COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION DU QUÉBEC Dossier : 101 13 80 Organismes : Commission scolaire English Montréal Maître Nathalie Lauzière Responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels Commission scolaire English Montréal 6000 av. Fielding Montréal (Québec) H3X 1T4 Ville de Montréal Maître Yves Saindon Responsable de l’accès aux documents et de la protection des renseignements personnels Ville de Montréal 275 rue Notre-Dame #R-13 Montréal (Québec) H2Y 1C6 Date : 22 décembre 2016 Membre : M e Cynthia Chassigneux DÉCISION [1] Le 28 mai 2015, la Commission d’accès à l’information (la Commission) a reçu, pour avis, une entente de communication de renseignements personnels entre la Commission Scolaire English Montréal (la CSEM) et la Ville de Montréal (la Ville). Objet de l’entente [2] L’entente, signée en mai 2015, a pour titre Protocole d’accès et d’utilisation de renseignements personnels concernant les élèves des écoles situées sur le territoire de la Ville de Montréal et les abonnés des bibliothèques de Montréal (l’Entente).
1011380 Page : 2 [3] L’Entente a pour objet « de permettre la transmission par la CSEM à la VILLE de renseignements personnels concernant les élèves de la première année du primaire et de la première année du secondaire des écoles de la CSEM situées sur le territoire de la Ville de Montréal » 1 et ce, afin de « permettre à la VILLE de remplir son mandat, soit de faciliter l’accès aux services de bibliothèques de la VILLE » 2 . [4] L’Entente, selon les informations fournies au soutien de celle-ci, vise 3160 étudiants provenant de 54 écoles de la CSEM. Avis d’intention de la Commission et observations des parties [5] Après plusieurs échanges entre les parties et sa Direction de la surveillance, la Commission avise, le 26 novembre 2015, la CSEM et la Ville de son intention d’émettre un avis défavorable quant au projet d’entente, et ce, sous réserve des observations écrites que ces derniers pourraient lui communiquer. [6] Dans son avis, la Commission soulève des interrogations quant à : - la justification de la communication des renseignements personnels eu égard aux critères de l’article 70 alinéa 2 paragraphe 2° de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 ; - la possibilité d’atteindre l’objectif poursuivi par l’Entente par le recours à d’autres méthodes qui n’impliqueraient pas la communication de renseignements personnels de l’ensemble des élèves de la première année du primaire et de la première année du secondaire des écoles de la CSEM situées sur le territoire de la Ville. [7] Le 15 décembre 2015, la directrice du département des services éducatifs et de la technologie transmet à la Commission les observations de la CSEM. Elle mentionne, entre autres, que la CSEM envisage d’adopter la stratégie suivante afin de répondre aux interrogations de la Commission. « Voici la stratégie que nous envisageons adopter afin de répondre à tous les éléments de votre demande, soit : - Informer les parents concernés sur la nature de l’entente; 1 Article 1 de l’Entente. 2 Id. 3 RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès.
