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Avis de la Commission d'accès à l'information Concernant le projet de loi n° 122 Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives JUIN 2000 00 09 36
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION 1. Les technologies de l'information et de communication Les mesures de sécurité La diffusion de renseignements personnels qui ont un caractère public Le maintien de la possibilité d'obtenir une copie papier des documents informatisés 2. Les échanges de renseignements personnels entre organismes.3. L'assujettissement à la Loi sur l'accès L'assujettissement des ordres professionnels L'assujettissement des organismes municipaux L'assujettissement de certains organismes gouvernementaux 4. Le droit d'accès aux documents administratifs et aux renseignements personnels L'accessibilité aux comptes de dépenses 5. L'organisation de l'exercice des droits L'exercice du droit d'appel des décisions de la Commission Les pouvoirs d'enquête de la Commission De nouvelles règles pour les demandes d'accès abusives L'ajout de nouveaux motifs de refus Les avis aux tiers l 6. LA LOI SUR L'INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC La politique sur la comparaison de fichiers Les avis transmis par l'Institut à la Commission au sujet de diverses communications Les ententes pour les comparaisons de fichiers de renseignements personnels CONCLUSION INTRODUCTION Déposé à l'Assemblée nationale en juin 1997, le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, intitulé Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle, proposait, à la lumière des mutations profondes que vit présentement la société québécoise, une nouvelle lecture de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (Loi sur l'accès) et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (Loi sur le secteur privé). Renouvellement du fonctionnement de l'État et impact des nouvelles technologies de l'information ont largement inspiré la Commission lors de la formulation des 47 recommandations transmises au législateur. Principalement articulées autour de la protection des renseignements personnels, les propositions majeures du rapport quinquennal traduisent une évidence qui s'impose avec force : la vie privée se situe, au dire de tous les experts, au rang des défis majeurs que devront affronter nos sociétés démocratiques au début du 21 e siècle.
Les consultations menées à l'automne 1997 par la Commission parlementaire de la culture ont également permis à plusieurs intervenants de souligner l'importance d'assurer une protection adéquate aux renseignements personnels. Aussi ne doit-on pas se surprendre si le rapport de cette Commission parlementaire, daté d'avril 1998, fait une large part aux recommandations reliées à la protection des renseignements personnels. Depuis, au rythme se développent les technologies de l'information, que d'aucuns appellent encore les nouvelles technologies de l'information et des communications (NTIC), il n'est pas surprenant de constater que le monde fait face à de nouvelles réalités. Au moment d'écrire son rapport quinquennal, malgré un développement fulgurant, Internet était encore l'apanage d'universitaires ou de férus d'informatique ou encore d'amateurs de nouvelles technologies. On y voyait poindre néanmoins un virage important. Et la Commission posait à l'époque la grande question : " Et demain ? " Personne ne pouvait alors affirmer avec certitude de quoi il serait constitué. Aujourd'hui encore, aucune certitude ne s'impose. Tout au plus pouvons-nous constater qu'Internet est maintenant un outil à la portée de tous, qu'obtenir une adresse électronique est simple et gratuit et qu'on assiste aux premiers balbutiements du commerce électronique (même s'il se chiffre déjà à l'échelle planétaire à des milliards de dollars). Dans ce contexte, la Commission n'a pas l'intention de produire, à l'occasion du présent avis, un nouveau rapport quinquennal. Bien que commerce électronique, cryptographie, signature électronique et autres mesures de sécurité fassent maintenant partie des préoccupations de la Commission, les commentaires qui suivent s'inspireront surtout du rapport de 1997 et des propositions présentées à l'Assemblée nationale dans le projet de loi n°122. Modifiée pour la dernière fois de façon substantielle en 1990, la Loi sur l'accès profitera sans conteste des amendements qu'y apporte le projet de loi au chapitre des règles d'accès et de l'organisation de l'exercice des droits. Les modifications apportées à la Loi sur le secteur privé permettront en outre de clarifier certaines règles que doivent respecter les entreprises du secteur privé depuis 1994. Les membres de la Commission d'accès à l'information accueillent donc favorablement bon nombre des orientations que propose le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Sans vouloir commenter chacune des dispositions du projet de loi, la Commission souhaiterait cependant formuler certaines observations qui portent sur les sujets suivants : l'impact des nouvelles technologies de l'information ; les échanges de renseignements personnels entre organismes ; l'assujettissement de certains organismes à la Loi sur l'accès ; les droits d'accès aux documents des organismes publics et aux renseignements personnels ; l.l'organisation de l'exercice du droit d'accès ; et les modifications apportées à la Loi sur l'Institut de la statistique du Québec. Plusieurs commentaires s'inspirent largement de ceux déjà formulés à l'occasion de l'étude du projet de loi n° 451 devant la Commission parlementaire de la culture en août 1998.
1. Les technologies de l'information et de communication Inutile d'insister sur le développement fulgurant, au cours des dernières années, des technologies de l'information et de communication. Ce développement affecte tous les aspects de notre vie. Qu'il s'agisse de nos méthodes de travail ou même de nos moments de loisirs, ces nouvelles technologies remodèlent nos façons de faire. Organismes publics et entreprises du secteur privé y ont amplement recours dans le cours normal de leurs affaires. Si l'on ne peut nier les avantages considérables qu'apportent ces technologies, une certaine vigilance demeure de mise afin que les droits d'accès et de protection des renseignements personnels reconnus par la législation québécoise ne soient pas mis en berne. En 1997, la Commission mentionnait dans son rapport quinquennal qu'il n'était pas nécessaire, dans l'immédiat, de modifier substantiellement la Loi sur l'accès et la Loi sur le secteur privé pour tenir compte des développements technologiques des dernières années. En effet, le champ d'application de ces lois ne dépend pas du mode de traitement de l'information. Elles s'appliquent quelle que soit la forme des documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. Trois ans plus tard, il ne fait cependant plus de doute pour la Commission que l'implantation massive des technologies d'information et de communication ne pourra plus se faire sans que ne soit analysé l'impact d'une telle implantation sur la protection des renseignements personnels. Notre réflexion à ce sujet doit donc se poursuivre et, le cas échéant, des solutions législatives ou autres devraient être trouvées afin de mieux encadrer les obligations des organismes publics et des entreprises du secteur privé. Les mesures de sécurité Confidentialité des renseignements personnels et mesures de sécurité vont de pair. Ce constat est d'autant plus vrai lorsque la gestion des renseignements s'effectue dans un environnement informatique. Les articles 15 et 66 du projet de loi, qui ajoutent l'article 62.1 à la Loi sur l'accès et modifient l'article 10 de la Loi sur le secteur privé, prennent en compte cette réalité et constituent, selon la Commission, un apport important à la protection des renseignements personnels..Conformément à ces dispositions, les organismes publics qui recueillent, détiennent, utilisent ou communiquent des renseignements personnels devraient prendre et appliquer des mesures de sécurité propres à assurer le caractère confidentiel de ces renseignements. Une obligation de même nature est déjà prévue à la Loi sur le secteur privé. De plus, tant les organismes publics que les entreprises du secteur privé devraient, lors de l'utilisation d'une technologie, veiller à ce que le caractère confidentiel des renseignements personnels soit assuré. Il est à souhaiter que ces nouvelles obligations amèneront les organismes publics et les entreprises du secteur privé à évaluer l'impact du choix de nouvelles technologies sur la confidentialité des renseignements personnels qu'ils détiennent, une responsabilité qui, de toute évidence, leur revient en premier lieu.
