Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 1012632-S psychothérapeute Nom de l’entreprise : Date : 26 juin 2018 Membre : M e Cynthia Chassigneux DÉCISION [1] PLAINTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . OBJET DE LA PLAINTE [2] La Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie d’une plainte à l’encontre de Monsieur , psychothérapeute et thérapeute conjugal et familial (le psychothérapeute). [3] La plainte a pour objet la communication de renseignements personnels à un tiers, et ce, sans le consentement de la personne concernée. Plus particulièrement, le plaignant soutient que le psychothérapeute a transmis à l’avocate de son ex-conjointe (le tiers) des renseignements le concernant à l’effet qu’il aurait tenu des propos offensants et inappropriés à l’égard de celle-ci et de leur enfant. Il allègue également que le psychothérapeute aurait fait mention de brutalités dont il serait l’auteur à leur endroit ainsi que d’autres informations relatives à son comportement au travail. [4] Par ailleurs, il transmet au soutien de sa plainte une lettre, de la Direction de services de santé spécialisés de Santé Canada, envoyée au tiers pour lui demander de détruire les renseignements communiqués compte tenu que « cette communication porte atteinte à la protection des renseignements personnels des individus concernés et que leurs renseignements recueillis dans le cadre de sessions de 1 RLRQ, c. P-39.1, la Loi sur le privé.
1012632-S Page : 2 counselling ont été utilisés à des fins inappropriées, […] » 2 . [5] Il mentionne également qu’une plainte a été déposée contre le psychothérapeute auprès de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. ENQUÊTE [6] À la suite de cette plainte, la Direction de la surveillance de la Commission procède à une enquête conformément à l’article 81 de la Loi sur privé. [7] À ce titre, elle écrit au psychothérapeute pour obtenir sa version des faits et obtenir des précisions sur les circonstances entourant la communication des renseignements personnels à l’origine de la plainte. [8] Le psychothérapeute répond aux questions de la Direction de la surveillance de la Commission. Il ne nie pas les faits et allègue que les renseignements personnels du plaignant ont été communiqués au tiers dans le cadre d’un litige en matière de garde d’enfant. [9] Il soutient que son Code de déontologie, soit celui des membres de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec 3 , l’autorise à communiquer des renseignements personnels protégés par le secret professionnel en vue d’assurer la protection des personnes. [10] De plus, il précise que le plaignant a signé le formulaire « Déclaration de consentement éclairé » produit par le Bureau des services d’aide aux employés de Santé Canada, dans lequel on peut lire que : « Tel que requis par la loi, le (la) conseiller(ère) a l’obligation juridique d’enfreindre la règle de confidentialité dans les cas suivants : s’il y a un risque sérieux et immédiat portant atteinte à la vie du client ou à la sécurité d’une autre personne (la personne qui est à risque doit être informée); cas où il y a un soupçon d’abus (ou de négligence) réel ou potentiel envers un enfant; cas d’une ordonnance du tribunal (mandat de comparaître); cas de soupçon d’abus ou de négligence de la part d’un professionnel de la santé. Autres exceptions à la règle de la confidentialité : une visite d’inspection professionnelle ou des discussions de gestion 2 Lettre de Santé Canada du 5 novembre 2015 transmise par le plaignant au soutien de sa demande. 3 Code de déontologie des membres de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, c. C-26, a. 87.
