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AVIS DE LA COMMISSION DACCÈS À LINFORMATION CONCERNANT LE PROJET DE LOI N° 20 LOI MODIFIANT LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU REVENU ET DAUTRES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES 25 novembre 2003 03 20 02
AVIS DE LA COMMISSION DACCÈS À LINFORMATION CONCERNANT LE PROJET DE LOI N° 20 Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et dautres dispositions législatives Parce que son adoption pourrait affecter de façon significative les règles en matière de protection des renseignements personnels, la Commission d'accès à l'information ne peut taire les inquiétudes et les nombreuses questions que soulève larticle 25 du Projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et dautres dispositions législatives. Elle souhaite donc joindre sa voix à celle des organismes qui, le 20 novembre dernier, ont fait part de leurs appréhensions devant les membres de la Commission parlementaire des finances publiques 1 . Si larticle 25 du projet de loi n° 20 devait être adopté tel quel, le ministère du Revenu ajouterait à son arsenal pour lutter contre toutes les infractions aux lois fiscales une arme dont la portée peut difficilement être évaluée et dont la puissance semble à première vue injustifiable au regard des lois de protection de renseignements personnels et des droits fondamentaux, tels le droit à la vie privée et le droit au secret professionnel, que garantissent les Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés de la personne. Par lajout de larticle 40.1.1 à la Loi sur le ministère du Revenu, larticle 25 du projet de loi n° 20 prévoit quun fonctionnaire du ministère du Revenu pourrait requérir dun juge de la Cour du Québec quil lui délivre une «autorisation générale», cest-à-dire une autorisation pour « utiliser un dispositif, une technique ou une méthode denquête », ou pour «accomplir tout acte quil mentionne, qui constituerait sans cette autorisation une fouille, une perquisition ou une saisie abusive à légard dune personne ou dun bien ». Cette autorisation pourrait être accordée si le juge est convaincu quil existe des motifs raisonnables de croire quune infraction à une loi fiscale ou à lun de ses règlements dapplication a été ou sera commise. Le juge qui émettrait une telle autorisation devrait également être convaincu quelle servirait au mieux ladministration de la justice. Toutefois, lautorisation ne pourrait pas avoir pour effet de porter atteinte à l'intégrité physique dune personne. Si le juge autorise une perquisition secrète, avis devrait en être donné après son exécution dans un délai également fixé par ce juge. Sur demande, ce délai pourrait être prolongé pour une durée de trois ans. Toute demande formulée par 1 La Commission des finances publiques a entendu, dans le cadre dune consultation particulière, la Protectrice du citoyen, lOrdre des comptables agréés, le Barreau du Québec, lAssociation de planification fiscale et financière et le Conseil interprofessionnel du Québec. 2
un fonctionnaire du ministère du Revenu pourrait être présentée ex parte, cest-à-dire sans la présence des personnes concernées. Le projet de loi n° 25 prévoit également lajout de larticle 40.1.3 à la Loi sur le ministère du Revenu. En vertu de cette disposition, une ordonnance pourrait être émise par un juge pour forcer la communication de documents ou de renseignements ou même pour obliger un tiers à préparer un document à partir de documents ou de renseignements existants. À cet égard, seul le secret professionnel de lavocat ou du notaire serait protégé. Indéniablement, ces nouveaux pouvoirs des fonctionnaires du ministère du Revenu ouvriraient la voie à une collecte encore plus grande de renseignements personnels au sujet des contribuables, en ayant recours à toute la panoplie des nouvelles technologies de surveillance. Ces nouveaux pouvoirs sont-ils justifiés ? Pourquoi adopter larticle 40.1.1 ? Selon le ministre du Revenu, ces nouveaux outils seraient requis pour mieux lutter contre la fraude fiscale. Certains individus auraient développé au fil des ans des stratégies de fraude de plus en plus sophistiquées et à légard desquelles le mandat de perquisition traditionnel savèrerait maintenant insuffisant. Voilà pourquoi il serait opportun de confier aux fonctionnaires du ministère du Revenu des pouvoirs similaires à ceux que possèdent les corps policiers pour lutter contre les infractions criminelles. En effet, larticle 40.1.1 calque en bonne partie larticle 487.01 du Code criminel. La Commission d'accès à l'information ne remet pas en question limportance de faire respecter les lois fiscales et de lutter contre la fraude ou lévasion fiscale. Mais la portée de larticle 40.1.1 va bien au-delà de la prévention ou de la répression de la fraude fiscale. Il permettrait en effet doctroyer aux fonctionnaires du ministère du Revenu des pouvoirs pour lutter contre toutes les infractions aux lois fiscales ou à leurs règlements dapplication, peu importe le degré de gravité de linfraction. Doit-on en conclure que toute infraction à une loi fiscale nécessite des pouvoirs de même nature quun acte criminel ? Un recours illimité aux technologies de surveillance ? Une autorisation émise conformément à l'article 40.1.1 pourrait prévoir le recours à tout dispositif, toute technique ou toute méthode denquête pour recueillir des renseignements relatifs à une infraction qui a été ou qui sera commise. Quentend-on par les mots « dispositif », « technique » et « méthode denquête » ? Puisque larticle 40.1.1 ne prévoit aucune définition pour ces termes, si ce nest que lon ne doit pas porter atteinte à lintégrité physique dune personne, doit-on en conclure que rien dautre nest exclu ? La demande dautorisation générale pourrait-elle avoir pour objet le recours à toutes les technologies de surveillance des individus ? Si lon doit conclure par laffirmative à cette question, 3
