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Le président CRC 044M PAR COURRIEL Québec, le 20 janvier 2017 crc@assnat.qc.ca C.P. P.L. 115 Maltraitance envers les aînés Madame Anne-Marie Larochelle Secrétaire de la Commission Commission des relations avec les citoyens Édifice Pamphile-Le May 1035, rue des Parlementaires, bureau 3.15 Québec (Québec) G1A 1A3 OBJET : Projet de loi 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité Madame la Secrétaire, La Commission daccès à linformation (ci-après, « la Commission ») a pris connaissance du projet de loi n o 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. Selon les notes explicatives de ce projet de loi, celui-ci vise notamment à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure vulnérable en facilitant la dénonciation et en favorisant la mise en œuvre dun processus dintervention concernant la maltraitance envers les aînés. Il prévoit notamment des mesures afin dassurer la confidentialité des renseignements relatifs à lidentité dune personne qui fait un signalement en plus de définir la notion de blessures graves et de modifier les dispositions permettant la communication de renseignements personnels sans le consentement des personnes concernées afin de prévenir un acte de violence. Le projet de loi habilite également le gouvernement à déterminer, par règlement, des modalités dutilisation de mécanismes de surveillance, comme des caméras, dans les lieux visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux 1 (LSSSS). Après analyse, la Commission émet les observations qui suivent au regard de ses mandats de surveillance et de promotion de la transparence des organismes publics et de la protection des renseignements personnels conférés par la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 2 (Loi sur laccès). Les commentaires du présent avis de la Commission concernent trois éléments du projet de loi : les dispositions concernant la confidentialité de lidentité dune personne qui signale un cas de maltraitance, les modifications aux dispositions permettant la communication de renseignements personnels pour prévenir un acte de violence et lhabilitation réglementaire au sujet de linstallation de caméras de surveillance et dautres moyens technologiques. 1 RLRQ, c. S-4.2. 2 RLRQ, c. A-2.1.
2 Premier élément : les dispositions concernant la confidentialité de lidentité dune personne qui signale un cas de maltraitance La Commission attire lattention des parlementaires sur les articles 3, 10 et 30 du projet de loi. Le paragraphe 6 o du quatrième alinéa de larticle 3 du projet de loi prévoit que la politique que doit adopter un établissement doit indiquer les mesures mises en place pour assurer la confidentialité des renseignements permettant didentifier toute personne qui effectue le signalement dun cas de maltraitance, et que cette politique doit être diffusée et affichée à la vue du public, selon larticle 5 du projet de loi. Larticle 10 du projet de loi prévoit que le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services dun établissement doit sassurer que soit préservée la confidentialité des renseignements permettant didentifier une personne qui fait un signalement, sauf avec son consentement. La Commission constate que cette obligation sapparente à celle prévue par larticle 63.1 de la Loi sur laccès 3 . La Commission comprend de larticle 30 du projet de loi que le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services de chaque établissement aura la responsabilité de traiter les signalements portant sur les cas de maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. La Commission comprend également quen application des articles 17 à 28 et 76.9 de la LSSSS, un dossier de plainte soumis au commissaire local aux plaintes et à la qualité des services a un caractère confidentiel, sauf pour lusager qui a généralement un droit daccès à son dossier. Ces dispositions sappliquent, malgré le caractère prépondérant de la Loi sur laccès 4 . La Commission constate que le projet de loi ne met lemphase que sur la confidentialité des renseignements permettant didentifier une personne qui fait un signalement bien que la confidentialité conférée par la LSSSS vise lensemble du dossier de plainte. La Commission comprend quun des objectifs du projet de loi est dinciter les personnes qui ont connaissance de cas de maltraitance à les dénoncer en soulignant quelles peuvent le faire dans un cadre confidentiel. Toutefois, elle sinterroge sur lopportunité de réduire, à larticle 10 du projet de loi, lobligation faite au commissaire aux plaintes et à la qualité des services de prendre des mesures pour assurer la confidentialité des seuls renseignements permettant didentifier une personne qui fait un signalement. En effet, le projet de loi propose que lensemble du dossier soit confidentiel. Par conséquent, lobligation de prendre des mesures pour assurer cette confidentialité devrait sappliquer à lensemble du dossier. Le même commentaire sapplique au 3 Larticle 63.1 se lit ainsi : « Un organisme public doit prendre les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels collectés, utilisés, communiqués, conservés ou détruits et qui sont raisonnables compte tenu, notamment, de leur sensibilité, de la finalité de leur utilisation, de leur quantité, de leur répartition et de leur support. » 4 Article 28 de la LSSSS.
