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AVIS de la COMMISSION D'ACCÈS À L'INFORMATION DU QUÉBEC concernant le PROJET DE LOI C-54 LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET LES DOCUMENTS ÉLECTRONIQUES Novembre 1998 98 15 14.
2 RÉSUMÉ Déposé à la Chambre des communes le 1 er octobre dernier par le ministre de l'Industrie, le projet de loi C-54, intitulé Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, aura un impact majeur sur la protection des renseignements per-sonnels des citoyens québécois. Ce projet de loi, fondé sur les pouvoirs constitutionnels du Parlement fédéral en matière d'échange et de commerce, a comme objectif principal d'établir la confiance des Cana-diens dans la façon dont les industries recueillent, utilisent et communiquent leurs renseignements personnels afin que le commerce électronique soit florissant. Au chapitre de la protection de la vie privée, le projet de loi C-54 fait donc siennes, en les précisant ou en les complétant, les obligations ou recommandations formulées dans le Code type pour la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation, lui-même fondé sur les lignes directrices de l'OCDE en matière de protection des renseignements personnels. Depuis bientôt cinq ans, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé assure à tous les citoyens québécois un régime de protection des renseignements personnels qui a fait ses preuves et démontré son utilité. Fondé sur la compétence constitutionnelle du Québec en matière de propriété et de droits civils, la loi québécoise se veut un complément à la Charte des droits et libertés de la personne et au Code civil du Québec. L'ensemble de la législation québécoise, en incluant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, traduit l'importance qu'accorde le législateur à la protection de la vie privée. La Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ne s'applique pas qu'aux seules activités commerciales et vise également les renseignements personnels qui pourraient être recueillis, utilisés ou communiqués par des moyens électroniques. Les articles 4 et 27 (2) du projet de loi C-54 définissent le champ d'application de la future loi fédérale et prévoient la possibilité pour des organisations ou des activités d'être exemptées de l'application des règles fédérales relatives à la protection des renseigne-ments personnels. Selon la compréhension de la Commission d'accès à l'information du Québec, la loi fédérale s'appliquera aux entreprises établies au Québec ou à une partie de leurs activités, à moins qu'une exemption ne soit accordée par décret du gouverneur en conseil. Cependant, aucune exemption d'application du projet de la loi C-54 ne sera possible pour les organisations qui recueillent, utilisent ou communiquent des renseignements personnels à l'extérieur du Québec. En pratique, il semble donc qu'un nombre considérable d'entreprises établies au Québec seraient dorénavant assujetties à la loi fédérale, plutôt qu'à la loi québécoise. Tel serait le cas, par exemple, de la plupart des institutions financières, incluant les banques, et des compagnies d'assurances. Or, depuis l'entrée en vigueur de la loi québécoise, environ 28 % des demandes d'examen de mésentente ou plaintes formulées par les citoyens auprès de la Commission impliquent ce type d'entreprises. Au surplus, plusieurs entreprises québécoises auront sûrement l'obligation d'appliquer simultanément la loi fédérale et la loi québécoise, à moins qu'elles n'aient aucune
3 activité commerciale et qu'aucun des renseignements personnels qu'elles détiennent ne soient recueillis, utilisés ou communiqués à l'extérieur du Québec. L'application de ce double régime de règles aura sans contredit un impact non négligeable sur l'exercice des droits à la protection des renseignements personnels des citoyens québécois. La tâche ne sera pas simple pour le citoyen qui souhaite connaître ses droits. Les entreprises établies au Québec auront par ailleurs l'obligation de maîtriser un second régime de protection des renseignements personnels qui diffère sensiblement de celui établit au Québec. Même si les lois fédérale et québécoise sont toutes deux fondées sur les lignes directrices de l'OCDE, des différences notoires existent au chapitre des règles relatives à l'obtention du consentement des individus, à la cueillette, la conservation et la communication de renseignements personnels à des tiers. En outre, les régimes québécois et fédéral diffèrent quant à l'exercice du droit d'accès et quant aux motifs que peut soulever une organisation pour refuser l'accès à des renseignements personnels. Finalement, les recours offerts aux citoyens qui entendent faire valoir leurs droits sont fort distincts et la fardeau de preuve que l'on impose au citoyen varie selon l'un ou l'autre de ces régimes. Par ailleurs, la Commission s'inquiète du fait que le projet de loi C-54 autorise le gouver-neur en conseil à modifier, par décret, l'annexe 1 de la loi pour tenir compte de toute ré-vision de la norme nationale du Canada intitulée Code type sur la protection des rensei-gnements personnels. Or, cette annexe contient la majorité des règles applicables en matière de protection des renseignements personnels. La modification des règles par le gouverneur en conseil, sans que le Parlement fédéral n'ait à ratifier ces modifications, ne facilitera pas la tâche du citoyen qui souhaite connaître avec exactitude ses droits en matière de protection de vie privée. Selon la Commission d'accès à l'information, la reconnaissance du droit à la vie privée doit nécessairement passer par une législation qui soit claire et simple d'application. Le citoyen doit obligatoirement être au centre de nos préoccupations. Pour éviter toute confusion et s'assurer que les Québécois puissent continuer à béné-ficier d'un régime complet en matière de protection des renseignements personnels, la Commission soumet que le projet de loi C-54 devrait être amendé afin de prévoir explicitement que la loi fédérale ne s'appliquera pas aux entreprises assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
4 AVIS DE LA COMMISSION D'ACCÈS À L'INFORMATION CONCERNANT LE PROJET DE LOI C-54 Déposé à la Chambre des communes le 1 er octobre dernier par le ministre de l'Industrie, le projet de loi C-54, intitulé Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, comporte des mesures visant à protéger les renseignements personnels dans le secteur privé, crée une solution électronique pour les transactions avec le gouvernement fédéral et clarifie les modalités selon lesquelles les tribunaux évaluent la fiabilité des documents électroniques utilisés comme preuves. Tel que l'a indiqué le ministre de l'Industrie au moment du dépôt du projet de loi, ce der-nier constitue une pièce importante de la Stratégie canadienne sur le commerce électro-nique annoncée par le Premier ministre canadien le 22 septembre 1998. Ainsi, afin de rendre le commerce électronique plus attrayant et plus florissant, le projet de loi établit toute une série de règles dont l'objectif premier serait de susciter la confiance des Cana-diens envers les industries qui colligent, conservent et utilisent des renseignements per-sonnels à leur sujet. Au chapitre de la protection de la vie privée, le projet de