1012632-S Page : 3 de cas par le PAE [c.-à-d. Programme d’Aide aux Employés]. » [11] Par ailleurs, même s’il reconnaît qu’il « n’était pas obligé de transmettre ces renseignements [car] il ne s’agissait pas d’un mandat légal » 4 , il précise que « comme il s’agissait de la seule possibilité de protéger le bébé pendant la garde intérimaire, je suis intervenu. J’avais bien écrit que si le plaignant acquérait de nouvelles habiletés relationnelles, il faudrait reconsidérer la garde » 5 . [12] Par la suite, le psychothérapeute transmet 6 à la Direction de la surveillance de la Commission le jugement de la Cour supérieure 7 rendu quant à la garde de l’enfant. AVIS D’INTENTION ET OBSERVATIONS [13] Même si elle ne remet pas en cause les conclusions du psychothérapeute quant au comportement et aux propos tenus par le plaignant lors de leurs rencontres et note que celles-ci ont été retenues dans un jugement de la Cour supérieure 8 statuant sur la garde de l’enfant et les droits d’accès du plaignant, son ex-conjointe ayant la garde de l’enfant sur la base de deux jugements intérimaires 9 , la Commission émet néanmoins un avis d’intention. [14] Dans cet avis, la Commission informe le psychothérapeute qu’elle pourrait conclure qu’il a, en l’espèce, contrevenu à la Loi sur le privé en communiquant les renseignements personnels du plaignant à un tiers alors que les conditions de l’article 18.1 de cette loi n’étaient pas réunies. [15] La Commission l’informe alors qu’à la lumière des précisions et des documents transmis à sa Direction de la surveillance, elle pourrait lui ordonner de cesser de communiquer les renseignements personnels obtenus dans le cadre de ses activités professionnelles à des tiers lorsque les conditions émises par la loi ne sont pas réunies. [16] En effet, la Commission s’interroge quant au respect des conditions découlant de l’article précité 10 qui prévoit qu’une personne qui exploite une 4 Réponse du psychothérapeute en date du 31 mars 2016. 5 Id. 6 Réponse du psychothérapeute en date du 2 mai 2016. 7 Droit de la famille – 16973, 2016 QCCS 1944 (CanLII). 8 Id. 9 Id., paragr. 2. 10 Pareille exception est prévue également, entre autres, à l’article 3.06.01.01 du Code de déontologie des membres de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, précité, note 3, à l’article 60.4 du Code des professions, c.
1012632-S Page : 4 entreprise peut communiquer certains renseignements en vue de prévenir un acte de violence lorsque les trois conditions suivantes sont réunies, et sur lesquelles elle a déjà eu l’occasion de se prononcer 11 : avoir un motif raisonnable de croire qu’il y a un danger de mort ou de blessures graves pouvant résulter d’un acte de violence, de simples soupçons ou craintes ne sont pas suffisants; le danger doit être imminent, à savoir que la nature de la menace doit inspirer un sentiment d’urgence, notamment en raison de sa gravité, de son sérieux et de sa clarté; le danger doit menacer une personne ou un groupe de personne identifiable. [17] En effet, à la lumière des éléments dont dispose la Commission, il ne semble pas que ces trois conditions soient remplies en l’espèce. À ce titre, la Commission informe le psychothérapeute qu’elle s’interroge notamment quant à l’imminence du danger considérant que l’enfant, au moment de la communication des renseignements personnels concernant le plaignant au tiers, ne résidait pas avec le plaignant, mais avec sa mère. [18] Elle l’informe également qu’elle s’interroge sur le destinataire des renseignements personnels. La Loi sur le privé précise, en effet, les personnes à qui peuvent être communiqués les renseignements personnels si les conditions sont réunies, à savoir la ou les personnes exposées au danger, leur représentant ou toute personne susceptible de leur porter secours. En l’espèce, la Commission se demande en quoi la communication des renseignements personnels à l’avocate de l’ex-conjointe était susceptible de porter secours à l’enfant qui était sous la garde de sa mère. [19] Le psychothérapeute répond 12 à l’avis d’intention de la Commission. Tout d’abord, il précise ne pas avoir de souvenir de l’enquête ouverte par la Commission à la suite de la plainte à l’origine de la présente décision. Il expose néanmoins sa position quant aux trois conditions préalables de l’article 18.1 de la Loi sur le privé. C-26. 11 X. c. Société des alcools du Québec, CAI 110246, 14 juin 2013; X. c. CSSS, CAI 112010, 5 août 2013. 12 Réponse du psychothérapeute du 26 mars 2018. En plus de sa réponse à l’avis d’intention, le psychothérapeute transmet à la Commission une copie de son mémoire d’appel du jugement Larouche c. Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 87 (CanLII), ainsi qu’un manuscrit qu’il vient de soumettre pour publication.