Enfin, la Commission réitère une recommandation qu'elle formulait en 1997 soit d'imposer aux organismes publics l'obligation de faire état, dans leur rapport annuel, des mesures de sécurité mises en place pour la protection des renseignements personnels. Une telle mesure aurait pour effet d'informer la population des efforts que les organismes consacrent à la confidentialité tout en facilitant la reddition de compte de ces mêmes organismes en matière de protection de renseignements personnels. La diffusion de renseignements personnels qui ont un caractère public L'article 55 de la Loi sur l'accès précise qu'un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas confidentiel. Chaque fois qu'une disposition législative prévoit le caractère public de renseignements personnels, une fin bien précise est visée. Ainsi, le caractère public des renseignements consignés dans un rôle d'évaluation permet aux citoyens de connaître, aux fins de comparaison, pour l'une ou l'autre des unités d'évaluation, l'identité et l'adresse du propriétaire ainsi que la valeur de ses immeubles. Le caractère public de certains renseignements concernant les fonctionnaires de l'État permet d'assurer une transparence dans les communications ou dans la gestion des fonds publics. Afin d'éviter la fraude électorale et d'assurer la transparence du processus du choix des élus, les lois électorales prévoient également le caractère public de certains renseignements personnels. Consignés sur un support papier, ces renseignements seront accessibles aux personnes qui prendront le temps de se déplacer pour les consulter ou qui formuleront une demande écrite pour les obtenir. Ces modes d'accès qui, règle générale, étaient les seuls possibles lorsque les lois ont reconnu un caractère public à certains renseignements, garantissent le respect de l'objectif visé par la reconnaissance de ce caractère public. Par contre, lorsqu'ils deviennent facilement accessibles par voie électronique, on peut se demander si une communication massive de renseignements personnels ne vient pas détourner ou contourner cet objectif. L'obtention massive de renseignements personnels à caractère public respecte rarement la finalité visée par le législateur et ouvre facilement la voie à des activités de nature commerciale ou de sollicitation. Tel que l'a déjà mentionné la Commission des droits de la personne et.des droits de la jeunesse devant la Commission parlementaire de la culture, la diffusion massive de ce genre de renseignements comporte des risques du point de vue des droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne. Pour ces raisons, la Commission recommandait donc en 1997 de modifier l'article 55 de la Loi sur l'accès afin de limiter la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public. Malheureusement, le projet de loi n° 122 ne tient pas compte des inquiétudes de la Commission à ce sujet. En fait, le projet de loi esquive complètement cette question en n'apportant aucun amendement à la Loi sur l'accès. Seule la Loi sur le secteur privé est amendée afin d'y ajouter l'article 18.2. Si elle devait être adoptée, cette disposition prévoirait qu'une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement qui a un caractère public en vertu de la loi. Sans aucune balise, il est à craindre que cet article 18.2 ait un impact aussi néfaste, si ce n'est plus, sur le droit à la vie privée que l'article 55 de la Loi sur l'accès. Cette
disposition ouvrira la voie à une commercialisation massive de banques de données contenant des renseignements personnels qui ont un caractère public. Qui plus est, les entreprises du secteur privé pourront communiquer des renseignements personnels à caractère public qu'ils auront pu obtenir des organismes publics conformément à l'article 55 de la Loi sur l'accès. De plus, cet article 18.2 viendra-t-il limiter l'application des articles 22 à 26 de la Loi sur le secteur privé ? En vertu de ces dispositions, une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer à un tiers une liste nominative (nom, adresses et numéros de téléphone) si, au préalable, elle a offert aux personnes concernées l'occasion valable de refuser que ces renseignements soient utilisés par un tiers à des fins de prospection commerciale ou philanthropique. De plus, une personne qui désire faire retrancher d'une liste nominative des renseignements personnels la concernant peut le faire, en tout temps, au moyen d'une demande verbale ou écrite auprès de la personne qui détient ou utilise cette liste. Ce droit au retrait d'une liste nominative sera-t-il mis en sourdine lorsque des renseignements personnels auront un caractère public ? Dans un tel contexte, il est loin d'être assuré que la finalité visée par les dispositions législatives qui reconnaissent un caractère public à certains renseignements personnels pourra être respectée. La Commission espère donc le législateur apportera les correctifs appropriés au projet de loi n° 122. Le maintien de la possibilité d'obtenir une copie papier des documents informatisés Les nouveaux modes de communication, telle l'autoroute de l'information, peuvent mettre en péril l'exercice du droit d'accès des individus dépourvus de ces outils informatiques. Pour ces raisons, la Commission recommandait, dans l'intérêt des citoyens qui choisiront de ne pas utiliser les services électroniques, que les moyens conventionnels d'accès à l'information soient maintenus. Le droit de consulter un document sur place ou d'en obtenir une copie sous forme écrite et intelligible ne doit pas être nié. L'article 4 du projet de loi, qui modifie l'article 13 de la Loi sur l'accès, tient compte de cette recommandation et clarifie l'exercice du droit d'accès en précisant qu'un document qui fait l'objet d'une diffusion peut toujours être obtenu sous une forme écrite et intelligible. 2. Les échanges de renseignements personnels entre organismes Le projet de loi apporte quelques modifications aux règles qui régissent les échanges de renseignements personnels entre organismes publics sans le consentement des personnes concernées. Dans son rapport quinquennal, la Commission proposait de revoir en profondeur les formalités qui président à ces échanges. Les difficultés d'interprétation de certaines dispositions de la loi amenaient la Commission à souhaiter des modifications majeures à ce chapitre. De plus, la facilité avec laquelle ces échanges étaient devenus possibles,