loi C-54 fait donc siennes, en les précisant ou en les complétant, les obligations ou recommandations formulées dans le Code type pour la protection des renseignements personnels de l'Association canadienne de normalisation, lui-même fondé sur les lignes directrices de l'OCDE en matière de protection des renseignements personnels. Depuis près de cinq ans, le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord une législation protège l'ensemble des renseignements personnels colligés, détenus, utilisés et communiqués à des tiers par toute personne qui exploite une entreprise au sens du Code civil du Québec. Fondée sur le pouvoir constitutionnel du Québec en matière de propriété et de droits civils et adoptée à l'unanimité par les membres de l'Assemblée nationale, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 , traduit l'importance qu'accordent les citoyens québécois à la protection des renseignements personnels qui les concernent. Nommés par l'Assemblée nationale, les cinq membres de la Commission d'accès à l'information du Québec ont pour mandat d'exercer diverses fonctions confiées à la fois par la Loi québécoise sur le secteur privé et la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 . Outre sa fonction quasi judiciaire qui l'amène à trancher des litiges qui opposent des citoyens à l'administration publique ou à une entreprise, la Commission assume également une fonction de surveillance et de contrôle. Aussi doit-elle veiller au respect des obligations imposées par ces lois aux organismes publics et entreprises privées en matière de cueillette, d'utilisation et de communication de renseignements personnels. 1 L.R.Q. chapitre P-39, ci-après appelée Loi québécoise sur le secteur privé ou loi québécoise”.
5 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 _______________________________________________________________________________________ Puisque le projet de loi C-54 risque d'avoir un impact majeur sur les règles qui gouvernent la protection des renseignements personnels au Québec, la Commission d'accès à l'information du Québec souhaite faire part de ses commentaires et inquiétudes à ce sujet. La Commission d'accès à l'information n'entend aucunement commenter le volet constitutionnel du projet de loi C-54. Ses commentaires s'attardent davantage à décrire la loi québécoise et le projet de loi fédéral afin de mettre en lumière les objectifs fort différents que poursuivent ces deux textes de loi. De façon concrète, la Commission décrira également le sort qui pourrait être réservé aux renseignements personnels détenus par des entreprises québécoises et l'impact des nou-velles règles du jeu fédérales sur les recours des citoyens québécois. La Loi québécoise sur le secteur privé : une loi d'application du Code civil du Québec Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne 3 reconnaît explicitement à son article 5 que toute personne a droit au respect de sa vie privée. En vigueur depuis 1994, le nouveau Code civil du Québec fait également une large place aux normes qui ont pour objet le respect de la réputation et de la vie privée. Ainsi, les articles 35 à 41 de ce Code établissent-ils des droits d'accès aux renseignements personnels, de même que leur rectification. Des obligations relatives à la cueillette, l'utilisation et la communication des renseignements personnels y sont également prévues. L'ensemble de ces règles s'applique à toute personne, physique ou morale. Pour donner une portée réelle aux droits énoncés dans le nouveau Code civil du Québec, le législateur québécois a, au même moment, adopté la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. L'article 1 de cette loi prévoit qu'elle s'applique à l'égard des renseignements personnels sur autrui qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil du Québec”. Le troisième alinéa de ce dernier article définit comme suit ce que constitue l'exploitation d'une entreprise : Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services. 2 L.R.Q, chapitre A-2.1. Cette loi, adoptée en 1982, a pour objet de rendre accessibles les documents administratifs de 3 700 organismes publics et de faciliter l'accès aux renseignements personnels par les personnes concernées. Elle énonce également les règles de protection des renseignements personnels que doivent res-pecter ces organismes publics. 3 L.R.Q., chapitre C-12.
6 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C 54 ___________________________________________________________________________ Tel qu'en fait foi cette définition, la Loi québécoise sur le secteur privé ne s'applique donc pas aux seules activités commerciales. La définition d'exploitation d'entreprise va en effet bien au-delà des seules activités commerciales. Elle vise, par exemple, les activités artisanales, agricoles, professionnelles ou fondées sur la coopération, n'excluant que le matériel journalistique qui sert à une fin d'information du public. L'analyse des débats parlementaires qui ont mené à l'adoption de la Loi québécoise sur le secteur privé révèle que le législateur souhaitait, par l'adoption de cette importante pièce législative, établir des règles de protection des renseignements personnels pour l'ensemble du secteur privé, complétant de cette façon la protection déjà offerte par la Charte des droits et libertés de la personne, le Code civil du Québec et la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. En fait, l'adoption de la Loi québécoise sur le secteur privé répond à un souhait qu'expri-maient depuis plusieurs années nombre de citoyens : assurer aux renseignements personnels une protection équivalente que ces renseignements soient détenus par un organisme public ou une entreprise privée. De plus, cette loi s'applique aux renseignements personnels quelle que soit la nature de leur support et quelle que soit la forme sous laquelle ils sont accessibles : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatique ou autre. Les documents électroniques n'échappent donc pas à l'application de la législation québécoise. Pour donner encore plus de poids à cette loi qui met en oeuvre le droit fondamental au respect de la vie privée, le législateur y a inscrit une disposition qui lui confère un caractère prépondérant sur toutes les autres lois québécoises. Pour y déroger, une loi particulière devra expressément prévoir que l'une de ses dispositions s'appliquera malgré la Loi québécoise sur le secteur privé. Autre signe de l'importance que revêt la protection des renseignements personnels pour le législateur québécois : chaque année, la Commission d'accès à l'information du Québec doit déposer à l'Assemblée nationale un rapport annuel de ses activités. Ce rapport doit obligatoirement faire l'objet d'une étude par une commission parlementaire dans les 60 jours de son dépôt. De plus, tant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels que la Loi québécoise sur le secteur privé doivent faire l'objet d'une révision à tous les cinq ans. La législation québécoise en matière de protection des renseignements personnels a donc comme objectif premier de mieux garantir le droit à la vie privée. L'approche québécoise, tout en tenant compte des besoins spécifiques des entreprises privées, affiche donc un parti pris indéniable en faveur des individus.
