AVIS DE LA COMMISSION D'ACCÈS À L'INFORMATION CONCERNANT LE SYSTÈME INTÉGRÉ D’INFORMATION DE JUSTICE (SIIJ) PRÉSENTÉ PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE DOSSIER 02 17 29 JANVIER 2004
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION.......................................................................................................... 1 1. PORTÉE DE L'ÉVALUATION................................................................................ 1 2. DESCRIPTION SOMMAIRE DU PROJET............................................................. 2 3. ÉVALUATION DU PROJET.................................................................................... 2 3.1 La préoccupation de la protection des renseignements personnels................... 3 3.2 La production de l’information sur support numérique ..................................... 3 3.3 L’accès aux dossiers judiciaires ......................................................................... 4 3.4 Le modèle de gouvernance................................................................................. 7 3.5 Le respect des finalités ....................................................................................... 8 3.6 La communication et les modalités de circulation de l’information .................. 9 3.7 La sécurité des échanges et des accès à l'information...................................... 10 3.8 La conservation des informations sur support numérique................................ 12 CONCLUSION ............................................................................................................ 13
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ INTRODUCTION Le développement du système intégré d’information de justice (SIIJ) est dédié à l’ensemble des intervenants québécois de l’administration de la justice et vise à doter ces intervenants, des technologies de l’information nécessaires, pour échanger électronique-ment les informations de justice entre eux. Le projet implique les trois ministères suivants : le ministère de la Justice (MJQ), le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Santé et des Services sociaux (Volet protection de la jeunesse). Le MJQ a été désigné comme mandataire pour répondre de la gestion de la réalisation de l’analyse préliminaire. L’approbation reçue par le Conseil du trésor (CT 196612 du 19 juin 2001), autorisait le budget pour une analyse préliminaire du projet SIIJ. Dans son CT, le Conseil du trésor indiquait au MJQ qu’il devait obtenir un avis formel de la Commission d’accès à l’information (Commission) avant d’entreprendre la réalisation proprement dite du sys-tème SIIJ. De plus, la collaboration et les échanges amorcés entre la Commission et l’équipe du projet SIIJ au cours de cette analyse devront se poursuivre au cours des étapes ultérieures de réalisation du projet. Le 12 mai 2003, M e Louise Roy, présidente du comité directeur du projet SIIJ, transmet-tait à la Commission un dossier présentant les résultats de l’analyse préliminaire, et ce, afin d’obtenir un avis. 1. PORTÉE DE L'ÉVALUATION L’évaluation du projet SIIJ repose principalement sur les informations contenues dans les documents qui nous furent transmis par l’équipe du projet SIIJ et sur des rencontres d’information et de discussions effectuées avec les représentants désignés de ce projet. À la suite de l’analyse préliminaire dont le rapport a été déposé en janvier 2003 et compte tenu de la remise en question des façons de faire de l’État, le comité directeur du projet SIIJ a décidé de modifier le cheminement du projet en ajoutant une phase intéri-maire qui vise essentiellement à examiner la possibilité d’avoir recours à des systèmes existants ayant déjà fait leur preuve dans d’autres organisations. Les responsables du projet nous ont confirmé que cette phase appelée la phase OSE pour « Opportunité de Systèmes Éprouvés », n’aurait pas d’impact sur le projet tel que présenté à la Commission en mai dernier. La présente analyse a porté principalement sur la conformité du projet, au stade de l’analyse préliminaire, aux principes de protection des renseignements personnels. Les mesures de sécurité ont été abordées de façon non exhaustive, la technologie que l’on se Page 1 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ propose d’utiliser n'a pas fait l'objet d'une évaluation technique et la sécurité en place n'a pas fait l'objet de corroboration. 