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Québec, le 8 mai 2001 OBJET: Ajout des articles 69.0.0.12 à 69.0.0.17 au projet de loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et dautres dispositions législatives relative-ment à la protection des renseignements confidentiels N/D. : 00 06 21, 01 05 29, 01 05 81 ____________________________________________________________________ Les membres de la Commission daccès à linformation ont pris connaissance de la dernière version des articles 69.0.0.12 à 69.0.0.17 du projet de loi visant à modifier la Loi sur le ministère du Revenu. Ces articles sajoutent à lensemble des dispositions visant à modifier les règles de la Loi sur le ministère du Revenu concernant la confidentialité des renseignements contenus dans les dossiers fiscaux et pour lesquelles la Commission a déjà rendu un avis le 5 décembre dernier. La teneur de cet avis nest aucunement remis ici en question. Les nouvelles dispositions que vous nous soumettez, et dont le texte figure en annexe à la présente note, ont principalement pour objectif de lutter contre le crime organisé et dassurer la protection des personnes.
2 La Commission reconnaît que les objectifs poursuivis par ces nouvelles dispositions répondent à un besoin quil serait difficile de nier. Aussi nest-il pas question pour la Commission de remettre en cause le bien-fondé des articles qui lui sont soumis pour avis. Toutefois, la Commission émet de sérieuses réserves au sujet de certaines dispositions qui, croit-elle, risquent daller bien au-delà de ce qui semble nécessaire pour atteindre les fins poursuivies. Ces réserves portent sur certaines modalités définies aux articles 69.0.0.13 et 69.0.0.16. Larticle 69.0.0.13 Cette disposition prévoit quun fonctionnaire ou un employé du Ministère autorisé par règlement peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer à un corps de police un renseignement contenu dans un dossier fiscal lorsquil a des motifs raisonnables de croire quun acte criminel grave a été commis ou est sur le point de lêtre par une organisation criminelle. Cette disposition permettrait donc à un fonctionnaire ou employé du Ministère de communiquer à un corps policier un renseignement fiscal sans avoir lobligation dobtenir préalablement lautorisation du tribunal. Ainsi, larticle 69.0.0.13 confie un large pouvoir discrétionnaire au fonctionnaire ou à lemployé du Ministère ce qui ne serait pas le cas si un ordre du tribunal était exi-. À cet égard, la Commission sinterroge sur les motifs qui amènent le Ministère à vouloir prévoir des règles de communication de renseignements fiscaux qui séloignent de celles prévues à larticle 69.0.2, alors que dans les deux cas les mêmes renseignements et sensiblement les mêmes circonstances sont visées. Larticle 69.0.2 de la loi actuelle prévoit ce qui suit : 69.0.2 Malgré l'article 69, le ministre ou un fonctionnaire que ce dernier désigne doit permettre à la personne désignée dans une ordonnance délivrée conformément au deuxième alinéa de prendre connaissance des renseignements ou documents mentionnés dans cette ordonnance et de les examiner.
3 Pour l'application du premier alinéa, un juge de la Cour du Québec peut, aux fins d'une enquête relative à une infraction de criminalité organisée ou à une infraction désignée au sens de l'article 462.3 du Code criminel, rendre une ordonnance enjoignant le ministre de permettre à un membre de la Sûreté du Québec ou, le cas échéant, d'un corps de police municipale de prendre connaissance des renseignements ou documents mentionnés dans l'ordonnance et de les examiner. Une demande d'ordonnance visée au deuxième alinéa doit être présentée par écrit par le procureur général ou par le substitut du procureur général, et doit être faite ex parte; elle est accompagnée de l'affidavit de la personne qui la présente ou d'une personne qu'il désigne expressément à cette fin et qui comporte les éléments suivants: a) la désignation de l'infraction visée par l'enquête ou l'objet de celle-ci; b) la désignation de la personne visée par les renseignements ou les documents demandés; c) la désignation du genre de renseignements ou de documents qu'a obtenus le ministre ou qui ont été obtenus en son nom dans le cadre de l'application d'une loi fiscale et dont l'examen est demandé d) les fait à l'origine des motifs raisonnables de croire que la personne visée par les renseignements ou les documents demandés a commis une infraction visée au deuxième alinéa ou en a bénéficié et que les renseignements ou documents demandés ont vraisemblablement une valeur importante, en soi ou avec d'autres éléments, pour l'enquête mentionnée dans la demande. Le juge peut rendre son ordonnance aux conditions qu'il estime nécessaires dans l'intérêt public, s'il est convaincu à la fois de l'existence: a) des faits à l'origine des motifs raisonnables de croire que la personne visée par les renseignements ou les documents demandés a commis une infraction visée au deuxième alinéa ou en a bénéficié et que les renseignements ou documents demandés ont vraisemblablement une valeur importante, en soi ou avec d'autres éléments, pour l'enquête mentionnée dans la demande;