1011380 Page : 3 - Permettre aux parents de nous faire savoir si leur enfant est déjà inscrit à la bibliothèque municipale; - Demander le consentement des parents, dont les enfants ne sont pas inscrits, à communiquer les renseignements personnels de leur enfant vers la Ville. […] Une date limite pour répondre serait clairement mentionnée et les résultats seraient traités en vue de réduire le nombre de renseignements personnels transmis à la Ville. De ce fait, seuls les élèves qui n’ont pas de carte de bibliothèque et dont les parents consentent au transfert d’informations personnelles se retrouveraient dans le fichier de transfert. En centralisant la réception des réponses vers un seul point, soit une simple adresse courriel, la CSEM minimise ainsi la charge de travail pour les écoles qui n’auraient ni besoin de recevoir les données ni de les compiler. De plus, cette stratégie nous assurerait que toutes les réponses arrivent à bon port et soient considérées de façon équitable. » [8] Le 21 décembre 2015, la Commission informe la CSEM, ainsi que la Ville, qu’elle suspend sa décision afin de permettre à un analyste de sa Direction de la surveillance et à la CSEM d’échanger sur cette stratégie. [9] Le 3 mai 2016, la Commission reçoit de nouvelles observations de la directrice du département des services éducatifs et de la technologie de la CSEM se lisant comme suit : « [l]a CSEM avait entrevu la possibilité d’utiliser un système de communication téléphonique automatisée pour informer et obtenir le consentement des parents. Celui-ci portait sur le transfert de renseignements personnels de leur enfant à la Ville de Montréal en vue de l’émission de cartes de bibliothèque du réseau municipal. La CSEM ne voulant pas se retrouver face à des poursuites concernant la communication de renseignements personnels sans consentement, une consultation récente avec les avocats de la CSEM a eu lieu. Ces derniers ont conclu que l’utilisation d’une communication téléphonique automatisée n’était pas légalement acceptable pour obtenir le consentement de tous les parents concernés. Nous avons donc envisagé d’ajouter à cet appel l’envoi d’un courrier électronique. Mais suite à une vérification dans nos bases de données, plus de 30% de la clientèle visée ne nous a pas fourni d’adresse de courrier
1011380 Page : 4 électronique. Ainsi plusieurs parents ne recevraient pas l’information et cela pourrait leur causer préjudice. Comme nous l’avait proposé la CAI antérieurement, nous avons aussi considéré très sérieusement la solution d’un envoi de lettre de consentement aux parents via l’agenda des élèves. Plusieurs éléments nous ont semblé problématiques. […] De surcroît, des contraintes monétaires, logistiques et surtout de temps-ressource rendent la communication avec les parents par voie de lettre dans l’agenda d’environ 3200 élèves difficilement envisageable par la CESM. […] Dans un contexte de restriction budgétaire avec du personnel restreint et surchargé (surtout dans le département de soutien informatique) il nous apparaît impossible de répondre à votre demande et de prendre en charge le consentement des parents. » [10] Par ailleurs, elle soutient « que le même projet d’émission de cartes de bibliothèque municipale est en place à la Commission Scolaire de Montréal (CSDM) depuis deux ans avec succès. Le processus de communication des renseignements personnels se fait sans encombre avec la permission de la CAI et demande un minimum de temps et de personnel impliqué du côté de la CSDM. » [11] Le 15 juin 2016, le chef de division et responsable substitut à l’accès aux documents transmet à la Commission les observations de la Ville. Il précise que : « [l]es commissions scolaires et les bibliothèques partagent les mêmes objectifs de mettre en contact les jeunes à la culture et à la lecture. Nous croyons que la fréquentation des bibliothèques est un excellent moyen d’y parvenir. L’abonnement systématique constitue un des moyens utilisés pour augmenter la fréquentation des bibliothèques. » [12] Il soutient également que : « [l]es bibliothèques de la Ville ont expérimenté l’abonnement systématique avec la Commission scolaire de Montréal. […] Les résultats quantitatifs de cette expérience nous permettent d’évaluer la pertinence de cette pratique. »
1011380 Page : 5 [13] À la suite de cette correspondance, un analyste de la Direction de la surveillance de la Commission a pris contact avec le chef de division et responsable substitut à l’accès aux documents de la Ville afin d’envisager la possibilité pour la Ville de faire parvenir à la CSEM des cartes de bibliothèque non nominatives qui seraient distribuées, par les enseignants, aux élèves de la première année du primaire et de la première année du secondaire et qui seraient activées lors de la première visite de l’élève à l’une des bibliothèques municipales situées sur le territoire de la Ville. [14] Le 16 août 2016, la Commission reçoit de nouvelles observations du chef de division et responsable substitut à l’accès aux documents de la Ville. Il soutient notamment que « le scénario proposé ressemble davantage à une publicité. Une bonne publicité qui s’ajoute à d’autres initiatives des bibliothèques. Nous ne croyons pas atteindre les mêmes résultats que notre projet. » Analyse [15] En vertu de la Loi sur l’accès, un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, l’article 59 alinéa 2 de la Loi sur l’accès prévoit des exceptions en permettant la communication d’un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée dans certains cas. [16] Parmi ces exceptions figure l’article 68 alinéa 1 paragraphe 1° de la Loi sur l’accès. 59. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement personnel sans le consentement de la personne concernée. Toutefois, il peut communiquer un tel renseignement sans le consentement de cette personne, dans les cas et aux strictes conditions qui suivent : […] 8° à une personne ou à un organisme, conformément aux articles 61, 66, 67, 67.1, 67.2, 68 et 68.1; […] 68. Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement personnel :
1011380 Page : 6 1° à un organisme public ou à un organisme d’un autre gouvernement lorsque cette communication est nécessaire à l’exercice des attributions de l’organisme receveur ou à la mise en œuvre d’un programme dont cet organisme a la gestion; […] [17] Cette communication doit, dès lors, s’effectuer dans le cadre d’une entente écrite et être soumise pour avis à la Commission comme le prévoient les articles 68 alinéa 2 et 70 de la Loi sur l’accès. 68. […] Cette communication s’effectue dans le cadre d’une entente écrite qui indique : 1° l’identification de l'organisme public qui communique le renseignement et celle de la personne ou de l’organisme qui le recueille; 2° les fins pour lesquelles le renseignement est communiqué; 3° la nature du renseignement communiqué; 4° le mode de communication utilisé; 5° les mesures de sécurité propres à assurer la protection du renseignement personnel; 6° la périodicité de la communication; 7° la durée de l'entente. 70. Une entente visée à l'article 68 ou au deuxième alinéa de l'article 68.1 doit être soumise à la Commission pour avis. La Commission doit prendre en considération: 1° la conformité de l'entente aux conditions visées à l'article 68 ou à l'article 68.1; 2° l'impact de la communication du renseignement sur la vie privée de la personne concernée, le cas échéant, par rapport à la nécessité du renseignement pour l'organisme ou la personne qui en reçoit communication. La Commission doit rendre un avis motivé dans un délai d'au plus 60 jours de la réception de la demande d'avis accompagnée de l'entente. Si la demande est modifiée pendant ce délai, celui-ci court à compter de la dernière demande. Si le traitement de la demande d'avis dans ce délai ne lui paraît pas possible sans nuire au déroulement normal des activités de la Commission, le
1011380 Page : 7 président peut, avant l'expiration de ce délai, le prolonger d'une période n'excédant pas 20 jours. Il doit alors en donner avis aux parties à l'entente dans le délai de 60 jours. L'entente entre en vigueur sur avis favorable de la Commission ou à toute date ultérieure prévue à l'entente. La Commission doit rendre publics cette entente ainsi que son avis. À défaut d'avis dans le délai prévu, les parties à l'entente sont autorisées à procéder à son exécution. En cas d'avis défavorable de la Commission, le gouvernement peut, sur demande, approuver cette entente et fixer les conditions applicables. Avant d'approuver l'entente, le gouvernement publie à la Gazette officielle du Québec l'entente et, le cas échéant, les conditions qu'il entend fixer avec un avis qu'il pourra approuver l'entente à l'expiration d'un délai de 30 jours de cette publication et que tout intéressé peut, durant ce délai, transmettre des commentaires à la personne qui y est désignée. L'entente entre en vigueur le jour de son approbation ou à toute date ultérieure fixée par le gouvernement ou prévue à l'entente. L'entente visée au cinquième alinéa ainsi que l'avis de la Commission et l'approbation du gouvernement sont déposés à l'Assemblée nationale dans les 30 jours de cette approbation si l'Assemblée est en session ou, si elle ne siège pas, dans les 30 jours de la reprise de ses travaux. Le gouvernement peut révoquer en tout temps une entente visée au cinquième alinéa. [18] Partant, la Commission doit, d’une part, examiner la conformité de l’Entente aux conditions visées par l’article 68 de la Loi sur l’accès. D’autre part, conformément à l’article 70 alinéa 2 de la Loi sur l’accès, elle doit considérer l’impact de la communication des renseignements décrits à l’article 2 de l’Entente sur la vie privée des personnes concernées, le cas échéant, par rapport à la nécessité du renseignement pour la personne qui en reçoit communication, soit la Ville en l’espèce. a. La conformité de l’Entente aux conditions visées à l’article 68 de la Loi sur l’accès [19] L’Entente est présentée en application de l’article 68 alinéa 1 paragraphe 1 de la Loi sur l’accès. Il revient donc à la Commission de déterminer si la communication des renseignements personnels décrits à l’article 2.1 de l’Entente est nécessaire à l’exercice des attributions de la Ville ou à la mise en œuvre d’un programme dont elle a la gestion.