7 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Les cinq premières années d'application de la loi québécoise : un bilan positif Au moment de son adoption il y a près de cinq ans, la Loi québécoise sur le secteur privé a soulevé nombre d'inquiétudes et d'appréhensions auprès des entreprises qui y sont assujet-ties. La Commission a cependant constaté que l'apprentissage des modalités de la loi pouvait se faire sans pour autant provoquer des bouleversements majeurs. Tel est le constat que la Commission a dressé dans son dernier rapport quinquennal portant sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 4 , rapport déposé en juin 1997 à l'Assemblée nationale. Appelée à analyser ce rapport, la Commission parlementaire de la culture a tenu une vaste consultation générale citoyens et entreprises intéressés ont pu discuter de leurs préoccupations face à la protection des renseignements personnels. Au terme de cette analyse, la Commission parlementaire de la culture a elle-même dressé son propre rapport 5 avant que le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration ne dépose, le 11 juin 1998, le projet de loi n° 451, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives. Avant que les Québécois ne soient appelés aux urnes, ce projet de loi avait franchi l'étape de l'adoption du principe et fait l'objet de nouvelles consultations générales. Le bilan de ce vaste processus démocratique pourrait se résumer comme suit : la Loi québécoise sur le secteur privé répond à un besoin réel en terme de protection des renseignements personnels et nul ne songe à mettre en doute sa pertinence ou son existence. Au cours des cinq dernières années, plus de 2 000 citoyens se sont adressés à la Commission afin que cette dernière examine une mésentente avec une entreprise (plus de 1 050 dossiers), procède à une enquête (près de 900 dossiers) ou émette une autorisation de recevoir des renseignements personnels à des fins d'étude, de recherche ou de statistique (plus de 60 dossiers). 4 Commission d'accès à l'information, Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle - Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, Québec, juin 1997. 5 Assemblée nationale, Commission de la culture, Étude du rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information - Rapport final, Secrétariat des commissions, avril 1998.
8 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Les demandes d'examen de mésentente La Commission d'accès à l'information peut, à la demande d'un citoyen, examiner une mésentente lorsque l'une ou l'autre des situations suivantes se présente : une entreprise refuse l'accès à des renseignements personnels à une personne concernée par ces renseignements ; une entreprise n'entend pas donner suite à une demande de rectification d'un renseignement qui serait inexact, incomplet ou équivoque ; une entreprise ne tient pas compte d'une demande d'un citoyen à l'effet que son nom soit retiré d'une liste nominative qui sert à des fins de prospection philanthropique ou commerciale. Lorsque la Commission examine une mésentente qui oppose un citoyen à une entreprise, elle exerce alors des fonctions quasi judiciaires. Si la médiation que tente le personnel de la Commission échoue, les parties sont convoquées à une audience qui se tient dans le district du demandeur. Au terme de l'audience, le commissaire assigné rend une décision exécutoire qui peut faire l'objet d'un appel devant la Cour du Québec sur une question de droit ou de compétence. Ces recours sont simples, efficaces, rapides, peu coûteux et très accessibles pour toute personne qui entend faire valoir ses droits. Les enquêtes menées suite à des plaintes Toute personne peut également porter plainte devant la Commission lorsqu'elle estime qu'une disposition de la loi n'a pas été respectée. Une enquête est alors engagée et pourra éventuellement mener à une recommandation ou une ordonnance. Une proportion importante de plaintes porte sur la cueillette de renseignements personnels qui ne seraient pas nécessaires à l'entreprise ou sur la communication de renseignements sans le consentement de la personne concernée. Plusieurs contestent par ailleurs la validité des formulaires de consentement qu'ils sont appelés à signer au moment de la conclusion d'un contrat. Dans près de 15% des cas, les relations employeurs-employés sont clairement à l'origine de la plainte déposée à la Commission. Pour l'ensemble des dossiers d'examen de mésentente et de plainte, près de 12 % d'entre eux impliquaient des institutions financières, incluant des banques, et 16 % visaient des entreprises du domaine des assurances. Par ailleurs, au moins 6 % de ces mêmes dossiers mettaient en cause des entreprises fédérales, au sens de la définition que donne à cette ex-pression l'article 2 du projet de loi C-54. Les autorisations de recueillir des renseignements personnels pour fins d'étude de recherche ou de statistique Finalement, la Commission doit autoriser toute cueillette, auprès d'une entreprise privée, de renseignements personnels lors cette cueillette est faite sans le consentement de la personne concernée et pour des fins d'étude, de recherche ou de statistique. Sans cette Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi
9 C-54 ___________________________________________________________________________ autoriation, une entreprise n'a pas le droit de communiquer les renseignements personnels convoités. Cette autorisation sera accordée si l'usage projeté des renseignements n'est pas frivole et que les fins recherchées ne peuvent être atteintes que si les renseignements sont communiqués sous une forme permettant d'identifier les personnes. La Commission s'assurera par ailleurs que les renseignements seront utilisés d'une manière qui en assure le caractère confidentiel. L'autorisation sera accordée pour une période fixe et d'autres conditions pourront être déterminées par la Commission. Le projet de loi C-54 : une loi pour favoriser le commerce électronique L'approche que privilégie le projet de loi C-54 semble être de nature fort différente de l'approche québécoise. Certes, la protection des renseignements personnels y est un élément central mais, tel que l'indique le titre long de la loi, celle-ci vise à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances. L'article 3 du projet de loi, qui en définit l'objet, nous enseigne par ailleurs que la première partie a pour objet de donner aux Canadiens le droit à la vie privée à l'égard des renseignements personnels qui les concernent et qui sont recueillis, utilisés