grâce aux développements des technologies d'information et de communication, rendait incontournable la définition de nouvelles règles. À ce dernier sujet, la Commission dressait les constats suivants : les échanges de renseignements entre organismes auront tendance à augmenter en raison de la facilité, de la rapidité et du faible coût des réseaux ; le nombre de personnes pouvant accéder à l'information disponible augmentera ; le contrôle des motifs de consultation et de l'accès aux seuls renseignements nécessaires sera plus difficile ; les problèmes de sécurité seront susceptibles d'être négligés. Au lieu de favoriser un élargissement de ces échanges, tel que l'auraient souhaité certains organismes publics, la Commission a plutôt préconisé un resserrement des dispositions pertinentes de la Loi sur l'accès. Pour atteindre cet objectif, la Commission proposait qu'on lui confie de façon non équivoque le pouvoir de contrôler a priori tous les échanges de renseignements personnels autorisés par la loi et non les seuls échanges prévus par les articles 68 et 68.1 de la Loi sur l'accès. Les recommandations de la Commission s'inspiraient alors des lignes directrices suivantes : le législateur ne s'est pas trompé, en 1982, lorsqu'il a fait le pari que le principe de l'étanchéité des organismes publics devait être au centre des dispositions de la Loi sur l'accès qui visent à l.sauvegarder les renseignement personnels. En vertu de ce principe, chaque organisme public doit être considéré distinct des autres organismes et la libre circulation des renseignements personnels doit être proscrite ; l'interdiction de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée doit demeurer la règle et les échanges de renseignements entre organismes, l'exception ; le citoyen doit savoir à quelles fins des renseignements sont recueillis à son sujet, il doit savoir à qui ils seront communiqués et, dans la mesure du possible, il doit consentir à cette communication ; le critère de nécessité des échanges doit être scrupuleusement respecté et chaque fois que cela est possible, le législateur devrait préciser dans les lois sectorielles les paramètres qui doivent guider les ministères et organismes. Seuls des motifs impérieux peuvent justifier une atteinte à la protection des renseignements personnels ; l'État ne doit pas prendre le citoyen par surprise en rendant des décisions administratives à son sujet sur la seule foi d'informations obtenues d'un autre organisme. En tout temps, le citoyen doit pouvoir faire connaître son point de vue et exiger la rectification de renseignements erronés; la transparence des échanges de renseignements doit être assurée et les règles qui la président doivent être connues. Le projet de loi propose de conserver le double régime de contrôle (a priori et a posteriori) des échanges de renseignements personnels, tout en balisant et précisant davantage la procédure des ententes. La Commission estime que les deux types de contrôle des échanges de renseignements personnels sont en effet complémentaires. Par exemple, l'une des conséquences les plus importantes de la vérification majeure menée par la Commission auprès d'une vingtaine d'organismes publics (voir rapport intitulé " Un défi de taille : conjuguer la protection des
renseignements personnels et les pratiques administratives " et publié en juin 1998) a été d'amener les organismes et ministères à soumettre à l'avis de la Commission toutes leurs ententes de communications de renseignements personnels avant de les mettre en oeuvre, y compris les ententes qui ne sont pas visées par l'obligation d'obtenir un avis préalable. Également, depuis cet exercice de vérification, beaucoup d'organismes et ministères soumettent pour avis à la Commission tout projet susceptible d'avoir un effet sur la protection des renseignements personnels. Un tel exercice de vérification a eu pour conséquence de renforcer le rôle préventif de la Commission. Dans les faits, aujourd'hui, la Commission exerce un contrôle a priori important des échanges de renseignements personnels. C'est ce qu'elle demandait en 1997, dans son rapport quinquennal. Dans un autre ordre d'idées, la Commission accueille très favorablement l'ajout, à la Loi sur l'accès, de l'article 72.1. Introduit par l'article 25 du projet de loi, ce nouvel article prévoirait qu'un organisme public qui prend une décision résultant uniquement d'une comparaison, d'un couplage ou d'un.appariement de fichiers informatisés doit en informer la personne concernée. Selon la Commission, il serait toutefois opportun de préciser à cet article que l'organisme public doit également informer la personne concernée de l'origine des renseignements qui ont fait l'objet d'une comparaison, d'un couplage ou d'un appariement. Cette précision assurerait une meilleure transparence du processus décisionnel suivi par l'organisme public et favoriserait un meilleur exercice du droit de rectification si des renseignements erronés ont servi à la prise de décision. Finalement, la Commission s'interroge sur la pertinence de permettre, à l'article 68 de la Loi sur l'accès, la communication de renseignements personnels à un organisme d'un gouvernement au Canada. Ainsi, tel qu'amendé par l'article 20 du projet de loi n° 122, cet article permettrait à un organisme public, sans le consentement de la personne concernée, de communiquer un renseignement personnel à un organisme d'un gouvernement au Canada lorsque cette communication est nécessaire à l'exercice des attributions de l'organisme receveur ou à la mise en oeuvre d'un programme dont cet organisme a la gestion ou lorsque cette communication est au bénéfice de la personne concernée. Avant d'autoriser une nouvelle dérogation au principe de la confidentialité des renseignements personnels, la Commission croit donc qu'il serait opportun de démontrer en quoi cette modification législative est nécessaire. 3. L'assujettissement à la Loi sur l'accès Au sujet de l'assujettissement des organismes publics à la Loi sur l'accès, le rapport quinquennal de la Commission commente longuement la jurisprudence des dernières années et met en exergue le fait que les dispositions pertinentes de la loi ont été interprétées de façon restrictive par les tribunaux supérieurs. Au fil de ces jugements, plusieurs organismes ont donc pu échapper aux règles de transparence administrative et de protection des renseignements personnels établies par la Loi sur l'accès. Les corrections que propose le projet de loi à certaines définitions d'organismes publics clarifieront donc ces notions.
