PV 99 02 42 JEAN-JACQUES COURT Plaignant c. MAISON AMARYLLIS Entreprise LA PLAINTE Le plaignant prétend que l’entreprise, son ancien employeur, a divulgué illégalement à des tiers des renseignements personnels le concernant, soit les motifs de son congédiement, et ce, sans son consentement. L'ENQUÊTE M e Jennifer Stoddart, présidente de la Commission d’accès à l’information du Québec (la Commission), M e Michel Laporte et M e Christiane Constant, commissaires, sont chargés de mener l’enquête ci-dessus mentionnée suivant les pouvoirs d’enquête prévus à l’article 81 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 (la loi) : 81. La Commission peut, de sa propre initiative ou sur la plainte d'une personne intéressée, faire enquête ou charger une personne de faire enquête sur toute matière relative à la protection des renseignements personnels ainsi que sur les pratiques d'une personne qui exploite une entreprise et recueille, détient, utilise ou communique à des tiers de tels renseignements. 1 L.R.Q., c. P-39.1.
99 02 42 - 2 -À cette fin, toute personne autorisée par la Commission à faire enquête peut: 1 o avoir accès, à toute heure raisonnable, dans les installations d'une entreprise exploitée par une personne qui recueille, détient, utilise ou communique à des tiers des renseignements personnels; 2 o examiner et tirer copie de tout renseignement personnel, quelle qu'en soit la forme. Aux fins de cette enquête, les parties ont convenu que la décision de la Commission soit rendue suivant la preuve versée au dossier. LES PRÉTENTIONS DE L’ENTREPRISE L’entreprise est une maison d’hébergement pour personnes atteintes du sida, dont M. Alain Lanctôt en est le directeur général et secrétaire. Selon celui-ci, le plaignant travaillait pour ladite entreprise à titre d’agent de financement. Il avait notamment pour fonctions « d’organiser des évènements bénéfices, de solliciter des dons en biens et en services de diverses organisations. » Il déclare, par résolution adoptée à l’unanimité par le conseil d’administration le 9 décembre 1998 : « […] entériner la décision rendue par le directeur général après consultation avec le président du conseil d’administration le 11 novembre 1998 de congédier Jean-Jacques Court, agent de financement, pour faute grave à savoir la destruction de fichiers informatiques appartenant à la Maison Amaryllis et la disparition de documents écrits relatifs aux campagnes de financement de notre organisme. », tel qu’il appert de la pièce E-1. Le plaignant est effectivement congédié le 11 novembre 1998. Ledit congédiement est traité dans un « Communiqué », pour « Diffusion : Immédiate », tel qu’il appert de la pièce E-2, lequel se lit comme suit :
99 02 42 - 3 -« Veuillez prendre note que monsieur Jean-Jacques Court n’est plus à l’emploi de la Maison Amaryllis depuis le 11 novembre 1998. M. Court occupait le poste d’agent du financement de notre organisme et à ce titre il était chargé d’organiser des évènements bénéfices, de solliciter des dons en biens et en services de diverses organisations. Nous vous avisons qu’à compter d’aujourd’hui M. Court n’est plus autorisé à solliciter en notre nom pour quelque raison que ce soit. Tout dossier relatif au financement d’Amaryllis sera traité directement par le directeur général de l’organisme. » (sic) De plus, par une note de service datée du 10 février 1999 (pièce E-3) adressée aux membres du conseil d’administration, et dont l’objet est « Congédiement Jean-Jacques Court », le directeur général et secrétaire de l’entreprise transmet à ceux-ci une liste de huit maisons d’hébergement SIDA et de 12 organismes ayant reçu ledit communiqué. M. Lanctôt déclare également qu’en tant que représentant de l’employeur, il devait aviser les partenaires du départ du plaignant. Nulle part dans le communiqué, le mot « congédiement » n'y apparaît et les motifs n’y sont pas mentionnés. LES PRÉTENTIONS DU PLAIGNANT Le plaignant, pour sa part, admet avoir détruit les documents d’archives appartenant à l’entreprise. Toutefois, il prétend que cette destruction n’est qu’un prétexte utilisé par son ex-employeur pour arriver aux conclusions que l’on sait. En effet, le plaignant prétend qu’il procédait « toujours à une mise à jour des documents et du répertoire. Cette opération était systématiquement faite après chaque campagne de financement. Les données informatiques retirées de l’ordinateur étaient obsolètes et donc encombraient inutilement la mémoire de l’ordinateur. » Il a d’ailleurs déposé une plainte devant la Commission des normes du travail pour congédiement sans cause juste et suffisante.