3 paragraphe 6 o du quatrième alinéa de larticle 3 du projet de loi qui concerne le contenu de la politique qui doit être adoptée. En effet, insister uniquement sur lidentité dune personne qui fait un signalement pourrait laisser croire que seule la confidentialité de cette information est conférée par la législation ou que la confidentialité des renseignements concernant les autres personnes impliquées, tel lusager, est moins importante. Aussi, la Commission croit quil serait opportun que le législateur exige des mesures pour assurer la confidentialité de lensemble du dossier de plainte de lusager. Au besoin, la politique prévue à larticle 3 du projet de loi pourrait préciser, sans que ce soit une exigence légale, que les mesures prises pour assurer la confidentialité du dossier de plainte incluent les renseignements permettant didentifier toute personne qui effectue un signalement. Deuxième élément : les modifications aux dispositions permettant la communication de renseignements personnels pour prévenir un acte de violence Plusieurs dispositions législatives de diverses lois sont modifiées par ce projet de loi. Plus particulièrement, les articles 19 à 22, 25 à 29 et 32 modifient les articles permettant la communication de renseignements personnels sans le consente-ment de la personne concernée pour prévenir un acte de violence 5 . Notamment, larticle 59.1 de la Loi sur laccès, qui a fait lobjet de décisions de la part de la Commission, est modifié. Larticle 19 du projet de loi prévoit : 19. Larticle 59.1 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1) est modifié : 1° par le remplacement, dans le premier alinéa, de « danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable » par « risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment durgence »; 2° par lajout, à la fin, de lalinéa suivant : « Pour lapplication du premier alinéa, on entend par « blessures graves » toute blessure physique ou psychologique qui nuit dune manière importante à lintégrité physique, à la santé ou au bien-être dune personne ou dun groupe de personnes identifiable. ». La Commission constate que les modifications proposées au premier paragraphe de larticle 19 du projet de loi formulent essentiellement les critères appliqués dans les décisions quelle a rendues. Les modifications proposées semblent viser à clarifier ces critères. 5 Toutes les dispositions modifiées portent sur la communication de renseignements personnels pour prévenir des actes de violence, sans le consentement de la personne concernée. Les commentaires formulés par la Commission visent toutes ces dispositions.
4 Quant au paragraphe 2 o de larticle 19 du projet de loi, il définit la notion de blessures graves, notion importante pour voir à lapplication de larticle 59.1 de la Loi sur laccès. Il y est prévu quune blessure grave est une blessure physique ou psychologique qui nuit de manière importante à lintégrité physique, à la santé ou au bien-être dune personne ou dun groupe de personnes identifiables. La Commission comprend quil est proposé au législateur de reprendre une définition de blessures graves retenue par la Cour suprême 6 . La Commission approuve le fait de clarifier ces dispositions. Troisième élément : lhabilitation réglementaire au sujet de linstallation de caméras de surveillance et dautres moyens technologiques Le projet de loi prévoit, à son article 31, une modification à la LSSSS permettant ladoption dun règlement du gouvernement déterminant les modalités dutilisation de mécanismes de surveillance, tels des caméras ou tout autre moyen technologique, dans les lieux en lien avec la prestation de services de santé et de services sociaux déterminés par ce règlement. Si les mesures prévues par règlement sont principalement applicables aux aînés, le règlement est pris sur recommandation conjointe du ministre de la Santé et des Services sociaux et du ministre responsable des Aînés. Si on peut se réjouir dun minimum dencadrement de lutilisation des technologies de surveillance dans les « lieux en lien avec la prestation de services de santé et de services sociaux », la Commission considère que lhabilitation réglementaire prévue au projet de loi par son article 31 est trop large. Selon cette disposition, on établirait par règlement un cadre normatif concernant la surveillance par caméra ou tout autre moyen technologique. Cette habilitation permettrait ladoption dune réglementation dans tout lieu, déterminé par règlement, en lien avec la prestation de services de santé et de services sociaux, sans spécifier ou restreindre le type dintervenants qui peut procéder à linstallation de mécanismes de surveillance (usager ou ses proches, établissement ou résidence privée pour aînés, notamment). À la lumière des orientations ministérielles relatives à lencadrement de lutilisation des caméras et autres moyens technologiques 7 déposées cette semaine, il semble que lintention gouvernementale est de ne viser que lencadrement de linstallation et de lutilisation de mécanismes de surveillance par les usagers et leurs 6 Smith c. Jones [1999] 1 RCS 455. 7 Orientations ministérielles relatives à lencadrement de lutilisation des caméras et autres moyens technologiques pour des fins de surveillance dans les établissements exploitant une mission centre dhébergement et de soins de longue durée (CHSLD), janvier 2017 (Document déposé par la Ministre responsable des Aînés et de la Lutte contre l'intimidation lors du mandat « Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité » de la Commission des relations avec les citoyens).