La Commission limitera ses commentaires à l'assujettissement des ordres professionnels, des organismes municipaux et des organismes gouvernementaux. L'assujettissement des ordres professionnels L'assujettissement des ordres professionnels à la Loi sur le secteur privé a été judiciairement tranchée par la Cour supérieure en 1996. Selon ce tribunal, les ordres ne répondent pas à la définition d'entreprise, telle que définie par le Code civil du Québec..Devant cette situation juridique bien définie, la Commission proposait, dans son rapport quinquennal, une intervention législative qui introduirait clairement quelles doivent être les obligations des ordres professionnels. Selon la Commission, cette conclusion s'imposait d'autant plus que le Code des professions est muet quant aux droits d'accès et de rectification des renseignements personnels concernant les personnes, professionnels, employés ou autres personnes fichés par les ordres. La Commission souhaitait donc que les ordres soient à tout le moins assujettis à la Loi sur le secteur privé, laissant au législateur le soin de décider si un assujettissement à la Loi sur l'accès était préférable. Parallèlement à cette démarche de la Commission, l'Office des professions du Québec proposait plutôt d'assujettir les ordres professionnels à la Loi sur l'accès. Au terme de ses consultations menées au sujet du rapport quinquennal de la Commission, la Commission de la culture suggérait que soit retenue l'une ou l'autre des deux solutions suivantes : l'assujettissement des ordres à la Loi sur l'accès ou l'aménagement à l'intérieur du Code des professions d'un régime qui leur serait propre. Commentant la première alternative, la Commission de la culture soulignait alors que cette solution avait l'incontestable mérite d'insérer les ordres professionnels dans l'économie générale de la loi applicable à l'ensemble du secteur public. Cette cohérence législative, ajoutait la Commission de la culture, éviterait aussi la multiplication des régimes de transparence, qui ne peut être que source de confusion pour le citoyen. Le projet de loi tranche cette question en faveur d'un régime hybride. Certes, le régime proposé dans le projet de loi comporte des qualités indéniables. Du reste, la proposition reflète le régime professionnel québécois. Pas tout à fait public, pas tout à fait privé. Du côté positif, il faut souligner que le projet établit clairement le caractère public de certains renseignements. En fait, le rôle du responsable est d'autant facilité. Surtout que la majorité des ordres professionnels sont de petite taille. En outre, les grands objectifs sont atteints. Ainsi, le volet " accès aux documents " calque ses dispositions sur la Loi sur l'accès alors que le volet " protection des renseignements personnels " s'inspire de la Loi sur le secteur privé. La proposition a aussi le mérite d'éviter l'introduction de clauses dérogatoires..Tout en reconnaissant le mérite de cette proposition, la Commission s'interroge sur la facilité, pour les citoyens, de comprendre la règle de droit qui lui serait applicable. Cette proposition, il est vrai, n'est pas sans précédent. La Loi sur le ministère du Revenu, la Loi sur les services de santé et les services sociaux contiennent, elles aussi, un régime de protection des renseignements personnels.
Néanmoins, cette proposition constitue le premier modèle d'une loi qui comporterait son propre régime d'accès et de protection dans une loi autre que la Loi sur l'accès. À ce titre, il s'agit d'un précédent dont les effets sont difficiles à évaluer. En effet, n'y a-t-il pas lieu de craindre des interventions par secteur ? À moyen terme, cela peut-il avoir pour effet de diluer la Loi sur l'accès ? En tout état de cause, il faut espérer que le citoyen se démêlera dans cet écheveau de lois! L'assujettissement des organismes municipaux Présentement, le premier paragraphe de l'article 5 de la Loi sur l'accès définit les organismes municipaux qui ont une vocation locale comme suit : les municipalités, ainsi que tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent d'une municipalité et tout organisme dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité, de même que tout autre organisme relevant autrement de l'autorité municipale. Même si cette définition pouvait paraître à première vue exhaustive, la jurisprudence est venue limiter sa portée. Ainsi, les organismes suivants ne furent pas déclarés assujettis à la Loi sur l'accès : La Corporation des célébrations du 350 e anniversaire de Montréal, la Corporation de développement économique de LaSalle, l'Association pour la promotion de l'Élite d'Anjou et la Corporation du Rendez-vous mondial du cerf-volant. La Commission proposait donc de revoir la définition d'organisme municipal prévue à l'article 5 de la Loi sur l'accès. La Commission ajoutait que les critères d'assujettissement de ces organismes devraient tenir compte de la provenance des fonds ou du mandat qui est dévolu à ces organismes. Faisant suite à cette recommandation, l'article 3 du projet de loi propose de remplacer le premier et le deuxième paragraphe de l'article 5 de la Loi sur l'accès. Seraient donc des organismes municipaux en vertu de ce nouvel article une municipalité, une communauté urbaine, la Commission de développement de la métropole, une régie intermunicipale, une société intermunicipale de transport, un conseil intermunicipal de transport, l'Administration régionale Kativik, tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent d'une municipalité, tout organisme dont le conseil d'administration est formé majoritairement de membres du conseil d'au moins une municipalité (sauf l'Union des.municipalités, la Fédération québécoise des municipalités locales et régionales et l'Union des municipalités de banlieue sur l'Île de Montréal) et tout organisme dont le conseil d'administration est formé d'au moins un élu municipal désigné à ce titre et dont une municipalité ou une communauté urbaine adopte ou approuve le budget ou contribue à plus de la moitié du financement. Toutefois, dans ce dernier cas, ne seraient pas considérées comme des organismes assujettis à l'application de la Loi sur l'accès les personnes morales constituées en vertu de la Loi concernant la Ville de Laval (L.Q., 1994, c. 56), de la Loi concernant la Ville de Saint-Romuald (L.Q. 1994, c. 61), de la Loi concernant la municipalité régionale de comté du Haut-Richelieu (L.Q., 1994, c. 69) et de la Loi concernant le Village et la Paroisse de Saint-Anselme (L.Q., 1996, c. 84) La Commission accueille favorablement cette nouvelle définition.
L'assujettissement de certains organismes gouvernementaux Les organismes gouvernementaux, indique l'article 4 de la Loi sur l'accès, comprennent entre autres les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, les organismes dont la loi ordonne que le personnel soit nommé et rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique ou les organismes dont le fonds social fait partie du domaine public. Au cours des dernières années, les tribunaux ont décidé que la société Nouveler, filiale d'Hydro-Québec, n'était pas un organisme public assujetti à la Loi sur l'accès puisque son fonds social ne faisait pas partie du domaine public. Appliquant la jurisprudence rendue par les tribunaux supérieurs, la Commission a également déclaré que la Société des casinos de Montréal n'était pas un organisme assujetti. Cette jurisprudence a donc amené la Commission à suggérer une nouvelle définition d'organisme gouvernemental. Selon elle, il fallait corriger une situation qui faisait en sorte que des organismes, largement alimentés par des fonds publics, puissent échapper à des obligations de transparence parce que leur fonds social ne fait pas partie du domaine public. La Commission se réjouit donc de l'amendement qu'apporte l'article 2 du projet de loi à l'article 4 de la Loi sur l'accès : les centres locaux de développement et les conseils régionaux de développement seront dorénavant assujettis à l'application de la Loi sur l'accès. Toutefois, des organismes tels Nouveler ou la Société des casinos ne seront toujours pas assujettis à la Loi sur l'accès. La Commission souhaite donc que cette décision puisse être réévaluée. La Commission comprend que ces organismes agissent dans un milieu fortement compétitif. L'article 22 de la Loi sur l'accès prend justement en compte cette particularité en permettant à un organisme public de refuser la communication de tout renseignement industriel, financier, commercial, scientifique ou.technique lorsque cette communication risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue d'un contrat, de causer une perte à l'organisme, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à sa compétitivité. 4. Le droit d'accès aux documents administratifs et aux renseignements personnels Le rapport quinquennal de la Commission formulait de nombreuses recommandations relatives à l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs et aux renseignements personnels. La Commission note avec satisfaction que plusieurs de ses recommandations sont traduites dans le projet de loi. La Loi sur l'accès reconnaîtrait la situation particulière des personnes handicapées lors de l'exercice de leur droit d'accès et de rectification (articles 29, 31, 37, 74, 76 et 77 du projet de loi).
