COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION DU QUÉBEC Dossier : 1009545 (V/Réf. : 2013-2014/16320/1016) Organismes : Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Madame Manon Boisvert Responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 1035 rue de la Chevrotière, 27 e étage Québec (Québec) G1R 5A5 Commission administrative des régimes de retraite et d’assurance Maître Roberto Clocchiatti Responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels Commission administrative des régimes de retraite et d’assurance 475 rue St-Amable, 7 e étage Québec (Québec) G1R 5X3 Date : 14 septembre 2015 Membre : M e Cynthia Chassigneux DÉCISION [1] Le 25 juillet 2014, la Commission d’accès à l’information (Commission) recevait un projet d’entente intitulé « Entente de communication de renseignements – établissements d’enseignement privé – entre la Commission Administrative des Régimes de Retraite et d’Assurances (CARRA) et le ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEESR) 1 ». 1 Anciennement « ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport »(MELS).
1009545 Page : 2 [2] Le projet d’entente a pour objet la communication de renseignements personnels, - d’une part, de la CARRA au MEESR afin que le MEESR puisse vérifier l’exactitude de la Liste du personnel enseignant et de direction qu’il reçoit des établissements d’enseignement privés; - d’autre part, du MEESR à la CARRA afin que la CARRA puisse vérifier l’exactitude du Rapport annuel qu’elle reçoit des établissements d’enseignement privés. [3] Le 3 juin 2015, la Commission faisait connaître au MEESR et à la CARRA son intention d’émettre un avis défavorable au projet d’entente, et ce, sous réserve des observations écrites que ces derniers pourraient lui communiquer. [4] Dans son avis d’intention, la Commission soulevait des interrogations quant à l’exercice par le MEESR des mesures de surveillance et des sanctions administratives qui lui sont reconnues par la Loi sur l’enseignement privé 2 . Elle s’interrogeait également sur l’ampleur des renseignements et le nombre de personnes visées par la communication des renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente par rapport à l’objectif poursuivi par le MEESR et la CARRA. [5] Le 10 juillet 2015, à la demande du MEESR, la Commission lui a accordé un délai supplémentaire pour présenter ses observations écrites, soit jusqu’au 31 juillet 2015. Le 3 août 2015, la Commission a reçu les observations écrites du MEESR datées du 30 juillet 2015. À ce jour, la CARRA n’a pas transmis de commentaires à la Commission. [6] Dans sa réponse, le MEESR a apporté des précisions quant à l’exercice de ses pouvoirs de surveillance. Dès lors, avant d’examiner la conformité du projet d’entente aux conditions visées par les articles 68.1 et 70 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 , la Commission dispose des arguments mis de l’avant par le MEESR. 2 RLRQ, c. E-9.1. 3 RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
1009545 Page : 3 1. Les arguments du MEESR [7] Les arguments présentés par le MEESR concernent les mesures de surveillance prévues à la Loi sur l’enseignement privé et les renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente. a. Les mesures de surveillance [8] Après avoir rappelé que la mission de sa Direction de l’enseignement privé (DEP) est d’assurer le respect de la Loi sur l’enseignement privé, notamment en ce qui a trait au régime pédagogique qui encadre l’offre de services éducatifs, le MEESR allègue que : « La qualité des services éducatifs étant prioritaire, ce sont des spécialistes en sciences de l’éducation qui sont majoritairement à l’emploi de la DEP et qui, par conséquent, effectuent les visites d’établissement. Ces gens ne sont pas des enquêteurs rompus aux techniques d’enquête, donc habilités à contraindre les établissements scolaires privés à transmettre les informations nécessaires