Section surveillance

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMMISSION D'ACCÈS À L'INFORMATION AVIS SUR LE PROJET DE LOI NO 164 LOI CONCERNANT LES PARTENARIATS EN MATIÈRE D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT Dossier 001812 30 novembre 2000 La Commission d'accès à l'information a pris connaissance du projet de loi no 164, " Loi concernant les partenariats en matière d'infrastructures de transport ", déposé à l'Assemblée nationale, le 15 novembre dernier, par le ministre des Transports. La lecture de ce projet de loi révèle que le gouvernement projette de créer des partenariats avec des entreprises du secteur privé en matière de construction, de réfection ou d'exploitation d'infrastructures de transport. Si la Commission n'a aucun commentaire à formuler quant à l'orientation gouvernementale, il en va tout autrement quant aux renseignements personnels qui pourraient être recueillis, utilisés, conservés et communiqués dans le cadre d'un tel partenariat. Ainsi, selon un scénario prévu par le projet de loi, une entreprise du secteur privé pourrait, à des fins de péage routier, photographier des plaques d'immatriculation, constituer des banques de données sur les automobilistes et échanger des renseignements personnels sur ces derniers. Ce projet n'est pas sans rappeler une expérience ontarienne qui s'est traduite législativement par l'adoption de la Loi de 1998 sur l'autoroute 407 (Lois de l'Ontario, 1998, chap. 28). La Commission note toutefois que, dans ce cas, des discussions entre le Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario et les responsables du projet ont précédé l'adoption du projet de loi. Au terme de ces discussions, les responsables du projet ontarien ont élaboré un système de péage qui permet aux utilisateurs de rester anonymes. (1) Le projet de loi no 164 nous apprend que le gouvernement pourra, par voie réglementaire, établir des normes pour la réalisation de projets de construction, de réfection ou d'exploitation d'infrastructures de transport en partenariat avec le secteur privé. Ces normes viseront-elles spécifiquement la protection des renseignements personnels ? Ces mêmes normes permettront-elles aux utilisateurs.d'une autoroute d'y
circuler, tout en restant anonymes ? Pour l'instant, ces questions demeurent sans réponse. Pourtant, la recherche et l'utilisation de moyens technologiques qui minimisent l'intrusion dans la vie privée des citoyens devrait être une préoccupation gouvernementale dans l'élaboration d'un tel projet et cette préoccupation devrait se traduire dans le texte de loi et non dans un texte réglementaire. Par ailleurs, la Commission s'inquiète particulièrement de l'article 13 de ce projet de loi. Selon cette disposition, une photographie de la plaque d'immatriculation constituera la preuve de l'obligation de payer un péage. Or, il n'est pas démontré que seule la plaque d'immatriculation d'un véhicule sera effectivement photographiée. La Commission estime qu'il y a un risque sérieux d'atteinte à la vie privée si, par exemple, il est possible d'identifier les personnes dans le véhicule ou d'identifier le lieu précis la photo a été prise. L'article 14 de ce projet est également un sujet d'inquiétude pour la Commission. En effet, la Commission estime que le vaste pouvoir octroyé aux entreprises du secteur privé de recueillir des renseignements " auprès de tout gouvernement ou organisme " est pratiquement illimité, en particulier en ce qui concerne la recherche du nom et de l'adresse d'une personne. Bien que la Commission comprenne qu'il soit difficile, voire impossible, d'obtenir le consentement des utilisateurs pour cette cueillette de renseignements, cela ne justifie pas une telle cueillette dans tous les organismes du gouvernement ou dans toutes les entreprises privées. Par ailleurs, le pouvoir prévu à cet article 14, utilisé en conjonction avec celui de l'article 21, crée un précédent dangereux. Il s'agit de l'utilisation de fichiers gouvernementaux pour la perception des comptes à recevoir d'une entreprise privée. La Commission estime que cette façon de faire présente un danger. En effet, comment la relation de confiance que doivent avoir les citoyens envers l'État pourra-t-elle se maintenir si celui-ci permet que l'on utilise ses fichiers de renseignements personnels aux bénéfices d'une entreprise privée pour identifier des personnes et pour sanctionner celles-ci en cas de défaut de paiement ? De l'avis de la Commission, il est essentiel de répondre à la question précédente avant de choisir une telle façon de faire. En effet, que pourra répondre l'État aux autres entreprises privées, avec lesquelles il transige, lorsqu'elles voudront bénéficier du même privilège ? Selon la Commission, la réponse à cette question ne se trouve pas dans une simple modification législative qui autoriserait cette façon de faire. Une réflexion en profondeur devrait être entreprise pour cerner les contours de cette nouvelle façon de faire car, à la lecture du projet de loi, ceux-ci demeurent flous. Toujours à propos de l'article 14 de ce projet de loi, la Commission s'interroge sur le fichier qui sera constitué par l'opération d'une route à péage. Ainsi, en plus des renseignements personnels recueillis en vertu de l'article 14, que contiendra ce fichier ? Qui aura accès à ce fichier ? Qui en déterminera les règles d'utilisation, les règles de sécurité, les règles de conservation ou de destruction ? Qui en sera légalement le détenteur ? Pourra-t-il servir à d'autres fins telles que le contrôle de la vitesse ? Au terme de son analyse, la Commission ne peut que constater que le partenariat en matière d'infrastructures de transport a été réduit à une simple transaction commerciale. Avant de communiquer à un partenaire privé des renseignements personnels pour la
mise en oeuvre d'un tel transfert de responsabilités étatiques, le gouvernement devrait s'assurer que ce transfert n'amenuisera pas la confiance des citoyens à l'égard de l'utilisation des renseignements personnels qui les concernent. Loin de s'objecter à l'utilisation des technologies modernes qui permettraient, par exemple, de percevoir le péage sur les autoroutes aux moyens de photographies ou autrement, la Commission.estime que l'usage de ces technologies doit se faire dans le strict respect des lois sur la protection des renseignements personnels en vigueur au Québec et dans le respect de la vie privée des citoyens. En regard des informations dont elle dispose présentement, la Commission ne peut malheureusement pas donner son aval à ce projet de loi. Toutefois, cela ne signifie pas que la Commission rejette le modèle de fonctionnement que ce projet de loi implique. Comme la Commission l'a mentionné précédemment, une expérience similaire a été menée à bien en Ontario. Il serait important de voir comment une telle expérience pourrait être adaptée aux particularités propres au droit québécois et d'apporter au projet de loi les amendements qui tiendraient compte du droit à la vie privée et à la protection des renseignements personnels. 1. L'autoroute 407, la route express à péage : Comment circuler sur cette route en conservant votre anonymat, Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée/Ontario.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.