Les décisions du Conseil exécutif, sauf dans le cas d'un décret dont la publication est différée, et celles du Conseil du trésor seraient accessibles après un délai de 25 ans. Présentement, ces documents bénéficient d'une protection absolue et illimitée dans le temps en vertu de l'article 30 de la Loi sur l'accès (article 6 du projet de loi). La Commission se demande cependant ce qui justifie ce délai plutôt que celui de 20 ans proposé dans le rapport quinquennal. Sous réserve de l'application des articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès, l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement prévoirait le caractère public et accessible de tous les renseignements qui sont énumérés aux paragraphes a) à o) de cet article (article 116 du projet de loi). L'article 18, 4° de la Loi sur le secteur privé prévoirait la possibilité de communiquer des renseignements personnels à une personne à qui il est nécessaire de communiquer ces renseignements dans le cadre de l'application d'une loi au Québec ou d'une convention collective (article 71 du projet de loi). Afin de tenir compte de la nouvelle définition de mandat retenue par l'article 2130 du Code civil du Québec, et sans pour autant diminuer la protection des renseignements personnels appelés à être communiqués, des ajustements seraient apportés aux articles 67.2 de la Loi sur l'accès et 20 de la Loi sur le secteur privé (articles 18 et 73 du projet de loi). La Loi sur le secteur privé devrait interdire à un agent de renseignements personnels d'invoquer le fait qu'il est inscrit à la Commission pour prétendre que sa conduite, sa compétence ou ses opérations sont reconnues ou approuvées par cette dernière (articles 84 et 91 du projet de loi). L'accessibilité aux comptes de dépenses Au cours de la dernière année, la Cour du Québec a rendu deux jugements opposés concernant l'accessibilité aux comptes de dépenses dans le domaine municipal. Une troisième affaire devrait être entendue au cours des prochains mois. La proposition retenue à l'article 13 du projet de loi consiste à modifier l'article 57 de la Loi sur l'accès afin de conférer un caractère public au montant du compte de dépenses, au nom de la personne remboursée, au type de dépenses, à la région, la date et au nombre de personnes présentes. D'entrée de jeu, il nous faut souligner la difficulté, pour la Commission, de se prononcer sur une question encore pendante devant la Cour du Québec, au demeurant son tribunal d'appel. Toutefois, outre le fait que la solution proposée obligerait un organisme à créer un document qui n'existe pas comme tel, il faut craindre que cette solution ne règle en rien le problème dans le monde municipal. En effet, la Loi sur les cités et villes et le Code municipal du Québec confèrent à ces documents un droit d'accès plus généreux que la Loi sur l'accès. Or, une interprétation combinée des articles de ces lois ont donné lieu à une controverse jurisprudentielle.
Dans ce contexte, pour inclure le monde municipal, aucune solution ne peut être envisagée sans une analyse des dispositions des lois municipales. 5. L'organisation de l'exercice des droits L'exercice du droit d'appel des décisions de la Commission Tant la Loi sur l'accès que la Loi sur le secteur privé prévoient qu'il est possible d'en appeler d'une décision rendue par la Commission. Cet appel est entendu par la Cour du Québec. Avant que le tribunal ne puisse entendre les arguments au fond des parties, l'appelant doit cependant présenter une requête pour permission d'en appeler. À cette étape, le tribunal s'assure que l'appel porte bel et bien sur une question de droit ou de compétence et que la question soulevée par l'appelant en est une qui devrait être examinée en appel..Puisque la très grande majorité des requêtes pour permission d'en appeler sont accordées par le tribunal, la Commission recommandait d'éliminer cette étape. Ainsi, la Cour du Québec pourrait immédiatement entendre les arguments de fond des parties et rendre un jugement final dans des délais plus courts. Les articles 54, 82 et 83 du projet de loi répondent en bonne partie à ces recommandations et modifient substantiellement les articles 147 et 149 à 151 de la Loi sur l'accès et les articles 61 et 63 à 66 de la Loi sur le secteur privé. Ainsi, la requête pour permission d'en appeler d'une décision de la Commission serait abolie, sauf lorsque l'appel porte sur une décision interlocutoire à laquelle la décision finale ne pourrait remédier. Le projet de loi ne contient cependant aucune disposition relative à la condamnation aux dépens. Dans son rapport quinquennal, la Commission recommandait que la personne qui a déposé une demande de révision ou une demande d'examen de mésentente auprès de la Commission ne puisse être condamnée aux dépens par la Cour du Québec, si la décision de la Commission est portée en appel par une autre partie. Selon la Commission, l'accessibilité à la justice administrative repose en bonne partie sur ses coûts minimes pour le citoyen. Pour ce dernier, le choix de demander à la Commission de réviser la décision d'un organisme public ou d'une entreprise dépend de contraintes qui n'ont rien à voir avec des aspects monétaires : aucun coût n'est exigé pour l'ouverture d'un dossier. La grande majorité des demandeurs exercent leurs droits sans être accompagnés d'un avocat et la Commission entend presque toujours les parties dans le district judiciaire du demandeur. Cette accessibilité aux recours offerts par la Loi sur l'accès et la Loi sur le secteur privé pourrait cependant être remise en cause, si, au moment un demandeur s'adresse à la Commission d'accès à l'information, il sait que la décision rendue par cette dernière pourra éventuellement être contestée par une autre partie devant la Cour du Québec et qu'il pourra être condamné aux dépens. De plus, un demandeur qui a exercé ses recours avec succès devant la Commission ne devrait pas, lorsque la décision est portée en appel, pouvoir être condamné aux dépens. Une telle condamnation vient en effet limiter la portée de l'exercice des droits reconnus par la Loi sur l'accès et la Loi sur le secteur privé. Afin d'éviter que la crainte d'avoir éventuellement à assumer les dépens lors d'un appel devant la Cour du Québec ne vienne limiter l'exercice du droit d'accès d'une personne,
