Québec, le 6 avril 2001 OBJET: Projet de loi modifiant la législation en matière de louage résidentiel 010268 _______________________________________________________________________ • Projet de loi modifiant la législation en matière de louage résidentiel, La modification proposée à l’article 28 de la Loi sur la Régie du logement (L.R.Q., c. R-8.1) a pour effet de confier une juridiction exclusive à la Régie du logement en ce qui concerne la collecte de renseignements personnels en matière de location résidentielle. En conséquence, la Commission ne pourrait plus intervenir en cette matière. En outre, cette modification serait complétée par l'ajout de trois articles au Code civil du Québec. Ces nouvelles dispositions se lisent comme suit: 1893.1 Le locateur qui recueille des renseignements sur un locataire éventuel dans le but de conclure un bail, ne peut recueillir que les renseignements suivants : 1 ° Renseignements nécessaires à l’identification du candidat locataire : Nom, prénom, date de naissance, adresse actuelle et numéro de téléphone du candidat. 2 ° Renseignements permettant au locateur de vérifier le comportement et les habitudes de paiement du candidat locataire : 1 ° Nom, prénom, adresse et numéro de téléphone du locateur actuel; 2 ° Temps de résidence à l’adresse actuelle du locataire. Le locateur peut vérifier le comportement du candidat, comme locataire, auprès de son locateur actuel ou auprès du locateur antérieur, si le candidat est lié par un bail avec son locateur actuel depuis moins de douze mois. Pour démontrer ses habitudes de paiement, le candidat locataire peut aussi, à son choix, fournir au locateur, parmi les éléments suivants : 1 °une attestation du respect de ses obligations par son institution financière;.2 °une attestation du respect de ses obligations par son locateur actuel; 3 °tout autre document attestant du respect de ses obligations par un organisme ou une entreprise de services publics à exécution successive;
Il est interdit de refuser de conclure un bail pour le seul motif que le candidat locataire refuse de consentir à ce qu’une enquête de crédit soit effectuée. 1893.2. Le locateur ne peut demander que les renseignements suivants au moment de la conclusion du bail : 1 °nom, prénom, date de naissance, adresse actuelle et numéro de téléphone tels que prévus au formulaire obligatoire de bail de la Régie du logement; 2 °le numéro de plaque d’immatriculation du locataire, s’il y a lieu. 1893.3. L’article 64 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1) et l’article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (chapitre P-39.1) ne s’appliquent pas à l’égard des renseignements visés aux articles 1893.1et 1893.2. La Commission s’oppose fermement à ces propositions de modifications législatives telles que formulées puisqu'elles auraient pour effet de normaliser une cueillette de renseignements personnels sur une partie importante de la population, quand, dans les faits, les "mauvais payeurs" constituent une minorité. En effet, il appert que plusieurs locateurs exigeraient actuellement des renseignements personnels qui ne sont pas nécessaires, donc en contravention avec les prescriptions de l’article 5 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (L.R.Q., c. P-39.1), ci-après « Loi sur le secteur privé ». Parfois même, des locateurs recueillent des renseignements, comme le numéro d’assurance maladie ou le numéro du permis de conduire, alors que ces renseignements ne doivent servir qu’à des fins spécifiques. Une dérogation à une loi fondamentale ne doit pas répondre au non-respect de ses dispositions. Étonnement aussi du côté de la Commission qui s'inquiète que l’on s’écarte du concept de nécessité sur lequel repose la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q., c. A-2.1), ci-après «Loi sur l’accès» et la Loi sur le secteur privé, sous le prétexte que celui-ci crée une confusion avec le concept de pertinence prévu au Code civil du Québec. En réalité, il n’y a pas de confusion. Il s’agit de deux concepts différents, librement et volontairement choisis par le législateur. De plus, la Commission croit que ces modifications législatives, qui ont pour but de faciliter l’identification des locataires « mauvais payeurs », portent atteinte à la.protection des renseignements personnels de l’ensemble des locataires, qui pour la vaste majorité de ceux-ci, s’acquittent fidèlement du paiement du loyer. La Commission estime que les modifications proposées au Code civil du Québec entraîneront nécessairement une cueillette de renseignements personnels qui sera bien souvent inutile, particulièrement en ce qui concerne les renseignements recueillis par un propriétaire à l'égard des éventuels locataires. En effet, ces derniers ne concluront pas
nécessairement un bail avec le propriétaire en question, qu'ils soient bons locataires ou non. Des renseignements tels que la date de naissance ou le numéro de plaque d'immatriculation ne seront, de l'avis de la Commission, utiles que si le locataire devient un mauvais payeur. Pour résoudre la problématique des mauvais payeurs, on présume, en quelque sorte, que tous les locataires sont des mauvais payeurs. Ce faisant, on justifie ainsi une collecte de renseignements personnels qui n'est manifestement pas nécessaire dans tous les cas. Quant au choix de la Régie du logement, comme organisme responsable de trancher les litiges portant sur la cueillette de renseignements personnels, cette proposition repose sur la nécessité de créer un guichet unique pour tout ce qui concerne la location résidentielle. La Commission comprend aussi que la Régie du logement aurait également compétence pour sanctionner par des dommages-intérêts un propriétaire qui recueillerait des renseignements personnels en contravention des nouvelles dispositions du Code civil du Québec. La Commission considère que cette façon de procéder n’atteint pas réellement le but recherché par la réforme. En effet, bien que la Commission perdrait sa compétence en matière de cueillette de renseignements si la loi était amendée, elle n’en conserverait pas moins sa compétence en ce qui concerne l’utilisation et la communication des renseignements personnels. La Commission conserverait également sa compétence en ce qui concerne le droit d’accès aux renseignements personnels ainsi que le droit de rectification de ceux-ci. La Commission s’étonne qu’un régisseur, nommé par le Gouvernement, ait le pouvoir de sanctionner par des dommages-intérêts la cueillette de renseignements personnels non autorisée dans le cadre de la location résidentielle, alors que les membres de la Commission, nommés par l’Assemblée nationale, ne dispose pas de ce pouvoir dans les domaines de leur compétence. Ne devrait-on pas plutôt conférer ce pouvoir de sanctions aux membres de la Commission et laisser ainsi intacte sa compétence ? Est-il nécessaire de le rappeler, la Commission a développé, au fil des ans, une expertise unique et originale en matière de protection des renseignements personnels. Enfin, l’article 7 du projet de loi introduit une nouvelle dérogation à l’article 9 de la Loi sur l’accès. Encore une fois, la Commission estime qu’une telle dérogation est inutile. En effet, la Commission croit que les dispositions de l’article 53 de la Loi sur l’accès protègent adéquatement les renseignements personnels fournis par un locataire. Ceux-ci ne peuvent être divulgués sans son consentement, puisque la conciliation n’est certainement pas une fonction d’adjudication de nature quasi judiciaire. Quant aux renseignements fournis par un locateur sans se prononcer à l'avance sur une demande qui pourrait lui être soumise, on peut penser que les articles 22, 23 et 24 de la Loi sur l’accès pourraient être invoqués pour en refuser l'accès.
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