d’une retenue, d’un ordre de paiement ou des deux à la fois. 8. Sur réception d’une demande transmise en vertu de l’article 5 ou des renseignement notifiés par le greffier, le ministre avise le débiteur du mode de perception qui lui est applicable. […] 9. Le débiteur peut, dans les dix jours de cet avis, demander au ministre l’application d’un autre mode de perception, s’il en satisfait les conditions. […] Les articles 6, 7 et 8 de cette loi indiquent les renseignements que doit notifier le greffier au ministre (article 6), le mode de perception (article 7), l’avis adressé au débiteur (article 8) et le délai qui lui est accordé et, s’il le désire, les
PP 97 18 95 - 6 conditions ainsi que les modalités de paiement. Dans le cas d’un salarié, l’intimé privilégie les retenues de salaire, tel qu’il a été indiqué à l’article 11 de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires : 11. Lorsqu’un montant est versé périodiquement au débiteur par une personne, le ministre perçoit la pension alimentaire au moyen d’une retenue qui s’effectue sur les montants et dans l’ordre suivants : 1. les traitements, salaires ou autres rémunérations; » […] Le plaignant n’a d’autre choix que de s’y conformer. Le plaignant peut demander un autre mode de perception, tel que prévu à l'article 9 de cette loi, s’il en satisfait les conditions : 9. Le débiteur peut, dans les dix jours de cet avis, demander au ministre l’application d’un autre mode de perception s’il en satisfait les conditions. De plus, les articles 13 et 15 de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires spécifient que : 13. La personne qui verse un montant périodique doit, à la demande du ministre, lui communiquer tout renseignement relatif à ce montant et permettant de déterminer la partie qui peut faire l’objet d’une retenue. 15. Le ministre détermine la somme qui peut être retenue en tenant compte des versements de pension alimentaire qui doivent être effectués, jusqu’à concurrence de la partie saisissable pour dette alimentaire telle que déterminée en application du deuxième alinéa de l’article 553 du Code de procédure civile. Il peut inclure dans cette somme, dans la proportion qu’il détermine, les arrérages de pension et les frais, s’il en est. » […] L’article 13 ci-dessus mentionné permet à une personne, incluant un employeur qui verse un montant à l’intimé, de divulguer tout renseignement relatif
PP 97 18 95 - 7 audit montant. Cette loi ne prévoit aucun mécanisme obligeant un employé de l’intimé à demander une autorisation au plaignant pour informer l’employeur de celui-ci qu’une partie de son salaire sera retenue. L’intimé doit toutefois informer le plaignant de l’avis émis à son employeur, ce qui fut fait. Aucune preuve n’est venue supporter les allégations du plaignant voulant que son ex-épouse aurait divulgué à l’intimé des renseignements confidentiels le concernant. Toutes les allégations de collecte et de divulgation de renseignements dont le plaignant se plaint se retrouvent dans la déclaration solennelle de son ex-épouse. Ces renseignements permettent à l’intimé de faire appliquer la loi, de manière à ce que le plaignant puisse verser le montant de la pension alimentaire, tel qu’il a été indiqué dans le jugement sur les mesures provisoires du 27 janvier 1997, incluant les arrérages (pièce I-2). Le deuxième volet de la plainte Le plaignant soutient que l’intimé, via la Direction, n’aurait pas vérifié si la personne ayant collecté ces renseignements chez son employeur était en droit de les recevoir. La Direction de la vérification interne et des enquêtes chez l’intimé a mené une enquête en juin 1997 pour savoir, entre autres, si ses employés vérifiaient que les avis de retenue transmis par télécopieur aux employeurs étaient reçus par la personne dont le nom apparaissait dans le système informatique dudit intimé (pièce I-3). Depuis le 12 décembre 1997, la Direction, relevant de l’intimé, modifiait sa procédure d’expédition concernant l’utilisation du télécopieur pour la transmission des avis de retenue aux employeurs (pièce I-4). Cette procédure privilégie l’envoi postal. Cependant, certains avis seront transmis à l’employeur, par télécopieur, dans des circonstances exceptionnelles seulement.
PP 97 18 95 - 8 Par ailleurs, le 25 avril 2001, le plaignant soumet à la Commission un amendement à sa plainte originale. Il déclare : « […] Sommairement, ma plainte est fondée sur la façon dont l’information d’une pension alimentaire pour enfant est divulguée à un employeur. » Il invite la Commission à prendre connaissance d'une partie de l’Annexe I du Formulaire de fixation des pensions alimentaires pour enfants (ligne 405) qui permet à un créancier d’augmenter le montant de la réclamation de la pension alimentaire. Dans son amendement, le plaignant soumet d’autres suggestions qui ne relèvent pas de la compétence de la Commission. En conséquence, nous ne pouvons pas les traiter. Par ailleurs, l’article 53 de la loi définit ce qui constitue un renseignement confidentiel, tandis que l’article 54 indique ce qu’est un renseignement nominatif. Ils stipulent que : 53. Les renseignements nominatifs sont confidentiels sauf dans les cas suivants: 1 o leur divulgation est autorisée par la personne qu'ils concernent; si cette personne est mineure, l'autorisation peut également être donnée par le titulaire de l'autorité parentale; 2 o ils portent sur un renseignement obtenu dans l'exercice d'une fonction d'adjudication par un organisme public exerçant des fonctions quasi judiciaires; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion. 54. Dans un document, sont nominatifs les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier. L’intimé a-t-il recueilli des renseignements nominatifs concernant le plaignant, sans l’autorisation de celui-ci?
PP 97 18 95 - 9 L’article 62 de la loi ci-dessous mentionné indique les trois conditions essentielles pour rendre un renseignement nominatif accessible, sans le consentement de la personne concernée : 62. Un renseignement nominatif est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4 o du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5 o du premier alinéa de l'article 81. Les trois conditions 3 sont : • « Avoir qualité pour les recevoir au sein de l’organisme; • Être nécessaire à l’exercice de ses fonctions; • Appartenir à l’une des catégories de personnes inscrites comme telle à la déclaration de fichier de l’organisme. » En raison de ce qui précède, la Commission considère que les renseignements communiqués à l’employeur du plaignant étaient nécessaires à l’exercice des fonctions de l’intimé chargé d’appliquer la Loi facilitant le paiement de la pension alimentaire. Ainsi, un jugement sur les mesures provisoires est rendu par la Cour supérieure ordonnant au plaignant de verser une pension alimentaire à son ex-épouse pour leurs enfants. L’intimé a communiqué avec l’employeur en vertu des dispositions législatives prévues à cette fin. On ne peut lui reprocher d’avoir appliqué cette loi et l’ex-épouse du plaignant n’a rien à voir avec les allégations et interrogations soulevées par celui-ci. En ce qui concerne la transmission par l’intimé, par télécopieur, des renseignements confidentiels à l’employeur, il a resserré les mesures de protection des 3 La loi, textes annotés, p. 291.
PP 97 18 95 - 10 -renseignements personnels depuis le 12 décembre 1997, et ce, dans le respect des directives émises par la Commission à cet égard POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION: CONSTATE que, depuis le 12 décembre 1997, des mesures ont été prises par l’intimé afin de protéger la confidentialité des renseignements transmis aux employeurs, et ce, dans le respect des directives émises par la Commission à cet égard; et FERME le dossier. Montréal, le 16 novembre 2001 4 Fiche Contact, Info-conseils sur la confidentialité des renseignements personnels, janvier 1995.4 . CHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire
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