CFP – 024M
C.P. – P.L. 1
Intégrité en matière
de contrats publics
Le président
PAR COURRIEL
Québec, le 15 novembre 2012
ebevan@assnat.qc.ca
cfp@assnat.qc.ca
Madame Émilie Bevan
Secrétaire de la commission des finances publiques
Service des commissions
Assemblée nationale
Édifice Pamphile-Le May
1035, rue des Parlementaires
3
e
étage, bureau 3.15
Québec (Québec) G1A 1A3
OBJET :
Projet de loi n° 1, Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics
Dossier CAI 1005832
Madame la Secrétaire,
La Commission d’accès à l’information a pris connaissance du projet de loi n° 1, Loi
sur l’intégrité en matière de contrats publics. Ce projet de loi est présentement à
l’étape des consultations particulières et des auditions publiques en commission
parlementaire à l’Assemblée nationale. Après analyse, la Commission vous émet les
commentaires qui suivent en matière de protection des renseignements personnels
et d’accès à l’information quant à ce projet de loi.
Selon les notes explicatives, le projet de loi n° 1 modifie la Loi sur les contrats des
organismes publics
1
afin de renforcer l’intégrité en matière de contrats publics. Ce
projet de loi crée un système d’autorisation et de vérification des entreprises qui
souhaitent obtenir des contrats d’organismes publics d’une valeur excédant le
montant déterminé par le gouvernement. Pour qu’une entreprise puisse
soumissionner à un contrat public, elle devra obtenir une autorisation de l’Autorité
des marchés financiers (l’Autorité). Dans le cadre de l’analyse des demandes
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L.R.Q., c. C-65.1.
Madame Émilie Bevan
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d’autorisation, des vérifications de l’intégrité des entreprises seront réalisées par le
commissaire associé aux vérifications, nommé conformément à l’article 8 de la Loi
concernant la lutte contre la corruption
2
.
Critère de nécessité
La Commission est préoccupée par l’article 21.27 de la Loi sur les contrats des
organismes publics, introduit par l’article 10 du projet de loi, qui prévoit que
lorsqu’une entreprise présente une demande de délivrance ou de renouvellement
d’une autorisation, l’Autorité transmet au commissaire associé aux vérifications les
renseignements pertinents afin que celui-ci effectue les vérifications qu’il juge
nécessaires. Des renseignements personnels, dont le caractère confidentiel est
reconnu par la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels
3
(Loi sur l’accès), sont susceptibles de
faire l’objet de ces communications.
Selon la Commission, le libellé de l’article 21.27 diverge des termes retenus par le
législateur en matière de protection des renseignements personnels dans le cadre
de la Loi sur l’accès. En effet, la Loi sur l’accès permet à un organisme public de
collecter des renseignements personnels que s’ils sont nécessaires à l’exercice de
ses attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion. Le
critère de nécessité à la collecte ou à la communication des renseignements
personnels est ainsi une notion objective qui va au-delà de la simple utilité. En ce
sens, le libellé retenu dans le projet de loi introduit un critère amoindri en utilisant
la notion de pertinence quant à la communication des renseignements.
En outre, le terme « nécessaires » qui se retrouve à l’article 21.27 réfère à la
discrétion du commissaire associé à effectuer des vérifications. Pourtant, le nouvel
article 21.31 introduit par l’article 10 du projet de loi réfère quant à lui au critère de
nécessité en ce qui concerne la collecte de renseignements par l’Autorité.
Enfin, la Commission souligne qu’il pourrait être plus qu’approprié de reproduire,
par souci de cohérence et pour assurer une protection adéquate des
renseignements
personnels,
la
notion
de
renseignements
nécessaires
à
l’article 21.27.
2
L.R.Q., c. L-6.1.
3
L.R.Q., c. A-2.1.
Madame Émilie Bevan
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Consultation réglementaire
La Commission constate que le nouvel article 21.22 de la Loi sur les contrats des
organismes publics, également introduit par l’article 10 du projet de loi, prévoit
qu’une demande d’autorisation est présentée à l’Autorité selon la forme prescrite
et qu’elle doit être accompagnée des renseignements prévus par règlement de
l’Autorité. Selon l’effet combiné des nouveaux articles 21.38 et 21.39, les
règlements qui seront pris par l’Autorité seront approuvés par le Conseil du trésor
et ne seront pas assujettis à l’obligation de prépublication à la Gazette officielle du
Québec prévue à la Loi sur les règlements
4
. Dans ce contexte, la Commission ne
pourra, comme lors d’une prépublication d’un règlement prévoyant la collecte de
renseignements personnels, soumettre ses commentaires et donner son avis à
l’Autorité. Aussi, la Commission offre sa collaboration à l’Autorité afin de discuter
des renseignements qui seront exigés par voie réglementaire.