4 b) de motifs raisonnables de croire qu'il est dans l'intérêt public d'en permettre l'accès compte tenu des avantages pouvant vraisemblablement en résulter pour cette enquête. L'ordonnance demeure valide pour la période que précise le juge. Elle ne peut toutefois entrer en vigueur avant l'expiration d'un délai de sept jours francs suivant celui une copie de cette ordonnance est signifiée à la personne qu'elle vise, laquelle signification doit être faite selon les règles prévues au Code de procédure pénale ou de la façon que le juge ordonne. Toutefois, le juge peut, à la demande du ministre ou d'un fonctionnaire que ce dernier désigne, prolonger le délai dans lequel le destinataire de celle-ci est tenu de s'y conformer. Bref, en pratique, si un fonctionnaire ou un employé du Ministère décide de ne pas communiquer un renseignement fiscal, le corps policier doit sadresser à la Cour pour atteindre ses fins. Mais si ces mêmes personnes décident de communiquer les mêmes renseignements, alors lautorisation de la Cour ne sera pas nécessaire. De plus, il faut préciser quun fonctionnaire ou employé du Ministère pourrait commu-niquer des renseignements fiscaux sans quun corps de police en ait formulé la de-mande. Ainsi, lon se retrouve devant la situation suivante : la communication des mêmes renseignements fiscaux pourrait faire lobjet de deux procédures tout à fait diffé-rentes. Lune de ces procédures jouit des garanties dimpartialité et de rigueur quoffre la Cour alors que lautre fait appel à un pouvoir discrétionnaire qui ne fait lobjet daucune révision. La Commission ne comprend donc pas pourquoi il faudrait faire coexister deux pro-cédures totalement différentes pour atteindre, dans des situations presque similaires, des effets identiques, soit la communication des mêmes renseignements fiscaux. Par ailleurs, aucun argument na été soumis à la Commission permettant de démon-trer que la procédure «expéditive» est réellement plus efficace ou plus rapide que la procédure prévoyant lémission dun ordre de la Cour. Larticle 69.0.0.13 autorise le fonctionnaire à communiquer des renseignements confidentiels «lorsquil a des motifs raisonnables de croire» que les situations décri-tes aux paragraphes a à c de cet article sont réunies. Exiger lordre dun tribunal permettrait donc de mieux garantir que ces motifs raisonnables le sont effectivement et quil ny a pas communication indue de renseignements qui concernent des per-sonnes aucunement liées au crime organisé.
5 Finalement, lordre dun tribunal, plutôt que le pouvoir discrétionnaire du fonction-naire, pourrait également permettre le respect du critère voulant quil y ait des motifs de croire que le renseignement communiqué pourra servir à prévenir ou réprimer une infraction grave. La Commission souhaiterait donc que soit sérieusement évaluée la pertinence de passer outre à lobligation dobtenir un ordre de la Cour lorsque les conditions dé-crites à larticle 698.0.0.13 sont rencontrées. Larticle 69.0.0.16 Cette disposition prévoit quune communication de renseignements faite en vertu des articles 69.0.0.13 ou 69.0.0.15 est couverte par un secret absolu pendant cinq ans, à moins que le renseignement visé nait été utilisé pour établir une cotisation en vertu dune loi fiscale. Ainsi, les droits daccès prévus par larticle 69.0.0.2 du projet de loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu seraient impossibles à exercer pour une période de cinq ans. Au terme de cette période de cinq ans, il serait encore possible de refuser la communication du renseignement si cette communication est susceptible dentraver le dé-roulement dune enquête ou dune procédure ou ne soit autrement contraire à lintérêt public. Selon la Commission, cette disposition soulève deux difficultés : Le droit daccès serait nié pendant cinq ans à une personne pour laquelle un fonctionnaire ou un employé du Ministère aurait, à tort, estimé quil y avait des motifs raisonnables de croire quelle était liée au crime organisé; Après la période de cinq ans, laccès aux renseignements, ou même la confirmation de leur existence, pourrait être rendu impossible si cela est contraire à lintérêt public. La période de cinq ans pendant laquelle le droit daccès serait mis en sourdine pourrait donc être prolongée en raison dun motif quil est dif-ficile dévaluer ou de contrôler. De plus, si les renseignements confidentiels étaient obtenus en vertu de larticle 69.0.0.13, cest-à-dire sans un ordre dun tribunal, les limites au droit daccès crée-raient encore plus dinterrogations.
6 Par ailleurs, les articles 9, 83 et 89 de la Lodi sur laccès aux documents des orga-nismes publics et sur la protection des renseignements personnels étant suspendus, la Commission daccès à linformation naurait aucune compétence pour examiner la pertinence du refus exprimé suite à une demande daccès qui pourrait être justi-fiée. Tout en reconnaissant que le droit daccès peut dans certaines circonstances faire lobjet de restrictions tout à fait justifiées, la Commission croit quil serait approprié de revoir les modalités décrites à cet article 69.0.0.16 afin déliminer les difficultés soulevées ci-dessus. En conclusion, la Commission daccès à linformation reconnaît le bien-fondé des dispositions visant à mieux lutter contre le crime organisé mais croit quil serait op-portun de réviser les modalités décrites aux articles 69.0.0.13 et 69.0.0.16 sans pour autant mettre en péril les objectifs recherchés.
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