2. DESCRIPTION SOMMAIRE DU PROJET Le projet SIIJ a deux cibles principales, d’une part, produire l’information de justice sur support numérique et, d’autre part, mettre en place une structure d’échange de cette information. Le projet SIIJ résultera en un système qui permettra la production et l’échange électro-nique d’information entre tous les acteurs de l’administration de la justice, en matières civile, jeunesse, criminelle et pénale, sur l’ensemble du territoire québécois. Ces échanges se feront principalement entre les policiers, les avocats, les substituts du procu-reur général, le personnel des tribunaux, les notaires en matières non contentieuses, les juges, les centres jeunesse, les huissiers de justice, les Services correctionnels du Québec et la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Pour ce faire, le projet SIIJ prévoit le développement de nouvelles applications, la rénovation de certaines existantes ou simplement la création de liens avec des systèmes déjà en place. Toutefois, il faut considérer que le comité directeur du projet a décidé de procéder par étape dans la réalisation du projet en privilégiant, dans un premier temps, le volet crimi-nel et pénal du projet. La mise sur pied du nouveau système vise à améliorer la qualité des services aux citoyens en matière d’administration de la justice, à accroître la sécurité du public, à assurer la cohérence des actions, à améliorer la perception du système de justice par les citoyens et à augmenter l’efficacité et l’efficience administrative. Cette décision s’inscrit également dans la politique de modernisation de l’administration publique mise en place par le gou-vernement du Québec. 3. ÉVALUATION DU PROJET Le projet SIIJ vise la production sur support numérique des documents et l’amélioration des échanges électroniques d’information par le recours à la technologie Web comme support technologique. Les modalités de circulation de l’information, plus particulière-ment en regard des renseignements personnels, sont en fait revues et impliquent un grand nombre d’intervenants. Par conséquent, ces aspects méritent une analyse en regard de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseigne-ments personnels, ci-après appelée Loi sur l'accès, et nécessitent de s’assurer des moyens qui seront privilégiés par les responsables du projet SIIJ afin de protéger efficacement les renseignements personnels. Page 2 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ 3.1 La préoccupation de la protection des renseignements personnels Afin de s’assurer du respect de la protection des renseignements personnels (PRP), les responsables du projet SIIJ ont constitué un comité ad hoc sur la protection des rensei-gnements personnels et de la vie privée composé de représentants du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration ainsi que des responsables de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels des ministères impliqués. Tous les représentants ont été associés au projet dès le départ et leur collaboration sera requise tout au long de l’élaboration du système. De plus, des analystes de la Commission ont été associés au suivi du développement de l’analyse préliminaire du système SIIJ. Par ailleurs, les responsables du projet SIIJ ont commandé une analyse des risques 1 concernant la PRP, ce qui a permis de dresser un bilan des risques et des enjeux de l’environnement proposé en regard de la PRP. 3.2 La production de l’information sur support numérique Le projet SIIJ implique un changement important en passant d’une gestion en mode pa-pier à une gestion numérique des documents. Cette orientation permettra la saisie de l’information, la communication, la consultation et la conservation à partir de technologies électroniques. Cette nouvelle approche facilitera entre autres l’utilisation et l’échange de l’information. Le système SIIJ ne fait que transposer le système actuel sur support informatique. Ainsi, les mêmes informations seront échangées entre les mêmes intervenants et pour les mêmes fins. Toutefois, en contrepartie de ces avantages, l’information ainsi produite et échangée en mode numérique modifie sensiblement les risques quant à l’accès et à la communication non autorisés d’information. L’information sur support numérique présente des risques différents de celle sur support papier en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels sensibles. De ce fait, les moyens mis en œuvre pour assurer la confidentialité de cette information se doivent d’être différents. L’analyse des risques conclut en regard de la numérisation des documents : « […] Il reste ainsi à maîtriser les risques supplémentaires d’utilisation des renseignements personnels liés à leur numérisation. » Afin de contrer ou de minimiser au maximum ces risques, le