5 représentants. Si tel est le cas, la Commission croit que lhabilitation réglementaire devrait être restreinte à cette situation. En effet, linstallation de caméras de surveillance par les établissements ou les résidences privées serait, le cas échéant, régie par les dispositions applicables aux autres organismes publics et entreprises privées, notamment la Loi sur laccès et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 8 qui prévoient des règles en matière de protection des renseignements personnels. Ces lois offrent un cadre permettant de délimiter les situations dans lesquelles un organisme public ou une entreprise privée peut procéder à la collecte de renseignements personnels et de voir à la gestion sécuritaire de ces renseignements. À ce sujet, le gouvernement a, selon les orientations gouvernementales en matière de transparence gouvernementale et de la protection de la vie privée et des renseignements personnels 9 quil a déposées en 2015, le projet de moderniser ces lois afin de tenir compte notamment de lévolution des technologies. Dans ces orientations, le gouvernement mentionne quil envisage de : «modifier la loi afin de prévoir la possibilité détablir des règles et modalités pour encadrer [de manière spécifique] lutilisation des nouvelles technologies, y compris les systèmes de géolocali-sation et de vidéosurveillance, tout en tenant compte la confidentialité des renseignements personnels Aussi, lactuel Règlement sur la diffusion de linformation et sur la protection des renseignements personnels 10 prévoit déjà un certain encadrement à son article 7 en obligeant tout organisme public assujetti à ce règlement à évaluer, dans le développement dun système dinformation, notamment les risques datteinte à la protection des renseignements personnels et à proposer des mesures particulières pour protéger ces renseignements. Le gouvernement a proposé, dans le cadre de ces orientations gouvernementales 11 , que sa portée soit étendue notamment au secteur de la santé. De lavis de la Commission, cette approche de réglementation globale est préférable à une approche par secteur et assure une cohérence des règles applicables et de leur interprétation. Par ailleurs, en ce qui concerne linstallation de caméras ou autre dispositif de surveillance par les individus à laquelle réfèrent le projet de loi et les orientations ministérielles, la Commission constate que la préoccupation du respect de la vie 8 RLRQ, c. P-39.1. 9 SECRÉTARIAT À LACCÈS ET À LA RÉFORME DES INSTITUTIONS DÉMOCRATI-QUES, Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la protection des renseignements personnels, mars 2015. 10 RLRQ, c. A-2.1, r.2. 11 Précité note 9, page 102.
6 privée des différentes personnes impliquées a été prise en compte dans ces orientations. Au même titre que dautres intervenants qui se sont exprimés au sujet du projet de loi, la Commission se questionne tout de même sur la meilleure façon datteindre un équilibre entre le besoin dassurer la protection des aînés et des personnes majeures vulnérables en installant des caméras ou dautres moyens technologi-ques et la nécessité de respecter la vie privée des individus, dont les usagers. Linstallation de mécanismes de surveillance dans un milieu de vie ne devrait pas acquérir un statut de normalité. Cest pourquoi lévaluation préalable et, par la suite, périodique proposée dans les orientations apparaît primordiale. Toutefois, peu dindications sont données sur la nature de cette réflexion qui doit être faite par lusager ou son représentant. À cet égard, lorsque le gouvernement procédera à la rédaction du règlement projeté, il pourrait être utile de sinspirer du test de proportionnalité appliqué lorsque des droits fondamentaux sont en cause et qui a été retenu par la jurisprudence. Ce test consiste essentiellement à sassurer quune incursion dans la vie privée dun individu ne peut se faire quen présence dun objectif légitime et quaprès sêtre assuré que les solutions alternatives à cette atteinte aux droits ne permettent pas datteindre lobjectif. À ce sujet, comme pour tout autre élément dun règlement qui pourrait être adopté afin dencadrer la vidéosurveillance, la Commission offre son entière collaboration pour commenter le projet qui sera préparé. La Commission demeure disponible pour répondre à toute question que pourrait soulever la présente. Veuillez agréer, Madame la Secrétaire, lexpression de nos sentiments les meilleurs. Jean Chartier Président
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