99 02 42 - 4 -De plus, le plaignant mentionne qu’à la suite des demandes de référence auprès d’employeurs potentiels, il a été informé que son ex-employeur aurait tenu des propos diffamatoires à son endroit. M. Batard, dans son affidavit du 13 avril 1999, cite les propos suivants : « Monsieur Court manque d’organisation total dans son travail […] ne rencontre – et n’a jamais rencontré – les exigences demandées », etc. Ces allégations véhiculées par l’entreprise obligeraient éventuellement le plaignant à entreprendre une requête en diffamation contre elle. Nous ignorons si des procédures judiciaires ont bel et bien été intentées. L’entreprise nie toutes ces allégations et déclare « … donc que les renseignements personnels qu’on nous reproche de divulguer le soient par l’employé lui-même . » Le plaignant croit que les renseignements fournis par son ex-employeur à des tiers à son égard, sans son consentement, constitueraient le motif pour lequel il ne peut pas se trouver un nouvel emploi. APPRÉCIATION L’article 2 de la loi définit ce qu’est un renseignement personnel : 2. Est un renseignement personnel, tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l'identifier. L’article 13 stipule que : 13. Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l'objet du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit. L’article 14 de la loi prévoit que : 14. Le consentement à la communication ou à l'utilisation d'un renseignement personnel doit être manifeste, libre, éclairé et être donné
99 02 42 - 5 -à des fins spécifiques. Ce consentement ne vaut que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé. Un consentement qui n'est pas donné conformément au premier alinéa est sans effet. La Maison Amaryllis n’a pas agi illégalement à l’égard du plaignant. Elle n’a pas fourni un renseignement personnel concernant celui-ci et permettant de l’identifier. Il occupait un poste d’agent de financement et était chargé de solliciter des fonds auprès des tiers. Considérant ses fonctions au sein de l’entreprise pour laquelle il ne travaille plus, cette dernière avait l’obligation de communiquer ce renseignement aux maisons d’hébergement et autres organismes fournisseurs et donateurs. Elle devait également les informer que le plaignant n’est plus autorisé à solliciter des fonds en son nom. Le consentement du plaignant n’était donc pas requis pour que l’entreprise communique ledit renseignement aux tiers concernés. Les conditions prévues aux articles 13 et 14 de la loi ne s’appliquent pas dans le cas sous étude. La preuve démontre que l’entreprise s’est assurée que le renseignement transmis concernant le plaignant ne dévoile ni les circonstances ni les motifs de son départ. Elle a transmis uniquement un renseignement factuel concernant celui-ci, à savoir qu’il ne travaille plus pour l’entreprise et qu'il n’est plus autorisé à solliciter des fonds en son nom. En agissant ainsi, la Maison Amaryllis s’est également assurée que les obligations que lui impose la loi ont été respectées. Ainsi, l’article 20 de la loi indique : 20. Dans l'exploitation d'une entreprise, un renseignement personnel n'est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à tout préposé, mandataire ou agent de l'exploitant qui a qualité pour le connaître qu'à la condition que ce renseignement soit nécessaire à l'exercice de ses fonctions ou à l'exécution de son mandat.
99 02 42 - 6 -En vertu de cet article, la Commission est d’avis que les membres du conseil d’administration, dans le cadre de leurs fonctions, sont liés par la confidentialité. Ils pouvaient donc recevoir les renseignements personnels concernant le plaignant, sans le consentement de celui-ci. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : REJETTE la plainte. CHRISTIANE CONSTANT Commissaire JENNIFER STODDART Commissaire MICHEL LAPORTE Commissaire Montréal, le 31 octobre 2001
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