système SIIJ a recours à différentes approches, soit une technologie dite « poussée », au cloisonnement entre les applications de missions, à l’utilisation d’outils de recherche dont la performance sera volontairement limitée et à une infrastructure technologique sécuritaire. Ces approches seront abordées dans les sections suivantes de l’avis. 1 Analyse des risques pour la protection des renseignements personnels dans le Système intégré d’information de justice (SIIJ), Centre de recherche en droit public, Faculté de droit de l’Université de Montréal, 7 mai 2003. Page 3 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ 3.3 L’accès aux dossiers judiciaires Les dossiers judiciaires ne sont pas assujettis à la Loi sur l’accès en vertu de l’article 3 qui édicte que les organismes publics ne comprennent pas les tribunaux au sens de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Toutefois, le nombre d’intervenants impliqués ainsi que la facilité, la rapidité de l’accès et de l’échange de l’information, sur support numérique, qui sera contenue dans le système SIIJ soulèvent une préoccupation. Cette préoccupation fut d’ailleurs évoquée par monsieur Karim Benyekhlef 2 : « C’est au plan macro-juridique que les questions apparaissent les plus complexes. L’architecture établie par ces systèmes électroniques ne peut manquer d’avoir une sérieuse incidence sur les équilibres souvent délicats des droits des citoyens face à la puissance publique. Cette mise en réseau et cette automatisation peuvent avoir des incidences dans les domaines suivants : - droit à la vie privée, - accès à l’information, - droits judiciaires et garanties juridiques (articles 23 à 38 de la Charte québécoise des droits et libertés et articles 7 à 14 de la Charte cana-dienne des droits et libertés), - indépendance judiciaire, - propriété intellectuelle. Les promoteurs canadiens et américains des systèmes intégrés d’information de justice n’ont pas manqué de noter que le droit à la vie privée pouvait faire l’objet d’atteintes importantes par la mise en place de ce type de système. En effet, l’accès aux données personnelles contenues dans les dossiers judiciaires ou quasi judiciaires par un grand nombre d’acteurs et, dans plusieurs cas, par le public en général soulève de sérieuses questions quant au respect du droit à la vie privée. Les acteurs gouvernementaux peuvent prendre connaissance de données auxquelles ils n’ont normalement pas accès. Sans parler bien évidemment des croise-ments permis par de puissants outils de recherche. […] Ainsi, la conception et le design de ces systèmes doivent absolument impliquer des juristes afin que ceux-ci puissent guider les architectes de systèmes et les codeurs dans ces tâches. Les considérations micro et macro juridiques doivent être aussi présentes à l’esprit des concepteurs que celles relatives à la sécurité, l’interopérabilité, les workflows, etc. 2 Les systèmes intégrés d’information de justice au Canada et aux États-Unis. Présentation de M. Karim Benyekhlef, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, lors du colloque organisé par le Conseil d’État et l’Université Paris I, les 21et 22 janvier 2002. Page 4 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ […] Les considérations juridiques apparaissent fondamentales dans la mesure où ces systèmes risquent, au delà de l’atteinte potentielle aux droits, de modifier nos rapports au droit qui, jusqu’ici, ont été fondés sur le papier. » Afin de bien encadrer la réalisation du projet SIIJ, les responsables ont défini des orientations et mis en place divers comités en regard de l’accès aux dossiers judiciaires. La Commission constate que l’accessibilité aux dossiers judiciaires est une préoccupation importante de la part des responsables du projet SIIJ. Elle prend acte de la création de comités internes au projet et, plus particulièrement, celui du Comité magistrature qui a pour mandat d’examiner en détail les documents contenus dans les dossiers judiciaires, et ce, afin de constituer une grille d’analyse sur l’accessibilité de chacun des documents du dossier en fonction notamment du statut des personnes qui veulent y accéder (avocats au dossier, autres avocats, parties, citoyens, journalistes, etc.). Par ailleurs, un travail de réflexion est également en cours au niveau canadien. En effet, le Conseil canadien de la magistrature a demandé un avis au Comité consultatif sur l’utilisation des nouvelles technologies par les juges. Un document de travail sur la trans-parence de la justice, l’accès électronique aux archives judiciaires et la protection de la vie privée