1012632-S Page : 5 « Mes motifs de croire à un danger de blessures graves étaient fondés sur ma connaissance des neurosciences de l’attachement. Si le cerveau du bébé est exposé à de la brutalité, une partie de celui-ci arrête son développement; les séquelles sont permanentes. Il s’agit ici d’un constat vérifié par la neuroscience; il ne s’agit pas que de soupçon ou de crainte. […] Le danger était imminent, car même si au moment de ma lettre le bébé était en sécurité, un juge devait statuer dans les jours à venir sur la garde intérimaire, selon la demande de l’avocate (elle m’a fait cette demande le mercredi et voulait la lettre le vendredi, car l’audition avait lieu au début de la semaine suivante). C’est en fonction de cette imminence que je suis intervenu; advenant que le juge ne soit pas mis au courant du danger pour le bébé, le bébé aurait été seul en présence d’un père brutal, une semaine sur deux. C’était une possibilité que je ne pouvais laisser se produire, selon mes connaissances : la gravité, le sérieux et la clarté de la situation ne faisaient aucun doute dans mon esprit. Le bébé avait sept mois et selon les neurosciences de l’attachement cette période est cruciale. […] Pour ce qui est de vos remarques sur le destinataire, l’erreur est surprenante. Vous dites que ma lettre est destinée à l’avocate et elle ne peut porter secours à l’enfant. Comment ne pas comprendre que ma lettre était destinée au juge dans quelques jours (en attendant, le bébé était en sécurité avec la mère)? Seul le juge pouvait porter secours au bébé en empêchant qu’il soit laissé seul avec le père, comme il l’a fait d’ailleurs et je m’en félicite. Je ne pouvais que communiquer par lettre via l’avocate, car aucun témoin n’était admis à l’audition pour la garde intérimaire. L'autre option aurait été de référer à la DPJ; mais je savais que la DPJ n’intervient pas quand l’enfant est avec une personne protégeante (la mère à ce moment). […] La seule personne qui pouvait protéger le bébé de façon immédiate était le juge. C’est à lui que je me suis adressé via la demande de l’avocate. […] Si on additionne les constats du juge, la conjointe qui quitte immédiatement pour protéger son enfant et mes connaissances en neurosciences, la question des motifs raisonnables de croire à un danger imminent reçoit un sérieux appui (à moins de penser que trois personnes au courant des faits n’étaient pas raisonnables; le client lui-même n’a pas nié les faits lors de l’audition tellement ils étaient probants; il a changé sa version hors-cour pour les fins de sa plainte. Le juge , de la cour supérieure, m’a relevé de mon obligation au secret professionnel à la fois pour mon écrit et pour mon témoignage sub poena. Vous
1012632-S Page : 6 ne le mentionnez pas; il y a un autre vide ici dans votre avis. Le juge a aussi considéré mon témoignage pertinent et utile à la cour. Je n’ai jamais dit, comme vous l’affirmez, que je pouvais me soustraire au sub poena; je savais que j’aurais à témoigner lors de l’audition pour la garde qui devait avoir lieu dans quelques mois; je savais aussi que la demande d’une lettre immédiate pour l’audition pour la garde intérimaire ne contenait pas la même obligation juridique; c’est pourquoi j’ai précisé le motif de mon intervention écrite, soit le secours immédiat au bébé. […] » ANALYSE [20] À la lumière des éléments dont elle dispose, la Commission doit se prononcer relativement aux exigences de la Loi sur le privé quant à la possibilité de communiquer des renseignements personnels à un tiers sans le consentement de la personne concernée. [21] En effet, la Loi sur le privé établit certaines règles relatives à la protection des renseignements personnels qu’une entreprise doit respecter. Ces règles visent à établir un équilibre entre le droit d’un individu au respect de sa vie privée et les besoins d’une entreprise en matière de collecte, d’utilisation et de communication de renseignements personnels dans le cadre de l’exercice de ses activités. [22] La Loi sur le privé prévoit qu’une entreprise qui recueille des renseignements personnels ne peut les communiquer à un tiers, à moins que la personne concernée n’y consente ou que cela soit prévu par la Loi 13 . [23] La Loi sur le privé prévoit qu’une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer des renseignements personnels confidentiels dans certaines circonstances : 18.1. Outre les cas prévus à l’article 18, une personne qui exploite une entreprise peut également communiquer un renseignement personnel contenu dans un dossier qu’elle détient sur autrui, sans le consentement des personnes concernées, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il existe un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personne identifiable. 13 Loi sur le privé, article 13.
