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RECOMMANDÉ Montréal, le 19 juillet 2018 Madame Directrice Office municipal dhabitation de Saint-Pierre-de-Broughton 10, rue des Pins Saint-Pierre-de-Broughton (Québec) G0N 1T0 Objet : Plainte à lendroit de lOffice municipal dhabitation de Saint-Pierre-de-Broughton N/Réf. : 1008841-S _______________________________________________________________ La présente donne suite à la plainte reçue par la Commission daccès à linformation (la Commission) à lencontre de lOffice municipal dhabitation de Saint-Pierre-de-Broughton (lOMH). OBJET DE LA PLAINTE La plainte porte sur linstallation dun système de vidéosurveillance à lextérieur et à lintérieur de limmeuble géré par lOMH et, par le fait même, sur la collecte de renseignements personnels. ENQUÊTE À la suite de cette plainte, la Direction de la surveillance de la Commission a procédé à une enquête, conformément à larticle 129 de la Loi sur laccès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 1 . À ce titre, elle écrit à la directrice de lOMH pour obtenir sa version des faits ainsi que des précisions quant aux raisons et au but recherché par linstallation dun système de vidéosurveillance, à lutilisation des images ainsi captées et aux mesures de sécurité quant à la conservation et à la destruction des images. Elle lui demande également de lui communiquer tous les documents pertinents, tels que les procédures et politiques relatives à ce système. 1 RLRQ, c. A-2.1, la Loi sur laccès. 2
N/Réf. : 1008841-S 2 La directrice répond aux demandes de précisions. Elle explique que limmeuble « est habité en majorité par des personnes du troisième âge » 2 et que lOMH a depuis peu « loué quelques logements à des personnes plus jeunes pour ne pas avoir de logements libre ». Elle indique quavant que soit prise la décision dinstaller des caméras de surveillance, il y a eu des vols, des allées et venues de personnes inconnues à lintérieur de limmeuble ou des portes extérieures bloquées à laide de bâton le soir. Elle mentionne avoir porté plainte auprès de la police. Elle précise qu’« à la demande des locataires, sur conseils de la sécurité policière et avec la permission de la Société dhabitation (SHQ), le Conseil dadministration de lOMH a pris la décision, en janvier 2011, dinstaller des caméras » 3 de surveillance à lintérieur et à lextérieur de limmeuble. Elle explique également quinitialement il y avait huit caméras, mais quà la suite des recommandations de la Fédération des locataires dhabitation à loyer modique du Québec (FLHLMQ) contactée par le plaignant 4 , lOMH en a retiré trois. « Nous avons maintenant cinq caméras : quatre avec vue sur les portes dentrée et lune vers les remises extérieures. Aucune caméra ne vise les portes dappartement, ni les passages; les allées et venues à lintérieur de lédifice sont respectées. Ajoutons que : - les enregistrements des caméras seffacent automatiquement à lutilisation pour faire place à dautres plus récentes; - des affiches avisant quil y a des caméras sont installées; - dans le local est placé le moniteur, seuls la directrice et le concierge possèdent la clé; - l’[OMH] ne garde aucun enregistrement sur cassette des gestes [du plaignant], ni dautres personnes; il ny a que des souvenirs davoir vu le [plaignant] commettant des infractions et cela est personnel. » 5 2 Réponse de la directrice du 17 novembre 2014. 3 Id. 4 Le plaignant a transmis, avec sa plainte, la lettre de la FLHLMQ envoyée à la directrice de lOMH en date du 15 janvier 2014. 5 Précité note 2. 3
N/Réf. : 1008841-S 3 Elle précise que peu de temps avant la plainte, « des locataires se sont plaints que les deux portes descaliers, séparant les deux étages de lédifice, restaient ouvertes pendant des nuits complètes et ce, malgré les affiches indiquant que les portes devaient demeurer fermées en tout temps ». Elle note également que des actes de vandalisme ont eu lieu dans le stationnement. Toutefois, comme la caméra de surveillance donnant sur cet endroit a été retirée à la suite de lintervention de la FLHLMQ, ils nont pu documenter les incidents. Elle précise aussi que « bien que moins pire que par le passé, il y a encore des allées et venues qui insécurisent des locataires. Le fait davoir des caméras gênent sans doute les personnes qui auraient envie de mettre encore des bâtons dans les portes ou de les laisser ouvertes volontairement. Le Conseil dadministration souhaite même remettre les caméras en arrière et sur le stationnement » 6 . Enfin, elle transmet des images de langle de vue des cinq caméras en fonction 7 et indique que lOMH ne dispose pas de politique écrite quant à la gestion concernant la collecte, lutilisation, la communication, la conservation et la destruction des renseignements personnels recueillis par les caméras de surveillance 8 . Par la suite, à deux reprises la Direction de la surveillance de la Commission interpelle lOMH. La première fois pour valider avec la nouvelle directrice de lOMH la version des faits donnée par lancienne directrice et la compréhension de lanalyste-enquêteur quant à la nécessité davoir installé un système de vidéosurveillance, au nombre de caméras en fonction, à lutilisation, à la communication, à la conservation et à la destruction des images. La nouvelle directrice confirme la version des faits en ajoutant que « leffet dissuasif semble opérer concernant les intrusions, le vol et le vandalisme » 9 . 6 Id. 7 Réponse de la directrice du 30 novembre 2014. 8 Réponse de la directrice du 12 décembre 2014. 9 Réponse de la directrice du 4 juillet 2016. 4
