RECOMMANDÉ Montréal, le 23 novembre 2018 Maître Normand Boucher Revenu Québec 3800, rue de Marly, Secteur 5-2-3 Québec (Québec) G1X 4A5 Objet : Plainte à l’endroit de Revenu Québec Dossier : 1015611-S _______________________________________________________________ La présente donne suite à une plainte reçue par la Commission d’accès à l’information (la Commission) à l’encontre de Revenu Québec (l’organisme). OBJET DE LA PLAINTE La plainte porte sur la collecte de renseignements personnels sans le consentement des personnes concernées. Plus particulièrement, le plaignant allègue que l’organisme recueille, dans l’édifice de la Place Laval à Laval, par le biais de caméras de surveillance installées dans ses salles d’entrevue, des renseignements tant personnels que confidentiels, et ce, sans le consentement des personnes concernées. Au soutien de sa plainte, le plaignant mentionne que même s’il a pris connaissance de plusieurs documents en lien avec les rencontres qu’il a eues avec ses clients et des employés de l’organisme dans les locaux de l’édifice de la Place Laval à la suite d’une demande d’accès, il y a lieu d’examiner les pratiques de l’organisme en matière de vidéosurveillance au regard de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 et de la Loi sur l’administration fiscale 2 . Il mentionne également que le fait que la vidéosurveillance des locaux de l’organisme soit réalisée par un tiers contrevient au secret professionnel, à la confidentialité du dossier fiscal et à la confidentialité découlant de l’expectative raisonnable en matière de vie privée. 1 RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur l’accès. 2 RLRQ, c. A-6.002.
Dossier : 1015611-S 2 ENQUÊTE À la suite de cette plainte, la Direction de la surveillance de la Commission procède à une enquête, conformément à l’article 129 de la Loi sur l’accès. À ce titre, elle demande à l’organisme de préciser, entre autres, les raisons ayant conduit à la décision d’installer des caméras de surveillance dans les salles d’entrevue, le nombre de salles d’entrevue équipées, le type de caméra utilisé ainsi que leurs différentes fonctionnalités, les personnes ayant accès aux images ainsi captées, le nombre et la fréquence des incidents impliquant la sécurité des biens, des personnes et des renseignements confidentiels, la durée de conservation des images ou encore les mesures de sécurité prises pour restreindre l’accès auxdites images. Le responsable de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de l’organisme (le responsable de l’accès) répond et transmet plusieurs documents au soutien de ses prétentions, notamment des photos tirées des images captées par les caméras de surveillance, les contrats avec les prestataires de services, la Directive CPS – 2008 sur la protection des renseignements confidentiels et le droit à la vie privée en matière de vidéosurveillance, le Guide GDA -14 sur les normes de sécurité et des tableaux faisant état du nombre et de la nature des évènements qui ont eu lieu dans les locaux de l’organisme. DEMANDE DE COMPLÉMENT D’INFORMATION AU TERME DE L’ENQUÊTE ET OBSERVATIONS DE L’ORGANISME Après avoir pris connaissance des réponses et des documents transmis à sa Direction de la surveillance, la Commission a demandé à l’organisme des précisions et ses observations sur certains éléments. Le responsable de l’accès a fait valoir les observations de l’organisme. ANALYSE L’organisme est un organisme public 3 assujetti à la Loi sur l’accès. À ce titre, il doit respecter les exigences découlant du Chapitre III : Protection des renseignements personnels de cette loi en ce qui concerne notamment 3 Loi sur l’accès, art. 3.