cela signifie que les fonctionnaires du ministère du Revenu pourraient avoir recours à la vidéo surveillance ou encore installer tout dispositif, incluant boîtes noires, renifleurs ou virus, permettant la surveillance de réseaux dinformation, dutilisation du courriel ou de linternet. Pourra-t-on surveiller les déplacements dindividus en ayant recours à un système de positionnement global par satellite (GPS) ? Bref, dans quelle mesure pourra-t-on surveiller les déplacements, les transactions ou les communications dune personne à son insu ? À cet égard, surtout depuis les événements du 11 septembre 2001, la technologie des outils de surveillance se raffine de jour en jour et le recours à ces outils ne relève plus, loin de , de la science fiction. Les pouvoirs actuels de collecte de renseignements du MRQ ne sont-ils pas suffisants ? Par ailleurs, la Commission daccès à linformation sinquiète des outils de plus en plus nombreux que le législateur met entre les mains des fonctionnaires du ministère du Revenu pour lutter contre la fraude fiscale. sarrêtera cette escalade des moyens pour dépister les fraudeurs ? Pourquoi les pouvoirs déjà prévus à la Loi sur le ministère du Revenu ne suffisent-ils plus ? Déjà, la Loi sur le ministère du Revenu prévoit de vastes pouvoirs de vérifications et denquêtes aux articles 37.7 et suivants. Des pouvoirs de perquisition y sont mêmes reconnus. Pour recouvrer des sommes qui lui sont dues, le Ministère peut avoir recours aux mécanismes daffectation ou de compensation. Ainsi, le Ministère est informé de tout montant à un contribuable par un organisme public ce qui lui permet de recouvrer les sommes dues par ce contribuable auprès de cet organisme public. En outre, le ministère du Revenu peut, depuis 1996, mener sa lutte contre le travail au noir et lévasion fiscale en exigeant de tout organisme public quil lui communique lintégralité de ses fichiers de renseignements personnels. Le Ministère peut donc déjà procéder au couplage des nombreux fichiers de renseignements personnels quil a obtenus et quil obtient encore. Le ministère du Revenu possède déjà de vastes pouvoirs pour recueillir des renseignements au sujet des contribuables. Avant de lui en octroyer de nouveaux, ne devrait-on pas sassurer que ces pouvoirs sont inefficaces ou, à tout le moins, insuffisants ? Comment sassurer du respect des règles de protection des renseignements personnels ? Avant que ne soit adopté larticle 25 du projet de loi n° 20, il semble aux membres de la Commission d'accès à l'information quil faudrait à tout le moins sassurer que ces nouveaux pouvoirs sont nécessaires et, sils le sont, quils puissent être davantage balisés. Par exemple, il serait opportun de mieux préciser quelles sont les infractions qui donnent ouverture à la demande dune autorisation générale. Il semble pour le moins étonnant que nimporte quelle infraction à une loi fiscale puisse donner ouverture à une demande dautorisation générale. Des éclaircissements devraient également être apportés au sujet des différentes technologies de surveillance qui pourraient être utilisées. 4
Avant de confier à des fonctionnaires du ministère du Revenu des pouvoirs généralement réservés aux corps policiers, la Commission estime quil faudrait également sinterroger sur les impacts possibles que pourraient avoir de tels pouvoirs sur la vie privée de personnes qui ne sont pas visées par lenquête menée par le Ministère. En interceptant des communications, en pistant les déplacements dune personne, en suivant ses activités, ne risque-t-on pas également de simmiscer dans la vie privée de tiers ? Puisquil participe de la protection des renseignements personnels, la Commission croit également quune attention particulière devrait être apportée au respect du secret professionnel qui pourrait être sérieusement mis en péril par les articles 40.1.1 et 40.1.3. À sa face même, larticle 40.1.1 va à lencontre de la garantie constitutionnelle qui protège contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Seule lautorisation dun juge de la Cour du Québec, précise cet article 40.1.1, en assurerait sa légalité. Mais est-on certain que cette autorisation du juge suffirait pour valider cette disposition. À cet égard, la Cour suprême nous enseigne que lautorisation dun juge nest que lune des conditions qui permet de sassurer de la constitutionnalité dune disposition législative qui autorise une fouille, une perquisition ou une saisie. Alors ne peut-on pas sérieusement sinterroger sur la validité dune disposition législative qui permettrait à un juge, ex parte, démettre une autorisation générale pour avoir recours, pour nimporte quelle infraction à une loi fiscale, à des technologies qui constituent de sérieuses intrusions dans la vie privée des individus ? Avant que le législateur noctroie aux fonctionnaires du ministère du Revenu des pouvoirs aussi vastes que ceux que possèdent les corps policiers en matière criminelle, la Commission d'accès à l'information espère quune sérieuse réflexion permettra dévaluer tous les impacts potentiels dune telle habilitation sur la protection des renseignements personnels et de la vie privée et sur le respect du secret professionnel. Préalablement à l'adoption de larticle 25 du Projet de loi n° 20, la nécessité de recourir à de tels pouvoirs exorbitants du droit commun devrait être clairement démontrée. Tout comme lon devrait pouvoir obtenir réponse aux questions suivantes : Que vise-t-on par loctroi de tels pouvoirs ? À quelles technologies aura-t-on recours ? Pourquoi les pouvoirs que possèdent déjà les fonctionnaires du ministère du Revenu ne suffisent-ils plus à la tâche ? Comment assurera-t-on la protection des renseignements personnels qui concernent des tiers non visés par les enquêtes du Ministère et le respect du secret professionnel ? 5
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