1011380 Page : 8 [20] À la lumière des informations dont elle dispose, la Commission comprend que l’Entente vise à augmenter le lectorat et la fréquentation des bibliothèques chez les 17 ans et moins 4 et que, pour ce faire, la Ville, par le biais des bibliothèques de Montréal, doit, entre autres, établir des liens et des partenariats avec divers secteurs 5 . L’Entente a pour but de réaliser cet objectif et les renseignements personnels qui seront communiqués par la CSEM à la Ville sont, selon les parties à l’Entente, nécessaires par soucis d’identification et de différenciation des abonnés 6 . [21] La Commission reconnaît l’importance des bibliothèques dans la politique de développement culturel de la Ville et ne remet pas en cause l’objet de l’Entente qui sera mise en œuvre dans le cadre d’un programme dont la Ville a la gestion. [22] Toutefois, la Commission est d’avis que les motifs mis de l’avant pour justifier la communication des renseignements personnels décrits à l’article 2.1 de l’Entente lui permettent de constater l’impact de cette communication sur la vie privée des personnes concernées par rapport à la nécessité de ces renseignements pour la Ville. b. L’impact de la communication du renseignement sur la vie privée des personnes concernées par rapport à la nécessité du renseignement pour l’organisme ou la personne qui en reçoit communication [23] Dans son analyse quant à l’impact de la communication des renseignements personnels décrits à l’article 2.1 de l’Entente sur la vie privée des personnes concernées, le cas échéant, par rapport à la nécessité des renseignements pour la Ville, la Commission applique l’interprétation du critère de nécessité de la Cour du Québec dans l’affaire Laval (Société de transport de la Ville de) c. X qui propose d’examiner ce critère à la lumière de la finalité poursuivie par l’organisme qui reçoit des renseignements personnels. 4 Préambule de l’Entente. Voir également, COMMISSION DU CONSEIL MUNICIPAL SUR LE DÉVELOPPEMENT CULTUREL ET LA QUALITÉ DU MILIEU DE VIE, Étude publique : Le projet de Bibliothèque du XXIe siècle – Rapport et recommandations, 20 septembre 2010, p. 6; VILLE DE MONTRÉAL, Politique de l’enfant – Naître, grandir, s’épanouir à Montréal : de l’enfance à l’adolescence, 16 juin 2016, p. 3. 5 COMMISSION DU CONSEIL MUNICIPAL SUR LE DÉVELOPPEMENT CULTUREL ET LA QUALITÉ DU MILIEU DE VIE, Id., p. 7. 6 Document explicatif accompagnant le dépôt de l’entente entre la CSEM et la Ville de Montréal à la CAI.