Dossier : 1015611-S 3 l’information 4 préalable à communiquer aux personnes concernées avant de collecter des renseignements personnels les concernant, comme leur image en l’espèce, ou encore la nécessité 5 de recueillir de tels renseignements personnels. Il doit également respecter les exigences prévues au Règlement sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels 6 lorsqu’il entend recourir à une technologie de vidéosurveillance 7 . Partant, à la lumière de l’ensemble du dossier et des observations transmises par le responsable de l’accès à la suite de sa demande de précisions, la Commission constate que : l’organisme ne nie pas les faits à l’origine de la plainte; l’organisme a envisagé d’autres solutions avant de prendre la décision d’installer des caméras de surveillance dans les salles d’entrevue : présence d’agents de sécurité sur place et installation d’un bouton d’alerte dans les salles d’entrevue, mais ces mesures ne lui ont pas permis de répondre efficacement aux exigences de sécurité des personnes, des biens ou des renseignements confidentiels qu’il détient 8 ; l’organisme a adopté une directive 9 et un guide 10 énonçant les principes applicables en matière de vidéosurveillance et de sécurité. Ainsi, comme le souligne le responsable de l’accès 11 , en plus de contenir des points sur la nécessité de la vidéosurveillance, la collecte, l’accès, l’utilisation, la communication, la conservation et la destruction des renseignements, il est possible de lire dans la section relative au droit à la vie privée que : « les personnes concernées par la vidéosurveillance doivent être informées de manière appropriée. Dans les lieux publics, des avis écrits et visibles doivent informer les personnes concernées que le lieu fait l’objet d’une vidéosurveillance, du numéro de téléphone pour rejoindre une personne responsable 4 Loi sur l’accès, art. 65. 5 Loi sur l’accès, art. 64. 6 RLRQ, c. A-2.1, r.2, le Règlement sur la diffusion. 7 Règlement sur la diffusion, art. 9. 8 Réponse du 15 août 2017. 9 Directive CPS – 2008 sur la protection des renseignements confidentiels et le droit à la vie privée en matière de vidéosurveillance, en vigueur au 22 octobre 2014, transmis en date du 6 décembre 2017. 10 Guide GDA -14 sur les normes de sécurité, en vigueur au 30 mars 2006, transmis en date du 6 décembre 2017. 11 Réponse du 16 novembre 2018.
Dossier : 1015611-S 4 et, le cas échéant, que la vidéosurveillance fait l’objet d’un enregistrement »; advenant l’éventualité où une personne refuse d’être filmée, le responsable de l’accès indique que « les vérificateurs pourraient alors se déplacer à la place d’affaires de l’entreprise faisant l’objet d’une vérification ou, le cas échéant, communiquer avec le contribuable concerné ou son représentant par courriel ou par téléphone » 12 ; l’organisme a installé dans ses salles d’entrevue des caméras de surveillance, à l’exception de six (6) salles situées à l’accueil du Complexe Desjardins. Ainsi, les 21 salles d’entrevue de l’édifice de la Place Laval sont dotées de caméras de surveillance 13 ; l’installation de la caméra de surveillance dans la salle d’entrevue où se sont déroulées les rencontres à l’origine de la plainte a fait l’objet d’une approbation en février 2015 par le Directeur de la gestion immobilière – Ouest du Québec et de la sécurité physique et par le Responsable de l’accès à l’information et de la protection des renseignements confidentiels (RAIPRC) 14 ; des affiches indiquant la présence de caméras de surveillance sont installées dans l’ensemble des salles d’entrevue. À ce titre, le responsable de l’accès a transmis des captures d’images de l’affiche indiquant la présence des caméras de surveillance et il précise que dans la salle où se sont déroulées les rencontres à l’origine de la plainte, une « affiche est apposée en face et à la vue des personnes concernées » 15 ; « les caméras, localisées dans les salles de rencontre, sont mises en marche à la suite de la détection de mouvements dans la salle. Le logiciel installé pour opérer la vidéosurveillance ne permet pas d’interrompre manuellement l’enregistrement et de remettre en marche la caméra par un simple geste » 16 ; les caméras de surveillance installées dans les salles d’entrevue sont des caméras IP fixes qui ne permettent pas de zoomer l’image captée de sorte que, d’après le responsable de l’accès, il n’est pas possible de voir ce qui 12 Réponse du 16 novembre 2018. 13 Réponse du 6 décembre 2017. 14 Réponse du 15 août 2017. 15 Réponse du 16 novembre 2018. 16 Réponse du 16 novembre 2018.