ou communiqués par une organisation dans une ère la technologie facilite de plus en plus la collecte et la libre circulation des renseignements. En outre, le paragraphe 1 de l'article 4 décrit comme suit le champ d'application de la loi : 4. (1) La présente partie s'applique à toute organisation à l'égard des renseignements personnels : a) soit qu'elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d'activités commerciales ; b) soit qu'elle recueille, utilise ou communique d'une province à l'autre ou d'un pays à l'autre ; c) soit qui concernent un de ses em-ployés et qu'elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d'une entreprise fédérale. Contrairement à la loi québécoise qui se veut d'abord une loi de mise en application du droit à la vie privée et qui s'applique à l'ensemble des renseignements personnels détenus par le secteur privé, le projet de loi fédéral laisse clairement entrevoir que la notion de commercialité et d'échanges interprovinciaux ou internationaux en est le coeur. On peut donc présumer que l'application et l'interprétation de la loi fédérale seront fortement influencées par cette orientation spécifique. Puisque la loi fédérale n'aurait pas le même champ d'application que la loi québécoise, nous pourrions croire qu'en certaines circonstances, comme nous le verrons ci-après, les lois fédérale et québécoise pourront être appliquées concurremment. La Commission doute qu'une telle conséquence soit à l'avantage des citoyens et des entreprises québécoises. Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi
10 C-54 ___________________________________________________________________________ L'application du projet de loi C-54 aux renseignements personnels détenus par des en-treprises établies au Québec Selon les termes de l'article 30 du projet de loi C-54, la Partie 1 s'appliquerait, au cours des trois premières années qui suivront l'entrée en vigueur de la loi, aux renseignements personnels suivants : ceux qui sont recueillis, utilisés et communiqués dans le cours d'activités com-merciales par une entreprise fédérale ; ceux qui concernent les employés de ces entreprises fédérales ; tous les renseignements personnels qui sont recueillis, utilisés ou communiqués à l'extérieur d'une province. Dès son entrée en vigueur, la loi serait donc applicable aux entreprises qui oeuvrent au Québec et qui recueillent, utilisent ou communiquent des renseignements personnels à l'extérieur de cette province. En pratique, plusieurs entreprises québécoises seront donc assujetties à la loi fédérale au cours de ses trois premières années d'application. Tel sera le cas pour un grand nombred'institutions financières, de compagnies d'assurances ou d'entreprises de communication ou de transport dont les activités ne se limitent pas au seul territoire du Québec. Après ces trois premières années, selon la compréhension de la Commission de l'article 4 du projet de loi, seraient assujettis à l'application de la loi fédérale les renseignements personnels qui concernent les citoyens québécois lorsque ces renseignements sont recueillis, utilisés ou communiqués par les entreprises suivantes : les entreprises qui ont des activités commerciales ; les entreprises qui, sans nécessairement exercer des activités commerciales, re-cueillent, utilisent ou communiquent des renseignements personnels d'une province à l'autre ou d'un pays à l'autre. Au Québec, seraient donc assujettis à la seule Loi québécoise sur le secteur privé les renseignements personnels suivants : ceux qui sont recueillis, utilisés ou communiqués par des entreprises qui n'exercent aucune activité commerciale, dans la mesure ces renseignements ne sont pas recueillis, utilisés ou communiqués à l'extérieur du Québec. À ce sujet, la Commission s'interroge sur le sens qu'il faut donner aux mots activités commerciales”. Pour interpréter cette notion, retiendra-t-on les règles du droit civil ou du common law ?
11 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Quant aux renseignements personnels qui concernent les employés d'entreprises établies au Québec, la Commission ignore de quelle façon elle doit interpréter l'article 4 du projet de loi. Si l'on considère que cet article inclut expressément les renseignements personnels qui concernent les employés des entreprises fédérales, doit-on en déduire que les renseigne-ments qui concernent les employés des autres entreprises sont exclus de l'application de la loi ? Si tel est le cas, nous osons croire que la législation québécoise demeurera en tout temps applicable aux renseignements personnels qui concernent les employés d'une entreprise établie au Québec. Par contre, si l'on prend en considération le fait que ce même article 4 rend la loi applicable aux renseignements qui sont recueillis, utilisés ou communiqués d'une province à l'autre ou d'un pays à l'autre, doit-on plutôt croire que seront visés les renseignements personnels qui concernent les employés lorsque ces renseignements sont utilisés ou communiqués à l'extérieur de la province de l'employé ? Les exclusions de l'application de la loi fédérale Distribué au même moment que le dépôt du projet de loi, un communiqué de presse indi-que que La loi québécoise actuelle sur la protection de la vie privée ressemblant sensi-blement au projet de loi intitulé Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, le Québec sera exempté de l'application de celle-ci”. Si cette assertion peut sembler claire, la Commission considère que le texte du paragraphe d) de l'article 27 (2) peut porter à des interprétations diverses. Ce texte s'énonce comme suit : 27. (2) [Le gouverneur en conseil] peut par décret : […] d) s'il est convaincu qu'une loi provinciale essentielle-ment similaire à la présente partie s'applique à une organisation -ou catégorie d'organisations - ou à une activité - ou catégorie d'activités -, exclure l'organisation, l'activité ou la catégorie de l'application de la présente partie à l'égard de la collecte, de l'utilisation ou de la communication de renseignements personnels qui s'effectue à l'intérieur de la province en cause. Tout d'abord, l'on doit comprendre de cette disposition que l'exclusion ne vise pas la Loi québécoise sur le secteur privé ou l'ensemble des entreprises visées par cette loi. Elle vise plutôt des organisations et des activités”. Qu'entend-on par le terme activités ? Des activités de marketing ? De recherche ? De gestion du personnel ? D'assurances ? Est-ce que la cueillette, l'utilisation ou la communication de renseignements personnels peuvent constituer une activité ?