N/Réf. : 1008841-S 4 La seconde fois, la Direction de la surveillance demande des précisions, car elle se questionne sur les réponses fournies en lien avec la nécessité de la collecte, de lutilisation et de la conservation de renseignements personnels recueillis par lOMH. Un questionnaire est alors transmis à lorganisme. La directrice y répond. En ce qui concerne la nécessité dinstaller et de maintenir en fonction un système de vidéosurveillance, elle soutient que : « […] Les caméras sécurisent les lieux, les biens meubles, limmeuble et les personnes. La sollicitation à lintérieur de lédifice est interdite, les caméras de surveillance ont un effet dissuasif face aux individus qui nont pas de liens avec les résidents. Les locataires se sentent plus en sécurités. Durant la dernière année lâge requis, condition à lobtention dun logement, a été abaissé. Le taux doccupation étant lun des plus as de la région, sinon à lensemble du Québec, il se peut que la SHQ nous demande dabaisser à nouveau lâge requis, ouvrant ainsi la parte à une clientèle plus lourde, présentant des problèmes comportementaux. La mixité de personnes âgées et dassistés sociaux mésadaptés pourrait savérer difficile. Pensons seulement à lintimidation et lexploitation financière des ainées. […] Le conseil dadministration en place tient à conserver cet outil, ce moyen de sécuriser les lieux et les personnes. Présentement les caméras ne sont pas utilisées mais demeurent en fonction. Lutilisation et les engagements que nous avons pris sont respectés. En se référant à la mission de sécurité de lOrganisme et avec le changement de clientèles, son utilisation sera de plus en plus pertinente. […] Le regroupement des OH de la MRC est prévue pour le début 2019. À ce moment, un nouveau C.A. issus de ce regroupement verra, sil le juge pertinent, à apporter des modifications en respectant les différents articles de la loi concernant les renseignements personnels. » 10 [sic] En ce qui concerne lexistence dune politique de gestion, la directrice indique que : « le C.A. sest entendu sur lutilisation des images captées sans toutefois quil ny ait eu rédaction dune politique formelle, 10 Réponse de la directrice du 11 décembre 2017. 5
N/Réf. : 1008841-S 5 lutilisation doit découler de motifs suffisamment graves et pour compléments denquêtes (infractions au droit civil, vol, vandalisme et présence répétée dindividus nayant pas de liens avec les résidents). » 11 ANALYSE La Loi sur laccès prévoit quun organisme public, comme lOMH, ne peut recueillir un renseignement personnel si cela nest pas nécessaire à lexercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre dun programme dont il a la gestion. 64. Nul ne peut, au nom dun organisme public, recueillir un renseignement personne si cela nest pas nécessaire à lexercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre dun programme dont il a la gestion. […] Dans son appréciation du critère de nécessité, la Commission applique linterprétation énoncée par la Cour du Québec dans laffaire Laval (Société de transport de la Ville de) c. X 12 qui propose dexaminer ce critère de la manière suivante : [44] […] Un renseignement sera donc nécessaire non pas lorsquil pourra être jugé absolument indispensable, ou au contraire simplement utile. Il sera nécessaire lorsque chaque fin spécifique poursuivie par lorganisme, pour la réalisation dun objectif lié à ses attributions, sera légitime, importante, urgente et réelle, et lorsque latteinte au droit à la vie privée que pourra constituer la cueillette, la communication ou la conservation de chaque élément de renseignement sera proportionnelle à cette fin. Cette proportionnalité jouera en faveur de lorganisme lorsquil sera établi que lutilisation est rationnellement liée à lobjectif, que latteinte est minimisée et que la divulgation du renseignement requis est nettement plus utile à lorganisme que préjudiciable à la personne. Autrement, le droit à la vie privée et à la confidentialité des renseignements personnels devra prévaloir. [Nos soulignements] 11 Id. 12 [2003] C.A.I. 667 CCQ. 6