Dossier : 1015611-S 5 est écrit sur les documents pouvant être déposés sur les tables se trouvant dans les salles d’entrevue 17 ; pour l’organisme « ce n’est pas la valeur des biens à l’intérieur de la salle d’entrevue qui justifie la présence de la vidéosurveillance. L’employeur a une obligation d’offrir un lieu de travail sain et sécuritaire à ses employés. La vidéosurveillance a été mise en place afin d’assurer la sécurité de ces personnes » 18 . À ce titre, le responsable de l’accès a produit des tableaux faisant état du nombre et de la nature des évènements qui ont eu lieu dans les locaux de l’organisme et indique que : « Dans les dernières années, à plusieurs reprises, les boutons d’appel à l’aide ont été actionnés, nécessitant l’intervention d’une équipe formée pour interagir avec une clientèle agressive. La situation principale notée est donc la violence, les voies de fait et les menaces envers les employés. Les caméras visent à assurer la sécurité de l’employé qui rencontre un contribuable en effectuant une surveillance à distance tout en préservant la confidentialité de ce qui est discuté. Les caméras servent également à valider rapidement si une intervention policière est requise lorsque le bouton d’appel à l’aide est actionné et servent de preuve en cas d’acte criminel. Somme toute, l’usage de caméras de surveillance dans les salles d’entrevue permet la prévention, la protection et la dissuasion de comportements agressifs ou violents de la part des contribuables, tout en permettant d’intervenir au besoin afin de garantir la sécurité des employés » 19 ; le système de vidéosurveillance de la Place Laval est relié à celui du Complexe Desjardins, ainsi non seulement les agents de sécurité de l’édifice de la Place Laval peuvent visionner les images captées par les caméras de surveillance situées dans les salles d’entrevue, mais aussi ceux du Complexe Desjardins 20 ; les agents de sécurité sont sensibilisés à la protection des renseignements personnels et signent une déclaration de discrétion; 17 Réponse du 6 décembre 2017, réitérée le 16 novembre 2018. 18 Réponse du 6 décembre 2017. 19 Réponse du 6 décembre 2017, réitérée le 16 février 2018. 20 Réponse du 6 décembre 2017.
Dossier : 1015611-S 6 l’organisme reconnaît que d’autres personnes peuvent avoir accès aux images captées par les caméras de surveillance situées dans les salles d’entrevue dans le cadre de leurs fonctions et dans des cas précis (c.-à-d. incident ou bris de sécurité dans les établissements de l’organisme, enquête interne administrative, réparation et maintenance); les enregistrements par vidéosurveillance ne sont pas inclus dans l’inventaire des fichiers de renseignements confidentiels de l’organisme, car « les renseignements personnels ne sont pas présentés de façon à être retrouvés par référence au nom d’une personne ou par un signe ou un symbole propre à celui-ci et ils ne sont pas destinés à servir pour prendre une décision concernant une personne » 21 ; « les enregistrements sont conservés pour une période de 60 jours, à moins que les autorisations nécessaires soient obtenues pour prolonger ce délai » 22 , ces autorisations sont données par le Directeur de la gestion immobilière – Ouest du Québec et de la sécurité physique et par le RAIPRC; « les serveurs de vidéosurveillance sont tous localisés dans des salles technologiques (salles de serveurs) à accès restreint. […]. Enfin, les images enregistrées sont encryptées. La lecture des images ne peut se faire que par les personnes autorisées chez le détenteur » 23 ; un processus de réévaluation est prévu chaque année pour déterminer s’il convient de maintenir le système de vidéosurveillance 24 . CONCLUSION À la lumière de ce qui précède, la Commission est d’avis que la décision de l’organisme d’installer un système de vidéosurveillance dans ses salles d’entrevue répond aux exigences du Règlement sur la diffusion, soit le fait de consulter le comité sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels dont fait partie le RAIPRC afin de connaître « les mesures particulières à respecter en matière de protection des renseignements personnels relatives à une technologie de vidéosurveillance » 25 . 21 Réponse du 6 décembre 2017, réitérée le 16 novembre 2018. 22 Réponse du 6 décembre 2017 et Directive CPS-2008, réitéré le 16 novembre 2018. 23 Réponse du 16 février 2018. 24 Réponse du 6 décembre 2017 et Directive CPS-2008. 25 Règlement sur la diffusion, art. 9, al. 1.
Dossier : 1015611-S 7 La Commission est également d’avis que la collecte de renseignements personnels découlant de l’installation et de l’utilisation d’un système de vidéosurveillance dans les salles d’entrevue de l’organisme est légitime, importante, urgente et réelle et que l’atteinte au droit à la vie privée du plaignant et de ses clients est proportionnelle à ces objectifs. En ce sens, la Commission considère que l’organisme répond aux exigences de l’article 64 de la Loi sur l’accès. La Commission est aussi d’avis que les affiches présentes dans les salles d’entrevue permettent d’informer les personnes concernées que l’organisme utilise un système de vidéosurveillance dans ses salles d’entrevue. En ce sens, la Commission considère que l’organisme répond aux exigences de l’article 65 de la Loi sur l’accès. Par conséquent, la Commission déclare la plainte non fondée et ferme le présent dossier. Original signé Cynthia Chassigneux Juge administrative
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