1012632-S Page : 7 Les renseignements peuvent alors être communiqués à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou à toute personne susceptible de leur porter secours. La personne qui exploite une entreprise et qui communique un renseignement en application du présent article ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication. Lorsqu’un renseignement est ainsi communiqué par la personne qui exploite une entreprise, celle-ci doit inscrire la communication. Cette inscription fait partie du dossier. [24] Ainsi, pour se prononcer quant à savoir si le psychothérapeute pouvait communiquer les renseignements personnels du plaignant à l’avocate de son ex-conjointe, la Commission doit déterminer si les trois conditions cumulatives énoncées à l’alinéa premier de cet article sont rencontrées. [25] Premièrement, la personne qui exploite une entreprise doit avoir un motif raisonnable de croire qu’il y a un danger de mort ou de blessures graves pouvant résulter d’un acte de violence. La menace de danger ou de blessures graves s’évalue en fonction des éléments objectifs propres à chaque situation et de l’appréciation subjective des circonstances par la personne qui exploite une entreprise. Cette évaluation doit donc être fondée sur des faits objectifs engendrant, pour la personne qui exploite une entreprise, « une croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi » 14 . Une personne raisonnable ayant à juger de la même situation devrait également en venir à la conclusion qu’il existe un danger imminent de mort ou de blessures graves. [26] Comme mentionné au paragraphe 13 de la présente décision, la Commission ne remet pas en cause les conclusions du psychothérapeute, fondées sur des faits objectifs, et note que celles-ci ont été retenues dans un jugement de la Cour supérieure statuant sur la garde de l’enfant et les droits d’accès du plaignant 15 . De plus, la Commission a pris connaissance des observations et des documents transmis par le psychothérapeute à la suite de son avis d’intention et elle ne remet pas en question les connaissances de ce dernier quant aux neurosciences de l’attachement. [27] Compte tenu des connaissances du psychothérapeute, la Commission comprend qu’il a communiqué des renseignements personnels au sujet du 14 Yves DUSSAULT, « Divulguer des renseignements confidentiels en vue de protéger des personnes », (2003) vol. 9 n. 2 L’informateur public privé, p. 10. 15 Précité, note 7.
1012632-S Page : 8 plaignant, car il a jugé que le comportement et les propos tenus par ce dernier lors des rencontres qu’il a eues avec lui permettaient de « soupçonner une lacune importante qui [lui] faisait craindre pour l’enfant » 16 . [28] À la lumière de ce qui précède, la Commission est d’avis que la première condition est remplie en ce qui concerne le motif raisonnable de croire qu’un danger de mort ou de blessures graves pouvait survenir. [29] Deuxièmement, le danger doit être imminent. L’imminence s’évalue en termes de temps et de causalité 17 . La nature de la menace doit inspirer un sentiment d’urgence, notamment en raison de sa gravité, de son sérieux et de sa clarté. [30] En l’espèce, le psychothérapeute allègue que « selon [son] jugement, il ne fallait pas attendre un danger de mort ou de blessures graves pour intervenir », 18 car « si le cerveau du bébé est exposé à de la brutalité, une partie de celui-ci arrête son développement; les séquelles sont [alors] permanentes » 19 . Il soutient également qu’il a communiqué des renseignements personnels au sujet du plaignant à l’avocate de son ex-conjointe, car « advenant que le juge ne soit pas mis au courant du danger pour le bébé, le bébé aurait été seul en présence d’un père brutal, une semaine sur deux » 20 . Ainsi, il prétend que « c’est en fonction de cette imminence [qu’il est] intervenu » 21 . [31] À la lecture des éléments au dossier, la Commission comprend que même si le plaignant pouvait avoir un comportement ou des propos pouvant laisser craindre pour la protection de l’enfant, ce dernier, au moment des faits à l’origine de la plainte 22 , comme répété à plusieurs reprises, « était en sécurité » 23 , « n’était pas en danger de mort ou de blessures graves » 24 ou encore ne résidait pas avec le plaignant, mais avec sa mère « sur la base de deux jugements intérimaires successifs » 25 . [32] Par ailleurs, comme nous le verrons plus tard, la séquence des évènements démontre l’absence d’imminence quant au danger de mort ou de 16 Tel qu’il appert de la réponse du psychothérapeute en date du 30 mars 2016. 17 Y. DUSSAULT, précité note 14, p. 8. 18 Précité note 4. 19 Précité note 12. 20 Id. 21 Id. 22 Tel qu’il appert de la réponse du psychothérapeute en date du 19 janvier 2016. 23 Précité note 12. 24 Précité note 4. 25 Précité note 7, par. 2.
