Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 1014293-S Nom des entreprises : Racine & Chamberland inc. et Intact Assurance Date : 23 janvier 2020 Membre : M e Lina Desbiens DÉCISION ENQUÊTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . PLAINTE [1] La Commission d’accès à l’information (la Commission) a procédé à une enquête à la suite d’une plainte à l’égard du cabinet en assurance de dommages Racine & Chamberland inc. (le courtier). [2] La plainte porte sur la collecte, par le courtier d’assurance du propriétaire d’une résidence louée au plaignant et à sa conjointe, de leurs dates de naissance, leurs numéros d’assurance sociale, leurs professions et/ou leurs emplois et le nom des derniers employeurs 2 . Ces renseignements personnels permettraient à l’assureur de vérifier les antécédents judiciaires des locataires et d’évaluer si des activités commerciales ou dangereuses seront faites dans la résidence. [3] Le principal motif du courtier étant que cette collecte de renseignements était une exigence d’Intact Assurance (l’assureur), ce dernier a également fait l’objet de l’enquête. [4] À la lumière de son enquête et des observations reçues, la Commission conclut que les renseignements personnels concernant une police d’assurance habitation ne peuvent être recueillis qu’auprès de l’assuré. En effet, le lien contractuel existe entre l’assureur et son assuré, le propriétaire, à qui incombe 1 RLRQ, c. P-39.1, Loi sur le privé. 2 Voir la mise en demeure transmise au plaignant par le propriétaire locateur.
1014293-S Page 2 l’obligation de fournir les informations nécessaires à sa couverture d’assurance. De plus, seuls les renseignements nécessaires à l’objet du dossier peuvent être recueillis. En effet, chaque cas étant un cas d’espèce, l’assureur ne peut systématiquement exiger des renseignements permettant de faire enquête sur les antécédents judiciaires et les activités professionnelles de l’occupant de la résidence assurée. CONTEXTE [5] Le plaignant et sa conjointe ont signé une option d’achat et un bail de deux ans pour une maison unifamiliale. Ils versent un loyer mensuel qui est considéré comme un acompte au prix de vente. [6] Racine & Chamberland inc. est un cabinet en assurance de dommages qui agit comme courtier en assurance de dommages du propriétaire de la résidence louée. [7] Dans le but de finaliser le dossier d’assurance de son client et de répondre à la demande de l’assureur, le courtier lui a demandé de fournir le nom des locataires et la confirmation d’un bail annuel signé. De plus, le courtier a transmis un courriel aux locataires de son client, le plaignant, pour obtenir les renseignements suivants : • une copie de la police d’assurance locataire occupant; • leur date de naissance; • leur numéro d’assurance sociale; • leur profession; • les coordonnées de leur employeur. [8] Le plaignant a refusé de communiquer ses renseignements au courtier en le référant à son propriétaire qui détient, selon lui, les renseignements pertinents le concernant fournis dans son bail de location. N’étant pas le client du courtier, le plaignant considère qu’il n’a pas à lui communiquer de renseignements personnels supplémentaires. [9] L’assureur affirme qu’il n’exige ni le numéro d’assurance sociale ni les renseignements relatifs à l’assurance personnelle des locataires. [10] Le nom, la date de naissance, la profession et le nom de l’employeur du locataire lui sont nécessaires pour évaluer le risque d’émettre une assurance pour une maison unifamiliale louée à des tiers.