12 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Par ailleurs, puisque l'exclusion ne vaut qu'à l'égard de la collecte, de l'utilisation ou de la communication de renseignements personnels qui s'effectue à l'intérieur de la province en cause doit-on comprendre qu'une organisation ne pourra jamais être exclue de l'application de la Partie 1 dès que ses activités déborderont les frontières du Québec ? Si cette interprétation est la bonne, il faut conclure qu'un nombre impressionnant d'entreprises qui oeuvrent au Québec tomberont sous le champ d'application de la loi fédérale et que les citoyens québécois dont des renseignements personnels qui les concernent sont détenus par ces entreprises ne pourront plus se prévaloir de la loi québécoise pour l'exercice de leurs droits. Si cette interprétation n'est pas la bonne, il faut alors conclure qu'une organisation pourra être exclue de l'application de la Partie 1 si, par exemple, elle ne fait que recueillir des renseignements personnels au Québec. Mais elle demeurera assujettie à la loi fédérale si ces mêmes renseignements sont utilisés ou communiqués à l'extérieur du Québec. En d'autres termes, si un citoyen du Québec souhaite inscrire une plainte à l'encontre d'une organisation qui aurait recueilli un renseignement qui n'est pas nécessaire aux activités de cette organisation, il devrait alors se plaindre à la Commission d'accès à l'information du Québec. Si ce même citoyen souhaite également se plaindre du fait que ce renseignement a été communiqué sans son consentement à l'extérieur du Québec, il devra alors formuler sa plainte auprès du Commissaire fédéral à la protection de la vie privée. De plus, la Commission s'étonne que l'exclusion d'organisations ou d'activités puisse faire l'objet d'un pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil. Ne serait-il pas plus approprié qu'une loi dont l'un des objectifs est le respect de la vie privée soit rédigée de façon à ce que les citoyens sachent clairement quels sont leurs droits en la matière et quelles sont les entreprises visées ? La Commission craint en outre que ce pouvoir discrétionnaire du gouverneur en conseil n'amène certaines entreprises qui oeuvrent au Québec à entreprendre des démarches pour ne pas être exemptées de l'application de la loi fédérale. Finalement, il est à craindre que les imprécisions des articles 4 et 27(2) d) aient pour effet d'engendrer de nombreux litiges devant les tribunaux supérieurs qui auront la tâche de déterminer quelles organisations sont assujetties ou non à la loi fédérale. Pour éviter que les citoyens n'aient à faire les frais de ces litiges à venir, la Commission d'accès à l'information estime que le projet de loi C-54 devrait prévoir expressément que ce dernier ne s'applique pas aux personnes qui exploitent une entreprise au Québec. L'impact du projet de loi C-54 sur les citoyens du Québec et les entreprises établies au Québec Dans la mesure l'interprétation que donne la Commission aux articles 4 et 27 (2) d) est la bonne, il semble évident que l'impact du projet de loi C-54 sur les renseignements personnels qui concernent les citoyens québécois et sur les entreprises établies au Québec sera majeur.
13 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Prenons, à titre d'hypothèse, l'exemple d'une compagnie d'assurance qui aurait des bureaux au Québec mais dont le siège social serait situé dans une autre province. La compagnie recueille au Québec tous les renseignements personnels nécessaires à la conclusion de contrats avec ses assurés. Elle ne communique ces renseignements au siège social que lors des réclamations litigieuses. Par ailleurs, les renseignements personnels qui concernent les employés cadres de cette compagnie sont détenus au siège social alors que ceux qui concernent les autres employés sont détenus au Québec. La compagnie est, conformément à l'article 27 (2) d), exemptée de l'application de la Partie 1 de la loi fédérale pour les ren-seignements personnels qu'elle recueille, utilise ou communique à l'intérieur du Québec. Pour la cueillette des renseignements personnels, la compagnie sera assujettie à la loi québécoise. C'est cette dernière loi qui s'appliquera également pour l'utilisation des renseignements et leur communication au Québec. Cependant, puisque tout dossier de réclamation litigieux sera communiqué au siège social, la loi fédérale s'appliquera à ces renseignements dès leur communication à l'extérieur du Québec. Si un citoyen québécois qui fait affaires avec cette compagnie souhaite avoir accès à son dossier et que la compagnie refuse de donner suite à sa demande, il pourra alors demander à la Commission d'accès à l'information d'examiner cette mésentente. Un membre du personnel de la Commission tentera alors une médiation. Si cette dernière échoue, la Commission entendra alors les parties dans le cadre d'une audience menée selon les règles de procédure d'un tribunal administratif. Si le citoyen impliqué réside à Rimouski, la Commission entendra alors les parties à cet endroit. Au terme de cette audience, la Commission rendra une décision exécutoire que devront obligatoirement respecter les parties, sous réserve de l'exercice de leur droit d'appel devant la Cour du Québec. Mais si ce même citoyen souhaite avoir accès à son dossier suite à une réclamation liti-gieuse et que la compagnie refuse d'accéder à sa demande, il devra alors porter plainte auprès du Commissaire fédéral à la protection de la vie privée. Ce dernier fera enquête, tentera de régler le litige et, au terme du processus, formulera une recommandation non exécutoire. Si la compagnie ignore cette recommandation, un recours sera toujours possible devant la Cour fédérale. Quant aux employés cadres de cette compagnie qui souhaiteraient avoir accès à leur dossier personnel, ils devront formuler leur demande en vertu de la loi fédérale, si cette dernière s'applique aux relations employeurs-employés ou, au cas contraire, en vertu de la loi québécoise. Tel que nous l'avons mentionné ci-dessus, la rédaction actuelle de l'article 4 ne nous permet pas d'affirmer avec certitude quel sera le régime juridique applicable aux em-ployés des organisations. Par contre, les autres employés pourront avoir accès à leur dossier conformément aux règles établies par la loi québécoise. Puisqu'il ne fait aucun doute que les régimes fédéral et québécois de protection des renseignements personnels seront applicables concurremment, la compagnie d'assurance devra apprendre à maîtriser les règles élaborées à la fois par la loi québécoise et la loi fédérale.