a été produit en mai 2003. Ce rapport 3 énonce 33 conclusions et fait ressortir, entre autres, la nécessité de la définition des règles d’accès électronique, lesquelles constituent un des enjeux majeurs, en regard du principal débat qui s’exprime en termes de conflit entre le droit du public à la transparence de l’administration de la justice et le droit à l’individu à la protection de sa vie privée. Ce rapport a été analysé par les responsables du projet SIIJ afin d’en retirer les éléments de réflexion qui pourraient s’avérer utiles à la mise en place de protection de renseignements personnels et de la vie privée dans le système SIIJ. Malgré que la Commission n’a pas de juridiction en regard des dossiers judiciaires, une attention particulière est portée à tout ce qui entoure l’accessibilité et la communication de l’information (d’autant plus qu’elle est sur support numérique). Par conséquent, les règles d’accessibilité doivent être clairement définies. Le caractère public des débats judiciaires, la facilité de l’accès conférée par le dévelop-pement des nouvelles technologies de diffusion de l’information par le Web et la performance des moteurs de recherche amènent une réflexion importante sur le juste équilibre entre le caractère public d’une décision de justice et la protection des renseignements personnels et, de surcroît, de la vie privée, du droit à l’anonymat et le « droit à l’oubli ». 3 Document de travail commandé par le Comité consultatif sur l’utilisation des nouvelles technologies par les juges pour le Conseil canadien de la magistrature sur la transparence de la justice, l’accès électronique aux archives judiciaires et la protection de la vie privée, mai 2003. http://www.cjc-ccm.gc.ca/francais/publications.htm 2003, Le Conseil de la magistrature entreprend une consultation sur l'accès électronique aux archives judiciaires (PDF, 273 KB). Page 5 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ Cet aspect a fait l’objet d’un document de recherche dans le cadre du projet SIIJ. Dans ce document, on conclut : « […] On peut donc penser que cet équilibre ne pourra désormais être atteint que si le législateur décide de fixer les règles qui devront régir les relations entre les citoyens et le système d’administration de la justice. » 4 Un rapport du comité sur les systèmes d’information de justice aux États-Unis soulève également tout le débat des dossiers judiciaires électroniques. Il est entre autres men-tionné : « Public in a records office is one thing, but public with a mouse click may be too public. […] records available at individual courthouses requiring hours of research to dig up would remain available to the public, but those same records should not be readily available on an electronic system that makes them accessible to anyone with a few keystrokes. » 5 D’autre part, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) souligne, en regard de la diffusion de données personnelles sur Internet par les banques de données de jurisprudence, l’observation suivante concernant les moteurs de recherche : « […] ils effectuent une recherche en texte intégral, sur tous les sites et, quel que soit le format de diffusion des données. […] quels que soient la volonté ou le choix du responsable d’un site de jurisprudence sur Internet, accessible à tous, toutes les décisions de justice qui comportent l’identité des parties peuvent être indexées par les moteurs de recherche, qu’il y ait ou non référencement préalable de la décision, quel que soit le format de diffusion de celle-ci et même dans la circonstance où la mise en ligne au-rait cessé. […] les spécificités du réseau Internet conduisent à repenser l’équilibre entre le caractère public des décisions de justice et les droits et libertés des personnes concernées, lorsqu’en tout cas ces décisions sont numérisées et accessibles par Internet. » 6 Ainsi, en regard de l’accessibilité des dossiers judiciaires à distance, les responsables du projet SIIJ optent pour l’orientation suivante : « […] que seuls les intervenants de justice puissent avoir accès à distance aux dossiers des tribunaux. Toutefois, le justiciable aurait accès à distance à son propre dossier. Quant au citoyen, les dossiers des tribunaux, qui ne sont pas par ailleurs confidentiels, continueraient à être disponibles 4 Michel Ricard, avocat, Le caractère public des dossiers judiciaires, 17 janvier 2002. 5 Harry Hammitt, March 2000 - Privacy. 