1014293-S Page 3 [11] Particulièrement, la collecte du nom et de la date de naissance serait nécessaire pour vérifier le plumitif criminel du locataire afin de vérifier notamment s’il a des antécédents relatifs à la production de drogue. La collecte de la profession et du nom de l’employeur du locataire permet d’évaluer si celui-ci est susceptible d’utiliser les lieux pour une activité commerciale ou potentiellement dangereuse pouvant avoir un impact quant au risque d’incendie ou de responsabilité civile. [12] L’assureur ajoute qu’à défaut d’obtenir ces renseignements, il deviendrait pratiquement impossible d’évaluer son risque et d’émettre une police en assurance dommages pour le propriétaire locateur. Avis d’intention [13] Au terme de son enquête, la Commission a avisé les entreprises qu’à la lumière de l’ensemble des informations dont elle disposait, elle pourrait notamment ordonner au courtier de cesser d’exiger directement auprès des locataires de leurs clients les renseignements suivants : • une copie de la police d’assurance locataire occupant; • la date de naissance des locataires; • le numéro d’assurance sociale des locataires; • la profession des locataires; • les coordonnées de l’employeur des locataires. [14] De plus, elle pourrait notamment ordonner à l’assureur de cesser d’exiger des courtiers qu’ils obtiennent directement auprès des locataires de leurs clients les renseignements suivants : • la date de naissance des locataires; • la profession des locataires; • les coordonnées de l’employeur des locataires. [15] Le courtier et l’assureur ont été invités à fournir leurs observations. Observations [16] Seul l’assureur a transmis ses observations dans lesquelles il réitère sa position déjà présentée à l’enquêteur de la Commission et insiste sur le contexte bien particulier de l’évaluation du risque souscrit par un assureur lors de son analyse du caractère « nécessaire » de la collecte de renseignements personnels concernant le locataire.
1014293-S Page 4 [17] En plus de la jurisprudence, il a soumis deux dépliants du Bureau d’assurance du Canada (BAC) intitulés Conseils d’assurance à l’intention des propriétaires de logements et Êtes-vous un propriétaire. Le premier relate les risques accrus que des résidences unifamiliales louées présentent, notamment par la culture de marijuana. Le second concerne l’obligation d’un propriétaire d’informer son assureur de la location de son immeuble. Le BAC donne des conseils pratiques, mais on ne retrouve aucune recommandation invitant les propriétaires à vérifier les antécédents criminels des locataires. [18] L’assureur soumet également une fiche d’information provenant du site Internet de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) intitulée Installations de culture de la marihuana. On y mentionne notamment que des installations de culture de la marihuana sont souvent établies dans des immeubles locatifs résidentiels. On indique quelques suggestions sous la rubrique Comment protéger votre propriété. Il est suggéré d’obtenir les antécédents en matière de crédit, d’exiger des références et d’inspecter régulièrement la propriété. ANALYSE [19] Tant le courtier que l’assureur sont assujettis à la Loi sur le privé qui prévoit qu’une entreprise doit recueillir uniquement les renseignements personnels nécessaires à l’objet d’un dossier. Elle ne peut non plus refuser d’acquiescer à une demande de service au motif du refus par la personne de lui fournir un renseignement personnel. [20] Plus précisément, les dispositions pertinentes de cette loi se lisent comme suit : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d'y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l’objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. 9. Nul ne peut refuser d’acquiescer à une demande de bien ou de service ni à une demande relative à un emploi à cause du refus de la personne qui formule la demande de lui fournir un renseignement personnel sauf dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes: 1° la collecte est nécessaire à la conclusion ou à l’exécution du contrat; 2° la collecte est autorisée par la loi;
1014293-S Page 5 3° il y a des motifs raisonnables de croire qu’une telle demande n’est pas licite. En cas de doute, un renseignement personnel est réputé non nécessaire. Quel est l’objet du dossier pour lequel les renseignements sont recueillis? [21] La présente affaire porte sur le dossier d’assurance habitation d’un propriétaire non occupant. Le dossier est constitué par le courtier pour l’assureur qui ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l’objet du dossier qu’il constitue à l’égard de l’assuré. [22] L’objet du dossier est donc la couverture d’assurance d’un propriétaire non occupant d’une maison unifamiliale louée à un tiers. À qui doit s’adresser le courtier pour recueillir les renseignements? [23] En l’espèce, le courtier veut obtenir des renseignements personnels concernant les locataires qui occupent l’immeuble loué afin que l’assureur évalue le risque qu’un sinistre se déclare. L’assureur pourra ainsi déterminer s’il souhaite ou non accepter de couvrir ce risque et déterminer la prime applicable qui sera demandée au client, soit le propriétaire de la maison louée. [24] Le lien contractuel existe entre l’assureur et son assuré, le propriétaire, à qui incombe l’obligation de fournir les informations nécessaires à sa couverture d’assurance. Dans ce cas, les renseignements nécessaires au courtier pour obtenir des propositions d’assurance ne peuvent être recueillis qu’auprès de l’assuré et non pas directement auprès du locataire. [25] Par conséquent, le courtier devra cesser d’exiger directement auprès des locataires les renseignements nécessaires pour établir son dossier d’assurance. Quels sont les renseignements qui peuvent être recueillis? [26] Une fois ce constat établi, la Commission doit décider si le courtier ou l’assureur peut exiger de leur client des renseignements personnels permettant de vérifier les antécédents criminels des occupants et si des activités commerciales ou dangereuses seront faites dans la résidence, au motif qu’ils sont nécessaires à l’objet du dossier d’assurance du propriétaire locateur.
