CFP – 049M C.P. – P.L. 28 Budget du 4 juin 2014 Le président PAR COURRIEL Québec, le 6 février 2015 cfp@assnat.qc.ca cedric.drouin@assnat.qc.ca Monsieur Cédric Drouin Secrétaire Commission des finances publiques Direction des travaux parlementaires Assemblée nationale du Québec Édifice Pamphile-Le May, 3 e étage 1035, rue des Parlementaires, bureau 3.15 Québec (Québec) G1A 1A3 o OBJET : Projet de loi n 28, Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016 Dossier CAI 1010631 Monsieur le Secrétaire, La Commission d’accès à l’information a pris connaissance du projet de loi n o 28, Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016. La Commission a examiné plus particulièrement l’article 173 du projet de loi qui modifie l’article 60.0.2 de la Loi sur l’assurance médicaments 1 ainsi que l’article 179 du projet de loi qui modifie l’article 116.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux 2 . Selon ce qui est proposé au projet de loi, ces dispositions se liraient comme suit : 1 RLRQ, c. A-29.01. 2 RLRQ, c. S-4.2. …/2
Monsieur Cédric Drouin - 2 - Le 6 février 2015 « 60.0.2. Malgré l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), nul n’a droit d’accès à une entente d’inscription. Seuls les renseignements suivants sont publiés dans le rapport financier annuel prévu à l’article 40.9 de la Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec (chapitre R-5) : 1° le nom du fabricant de médicaments; 2° le nom du médicament; 3° la somme globale annuelle reçue en application des ententes d’inscription, mais uniquement dans la mesure où au moins trois ententes conclues avec des fabricants de médicaments différents sont en vigueur au cours de l’année financière. ». « 116.1. Le ministre peut, avant d’inscrire un médicament sur la liste dressée en vertu de l’article 116, conclure une entente d’inscription avec le fabricant de ce médicament, sous réserve que le contrat d’approvisionnement de ce médicament ne soit pas, en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics (chapitre C-65.1), soumis à la procédure d’appel d’offres public. Une telle entente a pour objet le versement de sommes par le fabricant au ministre au moyen notamment d’une ristourne ou d’un rabais qui peut varier en fonction du volume de vente du médicament. Le prix de ce médicament convenu au contrat d’approvisionnement ne tient pas compte des sommes versées en application de l’entente d’inscription. Malgré l’article 9 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), nul n’a droit d’accès à une entente d’inscription. Seuls les renseignements suivants sont publiés dans le rapport annuel de l’activité du ministère prévu à l’article 12 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux (chapitre M-19.2) : 1° le nom du fabricant de médicaments; 2° le nom du médicament; 3° la somme globale annuelle reçue en application des ententes d’inscription, mais uniquement dans les cas où au moins trois ententes conclues avec des fabricants de médicaments différents sont en vigueur au cours de l’année financière. ». Les soulignements sont les nôtres. En l’espèce, la volonté gouvernementale est de participer à une entente d’inscription avec le fabricant d’un médicament. La Commission comprend que l’intention du ministre est d’assurer la confidentialité de ces ententes. La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels 3 prévoit des dispositions permettant d’assurer la confidentialité des renseignements fournis par un tiers ou ceux ayant une incidence sur 3 RLRQ, c. A-2.1.
Monsieur Cédric Drouin - 3 - Le 6 février 2015 l’économie, lorsque leurs conditions d’application sont démontrées. Les articles 21, 23 et 24 de la Loi sur l’accès stipulent notamment que : 21. Un organisme public peut refuser de confirmer l’existence ou de donner communication d’un renseignement dont la divulgation aurait pour effet de révéler un emprunt, un projet d’emprunt, une transaction ou un projet de transaction relatifs à des biens, des services ou des travaux, un projet de tarification, un projet d’imposition d’une taxe ou d’une redevance ou de modification d’une taxe ou d’une redevance, lorsque, vraisemblablement, une telle divulgation : 1° procurerait un avantage indu à une personne ou lui causerait un préjudice sérieux; ou 2° porterait sérieusement atteinte aux intérêts économiques de l’organisme public ou de la collectivité à l’égard de laquelle il est compétent. 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d'un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement. 24. Un organisme public ne peut communiquer un renseignement fourni par un tiers lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de causer une perte à ce tiers, de procurer un avantage appréciable à une autre personne ou de nuire de façon substantielle à la compétitivité de ce tiers, sans son consentement. Les soulignements sont les nôtres. Ces dispositions offrent une confidentialité similaire aux législations d’autres provinces et du fédéral. En effet, à titre d’exemple, les lois de l’Ontario, du fédéral et du Manitoba prévoient que : Loi de l’Ontario 4 17. (1) La personne responsable refuse de divulguer un document qui révèle un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou qui ont trait aux relations de travail, dont le caractère confidentiel est 4 Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, chapitre F.31.