6 Délibération no 01-057 du 29 novembre 2001 de la CNIL. Page 6 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ dans les palais de justice, mais de façon électronique par des moyens mis à leur disposition. » 7 La Commission prend acte de l’orientation prise par les responsables du projet SIIJ, laquelle devrait permettre d’encadrer l’accessibilité aux dossiers judiciaires, et considère que l’accessibilité à distance devra s’appuyer sur la sécurité des échanges et des accès à l’information, tel que décrit dans le présent avis. La Commission prend également acte qu’en ce qui concerne l’accès aux dossiers judi-ciaires, le projet SIIJ favorisera l’utilisation d’outils de recherche dont la performance sera volontairement limitée et qu’il n’y aura pas de fonction de recherche extensive au sens de l’article 24 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information et qu’il y a abandon de la fonction « Apparier les dossiers des justiciables » initiale-ment prévue au projet. 3.4 Le modèle de gouvernance Comme le projet SIIJ implique plusieurs organisations ou entités administratives, il doit se doter d’un modèle de gouvernance qui définira les règles de gestion de ce projet tant pour la phase de développement que pour celles de l’implantation et de l’exploitation du système. Par conséquent, il apparaît important que soient clarifiés les rôles et responsabilités des intervenants au projet SIIJ ainsi que les règles entourant la gestion des renseignements personnels. Ceci doit permettre notamment de confirmer le respect du cloisonnement des organismes publics qui détiennent juridiquement les fichiers de renseignements person-nels. Les responsables du projet SIIJ mentionnent que le processus de définition du modèle de gouvernance du projet SIIJ est présentement à l’étude. Les résultats des travaux en cours permettront de définir, notamment, la portée de la gouvernance, ses objectifs et besoins, ses principes et fondements, son fonctionnement, sa structure organisationnelle, ses rôles et responsabilités, ses interrelations avec les divers intervenants, son plan d’effectifs et son plan de mise en place. Les responsables du projet SIIJ soulignent que des ententes de partenariat établiront clai-rement les modalités retenues et seront transmises à la Commission. Le modèle de gouvernance du projet SIIJ est un des éléments qui aura un impact en regard du respect de la PRP. La concertation entre les différents intervenants est cruciale quant aux choix des priorités de développement, d’évolution du système SIIJ et de son exploitation, lesquels ont une incidence sur la PRP. À titre d’exemple, la fonction pilo-tage du système nécessitera l’établissement de règles strictes en regard de la PRP. 7 Document de présentation du projet SIIJ et de ses implications en matière de protection des renseignements personnels et de la protection de la vie privée, 9 mai 2003, p. 57. Page 7 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ La mise en place d’un modèle de gouvernance soulève un certain nombre de défis. Le Vérificateur général du Québec 8 établissait le constat suivant au sujet de la gouvernance : - la gouvernance des ressources informationnelles est encore trop peu structurée, - les instances supérieures des organisations doivent mieux maîtriser cet aspect, - les gestionnaires spécialisés en ressources informationnelles doivent supporter adéquatement la gouvernance. Par conséquent, la Commission considère que quel que soit le modèle de gouvernance retenu, ce modèle devra être en mesure d’assurer le respect et le maintien des principes directeurs développés lors de l’analyse préliminaire du système SIIJ. En ce sens, la Commission considère que la gouvernance du système pourrait constituer un élément important en regard de la PRP et demande aux responsables du projet SIIJ de lui trans-mettre les résultats des travaux lorsque ceux-ci seront complétés. 3.5 Le respect des finalités Les organismes publics impliqués dans le projet SIIJ doivent, en regard de l’article 59 de la Loi sur l’accès, respecter le principe du cloisonnement de l’information, c’est-à-dire le principe voulant que chaque organisme public est tenu à une obligation de confidentialité en ce qui concerne les renseignements personnels qui lui sont confiés par les citoyens, sauf en ce qui a trait aux documents détenus par les tribunaux, lesquels sont exclus de l’application de la Loi sur l’accès tel que mentionné précédemment. De plus, en vertu de l’article 65 de la Loi sur l’accès, les renseignements personnels ne peuvent être utilisés qu’aux seules fins pour lesquelles ils ont été recueillis. Il est donc important de respecter les finalités initiales ou pertinentes à l’objet pour lequel les renseignements personnels ont été recueillis. Or, l’utilisation