N/Réf. : 1008841-S 6 En 2010, la Cour du Québec 13 a appliqué à nouveau ce test lors de linterprétation du critère de nécessité en précisant que : [153] Ce test a lavantage de tenir compte de la nature du renseignement et du besoin réel de lorganisme dans lexercice de ses attributions en comparant le degré d'exigence que commande le besoin à lexpectative du préjudice pouvant être causé par latteinte aux droits de la personne. [154] Ce test a pour effet pratique de soupeser les besoins de lun dans loptique de la finalité de ses fonctions et le préjudice pouvant être causé à lautre. Ce test a été repris à plusieurs occasions par la Commission. Ainsi, à la lumière des éléments dont elle dispose, la Commission doit déterminer si lOMH a démontré, à laide déléments concrets et probants, que les objectifs poursuivis par linstallation des caméras de surveillance et la collecte de renseignements personnels sont légitimes, importants, urgents et réels et que latteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle à ces objectifs. Dès lors, la Commission comprend que les objectifs poursuivis par lOMH en installant des caméras de surveillance visent à protéger « les lieux, les biens meubles, limmeuble et les personnes » 14 contre les intrusions, les vols et le vandalisme dont ils sont victimes. De plus, elle constate que la décision dinstaller des caméras de surveillance a été soumise à la SHQ qui est propriétaire de limmeuble géré par lOMH et approuvée par le Conseil dadministration de lOMH 15 en 2011, et ce, à la suite de plusieurs incidents ayant conduit au dépôt de plaintes auprès de la police. Dans ce contexte, la Commission considère que les objectifs poursuivis par lOMH en installant des caméras de surveillance étaient légitimes, importants, urgents et réels. Elle constate dailleurs, comme le souligne la directrice, que depuis linstallation des caméras de surveillance, les incidents ont diminué. Partant, la Commission doit évaluer si latteinte au droit à la vie privée que peut constituer la collecte de renseignements personnels par le biais des caméras de surveillance est proportionnelle aux objectifs décrits précédemment. 13 Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] C.A.I. 396. 14 Précité note 10. 15 Réponse de la directrice du 17 novembre 2014, réitérée le 11 décembre 2017. 7
N/Réf. : 1008841-S 7 À ce titre, la Commission constate que cinq caméras de surveillance, soit quatre avec vue sur les portes dentrée et de sortie de secours et sur celles donnant accès aux corridors ainsi quune orientée vers la remise extérieure, sont installées dans limmeuble géré par lOMH. Elle constate quaucune caméra ne capte ce qui se passe sur les étages. La Commission constate que les images captées sont enregistrées sur un serveur qui est sous clé dans une armoire fermée située dans latelier mécanique contenant les fournitures dentretien ménager des espaces communs 16 . La directrice de lOMH et le concierge ont accès à ce local, mais seule la directrice de lOMH possède la clé de larmoire donnant accès au serveur. La Commission constate aussi que le système de vidéosurveillance est en circuit fermé, quil nest pas relié à une centrale, que lenregistrement est en boucle, quaucune copie des enregistrements nest conservée et que « les images de la bande enregistrée, après deux mois, sont écrasées par de nouvelles » 17 . Elle constate également quadvenant « des motifs graves et pour compléments denquêtes (infractions au code civil, vol, vandalisme et présence répétés dindividus nayant pas de liens avec les résidents) » 18 , il est prévu que « le visionnement doit se faire avec lautorisation préalable du conseil dadministration par la directrice et/ou un membre du C.A. en présence de la S.Q. » 19 . Elle constate enfin que des affiches indiquent la présence de caméras de surveillance à lentrée de limmeuble. Dans ce contexte, la Commission considère que latteinte au droit à la vie privée que peut constituer la collecte de renseignements personnels par le biais des caméras de surveillance est proportionnelle aux objectifs poursuivis par lOMH. Dès lors, à la lumière de ce qui précède, la Commission est davis que les objectifs poursuivis par linstallation des caméras de surveillance dans limmeuble géré par lOMH sont légitimes, importants, urgents et réels et que latteinte au droit à la vie privée est proportionnelle à ces objectifs. 16 Précité note 10. 17 Id. 18 Id. 19 Id. 8
N/Réf. : 1008841-S 8 CONCLUSION Considérant lensemble du dossier, la Commission considère que lOMH en collectant des renseignements personnels par le biais des caméras de surveillance installées dans limmeuble quelle gère ne contrevient pas à larticle 64 de la Loi sur laccès. Par conséquent, la Commission déclare la plainte non fondée et ferme le présent dossier. Toutefois, la Commission invite lOMH à informer sa Direction de la surveillance de la décision qui sera prise par le regroupement des offices dhabitation de la municipalité régionale de comté, qui doit se réunir début 2019, quant au système de vidéosurveillance en place. Elle invite également lOMH à adopter une politique concernant la gestion et la protection des renseignements personnels quelle détient qui soit conforme aux obligations imposées par la Loi sur laccès et den informer sa Direction de la surveillance lorsque celle-ci sera adoptée. Original signé Cynthia Chassigneux Juge administrative c. c. Monsieur
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