la Commission souhaiterait que la recommandation formulée dans son rapport quinquennal au sujet de la condamnation aux dépens puisse être à nouveau analysée. Les pouvoirs d'enquête de la Commission La Commission recommandait, dans son rapport quinquennal, que lui soient reconnus des pouvoirs d'enquête en matière d'accès à l'information. Le projet de loi fait suite à cette recommandation en incluant, à la Loi sur l'accès, un tel pouvoir. La Commission proposait également qu'un commissaire puisse exercer seul les pouvoirs de la Commission en matière d'enquête. Cette dernière demande s'avérait indispensable pour permettre que des plaintes puissent faire l'objet d'un traitement quasi judiciaire sans qu'il ne soit obligatoire de mobiliser la Commission dans son ensemble. Cette possibilité pour un commissaire d'agir seul en matière d'enquête est reconnue par le projet de loi. L'article 45 du projet de loi, qui introduit les articles 126.1, 126.2 et 126.3 à la Loi sur l'accès, clarifie grandement les pouvoirs d'enquête de la Commission. Ainsi y prévoit-on que la Commission pourrait, de sa propre initiative ou sur la plainte d'une personne intéressée, faire enquête sur toute matière relative à l'accès à un document d'un organisme public ainsi que sur la protection des renseignements personnels détenus par un tel organisme. Au terme d'une enquête, la Commission pourrait, après avoir fourni à l'organisme l'occasion de présenter ses observations, lui recommander ou lui ordonner l'application de toute mesure corrective propre à assurer l'accès aux documents de l'organisme ou la protection des renseignements personnels qu'il détient. La Commission est convaincue que ces nouvelles dispositions législatives pourraient grandement faciliter son travail en matière d'enquête et répondre ainsi de façon plus satisfaisante aux citoyens qui lui font parvenir des plaintes. De nouvelles règles pour les demandes d'accès abusives L'article 126 de la Loi sur l'accès prévoit actuellement que la Commission peut, sur demande, autoriser un organisme public à ne pas tenir compte de demandes d'accès manifestement abusives par leur nombre, leur caractère répétitif ou leur caractère systématique. Il en est de même lorsque, de l'avis de la Commission, ces demandes ne sont pas conformes à l'objet des dispositions relatives à la protection des renseignements personnels. L'article 44 du projet de loi propose l'ajout d'un nouveau motif pour les demandes d'accès abusives. Ainsi serait-il possible pour un organisme public de demander à la Commission, au moyen d'une requête, de ne pas tenir compte de demandes d'accès dont le traitement serait susceptible de nuire sérieusement à ses activités. La Commission ne s'objecte pas à cette modification qui répondrait au souhait formulé par certains organismes publics. Elle considère cependant qu'il faudrait davantage encadrer la procédure relative.aux requêtes pour ne pas tenir compte de demandes abusives. Cet encadrement devrait particulièrement prévoir un délai à l'intérieur duquel les organismes publics seraient obligés de formuler leur requête auprès de la Commission.
Jusqu'à tout récemment, la jurisprudence de la Commission avait clairement établi qu'un organisme public qui voulait invoquer l'article 126 pour être autorisé à ne pas tenir compte d'une demande d'accès devait obligatoirement déposer sa requête à la Commission dans les 20 jours suivant la réception de la demande d'accès. Ce délai, selon la Commission, était implicitement prévu à l'article 47 de la Loi sur l'accès. Cette disposition prévoit que le responsable de l'accès aux documents d'un organisme public doit répondre à une demande d'accès dans les 20 jours de sa réception. Présentée en dehors du délai de 20 jours, la requête pour ne pas tenir compte d'une demande d'accès abusive était automatiquement rejetée. Un jugement récent de la Cour du Québec rend toutefois cette pratique de la Commission illégale. Ainsi, selon le tribunal, l'article 126 ne prévoit aucun délai à l'intérieur duquel une requête pour ne pas tenir compte d'une demande d'accès abusive doit être présentée. En pratique, ce jugement signifie qu'un organisme public pourrait négliger de répondre à une demande d'accès, attendre que le demandeur formule une demande de révision auprès de la Commission et déposer uniquement le jour de l'audience sa requête pour ne pas tenir compte d'une demande d'accès abusive. Selon la Commission, cette situation risque de causer de graves préjudices aux demandeurs d'accès. Il leur faudra en effet attendre le jour de l'audience avant de savoir que l'organisme refuse de traiter leur demande d'accès car elle serait abusive. Cette situation, en plus de prendre le demandeur par surprise, retarderait considérablement le traitement de la demande d'accès. La Commission souhaite donc que les articles 47 et 98 de la Loi sur l'accès soient modifiés afin d'y ajouter un paragraphe qui stipulerait que le responsable de l'accès aux documents d'un organisme public doit, avec diligence et plus tard dans les trente jours qui suivent la date de réception d'une demande d'accès, informer le requérant qu'une autorisation est demandée à la Commission de ne pas tenir compte de la demande pour le motif qu'elle est manifestement abusive, qu'elle est susceptible de nuire sérieusement aux activités de l'organisme ou qu'elle n'est pas conforme à l'objet des dispositions de la Loi sur l'accès portant sur la protection des renseignements personnels. L'ajout de nouveaux motifs de refus Les articles 8 et 37 du projet de loi n° 122 modifient les articles 47 et 98 de la Loi sur l'accès afin d'y.prévoir que le responsable de l'accès aura dorénavant 30 jours pour répondre à une demande d'accès, au lieu du délai actuel de 20 jours. Si l'organisme public entend ne pas donner suite à une demande d'accès, le responsable doit, toujours à l'intérieur de ce délai de 30 jours, en aviser le demandeur. De plus, les articles 50 et 100 stipulent que le responsable doit motiver tout refus de donner communication d'un renseignement et indiquer la disposition de la loi sur laquelle ce refus s'appuie. Depuis plusieurs années, la jurisprudence de la Commission oblige les organismes publics à indiquer, à l'intérieur du délai prescrit par les articles 47 et 50, quelle disposition de la loi est invoquée pour refuser l'accès à un document demandé. À