du support numérique et l’avènement de nouvelles technologies, tel Internet, peuvent faciliter grandement le développement de programmes de traitement des données à d’autres fins, ce qui accroît les risques de passer outre à cette obligation. À cet égard, les responsables du projet SIIJ soulignent que: • l’information qui circule dans le système demeure la propriété de l’organisation qui la génère et elle seule peut la modifier (principe directeur); 8 Conclusion de l’allocution de M me Doris Paradis, vérificatrice générale par intérim, le 17 avril 2003, à l’occasion du dîner conjoint de l’Association des professionnels de la vérification et du contrôle des systèmes d’information – Section de Québec et de l’Institut des vérificateurs internes. Page 8 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ • le système SIIJ ne repose pas sur une banque de données unique, il favorisera, dans la mesure du possible, la transmission automatisée, par un noyau d’échanges, de l’information détenue par l’organisation détentrice vers l’utilisateur; • l’information détenue par les organisations ne sera pas disponible via Internet sauf dans une mesure très limitée pour ce qui concerne l’accès aux dossiers judiciaires. En regard de cette volonté, la Commission considère que des règles strictes devront être définies au niveau de la gouvernance et des mesures technologiques devront être mises en place afin de réduire les risques de détournement de finalités. Cependant, la Commission prend acte que le mode de « poussée » de l’information devrait permettre que seules les personnes qui y ont droit en vertu de la loi ou d’une entente auront accès à l’information recueillie. De cette manière, la finalité de cueillette de cette information devrait être respectée. 3.6 La communication et les modalités de circulation de l’information La majorité des échanges de renseignements personnels font appel à des cas d’exceptions (art. 59 et 65) prévues par la Loi sur l'accès ou réfèrent à des lois spécifiques (Loi sur le système correctionnel du Québec 9 , Code de procédure pénale, Loi sur la protection de la jeunesse, Loi sur les jurés et autres). Concernant les ententes d’échanges d’information, les responsables du projet SIIJ sou-lignent : « Il existe plusieurs ententes d’échange d’information entre les différents intervenants de l’administration de la justice. L’inventaire exhaustif de ces ententes n’a pas encore été effectué. Lors de l’élaboration de chacun des systèmes d’affaires, les flux d’information devront être examinés et docu-mentés pour savoir sur quelle base repose chacun des échanges. Dans le cas des échanges qui ne reposent pas sur une disposition législative, il faudra examiner s’il y a une entente et si elle doit être modifiée. De plus, il faudra s’assurer que des ententes existent dans tous les cas où elles sont requises par la Loi sur l’accès. […] » La réalisation du projet SIIJ implique la communication de renseignements personnels par un très grand nombre d’organisations impliquées, soit près de 40 organisations pro-venant d’horizons divers : gouvernement québécois, municipalités, institutions fédérales, ordres professionnels et autres. Malgré ce nombre important d’organisations impliquées en regard de la circulation de l’information, les responsables du projet SIIJ soutiennent : 9 Cette loi est adoptée mais n’est pas encore entrée en vigueur. Page 9 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ - que c’est la même information qui circulera dans le système SIIJ, - qu’il n’y aura pas d’augmentation des échanges, - qu’il n’y aura pas de nouveaux droits d’accès de créés. Cependant, il faut comprendre que le contexte de la circulation de l’information ne sera plus le même puisque l’information sera sur support numérique. Afin de maintenir un contrôle de la circulation de l’information, le SIIJ favorisera la transmission automatisée de l’information par « mode push » plutôt que l’accès instan-tané par l’utilisateur à cette information « mode pull ». Selon le « mode push », l’information est saisie à la source dans le système du détenteur de l’information. Celle-ci est ensuite acheminée « poussée » par le système détenteur à travers le noyau d’échange à toutes les personnes qui y ont droit et seulement aux personnes qui y ont droit. Par consé-quent, l’utilisateur qui n’a pas généré l’information n’a donc aucun accès à la base de données de l’organisme détenteur. L’exemple suivant illustre le fonctionnement du « mode push » : « Lorsqu’à la suite d’une enquête, le policier décide qu’une poursuite devrait être intentée, il doit nécessairement