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AVIS RELATIF À LA DIFFUSION VIA INTRANET ET INTERNET PAR LA VILLE DE GATINEAU DES RENSEIGNEMENTS CONTENUS DANS LES DEMANDES DE PERMIS DE CONSTRUCTION DOSSIER 99 05 34 MAI 1999 Le responsable de l'accès de la Ville de Gatineau demande à la Commission son avis concernant la diffusion, via son réseau Intranet et par la suite via Internet, des renseignements contenus dans une demande de permis de construction. M. Savoie indique qu'en s'appuyant sur la décision Communications Southam Ltée c. Ville de St-Laurent (CAI 1988 pp.109-114), la Ville de Gatineau prévoit rendre accessible l'ensemble des renseignements, sauf les numéros de téléphone (domicile et bureau) du requérant et de l'exécutant. Il demande également à recevoir confirmation que l'adresse civique d'un requérant (personne physique) qui diffère de celle sont exécutés les travaux est bien un renseignement personnel à caractère public. Par ailleurs, il souligne que l'adresse du requérant n'apparaît pas sur le permis devant être affiché lors de l'exécution des travaux. De plus, la Ville pose la question à savoir si l'accès aux renseignements devrait se faire exclusivement par l'adresse civique, le matricule ou le cadastre, excluant l'accès par le nom du requérant ou de l'exécutant des travaux qui peut être autant une personne physique que morale. 1. Les demandes de permis de construction diffusées via Internet La question que soulève la Ville de Gatineau quant à la diffusion via Internet des demandes de permis de construction fait partie d'une problématique qui préoccupe la Commission depuis plus de deux ans maintenant. Les renseignements qui sont consignés sur la demande de permis de construction sont les suivants : Localisation des travaux : - le numéro de dossier et le numéro matricule;
- l'adresse des travaux; - le ou les cadastres; - le zonage et l'usage. Renseignements sur le requérant et l'exécutant des travaux : - nom et prénom; - raison sociale; - adresse (il s'agit de l'adresse civique ou de la résidence); - courriel; - numéros de téléphone (domicile et bureau); - numéro de télécopieur. Renseignements sur les travaux : - localisation; superficie; diamètre, longueur, largeur, hauteur, logis, étages stationnement; - revêtement, matériau : surface, matériaux, commentaires; - coûts des travaux, frais de permis, caution, remarque. Frais : - coût total des travaux, frais totaux, caution totale, signature du requérant et date. Selon une jurisprudence dominante de la Commission, les renseignements relatifs aux nom et adresse du requérant et de l'exécutant, à l'exception de leur numéro de téléphone, constituent, des renseignements à caractère public conformément à l'article 55 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Cette même jurisprudence confirme que la localisation des travaux, la nature et les coûts des travaux, constituent des renseignements relatifs à un immeuble et ne sont pas nominatifs au sens de l'article 54 de la loi.précitée. Cette exception importante à la règle de confidentialité des renseignements personnels prévue à l'article 55 de la loi permet que toute personne qui le requiert peut avoir accès à ces renseignements. Inscrit dans la loi bien avant la venue des nouvelles technologies de l'information et de communication, cet article n'offre aucun encadrement aux renseignements qui deviennent accessibles. Même si la loi est muette à ce sujet, on peut tout de même cerner l'objectif visé par une telle disposition. Les renseignements personnels qui sont accessibles dans les municipalités l'étaient, jusqu'à tout récemment, à la pièce, pour des fins précises, notamment pour assurer les contribuables qu'ils sont tous traités de façon équitable. Ils étaient alors accessibles par consultation sur place ou par téléphone, mais il n'était pas possible d'obtenir un rôle d'évaluation au complet ou l'ensemble des demandes de permis de construction sur disquette ou autre support informatique. Ces modes d'accès qui, règle générale, étaient les seuls possibles lorsque les lois ont reconnu le caractère public à certains renseignements, garantissaient le respect de l'objectif visé par la reconnaissance du caractère public. Cependant, tout comme elle l'a maintenu pour la diffusion du rôle d'évaluation sur Internet, la Commission considère que le recours aux nouvelles technologies et plus précisément, au réseau Internet, soulève des problèmes plus complexes qu'on pourrait l'imaginer à première vue. Il nous oblige à nous interroger sur la « vocation » ou la finalité des renseignements personnels qui, en vertu d'une loi, ont un caractère public.