14 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Or, même si les règles québécoises et fédérales tirent toutes deux leur origine des lignes directrices de l'OCDE, il existe, comme nous le verrons ci-après, des différences notoires entre ces deux régimes. La loi québécoise et le projet de loi C-54 : des règles de protection des renseignements personnels différentes. À ce chapitre, la Commission souhaite attirer l'attention sur les différences qui existent entre les régimes de protection des renseignements personnels prévus par la loi québécoise et le projet de loi C-54 quant aux sujet suivants : 1. le caractère prépondérant de la loi québécoise ; 2. les règles relatives au consentement qui doit être obtenu de la personne concernée lors de la cueillette de renseignements personnels, lors de l'utilisation de ces ren-seignements ou lors de leur communication à des tiers ; 3. les règles en matière de cueillette de renseignements personnels; 4. les règles en matière de conservation des renseignements personnels; 5. les règles en matière de communication des renseignements personnels à des tiers ; 6. les règles relatives à l'exercice du droit d'accès ; 7. les motifs de refus qui peuvent être soulevés à l'encontre d'une demande d'accès à des renseignements personnels ; 8. les recours des citoyens. Toutes ces règles qui sont essentiellement similaires quant aux principes mais passable-ment différentes quant à l'application ne risquent-elles pas de rendre confus tout le do-maine de la protection des renseignements personnels pour les citoyens et les entreprises québécoises qui seront assujetties à un double système de juridiction ? 1. Le caractère prépondérant de la loi québécoise Tout d'abord, tel que nous l'avons déjà dit, une différence fondamentale existe entre la loi québécoise et le projet de loi C-54. La Loi québécoise sur le secteur privé a un caractère prépondérant sur toutes les autres lois québécoises alors que ce caractère n'existerait pas au niveau fédéral. Toute loi particulière fédérale pourrait donc venir atténuer la force du projet de loi C-54 et diluer en conséquence la protection des renseignements personnels. Qui plus est, le gouverneur en conseil pourra, conformément à l'article 27 (2) b), modifier l'annexe 1 de la loi pour tenir compte de toute révision de la norme nationale du Canada intitulée Code type sur la protection des renseignements personnels. Or, cette annexe contient la majorité des règles applicables en matière de protection des renseignements personnels. La modification des règles par le gouverneur en conseil, sans que le Parlement fédéral n'ait à ratifier ces modifications, ne facilitera pas la tâche du citoyen qui souhaite connaître avec exactitude ses droits en matière de protection de vie privée. Au Québec, le législateur a délibérément choisi de limiter au maximum le pouvoir réglementaire du
15 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ gouvernement afin que les règles de protection des renseignements personnels soient inscrites de façon claire dans la législation. 2. Les règles relatives au consentement qui doit être obtenu de la personne concernée lors de la cueillette de renseignements personnels, lors de l'utilisation de ces rensei-gnements ou lors de leur communication à des tiers Une règle fondamentale en matière de protection de renseignements personnels exige que la cueillette, l'utilisation ou la communication de ces renseignements ne soit pas faite à l'insu de la personne concernée. Sauf exceptions prévues par la loi, son consentement sera donc exigé à chacune de ces étapes de la manipulation des renseignements personnels qui le concernent. Les conditions d'obtention du consentement et les qualités de ce dernier sont d'une importance fondamentale pour permettre à la personne concernée d'exercer un contrôle réel sur ses renseignements. L'article 14 de loi québécoise prévoit que le consentement doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques. Ce consentement ne vaut que pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé. Si ces règles ne sont pas respectées, le consentement est sans effet. Le projet de loi C-54 est moins précis quant aux règles de validité du consentement. En ce qui concerne le consentement à l'utilisation des renseignements, l'article 4.3.2 de l'annexe 1 prévoit qu'un consentement sera valable si les fins sont énoncées de façon que la personne puisse raisonnablement comprendre de quelle manière les renseignements seront utilisés ou communiqués. Les articles 4.3.4 à 4.3.7 de cette même annexe énoncent d'autres règles relatives à la validité du consentement mais ces règles n'ont pas de caractère obligatoire et une organisation ne sera pas tenue de les suivre. Ainsi, la forme du consentement pourra varier selon les circonstances et la nature des renseignements. Pour déterminer la forme que prendra le consentement, les organisations devront tenir compte de la sensibilité des renseignements (article 4.3.4). Lors de l'obtention d'un consentement, les attentes raisonnables de la personne seront aussi pertinentes (article 4.3.4). Mais l'évaluation des attentes raisonnables d'une personne sera laissée à la discrétion de l'organisation. Finalement, un consentement pourra être donné de façon explicite ou implicite (article 4.3.6) et revêtir différentes formes (article 4.3.7). Encore une fois, il appartiendra à la seule organisation de décider si un consentement doit être donné de façon explicite ou implicite et quelle forme il doit revêtir. Au cours des dernières années, la Commission a été appelée à maintes reprises à évaluer la validité des consentements suite à des plaintes formulées par les citoyens. Les qualités du consentement décrites à l'article 14 de la loi québécoise l'ont grandement aidée à établir la validité ou non des consentements demandés par les entreprises établies au Québec.