acheminer au substitut du Procureur général (SPG) une demande d’intenter des procédures (DIP). Cette demande doit être accompagnée de plusieurs autres documents (déclaration de témoins, déclaration de l’accusé, rapport d’expertise et photos, le cas échéant). Le système policier réunira les informations qui sont nécessaires au SPG et les acheminera au système SPG. » L’analyse des risques conclut à cet égard : « Le verrouillage de l’accès aux seules personnes autorisées conjugué à la technologie « poussée » restreint considérablement le risque d’atteinte à la vie privée. » La circulation de l’information s’effectue par le « Noyau d’échange et d’intégration », lequel constitue une composante majeure du projet SIIJ. Le noyau regroupe un ensemble de fonctions techniques et d’échanges supportant les systèmes d’affaires, il assure une fonctionnalité efficace lors du transfert de l’information, notamment en regard des interfaces, des données de référence, des fonctions de sécurité, des services communs, tels que les portails, le pilotage, la journalisation et autres. Outre les données statistiques dénominalisées (données de gestion du noyau seulement), aucun renseignement personnel n’est conservé dans le noyau. 3.7 La sécurité des échanges et des accès à l'information Dans le projet SIIJ, la sécurité des échanges et des accès à l’information constitue un en-jeu de taille en matière de protection des renseignements personnels. Page 10 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ La Commission comprend que le SIIJ intégrera dans les échanges d’information les mécanismes de sécurité nécessaires à la protection des renseignements personnels qui y seront véhiculés. Ainsi, les responsables du projet SIIJ mentionnent qu’il est prévu la mise en place d’un mode sécuritaire de transmission de l’information empêchant toute intrusion dans le système ainsi que toute altération des données, et ce, afin de garantir la protection des renseignements personnels et l’intégrité des informations transmises. D’ailleurs, le rapport de l’analyse préliminaire en matière de sécurité de l’information numérique énonce des propositions concrètes visant à assurer l’échange sécuritaire de cette information, telles que le recours à l’infrastructure à clés publiques, les gardes-barrières, la journalisation, etc. La Commission considère que la mise en place des mécanismes de sécurité nécessitera un accord et un arrimage avec les autres organismes partenaires du projet SIIJ d’où l’importance d’une clarification des rôles et des responsabilités au niveau du modèle de gouvernance. Il est également prévu la mise en place de mécanismes simples et efficaces d’authentification et d’identification qui seront conformes aux exigences de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (L.Q. 2001, c. 32). La Commission considère que l’utilisation d’un mode de chiffrement doit être privilégiée lors de la transmission, à l’extérieur du système qui l’a générée, d’informations contenant des renseignements personnels. Par ailleurs, la Commission comprend que le public n’aura pas accès directement par Internet à l’ensemble des systèmes d’affaires du système SIIJ. La Commission prend acte que le système SIIJ ne créera pas de nouveaux droits d’accès et que l’accès à l’information contenue dans le système sera fondé sur la législation exis-tante et, plus particulièrement, sur les exigences de la Loi sur l’accès. Par ailleurs, la Commission appuie la préoccupation des responsables du projet SIIJ à l’effet que le secteur jeunesse ainsi que les dossiers judiciaires en matière familiale et ceux dans lesquels le huis clos est requis par la loi ou dans lesquels des ordonnances de huis clos ou des ordonnances de non-publication sont prononcées par le tribunal devront faire l’objet d’un traitement et d’accès distincts. Le projet SIIJ prévoit le recours à la technologie Web pour l’échange d’information entre les organisations. Par ailleurs, il est probable qu’un site Internet devra être mis sur pied pour permettre l’accès à distance aux dossiers judiciaires, tant pour les justiciables (pour leur propre dossier) que pour les avocats. Par conséquent, la Commission considère que dans la page d’accueil du site Internet, une « Politique des services en ligne » devra énoncer clairement : - les conditions d’utilisation des services en ligne; Page 11 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ - identifier les rôles et responsabilités des intervenants; - indiquer les mesures de sécurité prises par le projet SIIJ et celles devant être prises par le client afin d’assurer la confidentialité