1011380 Page : 9 [24] La Cour du Québec suggère un examen en deux temps d’après lequel la nécessité de la communication des renseignements sera démontrée si elle vise la réalisation d’un objectif lié à l’objet de l’Entente qui est légitime, important, urgent et réel, et si l’atteinte au droit à la vie privée des individus concernés que constitue cette communication est proportionnelle à cette fin (lien rationnel entre l’objectif poursuivi et la communication des renseignements personnels, atteinte au droit minimal et communication nettement plus utile à l’organisme que préjudiciable à l’individu). [25] La Commission a pris en considération les documents soumis avec l’Entente et les observations transmises par la Ville en juin et août 2016 à la suite de son avis d’intention. En effet, le fardeau de démontrer la nécessité de recevoir les renseignements personnels décrits à l’article 2.1 de l’Entente repose principalement sur l’organisme qui entend les obtenir, à savoir la Ville, mais aussi sur la CSEM qui entend les communiquer. Les finalités recherchées ou les objectifs poursuivis sont-ils légitimes, importants, réels et urgents ? [26] Selon la Ville, la communication des renseignements personnels décrits à l’article 2.1 de l’Entente est nécessaire, non seulement pour identifier et différencier les élèves, mais aussi pour mettre en place le type d’abonnement prévu par l’Entente, soit un programme d’abonnement systématique. [27] En effet, selon le chef de division et responsable substitut à l’accès aux documents de la Ville ce type d’abonnement « […] permet d’acheminer directement les cartes au domicile des élèves. Il s’agit de la façon la plus efficace de rejoindre des élèves qui ne sont pas abonnés eux-mêmes à la bibliothèque. Cette méthode est la plus réaliste de mener à bien ce projet d’abonnement massif, puisqu’elle n’alourdit en rien la tâche des employés des commissions scolaires. En minimisant les intermédiaires et en réduisant le nombre d’intervenants impliqués, nous nous assurons de rejoindre un plus grand nombre d’élèves directement, chez eux, et qui n’ont plus qu’à visiter leur bibliothèque pour activer leur abonnement, sans autre pièce justificative. […] À la lumière des résultats obtenus par le projet avec la CSDM, il nous apparaît que l’envoi personnalisé de cartes aux élèves, obtient un taux de succès nettement supérieur à toutes les autres
1011380 Page : 10 méthodes de promotion combinées pour permettre un accès à l’information et à la connaissance à un plus grand nombre d’élèves, dans une perspective de persévérance et de réussite scolaire. » [28] La Commission reconnaît que cet objectif est légitime et important compte tenu, comme mentionné précédemment, de la volonté de la Ville d’augmenter le lectorat et la fréquentation des bibliothèques chez les 17 ans et moins et de l’importance des bibliothèques dans la politique de développement culturel de la Ville. [29] Néanmoins, le caractère urgent et réel de la communication prévue à l’Entente n’a pas été démontré à la satisfaction de la Commission. D’une part, la Commission constate que d’autres solutions ont été envisagées par la CSEM et la Ville mais qu’elles n’ont pas été retenues compte tenu des contraintes monétaires, logistiques et de temps-ressources 7 . Toutefois, la Commission considère que l’objectif poursuivi par l’Entente pourrait être atteint en utilisant d’autres moyens que celui envisagé par l’Entente et qui ont fait l’objet de discussion entre sa Direction de la surveillance, la CSEM et la Ville à la suite de son avis d’intention. De plus, même si la Commission est consciente des contraintes mises de l’avant, elle considère que celles-ci ne permettent pas de justifier que soit écartée la confidentialité des renseignements personnels prévue à la Loi sur l’accès. [30] D’autre part, la Commission constate que l’idée de contacter les parents d’élèves pour les informer du projet et obtenir leur consentement n’a pas été suivie au motif que 30% de la clientèle visée n’a pas fourni d’adresse de courrier électronique 8 . Toutefois, considérant les notes, avis et autres communications transmis aux parents d’élèves par différents moyens durant l’année scolaire, la Commission n’est pas convaincue par cet argument. [31] De plus, il n’a pas été démontré à la satisfaction de la Commission ce qui justifie que la CSEM communique à la Ville les renseignements personnels de l’ensemble des élèves de la première année du primaire et de la première année du secondaire, sans d’abord connaître ceux qui sont déjà inscrits dans une bibliothèque. [32] À ce titre, l’argument allégué par la CSEM quant au fait que la carte de membre de certaines bibliothèques municipales, auxquelles pourraient être 7 Voir notamment la réponse de la CSEM reproduite au paragraphe 9 de la présente décision. 8 Id.