Monsieur Cédric Drouin - 4 - Le 6 février 2015 implicite ou explicite, s’il est raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation ait pour effet, selon le cas : a) de nuire gravement à la situation concurrentielle ou d’entraver gravement les négociations contractuelles ou autres d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une organisation; b) d’interrompre la communication de renseignements semblables à l’institution, alors qu’il serait dans l’intérêt public que cette communication se poursuive; […] 18. (1) La personne responsable peut refuser de divulguer un document qui comporte : a) des secrets industriels ou des renseignements d’ordre financier, commercial, scientifique ou technique qui sont la propriété du gouvernement de l’Ontario ou d’une institution et qui ont une valeur pécuniaire actuelle ou éventuelle; b) des renseignements résultant d’une recherche effectuée par l’employé d’une institution s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de retirer à l’employé la primauté de la publication; c) des renseignements s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de nuire aux intérêts économiques d’une institution ou à sa situation concurrentielle; d) des renseignements s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de nuire aux intérêts financiers du gouvernement de l’Ontario ou à sa faculté de diriger l’économie de la province; […] Les soulignements sont les nôtres. Loi fédérale 5 18. Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant : a) des secrets industriels ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques appartenant au gouvernement du Canada ou à une institution fédérale et ayant une valeur importante ou pouvant vraisemblablement en avoir une; 5 Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), chapitre A-1.
Monsieur Cédric Drouin - 5 - Le 6 février 2015 b) des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de nuire à la compétitivité d’une institution fédérale ou d’entraver des négociations — contractuelles ou autres — menées par une institution fédérale; […] 20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant : a) des secrets industriels de tiers; b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers; […] Les soulignements sont les nôtres. Loi du Manitoba 6 : 28(1) Le responsable d’un organisme public peut refuser de communiquer à l’auteur d’une demande des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de porter préjudice à l’intérêt économique ou financier d’un organisme public ou du gouvernement du Manitoba ou à sa position de négociateur, y compris les renseignements suivants : […] c) les renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de causer des pertes financières à un organisme public ou au gouvernement du Manitoba, de nuire à sa compétitivité ou d’entraver des négociations qu’il mène en vue de contrats ou à d’autres fins; […] Les soulignements sont les nôtres. Dans ce contexte, la Commission s’interroge sur les motifs qui justifient une dérogation à la Loi sur l’accès québécoise. Pourquoi le ministre veut-il offrir aux entreprises des garanties de confidentialité supérieures à celles des autres provinces? La Commission rappelle que le pouvoir de dérogation prévu à la Loi sur l’accès ne devrait être exercé qu’avec parcimonie et uniquement lorsqu’il ne fait aucun doute que la Loi sur l’accès constitue un obstacle à l’atteinte d’un objectif administratif sérieux. 6 Loi sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels c. F175 de la C.P.L.M.
Monsieur Cédric Drouin - 6 - Le 6 février 2015 En instituant un caractère prépondérant à la Loi sur l’accès, au même titre que la Charte des droits et libertés de la personne 7 , le législateur a affirmé l’importance de la transparence comme valeur fondamentale de l’État québécois. Chaque dérogation au volet relatif à l’accès aux documents de la Loi sur l’accès constitue une atteinte au caractère prépondérant de celle-ci et affaiblit le principe de transparence gouvernementale. En effet, les restrictions de la Loi sur l’accès permettent un équilibre entre le principe de transparence et la confidentialité nécessaire à la saine gouvernance dans la conduite des affaires publiques. Elles peuvent s’appliquer lorsque les conditions qui y sont prévues sont démontrées et généralement pour une période donnée. Il appartient au responsable de l’accès de l’organisme qui détient le document à la Commission et ultimement aux tribunaux d’appel d’apprécier si ces restrictions s’appliquent. Or, en dérogeant à l’article 9 de la Loi sur l’accès, le législateur soustrait des documents, de manière permanente au droit d’accès reconnu à toute personne, et ce, sans la démonstration d’un préjudice concret et précis susceptible de résulter de leur divulgation. La Commission s’interroge sur les motifs qui justifient pareille dérogation au régime général d’accès aux documents. La Commission invite donc le législateur à ne pas écarter l’application de la Loi sur l’accès alors même que ses règles prennent en considération les enjeux soulevés par les dispositions du projet de loi n o 28 citées précédemment. Plus spécifiquement, la Commission invite le législateur à faire confiance au régime d’accès aux documents qu’il a mis en place et aux institutions responsables de le mettre en œuvre. S’il souhaite aller de l’avant avec cette dérogation, par souci de transparence, la Commission invite le législateur à préciser les motifs importants et incontournables qui justifient pareille dérogation afin qu’un débat public soit engagé sur son opportunité. La Commission souhaite informer les parlementaires qu’elle demeure disponible afin de répondre à toute question quant au contenu du présent avis. Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Secrétaire, l’expression de nos meilleurs sentiments. Jean Chartier 7 RLRQ, c. C-12.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.