Transparence dans le processus de l’octroi des contrats publics
Quant à l’article 23 du projet de loi, celui-ci prévoit que malgré l’article 57 de la Loi
sur l’accès, tout renseignement permettant d’identifier une personne comme étant
un membre d’un comité de sélection n’est pas un renseignement personnel à
caractère public. L’approche retenue vise à soustraire du regard du public l’identité
des membres des comités de sélection.
À cet égard, la Commission est préoccupée par le lien de causalité qui semble établi
entre la corruption et la transparence dans le processus d’octroi de contrats publics.
Selon la Commission, masquer le nom des membres du comité de sélection
n’empêchera pas nécessairement des acteurs d’une administration publique, qui
acceptent de collaborer à un système de corruption, de diffuser cette information si
elle est susceptible de faciliter la commission de crimes.
La Commission convient tout de même que les parlementaires ont la lourde tâche
de soupeser en l’espèce deux valeurs fondamentales d’une société démocratique,
soit l’intégrité et la transparence. Peut-être serait-il à tout le moins opportun
d’empêcher la divulgation des noms des membres des comités de sélection jusqu’à
l’ouverture des soumissions
5
.
4
L.R.Q., c. R-18.1.
5
À titre d’exemple, le paragraphe 3.1 de l’article 573 de la Loi sur les cités et villes prévoit ce qui
suit : « Malgré l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la
protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1) et jusqu’à l’ouverture des soumissions,
ne peut être divulgué par un membre d’un conseil ou par un fonctionnaire ou employé de la
municipalité un renseignement permettant de connaître le nombre ou l’identité des personnes qui
Madame Émilie Bevan
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Obligation de communication
En outre, l’article 54 du projet de loi stipule que malgré la Loi sur l’accès et toute
autre restriction de communication prévue par d’autres lois du Québec, un
organisme ou une personne visé à l’article 3 de la Loi concernant la lutte contre la
corruption
6
doit fournir tout renseignement ou document en sa possession que
requiert, dans le respect des exigences constitutionnelles en matière de vie privée,
le commissaire ou le commissaire associé dans l’exercice de ses fonctions.
La Commission s’interroge sur la portée légale de la formulation « dans le respect
des exigences constitutionnelles en matière de vie privée ». Le législateur réfère-t-il
de manière pédagogique aux chartes? Même si l'on retrouve un libellé similaire à
l’article 17 de la Loi concernant la lutte contre la corruption, la Commission
s’interroge sur l’effet qui est donné à cette expression.
La Commission s’interroge également sur la finalité qui est recherchée par
l’obligation de communiquer des renseignements malgré la Loi sur l’accès,
obligation introduite en vertu de l’article 54 du projet de loi. Selon la Commission,
le libellé retenu semble viser à faciliter la collecte de renseignements personnels et
administratifs auprès d’organismes publics, et ce, malgré le fait que le paragraphe 3
de l’article 171 de la Loi sur l’accès ne restreint pas la communication de documents
ou de renseignements exigés par assignation, mandat ou ordonnance. De la même
manière, il n’est pas requis d’écarter l’application de la Loi sur l’accès dans son
intégralité si l’objet recherché n’est que d’imposer une communication à un
organisme public.
Advenant que le législateur considère que les finalités de la loi seront mieux
atteintes en écartant l’application de la Loi sur l’accès, la Commission souhaite que
la communication de renseignements personnels soit limitée à ceux qui sont
nécessaires aux attributions du commissaire et du commissaire associé.
La Commission soumet respectueusement les présents commentaires en assurant
les parlementaires de son entière collaboration lors de l’étude du présent projet de
loi.
ont présenté une soumission ou qui ont demandé une copie de la demande de soumissions ou
d’un document auquel elle renvoie. ».
6
L.R.Q., c. L-6.1.
Madame Émilie Bevan
Nous vous prions d’agréer, Madame la Secrétaire, l’expression de nos meilleurs
sentiments.
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Jean Chartier, avocat
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