au bon fonctionnement de la Direction de l’enseignement privé du MEESR. C’est ce qui explique que les pouvoirs de surveillance peuvent s’avérer inefficaces. En outre, des expériences passées nous indiquent que certains établissements pourraient avoir intérêt à ce que certains enseignants ou membres du personnel de direction présentant un profil qui pourrait faire en sorte que la sécurité physique ou morale des élèves soit menacée, ne soient pas identifiés auprès de la Direction de l’enseignement privé. De plus, des établissements d’enseignements privés ont été ciblés par les médias au cours de l’hiver 2015 relativement à leurs liens présumés avec des personnes ou des groupes impliqués dans le financement ou le soutien à des groupes radicaux. L’échange de renseignements demandé constituerait une sécurité supplémentaire à cet égard. D’autres facteurs peuvent expliquer la difficulté, pour la Direction de l’enseignement privé, d’effectuer autrement la validation envisagée dans le cadre de l’entente. De fait, les établissements d’enseignement privés, malgré les dispositions légales applicables, ne fournissent pas toujours les documents et renseignements demandés, malgré des rappels effectués à cet égard. Les visites d’établissements sont annoncées, celles qui ne le sont pas visent des cas particuliers où un non-
1009545 Page : 4 respect majeur de la Loi est soupçonné. Il pourrait sembler démesuré de se présenter sous mandat pour obtenir une liste d’enseignants, sur la base de soupçons d’ordre administratifs. Enfin, l’expérience démontre que même sous mandat, l’accès peut être refusé aux représentants de la Direction. Dans le même sens, alors que les visites sous mandat visent des cas particuliers, le projet-pilote réalisé préalablement à l’élaboration de la présente entente démontre que dans tous les cas, des précisions concernant des situations particulières relatives à la déclaration du personnel enseignant ou de direction auraient dû être demandées. La Direction de l’enseignement privé ne vise donc pas, ici, une procédure d’exception, mais un processus qui ferait partie intégrante du traitement régulier des dossiers qui lui sont soumis. » [9] La Commission est sensible aux arguments du MEESR, cependant elle ne peut les retenir. Tout d’abord, le fait que la DEP emploie majoritairement des spécialistes en sciences de l’éducation qui ne sont pas, selon le MEESR, des enquêteurs rompus aux techniques d’enquête ne permet pas de justifier la communication des renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente. Ce dernier ne peut avoir pour effet de palier à la formation des personnes désignées par le ministre pour vérifier si la Loi sur l’enseignement privé et ses textes sont respectés ou encore pour faire enquête sur toute question se rapportant à la qualité des services éducatifs visés par cette loi, ou à l’administration, à l’organisation ou au fonctionnement d’un établissement d’enseignement privé 4 . [10] Ensuite, la Commission ne voit pas en quoi le fait de recevoir de la CARRA les renseignements personnels décrits à l’annexe A permettra au MEESR de vérifier l’exactitude de la Liste du personnel enseignant et de direction qu’il reçoit des établissements privés et, ainsi d’identifier les « enseignants ou membres du personnel de direction présentant un profil qui pourrait faire en sorte que la sécurité physique ou morale des élèves soit menacée » surtout si ces derniers n’y sont pas inscrits, notamment car ils ne cotisent pas à la CARRA. [11] Enfin, considérant les pouvoirs de surveillance qui lui sont reconnus par la Loi sur l’enseignement privé, la Commission n’est pas convaincue que le MEESR a pris toutes les mesures pour contraindre les établissements d’enseignement privé à lui répondre. En effet, le MEESR prétend que « les établissements d’enseignement privés, malgré les dispositions légales 4 Loi sur l’enseignement privé, art. 115 et 118.