16 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Si les règles définies à l'annexe 1 du projet de loi C-54 devaient s'appliquer aux entreprises établies au Québec, nous pouvons croire qu'il s'agira d'un recul pour la protection des renseignements personnels des citoyens québécois. 3. Les règles en matière de cueillette de renseignements personnels En matière de cueillette de renseignements personnels, l'article 6 de la loi québécoise prévoit qu'ils doivent être recueillis auprès de la personne concernée, à moins que celle-ci ne consente à la cueillette auprès de tiers. Toutefois, une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, recueillir ces renseignements auprès d'un tiers si la loi l'autorise. Elle peut faire de même si elle a un intérêt sérieux et légitime et l'une ou l'autre des conditions suivantes se réalise : 1° les renseignements sont recueillis dans l'intérêt de la personne concernée et ils ne peuvent être recueillis auprès de celle-ci en temps opportun ; 2° la cueillette auprès d'un tiers est nécessaire pour s'assurer de l'exactitude des renseignements. Le projet de loi C-54 reprend en bonne partie ces éléments mais ajoute une autre possibilité de recueillir des renseignements auprès de tiers sans le consentement de la personne concernée. En vertu de l'article 7 (1) b), une cueillette à l'insu de la personne concernée est possible si l'obtention d'un consentement a pour effet de contrarier les fins ou compro-mettre l'usage auxquels le renseignement est destiné”. Présentement, il semble difficile pour la Commission d'évaluer l'impact que pourrait avoir cette disposition sur la cueillette de renseignements personnels à l'insu de la personne concernée. Conformément à l'article 8 de la loi québécoise, une entreprise doit entre autres informer une personne concernée de l'utilisation qui sera faite des renseignements recueillis. Cette information doit être donnée au moment de la cueillette des renseignements. L'article 4.2.5 de l'annexe 1 du projet de loi C-54 est beaucoup moins coercitif. On y mentionne que les personnes qui recueillent des renseignements personnels devraient être en mesure d'expliquer à la personne concernée à quelles fins sont destinés ces renseignements. Tel que le précise l'article 5(2) du projet de loi, L'emploi du conditionnel dans l'annexe 1 indique qu'il s'agit d'une recommandation et non d'une obligation”. Finalement, lorsqu'une entreprise recueille des renseignements personnels auprès de tiers, elle doit, si ce tiers est une entreprise, inscrire la source de ces renseignements. Cette inscription est considérée faire partie du dossier de la personne concernée qui y a un droit d'accès. Cette obligation, qui figure à l'article 7 de la loi québécoise, ne s'applique pas à un dossier d'enquête constitué en vue de prévenir, détecter ou réprimer un crime ou une infraction à la loi. L'article 4.9.1 de l'annexe 1 se limite à dire que les organisations sont invitées à indiquer la source des renseignements. 4. Les règles en matière de conservation des renseignements personnels Les règles de conservation des renseignements personnels ont toute leur importance dans la mesure elles évitent la constitution de dossiers sur des personnes pour une
17 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ durée indéterminée. Les articles 28 de la loi québécoise et 40 du Code civil du Québec prévoient qu'une personne peut faire supprimer un renseignement périmé ou non justifié par l'objet du dossier ou dont la collecte n'est pas autorisée par la loi. De tels droits ne sont pas explicitement reconnus dans le projet de loi fédéral. Tout au plus mentionne-t-on à l'article 4.5.3 que l'“on devrait détruire, effacer ou dépersonnaliser les renseignements personnels dont on n'a plus besoin aux fins précisées. Les organisations doivent élaborer des lignes directrices et appliquer des procédures régissant la destruction des renseignements personnels. 5. Les règles en matière de communication des renseignements personnels à des tiers Règle générale, une entreprise ne peut communiquer des renseignements personnels à un tiers sans le consentement de la personne concernée. Tant la loi québécoise que le projet de loi C-54 prévoient cependant des exceptions à ce principe. La Commission d'accès à l'information s'inquiète plus particulièrement de la communication qui est prévue à l'article 7 (3) f). En vertu de cette disposition, une organisation peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel si cette communication est faite à des fins statistiques ou à des fins d'étude ou de recherche érudites, le consentement est pratiquement impossible à obtenir et l'organisation informe le commissaire de la communication avant de la faire. Contrairement à la loi québécoise, aucune autorisation ne doit être obtenue auprès du Commissaire fédéral avant la communication des renseignements personnels. Des fichiers complets de renseignements personnels parfois très sensibles pourront donc être communiqués sans autre formalité qu'un avis au Commissaire. Selon la Commission d'accès à l'information, ce type de communication doit être bien encadré afin de s'assurer d'abord que le consentement de la personne concernée est effectivement impossible à obtenir, que les renseignements seront bel et bien utilisés à des fins d'étude, de recherche ou de statistique et que ces renseignements seront utilisés de façon confidentielle par les chercheurs et conservés pour une période limitée. Finalement, il faut souligner le fait que la loi québécoise oblige une entreprise à inscrire toute communication faite sans le consentement de la personne concernée, sauf si cette communication est faite à un procureur, une personne chargée en vertu de la loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois ou à un organisme public. Cette inscription fait partie du dossier de la personne concernée qui y a un droit d'accès. Le projet de loi C-54 ne contient pas de disposition similaire. Tout au plus est-il mention-, à l'article 4.9.3 de l'annexe 1 que l'“organisation qui fournit le relevé des tiers à qui elle a communiqué des renseignements personnels au sujet d'une personne devrait être la plus précise possible. S'il lui est impossible de fournir une liste des organisations à qui elle a effectivement communiqué des renseignements au sujet d'une personne,
18 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ l'organisation doit fournir une liste des organisations à qui elle pourrait avoir communiqué de tels renseignements. 6. Les règles relatives à l'exercice du droit d'accès Au Québec, toute entreprise doit donner suite à une demande d'accès au plus tard dans les trente jours de la demande. Quant au projet de loi fédéral, il prévoit, à son article 8 (4), qu'une organisation peut prolonger ce délai de 30 jours d'un autre délai additionnel de 30 jours. Un citoyen devra donc dans certains cas attendre 60 jours avant de connaître le sort qui est réservé à sa demande d'accès. De plus, en vertu de l'article 33 de la loi québécoise, l'accès aux renseignements personnels est gratuit. Toutefois, des frais raisonnables peuvent être exigés du requérant pour la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. L'entreprise qui entend exiger des frais doit informer le requérant du montant approximatif exigible, avant de procéder à la transcription, la reproduction ou la transmission de ces renseignements. Selon l'article 8 (6) du projet de loi C-54, une organisation peut exiger des droits. Outre les frais de reproduction, de transcription et de transmission, il sera donc possible d'exiger d'un citoyen qu'il défraie les coûts de recherche des renseignements et du temps requis