l'expiration de ce délai, la Commission refuse l'ajout de nouveaux motifs de refus, sauf si l'organisme public doit obligatoirement refuser l'accès à un document (par exemple, un document visé par le secret professionnel ou contenant des renseignements nominatifs). Un jugement récent de la Cour du Québec vient toutefois rejeter cette jurisprudence de la Commission. Ainsi, selon cette Cour, un organisme public peut en tout temps soulever un nouveau motif de refus et la Commission a discrétion pour autoriser l'ajout de ce motif et elle doit exercer judicieusement cette discrétion eu égard aux circonstances dans chacun des dossiers. Suite à ce jugement, la Commission considère que les articles 47 et 98 de la Loi sur l'accès devraient être clarifiés. Selon elle, un organisme public devrait pouvoir, au-delà du délai de 30 jours, soulever uniquement des nouveaux motifs dont l'ajout puisse se justifier par des circonstances exceptionnelles. La Commission considère qu'une personne qui a formulé une demande d'accès à un document doit savoir, au moment elle est avisée que le document ne lui sera pas communiqué, quels sont les motifs qui fondent ce refus. Pour que cette personne puisse exercer son droit de révision devant la Commission avec efficacité, il semble à tout le moins justifié que l'organisme lui ait indiqué ses motifs de refus avant la tenue d'une audience. L'article 34 de la Loi sur le secteur privé devrait, pour les mêmes raisons, prévoir que la personne qui refuse d'acquiescer à une demande d'accès ou de rectification doit indiquer le motif sur lequel ce refus s'appuie. Cette disposition devrait également prévoir qu'au-delà du délai de réponse de 30 jours, il n'est plus possible pour une personne qui exploite une entreprise de soulever de nouveaux motifs facultatifs de refus, sauf si elle peut convaincre la Commission de l'existence de circonstances exceptionnelles. Les avis aux tiers. Les articles 25, 49 et 137 de la Loi sur l'accès définissent certaines règles de procédure lorsque les renseignements auxquels un demandeur veut avoir accès proviennent d'un tiers. L'une de ces règles, énoncée à l'article 25, prévoit qu'un organisme public doit, avant de communiquer un renseignement fourni par un tiers, lui en donner avis. Cet avis, transmis conformément à l'article 49, informe le tiers, par courrier, de la demande d'accès qui a été formulée et de la possibilité qui lui est offerte de présenter ses observations. Règle générale, la transmission des avis ne soulève guère de difficulté puisque le nombre de tiers est restreint. Il en va tout autrement lorsque la demande d'accès concerne des centaines, voire des milliers de tiers puisque l'article 49 impose actuellement l'obligation aux organismes de transmettre l'avis au tiers par courrier. La Commission est également confrontée à une difficulté de même nature lorsqu'une demande de révision formulée par un demandeur porte sur le refus de communiquer des renseignements fournis par un nombre élevé de tiers. L'article 137 lui impose alors l'obligation d'aviser les tiers de cette demande de révision. Même si cet article n'impose pas explicitement de mode de transmission pour l'avis, contrairement à l'article 49, les
tribunaux ont déjà décidé que l'avis ne pouvait être valablement fait par la voie d'une publication dans les journaux. Selon la Commission, outre le fardeau matériel et financier qui en découle, l'obligation d'aviser personnellement chacun des tiers, lorsque leur nombre est très élevé, engendre des difficultés majeures. À défaut de retracer et d'aviser jusqu'au dernier des tiers, la Commission n'aurait pas juridiction pour entendre un litige. En plus de nuire considérablement à l'exercice des droits d'accès reconnus par la loi, on peut se demander si cette obligation est vraiment nécessaire pour garantir le respect des droits des tiers. Tout comme le permet l'article 138 du Code de procédure civile, la Loi sur l'accès devrait reconnaître, tant aux organismes publics qu'à la Commission, la possibilité de rejoindre les tiers par le truchement d'un avis public dans les journaux. L'avis individuel demeurerait la règle, mais lorsque les circonstances le justifient, un autre mode de notification devrait être permis. Les articles 9 et 22 du projet de loi répondent, mais en partie seulement, à la recommandation de la Commission. Ces dispositions prévoiraient en effet que le responsable de l'accès au sein d'un organisme public et la Commission peuvent aviser un tiers par avis public dans un journal, à la radio ou à la télévision mais seulement après avoir pris des moyens raisonnables pour aviser un tiers par courrier. En pratique, cette modification a pour effet d'obliger les responsables d'accès et la Commission à continuer de transmettre des avis par courrier lorsque des centaines de tiers sont impliqués. L'objectif recherché par cette modification législative n'est donc pas atteint. 6. LA LOI SUR L'INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC En juin 1998, l'Assemblée nationale adoptait le projet de loi n° 411, Loi sur l'Institut de la statistique du Québec. Cette nouvelle loi propose une refonte majeure des activités de l'ancien Bureau de la statistique et favorise une plus grande cueillette de renseignements par le nouvel Institut de la statistique. Dans un avis déposé à l'Assemblée nationale lors de l'étude du projet de loi n° 441, la Commission rappelait que la cueillette de renseignements a beau n'avoir pour but que le seul traitement statistique, il demeure qu'il ne faut pas sous-estimer l'impact déplorable que peut avoir sur la vie privée des individus une collecte massive de renseignements personnels si des balises claires, connues de tous et respectueuses des lois de protection de renseignements personnels ne sont pas adoptées par le législateur. Le projet de loi n° 441 fut adopté sans que ne soit amendé l'article 79 de la Loi sur l'accès, l'étude de cette question ayant été reportée à plus tard. Cet article 79 prévoit que certaines dispositions de la Loi sur l'accès relatives à la cueillette de renseignements personnels et à l'établissement et la gestion de fichiers de renseignements personnels ne s'appliquent pas à l'Institut de la statistique. Tel que modifié par l'article 28 du projet de loi n° 122, le deuxième alinéa de l'article 79 se lirait dorénavant comme suit : 79. [...]