1009545 Page : 5 applicables, ne fournissent pas toujours les documents et renseignements demandés, malgré des rappels effectués à cet égard » ou encore que « l’expérience démontre que même sous mandat, l’accès peut être refusé aux représentants de la Direction ». Or, conformément à la Loi sur l’enseignement privé, les personnes désignées pour faire enquête sont investies des pouvoirs et de l’immunité d’un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête 5 . Elles ont, dès lors, le pouvoir de contraindre toute personne à déposer devant elles les livres, papiers, documents et écrits qu’elles jugent nécessaires pour découvrir la vérité 6 et, si ces personnes refusent d’obtempérer, elles se rendent coupables d’outrage 7 et sont passibles de sanctions administratives 8 . b. Les renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente [12] Le MEESR reconnaît, dans sa réponse, qu’« il serait possible de limiter à l’essentiel les renseignements communiqués » et décrits aux annexes A et B du projet d’entente. Il précise également qu’« en cas de disparité, il reviendrait au MEESR ou à la CARRA d’effectuer les vérifications supplémentaires requises selon les pouvoirs qui leur sont accordés en vertu des encadrements législatifs et réglementaires applicables ». [13] La Commission constate les modifications apportées aux annexes A et B du projet d’entente visant à réduire les renseignements personnels qui seraient communiqués par la CARRA au MEESR et par le MEESR à la CARRA dans le cadre du projet d’entente 9 . Elle se doit néanmoins d’analyser le projet d’entente au regard des exigences de la Loi sur l’accès. 5 Loi sur l’enseignement privé, art. 118 alinéa 2. Cet alinéa réfère à la Loi sur les commissions d’enquête, RLRQ, c. C-37. 6 Loi sur les commissions d’enquête, art. 9 alinéa 1. 7 Loi sur les commissions d’enquête, art. 12. 8 Loi sur l’enseignement privé, art. 119. 9 Les annexes A et B du projet d’entente ont été modifiées en date du 30 juillet 2015 afin de réduire le nombre de renseignements personnels communiqués. L’annexe A modifiée énumère quels sont les renseignements qui seront communiqués par la CARRA au MEESR. Il s’agit du numéro de l’employeur, du nom de l’employeur, de l’année de traitement, du nom et prénom de la personne visée, de sa date de naissance, de son corps d’emploi, des dates de début et de fin d’emploi et de pourcentage de temps travaillé. Initialement, il était prévu que la CARRA communique également le numéro d’assurance sociale, le numéro d’emploi, le régime de retraite, les date de début et de fin de participation, le salaire annuel de base, le salaire cotisable, la base de rémunération, le code d’absence et le nombre de jours d’absence. L’annexe B modifiée énumère quels sont les renseignements qui seront communiqués par la MEESR à la CARRA selon la fonction des membres du personnel (direction, enseignant, professionnel, de soutien). Il s’agit du nom et prénom de la personne
1009545 Page : 6 2. Les exigences de la Loi sur l’accès [14] En vertu de la Loi sur l’accès, un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, l’article 59 alinéa 2 de la Loi sur l’accès prévoit des exceptions en permettant la communication d’un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée dans certains cas. [15] Parmi ces exceptions figure l’article 68.1 de la Loi sur l’accès. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent : […] 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 66, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; […] 68.1. Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un fichier de renseignements personnels aux fins de le comparer avec un fichier détenu par une personne ou un organisme si cette communication est nécessaire à l’application d’une loi au Québec, que cette communication soit ou non prévue expressément par la loi. […] [16] Lorsque cette communication n’est pas expressément prévue par la loi, ce qui est le cas en l’espèce, cette communication doit s’effectuer dans le cadre d’une entente écrite et être soumise pour avis à la Commission comme le prévoient les articles 68.1 alinéa 2 et 70 de la Loi sur l’accès. 68.1. […] Dans le cas où la communication de renseignements personnels n’est pas prévue expressément pas la loi, elle s’effectue dans le cadre d’une entente écrite. visée, de sa date de naissance, de sa fonction, du pourcentage de sa tâche et du code de l’installation. Initialement, il était prévu que le MEESR communique également pour l’ensemble des membres du personnel, le numéro d’assurance sociale et les années d’expérience, ainsi que, pour le personnel enseignant, le numéro d’autorisation légale d’enseigner, l’indicateur de validité, Il était également prévu qu’il communique le service éducatif pour le personnel enseignant – formation générale et personnel de suppléance.