Si la communication de renseignements à la pièce porte à peu de conséquences au chapitre de la protection de la vie privée, il peut en être tout autrement lorsqu'on sait qu'Internet est un réseau mondial sans frontières, accessible à plus de 40 millions d'utilisateurs, de leur bureau ou de leur résidence. Ils peuvent accéder aux sites en tout temps et s'approprier les renseignements qui s'y trouvent. Les conséquences sont nombreuses. Par la diffusion de banques de données, tels le rôle d'évaluation et les demandes de permis de construction, le Québec risque de devenir le paradis du marketing direct. Il devient ainsi possible de cibler de façon précise des clientèles en raison du traitement des renseignements contenus dans ces banques de données en les jumelant à l'aide des fichiers déjà détenus ou accessibles. Dans ce contexte, on peut se demander si une telle communication massive de ces renseignements personnels ne vient pas modifier le sens de l'objectif initial qui est leur caractère public..Ainsi, lorsqu'un citoyen accepte de communiquer à un organisme des renseignements personnels, il est en droit d'espérer que ces derniers soient utilisés aux seules fins pour lesquelles ils ont été recueillis. Même si la majorité des données qui figurent sur les demandes de permis de construction a un caractère public, il y a lieu d'y réfléchir avant de s'engager dans ce qui va bien au-delà de la nécessaire transparence administrative. Des éléments de réflexion La Commission saisit l'opportunité qui lui est offerte par la Ville de Gatineau pour lui soumettre quelques éléments de réflexion : En s'engageant sur l'autoroute, respecte-t-on vraiment la finalité, la raison fondamentale à la base du caractère public des demandes de permis de construction? Est-il nécessaire de porter tous ces renseignements personnels sur le site Internet? N'y aurait-il pas lieu d'inscrire une version épurée des demandes de permis de construction? Des pistes de solutions Si la Ville de Gatineau décidait de maintenir sa décision, la Commission propose que : - lorsque la demande est initée par une personne physique, les éléments d'identification suivants soient masqués : - l'adresse civique du requérant; - l'adresse civique de l'exécutant; - l'interrogation de la banque de données des demandes de permis de construction devrait être possible uniquement par l'adresse de localisation des travaux; - le téléchargement de la banque de données contenant les demandes de permis de construction ne devrait pas être possible. - la signature manuscrite du requérant, apparaissant en bas du formulaire de demande de permis de.construction, ne devrait pas être reproduite ou numérisée pour les fins d'accès sur Internet. Il faut rappeler également que la décision, citée précédemment, ne reconnaît pas un caractère public aux numéros de téléphone du requérant et de l'exécutant lorsqu'il s'agit de personnes physiques.
Enfin, la Commission, a fait part de ses préoccupations dans son dernier rapport quinquennal « Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle » et recommandait ce qui suit : « le législateur devrait envisager la modification de l'article 55 de la Loi sur l'accès afin de limiter la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public. ». Le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, responsable de l'application de la Loi sur l'accès, a retenu cette recommandation en proposant de remplacer dans le projet de loi 451 l'actuel article 55 de la Loi sur l'accès par le suivant : «Un renseignement qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas un renseignement personnel pour les fins du présent chapitre. Toutefois, un organisme public qui détient un registre, un rôle d'évaluation ou tout autre fichier de même nature contenant des renseignements ayant un caractère public en vertu de la loi ne peut permettre l'accès à ces renseignements qu'à l'unité. Il ne peut également communiquer un tel fichier, à moins que cela ne soit nécessaire à l'application d'un loi au Québec; il doit alors en aviser la Commission conformément à l'article 67.». Bien que le projet de loi soit mort au feuilleton, il avait été soumis au Gouvernement et fait l'objet d'une adoption de principe. En conséquence, nous pouvons considérer que le Gouvernement reconnaissait le bien-fondé d'une telle modification. 2. La diffusion des demandes de permis de construction via l'Intranet À cet égard, la Commission n'a pas de commentaires spécifiques compte tenu que le réseau Intranet est interne à une organisation..En conséquence, lorsqu'il s'agit de renseignements personnels, les obligations prévues dans la Loi sur l'accès doivent être appliquées, notamment en matière d'accès et confidentialité. Ainsi, rappelons qu'en vertu de l'article 62 de la loi précitée, un renseignement personnel est accessible, sans le consentement de la personne concernée, aux seules personnes qui ont qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses attributions. En matière de sécurité, les personnes qui ont accès à des fichiers de renseignements personnels devraient toutes disposer d'un code d'accès et de mot de passe. Lorsque requis, les consultations devraient faire l'objet d'une journalisation. Enfin, la Commission rappelait dans son rapport d'octobre 1998, intitulé « La sécurité des renseignements personnels dans l'État québécois, une démarche bien amorcée », que « ... sécurité et confidentialité sont intimement liées à la protection des renseignements personnels ». En conséquence, bien que les systèmes informatiques soient munis de tous les moyens ou logiciels permettant la sécurité des actifs informationnels, il n'en demeure pas moins qu'une sensibilisation constante à la
confidentialité des renseignements personnels auprès du personnel constitue un outil indispensable pour s'assurer que les obligations prévues dans la Loi sur l'accès à l'égard de la protection des renseignements personnels soient respectées.
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