1012632-S Page : 9 blessures graves considérant la possibilité qu’avait le psychothérapeute de communiquer des informations non confidentielles au tribunal préalablement à tout jugement relatif à la garde de l’enfant. [33] Ainsi, en fonction de ce qui précède, la Commission est d’avis que la deuxième condition relative à l’imminence du danger n’est pas réunie. [34] Troisièmement, le danger doit menacer une personne ou un groupe de personnes identifiables. La Commission comprend des circonstances entourant la présente plainte que c’est l’enfant qui est la personne menacée. [35] Partant, à la lumière de ce qui précède et après avoir pris en considération les trois conditions préalables à la communication de renseignements personnels énoncées au premier alinéa de l’article 18.1 de la Loi sur le privé, la Commission est d’avis que celle relative à l’imminence d’un danger de mort ou de blessures graves n’est pas remplie en l’espèce. La Commission pourrait, par conséquent, ne pas aller plus loin dans son analyse. [36] Toutefois, elle estime pertinent d’examiner l’exigence énoncée au deuxième alinéa de l’article 18.1 de la Loi sur le privé, soit le fait que les renseignements personnels peuvent, si les conditions de l’alinéa premier sont remplies, être communiqués « à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou à toute personne susceptible de leur porter secours ». [37] En l’espèce, le psychothérapeute a choisi de transmettre à l’avocate de son ex-conjointe, afin de prévenir le danger appréhendé, une lettre contenant un certain nombre de renseignements personnels révélant le caractère du plaignant, ses propos à l’égard de l’enfant et de son ex-conjointe ou encore le fait qu’il a suivi le Programme d’aide aux employés 26 . [38] La Commission comprend que cette lettre a été envoyée à l’avocate de l’ex-conjointe en vue de l’audience sur la garde de l’enfant. En effet, pour le psychothérapeute, comme mentionné au paragraphe 19 de la présente décision, « la seule personne qui pouvait protéger le bébé de façon immédiate était le juge. C’est à lui que je me suis adressé via la demande de l’avocate ». [39] Or, la Commission tient à rappeler, comme elle a déjà eu l’occasion de le faire, qu’une citation à comparaître a seulement pour effet de sommer « le témoin à se présenter devant le tribunal compétent, mais ne l’autorise aucunement à transmettre à l’avance un renseignement personnel. Il appartient au juge qui 26 Tel qu’il appert des documents transmis par le plaignant au soutien de sa plainte.
1012632-S Page : 10 préside l’audience de disposer de l’admissibilité en preuve d’un élément requis par un procureur » 27 . Ainsi, il est inexact de prétendre que le psychothérapeute devait répondre à un ordre de la Cour en communiquant à l’avance à l’avocate de l’ex-conjointe du plaignant plusieurs détails le concernant sous prétexte que le juge « n’acceptait que des témoignages écrits » 28 et que l’avocate lui a « demandé un témoignage écrit » 29 . [40] Pour la Commission, une communication à l’avocate de l’ex-conjointe du plaignant à l’effet que le psychothérapeute souhaitait être relevé de son obligation de confidentialité par le tribunal pour communiquer à ce dernier des éléments pertinents quant à la garde de l’enfant aurait été plus à même de respecter le deuxième alinéa de l’article 18.1 de la Loi sur le privé. [41] La Commission souligne également que cette possibilité dénote l’absence d’imminence quant à l’existence d’un danger de mort ou de blessures graves relativement au premier alinéa de cet article. [42] Elle tient également à rappeler que même si dans le jugement de la Cour supérieure, on peut lire que cette dernière « relève [le psychothérapeute] de son secret professionnel et autorise son témoignage et le rapport qu’il a déposé, car l’intérêt de l’enfant exige que la cour soit informée de tous les faits susceptibles d’affecter son bien-être » 30 , ceci a été fait lors de l’audience et non au moment où le psychothérapeute a choisi de transmettre, par écrit, plusieurs renseignements personnels concernant le plaignant à l’avocate de son ex-conjointe. [43] Enfin, la Commission tient à rappeler que son rôle est de s’assurer du respect de la protection des renseignements personnels et, le cas échéant, recommander ou ordonner à une entreprise de prendre toute mesure corrective propre à assurer la protection des renseignements personnels. [44] C’est en fonction de ce rôle, qu’en l’espèce, au terme de l’enquête et après avoir fourni au psychothérapeute l’occasion de présenter ses observations sur les faits à l’origine de la plainte, la Commission considère que le psychothérapeute ne pouvait pas communiquer les renseignements personnels du plaignant à l’avocate de son ex-conjointe, l’une des conditions préalables et cumulatives de l’article 18.1 de la Loi sur le privé n’étant pas réunies. 27 M.A. c. Club de Golf Beloeil, CAI 100 38 07, 10 janvier 2014. 28 Précité note 23. 29 Id. 30 Précité note 7, par. 54.
1012632-S Page : 11 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [45] DÉCLARE la plainte fondée; [46] ORDONNE au psychothérapeute de cesser de communiquer les renseignements personnels obtenus dans le cadre de ses activités professionnelles à des tiers lorsque les conditions émises par la loi ne sont pas réunies. Original signé Cynthia Chassigneux Juge administrative
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