1009545 Page : 7 […] 70. Une entente visée à l’article 68 ou au deuxième alinéa de l’article 68.1 doit être soumise à la Commission pour avis. La Commission doit prendre en considération: 1° la conformité de l'entente aux conditions visées à l'article 68 ou à l'article 68.1; 2° l’impact de la communication du renseignement sur la vie privée de la personne concernée, le cas échéant, par rapport à la nécessité du renseignement pour l'organisme ou la personne qui en reçoit communication. La Commission doit rendre un avis motivé dans un délai d'au plus 60 jours de la réception de la demande d’avis accompagnée de l’entente. Si la demande est modifiée pendant ce délai, celui-ci court à compter de la dernière demande. Si le traitement de la demande d'avis dans ce délai ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de la Commission, le président peut, avant l’expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas 20 jours. Il doit alors en donner avis aux parties à l'entente dans le délai de 60 jours. L’entente entre en vigueur sur avis favorable de la Commission ou à toute date ultérieure prévue à l'entente. La Commission doit rendre publics cette entente ainsi que son avis. À défaut d'avis dans le délai prévu, les parties à l'entente sont autorisées à procéder à son exécution. En cas d'avis défavorable de la Commission, le gouvernement peut, sur demande, approuver cette entente et fixer les conditions applicables. Avant d'approuver l'entente, le gouvernement publie à la Gazette officielle du Québec l’entente et, le cas échéant, les conditions qu'il entend fixer avec un avis qu’il pourra approuver l'entente à l'expiration d'un délai de 30 jours de cette publication et que tout intéressé peut, durant ce délai, transmettre des commentaires à la personne qui y est désignée. L'entente entre en vigueur le jour de son approbation ou à toute date ultérieure fixée par le gouvernement ou prévue à l'entente. L'entente visée au cinquième alinéa ainsi que l'avis de la Commission et l'approbation du gouvernement sont déposés à l'Assemblée nationale dans les 30 jours de cette approbation si l'Assemblée est en session ou, si elle ne siège pas, dans les 30 jours de la reprise de ses travaux. Le gouvernement peut révoquer en tout temps une entente visée au cinquième alinéa.
1009545 Page : 8 [17] Partant, la Commission doit, d’une part, examiner la conformité du projet d’entente aux conditions visées par l’article 68.1 de la Loi sur l’accès. D’autre part, conformément à l’article 70 alinéa 2 de la Loi sur l’accès, elle doit considérer l’impact de la communication des renseignements décrits aux annexes A et B du projet d’entente sur la vie privée des personnes concernées, le cas échéant, par rapport à la nécessité du renseignement pour la personne qui en reçoit communication. a. La conformité du projet d’entente aux exigences de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès [18] Le projet d’entente est présenté en application de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès. Il revient donc à la Commission de déterminer si la communication des renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente est nécessaire pour atteindre l’objet dudit projet. [19] Le MEESR et la CARRA mentionnent dans les « attendu » du projet d’entente et le document de présentation l’accompagnant, que la communication des renseignements personnels décrits aux annexes A et B dudit projet est nécessaire - à la CARRA afin de « vérifier l’exactitude du Rapport annuel qu’elle reçoit des établissements d’enseignement privés […] (ci-après le « Rapport annuel des établissements »), selon chaque régime de retraite en comparant les renseignements contenus dans ce rapport avec ceux de la Liste du personnel enseignant et de direction que le Ministère reçoit des établissements (ci-après « la Liste du personnel des établissements »). Dès lors, la CARRA pourra « faire les vérifications nécessaires concernant, entre autres, les enseignants non qualifiés qui ne devraient pas enseigner et par conséquent qui ne devraient pas participer à l’un des régimes de retraite administrés par la Commission [c.-à-d. la CARRA] »; - au MEESR afin de « vérifier l’exactitude de la Liste du personnel des établissements en comparant les renseignements de cette Liste avec ceux du Rapport annuel des établissements ». Dès lors, le MEESR pourra « vérifier que tous les enseignants que lui déclare un établissement agréé aux fins de subventions sont bien à son emploi, mais également qu’il n’a pas omis d’y inscrire certains enseignants, ceux qui n’auraient pas les qualifications requises, par exemple. Il en va de même pour le personnel de direction ».