des renseignements personnels, notamment lors de la transmission, de l’utilisation, des modalités et des délais de conservation, des droits d’accès et de rectification. Le client doit être informé des risques encourus, des mesures qu’il est responsable de mettre en œuvre; - s’il y a utilisation de fichiers témoins « cookies »; - la communication d’informations transmises automatiquement entre les serveurs. La Commission demande que lui soit transmise la Politique des services en ligne qui sera adoptée. La Commission demande que lui soit communiquée l’information sur le mode sécuritaire de transmission de l’information qui sera retenu et ceux afférents aux mécanismes d’accès qui assureront une protection efficace des renseignements personnels. 3.8 La conservation des informations sur support numérique La conservation des informations sur support numérique devra être soumise à un calen-drier de conservation et des règles strictes de destruction des informations devront être appliquées, et ce, également lors d’une communication de l’information à des tiers. Quoique la flexibilité sur support numérique offre la possibilité d’une conservation plus longue de certains documents, l’exigence de l’article 73 de la Loi sur l'accès devra être appliquée : 73. Lorsque l'objet pour lequel un renseignement nominatif a été recueilli est accompli, l'organisme public doit le détruire, sous réserve de la Loi sur les archives (chapitre A-21.1). Page 12 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ CONCLUSION Le projet SIIJ vise à produire l’information de justice sur support numérique et à mettre en place un système favorisant la circulation de cette information entre les organisations reliées à l’administration de la justice. La Commission prend acte de la prise en compte, dès le début du projet, de la protection des renseignements personnels, notamment par la mise en place de comités y afférents. La Commission prend acte que c’est la même information que celle qui circule actuelle-ment, qui circulera dans le système SIIJ, qu’il n’y aura pas d’augmentation des échanges et qu’il n’y aura pas de nouveaux droits d’accès de créés. La Commission prend acte que le respect des règles de confidentialité dans le secteur de la jeunesse fera l’objet d’une vigilance particulière. La Commission prend acte que le comité directeur du projet a décidé de procéder par étape dans la réalisation du projet en privilégiant, dans un premier temps, le volet crimi-nel et pénal du projet. La Commission appuie les orientations relatives à l’accès à l’information, à la protection des renseignements personnels et à la protection de la vie privée sur lesquelles repose le projet SIIJ et qui visent à garantir le respect de la législation actuelle, plus spécifiquement la Loi sur l'accès. La Commission considère comme un élément important, en regard de l’accès à l’information et de la PRP, le modèle de gouvernance qui sera retenu et demande aux responsables du projet SIIJ de lui transmettre les résultats des travaux lorsque ceux-ci seront complétés. La Commission prend acte que l’information qui circule dans le système demeure la pro-priété de l’organisation qui la génère et elle seule peut la modifier. La circulation de l’information s’effectue par le « Noyau d’échange et d’intégration » et aucun renseigne-ment personnel n’est conservé dans le noyau. La Commission considère que l’utilisation d’un mode de chiffrement doit être privilégiée lors de la transmission, à l’extérieur du système qui l’a générée, d’informations contenant des renseignements personnels. Par ailleurs, la Commission demande que lui soit com-muniquée l’information sur le mode sécuritaire de transmission de l’information qui sera retenu et ceux afférents aux mécanismes d’accès qui assureront une protection efficace des renseignements personnels. La Commission recommande l’adoption d’une Politique des services en ligne et demande que cette dernière lui soit transmise lorsqu’elle sera adoptée. Page 13 sur 14
Avis concernant le système intégré d’information de justice (SIIJ) Commission d'accès à l'information - DAE ____________________________________________________________________________________________________________ La Commission indique qu’elle se réserve le droit de procéder à toute vérification qu’elle jugera utile quant à la mise en place de ce projet. La Commission tient à souligner la collaboration et la transparence des responsables du projet SIIJ tout au cours des travaux entourant l’analyse préliminaire du système SIIJ. Page 14 sur 14
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