Les articles 64 à 66, 67.3 à 68, 70 à 72.1 et 74 à 77 [de la Loi sur l'accès] ne s'appliquent pas aux renseignements communiqués à l'Institut de la statistique du Québec conformément à la Loi sur l'Institut de la statistique du Québec. En plus des articles de la Loi sur l'accès qui ne s'appliquent pas à lui présentement, l'Institut serait dorénavant exempté de l'application des articles 68, 70, 70.1 et 72.1. Les trois premières dispositions décrivent les règles que doivent appliquer les organismes publics qui communiquent des renseignements personnels alors que la quatrième impose aux organismes publics une obligation particulière lorsqu'une décision qui affecte une personne est prise suite à une comparaison, un couplage ou un appariement de fichiers. Par contre, comme nous le verrons ci-après, l'ajout de nouvelles dispositions législatives à la Loi sur l'Institut de la statistique viendrait atténuer l'impact de l'inapplicabilité des articles 68, 70 et 70.1 de la Loi sur l'accès. Pour amenuiser l'impact de l'inapplicabilité des nouveaux articles 68, 70 et 70.1, il est proposé d'ajouter à la Loi sur l'Institut de la statistique de nouvelles dispositions qui conviendraient davantage aux activités de l'Institut et qui prendraient également en compte l'importance de la protection des renseignements personnels. Ainsi, l'Institut devrait dorénavant respecter les mesures suivantes : adopter une politique sur la comparaison, le couplage ou l'appariement de fichiers de renseignements personnels. Cette politique serait soumise pour avis à la Commission (article 108 du projet de loi n° 122) ; transmettre à tous les trois mois un avis à la Commission faisant état de diverses informations relatives aux communications de renseignements personnels entre l'Institut et les organismes publics (article 110 du projet de loi n° 122) ; la communication de fichiers de renseignements personnels à l'Institut à des fins de comparaison, de couplage ou d'appariement devra faire l'objet d'une entente avec l'organisme public concerné. Cette entente sera soumise pour avis à la Commission (article 110 du projet de loi n° 122). La politique sur la comparaison de fichiers L'article 6.1 de la Loi sur l'Institut de la statistique, introduit par l'article 108 du projet de loi, prévoirait ce qui suit : 6.1 L'Institut doit adopter une politique sur la communication de fichiers de renseignements personnels à des fins de comparaison, de couplage ou d'appariement. Cette politique doit être soumise pour avis à la Commission d'accès à l'information et être approuvée par le gouvernement.
De droit nouveau, cette disposition permettra à la Commission de mieux connaître les orientations de l'Institut au chapitre de la comparaison de fichiers de renseignements personnels. Cette politique devra non seulement être soumise pour avis à la Commission, mais elle devra de plus être approuvée par le.gouvernement. Les avis transmis par l'Institut à la Commission au sujet de diverses communications La Loi sur l'Institut de la statistique serait également modifiée par l'ajout de l'article suivant (article 110 du projet de loi) : 9.2 L'Institut doit, à tous les trois mois, transmettre un avis à la Commission d'accès à l'information lui indiquant : 1° le nom des organismes publics qui lui ont communiqué des renseignements personnels ainsi que le nom des organismes publics et des organismes de statistique à qui l'Institut a communiqué des renseignements personnels ; 2° la nature ou le type de renseignements communiqués ; 3° l'objet de la recherche statistique pour lesquels les renseignements sont communiqués ; 4° les mesures de sécurité prises pour assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels. Cette disposition permettra à la Commission d'être particulièrement bien informée de la circulation de renseignements personnels entre l'Institut et les organismes publics. En effet, elle pourra prendre connaissance de toutes les communications de renseignements personnels faites par un organisme public à l'Institut. Les avis de ce dernier permettront également de savoir à quels organismes publics ou de statistiques il communique des renseignements personnels. Les ententes pour les comparaisons de fichiers de renseignements personnels L'article 9.3, qui serait ajouté à la Loi sur l'Institut de la statistique par l'article 110 du projet de loi, propose une procédure bien déterminée relative à la comparaison, le couplage ou l'appariement de fichiers de renseignements personnels. De plus, l'article 9.4 reconnaît que les modalités prévues à cet article 9.3 devront être respectées lorsque la comparaison, le couplage ou l'appariement sera fait avec des fichiers détenus par un autre organisme de statistique, par exemple Statistique Canada ou Statistique Ontario. Ainsi, la communication de renseignements personnels à des fins de comparaison, de couplage ou d'appariement de fichiers devrait toujours être précédée d'une entente entre l'organisme public et l'Institut de la statistique. Par ailleurs, cette entente devrait être soumise pour avis à la Commission d'accès à l'information. Cet article prévoit également
l'obligation d'obtenir l'avis de la Commission avant de pouvoir procéder à la communication de ces renseignements. Des obligations de même nature devront être respectées par l'Institut de la statistique lorsqu'il communiquera des renseignements personnels à un organisme de statistique autre que celui du Québec Selon la Commission, les modifications apportées à la Loi sur l'Institut de la statistique par le projet de loi n° 122 lui permettront d'assumer un rôle de surveillance important auprès de l'Institut de la statistique du Québec. CONCLUSION La Commission d'accès à l'information souhaite donc que le projet de loi n° 122 puisse faire l'objet d'une adoption prochaine. Selon elle, plusieurs des dispositions de ce projet de loi auraient pour effet d'offrir des services de meilleure qualité aux citoyens. Tel est le cas, par exemple, des dispositions qui prévoient une nouvelle procédure pour l'examen des plaintes soumises par des citoyens. Par ailleurs, la Commission accueille favorablement les dispositions qui clarifieraient les règles en matière d'utilisation des renseignements personnels et imposeraient aux organismes publics l'obligation de prendre des mesures de sécurité propres à assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels qu'ils détiennent. Considérant le développement majeur et récent des technologies de l'information et de communication, la Commission croit toutefois que le débat devra se poursuivre au sujet de l'impact de ces technologies sur la protection des renseignements personnels et de la vie privée et des mesures qui devront être prises pour assurer le respect des droits des citoyens. Quant aux modifications qui pourraient être apportées au projet de loi n° 122, la Commission recommande ce qui suit : les organismes publics devraient avoir l'obligation d'ajouter, dans leur rapport annuel, les mesures qui sont prises pour assurer la sécurité des renseignements personnels ; l'article 55 de la Loi sur l'accès et l'article 18.2 de la Loi sur le secteur privé devraient être modifiés afin de limiter la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public ; l'article 72.1 de la Loi sur l'accès (article 25 du projet de loi) devrait préciser qu'un organisme public qui prend une décision suite à un couplage, une comparaison ou un appariement de fichiers de renseignements personnels doit informer la personne concernée de l'origine de ces renseignements ; la définition de la notion "d'organisme gouvernemental", énoncée à l'article 4 de la Loi sur l'accès, devrait faire l'objet d'une nouvelle réflexion afin de déterminer s'il ne serait pas opportun d'assujettir à l'application de la Loi sur l'accès certains organismes dont le fonds social ne fait pas partie du domaine public ;
la Loi sur l'accès et la Loi sur le secteur privé devraient clairement indiquer que la personne qui a déposé une demande de révision ou une demande d'examen de mésentente auprès de la Commission ne peut être condamnée aux dépens par la Cour du Québec, si la décision de la Commission est portée en appel par une autre partie ; le législateur devrait prévoir un délai à l'intérieur duquel un organisme public peut présenter une requête à la Commission pour ne pas tenir compte d'une demande d'accès abusive ; lorsque leur nombre est très élevé, les responsables de l'accès des organismes publics et la Commission devraient pouvoir aviser les tiers visés par une demande d'accès par un autre moyen que le courrier.
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