1009545 Page : 9 [20] Même si la Commission considère que le projet d’entente n’est pas sans fondement, il ne lui a toutefois pas été démontré à sa satisfaction en quoi le fait pour le MEESR et la CARRA de comparer leurs fichiers de renseignements personnels leur permettra de repérer les fraudes et les erreurs dans les programmes qu’ils administrent, surtout si le Rapport annuel des établissements et la Liste du personnel de ceux-ci ne fait pas état de tout le personnel enseignant ou de direction. [21] De plus, la Commission est d’avis que d’autres moyens peuvent être mis en place pour permettre au MEESR et à la CARRA d’atteindre l’objectif poursuivi par le projet d’entente, notamment au regard des mesures de surveillance dont ils disposent en vertu de leur loi respective. Par conséquent, le critère de nécessité n’est donc pas satisfait. b. L’impact de la communication du renseignement sur la vie privée des personnes concernées par rapport à la nécessité du renseignement pour l’organisme ou la personne qui en reçoit communication [22] Dans le cadre du présent avis, la Commission, après s’être prononcée sur la conformité du projet d’entente aux conditions visées à l’article 68.1 de la Loi sur l’accès, examine l’impact de la communication des renseignements décrits aux annexes A et B du projet d’entente 10 sur la vie privé de la personne concernée, le cas échéant, par rapport à la nécessité du renseignement pour l’organisme ou la personne qui en reçoit communication. [23] Le fardeau de démontrer la nécessité de recevoir certains renseignements personnels repose sur l’organisme qui entend les obtenir. Le MEESR et la CARRA doivent ainsi démontrer que les renseignements personnels qu’ils recevront sont nécessaires à l’objet du projet d’entente. Comme mentionné précédemment, le nombre de renseignements personnels communiqués entre, d’une part, le MEESR et la CARRA et, d’autre part, la CARRA et le MEESR a été réduit. [24] Partant, la Commission doit évaluer l’impact de la communication des renseignements décrits aux annexes A et B du projet d’entente au regard de la nécessité de ceux-ci pour le MEESR et la CARRA. 10 La Commission constate que la communication des renseignements personnels est présentée, conformément à l'article 68.1 alinéa 2 de la Loi sur l'accès, dans un projet d'entente écrit.