pour effectuer cette recherche. La fixation de ces coûts sera laissée à l'entière discrétion de l'organisation. De plus, si l'organisation exige des droits, elle devra en aviser le demandeur et ce dernier aura l'obligation d'informer l'organisation qu'il ne retire pas sa demande d'accès. Ces règles particulières pourraient constituer un frein aux demandes d'accès formulées par les citoyens québécois qui, dans certains cas, ne seront pas en mesure d'acquitter le montant que l'on exige d'eux. 7. Les motifs de refus qui peuvent être soulevés à l'encontre d'une demande d'accès à des renseignements personnels La loi québécoise énonce très peu de motifs de refus qu'une entreprise peut soulever à l'en-contre d'une demande d'accès formulée par la personne concernée. Ces motifs sont les suivants et ils sont décrits aux articles 37 à 40 de la loi : la communication d'un renseignement risque de causer un préjudice grave à la santé de la personne concernée ; le demandeur est âgé de moins de quatorze ans, n'agit pas par l'intermédiaire de son procureur dans le cadre d'une procédure judiciaire et le renseignement en est de nature médicale ; la communication d'un renseignement risque de nuire à une enquête ayant pour objet de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions à une loi;
19 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ la communication du renseignement risque d'avoir un effet sur une procédure judiciaire dans laquelle le demandeur ou l'entreprise a un intérêt; la communication du renseignement révélerait un renseignement personnel sur un tiers ou l'existence d'un tel renseignement et cette divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers; la communication est visée par le secret professionnel, conformément à la Charte des droits et libertés de la personne. L'article 9 du projet de loi C-54 établit des règles différentes quant aux motifs de refus qui peuvent être soulevés à l'encontre d'une demande d'accès. Ainsi, une organisation pourra refuser l'accès dans les cas suivants: la communication révélerait un renseignement sur un tiers et ce tiers ne consent pas à la communication. Toutefois, cette exception tombe si l'intéressé a besoin du renseignement parce que la vie, la santé ou la sécurité d'un individu est en danger; les renseignements sont protégés par le secret professionnel liant l'avocat à son client; la communication révélerait des renseignements commerciaux confidentiels. On peut se demander comment un renseignement commercial peut également être un renseignement personnel et craindre que les organisations ne se réfugient derrière ce motif de refus pour empêcher une personne concernée d'avoir accès à ses renseignements personnels; la communication risquerait vraisemblablement de nuire à la santé ou la sécurité d'un autre individu; la communication entraînerait des frais exorbitants. On peut s'interroger sur ce que constituent des frais exorbitants. Encore fois, ne s'agira-t-il pas d'une excuse facile pour repousser une demande d'accès ? les renseignements ont été produits dans le cadre d'un mode de règlement des différends. Est-ce qu'une procédure judiciaire est un mode de règlement des dif-férends ? Si une personne accepte de discuter avec une organisation pour régler un litige qui les oppose, perdra-t-elle son droit d'accès aux renseignements qui la concernent ? 8. Les recours des citoyens Tel que nous l'avons déjà mentionné, le citoyen doit avoir à sa disposition des recours simples, efficaces, rapides et peu coûteux pour faire valoir les droits qui lui sont reconnus en vertu des lois de protection des renseignements personnels. À ce chapitre, la loi québécoise et le projet de loi C-54 sont passablement différents. Le Commissaire fédéral à la protection de la vie privée a des pouvoirs de recommandations auprès des organisations alors que la Commission d'accès à l'information peut rendre des décisions ou des ordonnances à caractère exécutoire et obligatoire.
20 Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi C-54 ___________________________________________________________________________ Les modalités d'exercice des recours du citoyen varieront donc selon la loi qui sera applicable. En outre, le projet de loi C-54 semble imposer au citoyen un fardeau de preuve qui repose plutôt sur les épaules des entreprises en vertu de la loi québécoise. À titre d'exemple, l'article 53 de cette dernière loi reconnaît qu'en cas de mésentente relative à une demande de rectification d'un renseignement personnel, l'entreprise doit prouver qu'il n'a pas à être rectifié, à moins que ce renseignement ne lui ait été communiqué par la personne concernée ou avec l'accord de celle-ci. En vertu de l'article 4.9.5 de l'annexe 1 du projet de loi C-54, une personne doit d'abord démontrer que les renseignements personnels sont inexacts ou incomplets avant que l'organisation n'ait l'obligation d'apporter les modifications nécessaires à ces renseignements. En vertu de l'article 25 du projet de loi C-54, le ministre de l'Industrie pourra, avec l'approbation du gouverneur en conseil, déléguer à la Commission d'accès à l'information les attributions que ce projet de loi confère au Commissaire fédéral à la protection de la vie privée. Si une telle situation devait se produire, la Commission d'accès à l'information devrait-elle alors traiter les plaintes selon les règles établies par la loi fédérale ? Le fardeau de preuve devra-t-il être supporté par le citoyen ? La Commission devrait-elle renoncer à la force exécutoire de ses décisions et soutenir, au besoin, les citoyens devant la Cour fédérale si une organisation refuse de donner suite à l'une de ses recommandations ? Une telle situation forcerait la Commission à implanter un mode de fonctionnement qui s'éloigne considérablement des obligations que lui impose la loi québécoise. Conclusion La Commission d'accès à l'information du Québec s'interroge sérieusement sur le sort que subiront les renseignements personnels des citoyens québécois si le projet de loi C-54 devait être adopté dans sa forme actuelle. Alors que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé semble avoir fait ses preuves au cours des cinq dernières années et que nul ne songe à en remettre en cause l'existence, le projet de loi C-54 viendrait modifier considérablement l'application d'une législation fort appréciée des citoyens québécois. Selon la Commission, les difficultés d'interprétation des articles 4 et 27 feront en sorte qu'il sera difficile de déterminer quelles organisations seront assujetties à l'une ou l'autre des deux lois. Il est à prévoir que l'intervention des tribunaux supérieurs sera nécessaire pour trancher ces épineuses questions d'interprétation. La Commission craint également les conséquences qui découleront d'une application des deux lois au sein d'une même organisation. Comment citoyens et entreprises réussiront-ils à bien circonscrire leurs droits et obligations ? Le régime fédéral assure-t-il réellement aux citoyens des droits identiques à ceux inscrits dans la Loi québécoise sur le secteur privé ? Avis de la Commission d'accès à l'information du Québec concernant le projet de loi
21 C-54 ___________________________________________________________________________ Pour éviter toute confusion et s'assurer que les Québécois puissent continuer à béné-ficier d'un régime complet en matière de protection des renseignements personnels, la Commission soumet que le projet de loi C-54 devrait être amendé afin de prévoir explicitement que la loi fédérale ne s'appliquera pas aux entreprises assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.
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