1011380 Page : 11 inscrits des élèves situés sur son territoire, n’est pas valide dans le réseau de la Ville ne convainc pas la Commission. « certaines bibliothèques municipales sont défusionnées de Montréal et que la carte de membre de ces bibliothèques n’est pas valide dans le réseau de Montréal. Il s’agit entre autre des municipalités de Westmount, Côte-St-Luc, Mont-Royal. Cet ajout d’explication dans la lettre de consentement, pourrait créer une confusion auprès des parents. Nous craignons que les distinctions entre le réseau de bibliothèques et certains arrondissements nous mènent à des résultats faussés de communications de renseignements personnels. » 9 [33] En effet, au regard de l’objectif poursuivi par l’Entente, à savoir augmenter le lectorat et la fréquentation des bibliothèques chez les 17 ans et moins, la Commission considère que ce qui importe le plus c’est que les élèves soient abonnés à une bibliothèque que celle-ci soit ou non située sur le territoire de la Ville. [34] Enfin, la CSEM et la Ville se réfèrent aux résultats obtenus dans le cadre d’une entente conclue entre la CSDM et la Ville. Or, il appert des résultats mis de l’avant qu’une carte d’abonnement a été envoyée aux seuls élèves de la CSDM qui n’étaient pas abonnés à une bibliothèque. Ce ne sont donc pas tous les élèves de la première année du primaire et de la première année du secondaire de la CSDM qui reçoivent une telle carte contrairement à ce qui est envisagé dans le cadre de la présente Entente. De plus, la Commission constate que si ces résultats présentent le nombre de cartes activées par année, ils ne permettent pas de déterminer si les élèves de la première année du primaire et de la première année du secondaire ont renouvelé leur abonnement. [35] Partant, la Commission n’est pas convaincue que les éléments qui lui ont été soumis par la CSEM et la Ville permettent de justifier le caractère urgent et réel de l’Entente. L’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette communication est-elle proportionnelle aux objectifs poursuivis ? [36] Même si le premier élément du test de nécessité n’est pas rencontré, la Commission estime pertinent de déterminer si le fait de communiquer les renseignements personnels décrits à l’article 2.1 de l’Entente sans le 9 Argument mis de l’avant par la CSEM dans sa réponse du 3 mai 2016.
1011380 Page : 12 consentement des personnes concernées est proportionnel aux objectifs poursuivis par la CSEM et la Ville. [37] Comme mentionné précédemment, la CSEM et la Ville n’ont pas démontré, à la satisfaction de la Commission, en quoi les autres mesures qui n’ont pas été retenues sont insuffisantes pour atteindre l’objectif poursuivi par l’Entente et pour réduire le nombre de renseignements personnels communiqués. [38] Ainsi, la Commission est d’avis que l’impact de la communication des renseignements personnels sur la vie privée des personnes concernées sera plus important que l’utilité de ces renseignements pour la Ville. En effet, dans l’exercice de sa juridiction, la Commission doit interpréter restrictivement cette possibilité énoncée dans la Loi sur l’accès qui permet de faire exception à l’obtention du consentement des personnes concernées à la communication de leurs renseignements personnels. [39] Pour ces raisons, la Commission considère que l’Entente qui lui est soumise ne rencontre pas les exigences des articles 68 alinéa 1 paragraphe 1 et 70 de la Loi sur l’accès. [40] En terminant, dans leurs observations, la CSEM et la Ville allèguent, comme décrit aux paragraphes 10 et 12 de la présente décision, qu’une entente similaire existe entre la CSDM et la Ville 10 . Toutefois, la Commission tient à préciser que le fait qu’elle donne un avis favorable à un projet d’entente dans un secteur d’activité ne confère pas un droit à une réponse positive pour les projets d’entente qui lui sont soumis par la suite dans ce même secteur. En effet, la communication de renseignements personnels à un organisme ou à une personne pour atteindre un objectif particulier ne signifie pas que ces renseignements peuvent automatiquement être communiqués à un autre organisme ou à une autre personne. Il revient, en effet, à la Commission d’analyser chacun des projets d’entente qui lui sont soumis afin de déterminer si les exigences de la Loi sur l’accès sont respectées en fonction de chaque projet d’entente. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [41] ÉMET UN AVIS DÉFAVORABLE relatif au projet d’entente de communication de renseignements entre la CSEM et la Ville. 10 Dossiers100 53 02 et 100 92 95.
1011380 Page : 13 Cynthia Chassigneux Juge administratif
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.