1009545 Page : 10 [25] À cette fin, la Commission applique l’interprétation du critère de nécessité de la Cour du Québec dans l’affaire Laval (Société de transport de la Ville de) c. X 11 qui propose d’examiner ce critère à la lumière de la finalité poursuivie par l’organisme qui reçoit des renseignements personnels. Elle suggère un examen en deux temps d’après lequel la nécessité de la communication des renseignements sera démontrée si elle vise la réalisation d’un objectif lié à l’objet du projet d’entente qui est légitime, important, urgent et réel, et si l’atteinte au droit à la vie privée des individus concernés que constitue cette communication est proportionnelle à cette fin (lien rationnel entre l’objectif poursuivi et la communication des renseignements personnels, atteinte au droit minimal et communication nettement plus utile à l’organisme que préjudiciable à l’individu). • Les finalités recherchées ou les objectifs poursuivis sont-ils légitimes, importants, réels et urgents ? [26] Selon le MEESR et la CARRA, la communication des renseignements décrits aux annexes A et B est nécessaire pour leur permettre de vérifier l’exactitude des documents (Liste du personnel et Rapport annuel) transmis par les établissements d’enseignement privés et ainsi repérer les fraudes et les erreurs dans les programmes administrés par le MEESR et la CARRA. [27] La Commission reconnaît que cet objectif est légitime et important compte tenu de la mission du MEESR et de la CARRA, à savoir promouvoir des services éducatifs de qualité pour l’un et administrer les régimes de retraite qui lui sont confiés par le gouvernement du Québec pour l’autre. [28] Néanmoins, le caractère urgent et réel du projet d’entente n’a pas été démontré à la satisfaction de la Commission. À la lumière des différents éléments qui lui ont été soumis, la Commission constate que la DEP du MEESR a envisagé d’autres solutions qui n’ont pas été retenues compte tenu de la lourdeur du processus, de la difficulté d’interprétation des informations fournies, du fait que certains établissements n’auraient pas été rejoints ou encore que certains employés auraient pu ne pas figurer sur les documents transmis. Elle constate également que le MESSR explique l’inefficacité de ses pouvoirs de surveillance par le profil des personnes employées par la DEP ou l’absence de réponse à ses demandes malgré ses rappels. Toutefois, la Commission 11 [2003] C.A.I. 667 (C.Q.); Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] QCCQ 93; X. et Skyventure Montréal, C.A.I. 101888, 16 septembre 2013, c. Desbiens; X. et Lépine Cloutier Ltée, C.A.I. 080943, 14 mars 2014, c. Poitras; Garderie Cœur d’enfant inc., C.A.I. 080272, 31 mars 2014, c. Poitras, Star Bar (9142-1891 Québec inc.), C.A.I. 1006426, 9 mars 2015, c. Poitras.
1009545 Page : 11 considère que si la comparaison des fichiers du MEESR et de la CARRA est susceptible de mettre à jour certaines irrégularités, elle ne permettra pas de déceler le personnel enseignant ou de direction qui agit sans permis ou qui n’a pas les qualités requises pour dispenser des services éducatifs, ces derniers ne figurant pas, comme mentionné précédemment, ni dans la Liste du personnel enseignant et de direction ni dans le Rapport annuel des établissements d’enseignement privés. La Commission n’est donc pas convaincue que les éléments qui lui ont été soumis permettent de justifier le caractère urgent et réel du projet d’entente. • L’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette communication est-elle proportionnelle aux objectifs poursuivis ? [29] Même si le premier élément du test de nécessité n’est pas rencontré, la Commission estime pertinent de déterminer si le fait de communiquer les renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente sans le consentement des personnes concernées est proportionnel aux objectifs poursuivis par le MEESR et la CARRA. [30] Comme mentionné précédemment, le MEESR n’a pas démontré, à la satisfaction de la Commission, en quoi les autres mesures qui n’ont pas été retenues par sa DEP sont insuffisantes pour atteindre les objectifs poursuivis par le projet d’entente. Il ne lui a pas non plus démontré en quoi la communication des renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente apporte un élément supplémentaire significatif à la prévention des fraudes et des erreurs dans les programmes que le MEESR et la CARRA administrent. [31] Ainsi, même si le nombre de renseignements personnels communiqués entre, d’une part, le MEESR et la CARRA et, d’autre part, la CARRA et le MEESR a été réduit, la Commission est d’avis que les impacts de cette communication sur la vie privée des personnes concernées sont plus importants que l’utilité de ces renseignements pour le MEESR et la CARRA. [32] Partant, la Commission conclut que la communication des renseignements personnels décrits aux annexes A et B du projet d’entente ne rencontre pas les exigences des articles 68.1 et 70 de la Loi sur l’accès.
1009545 Page : 12 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [33] ÉMET UN AVIS DÉFAVORABLE relatif au projet d’entente de communication de renseignements entre la Commission Administrative des Régimes de Retraite et d’Assurances et le ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Cynthia Chassigneux Juge administratif
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