1014293-S Page 6 Nécessité de la collecte [27] La collecte de renseignements personnels doit se limiter aux seuls renseignements nécessaires à l’objet du dossier. Le critère de nécessité s’interprète à la lumière de l’objet du dossier. [28] Dans l’affaire Laval 3 citée par l’assureur, la Cour du Québec propose d’interpréter l’exigence de nécessité de la manière suivante : [44] […] Un renseignement sera donc nécessaire non pas lorsqu’il pourra être jugé absolument indispensable, ou au contraire simplement utile. Il sera nécessaire lorsque chaque fin spécifique poursuivie par l’organisme, pour la réalisation d’un objectif lié à ses attributions, sera légitime, importante, urgente et réelle, et lorsque l’atteinte au droit à la vie privée que pourra constituer la cueillette, la communication ou la conservation de chaque élément de renseignement sera proportionnelle à cette fin. Cette proportionnalité jouera en faveur de l’organisme lorsqu’il sera établi que l’utilisation est rationnellement liée à l’objectif, que l’atteinte est minimisée et que la divulgation du renseignement requis est nettement plus utile à l’organisme que préjudiciable à la personne. Autrement, le droit à la vie privée et à la confidentialité des renseignements personnels devra prévaloir. [29] En 2010, la Cour du Québec 4 a appliqué à nouveau ce test lors de l’interprétation du critère de nécessité en précisant que : [153] Ce test a l’avantage de tenir compte de la nature du renseignement et du besoin réel de l’organisme dans l’exercice de ses attributions en comparant le degré d'exigence que commande le besoin à l’expectative du préjudice pouvant être causé par l’atteinte aux droits de la personne. [154] Ce test a pour effet pratique de soupeser les besoins de l’un dans l’optique de la finalité de ses fonctions et le préjudice pouvant être causé à l’autre. [30] Ce test a été repris à plusieurs occasions par la Commission. [31] Ainsi, l’entreprise assujettie à la Loi sur le privé doit démontrer à l’aide d’éléments concrets et probants, que les objectifs poursuivis par la collecte de renseignements personnels sont légitimes, importants et réels, et que l’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle à ces objectifs. 3 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., [2003] C.A.I. 667 (C.Q.), l’affaire Laval. 4 Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] CAI 396.
1014293-S Page 7 Objectifs poursuivis par la collecte [32] Conformément à l’article 5 de la Loi sur le privé, cette collecte de renseignements doit se limiter aux seuls renseignements nécessaires à l’objectif poursuivi qui est d’évaluer le risque qu’un sinistre se déclare en tenant compte du fait qu’il s’agit d’une résidence unifamiliale. [33] En vertu du Code civil du Québec 5 , l'obligation de déclaration du risque revient à l'assuré. En effet, l’article 2408 du Code prévoit une obligation pour l’assuré de déclarer toutes les circonstances pouvant influencer l’établissement de la prime : 2408. Le preneur, de même que l’assuré si l’assureur le demande, est tenu de déclarer toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de façon importante un assureur dans l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter, mais il n’est pas tenu de déclarer les circonstances que l’assureur connaît ou est présumé connaître en raison de leur notoriété, sauf en réponse aux questions posées. [34] L’assureur peut questionner son assuré et ce dernier a une obligation de divulgation des circonstances connues de lui et de nature à influencer l’assureur. [35] En l’espèce, l’assuré est le locateur du plaignant. Il peut recueillir auprès de son locataire les renseignements nécessaires à l’objet de son dossier de locateur et ceux nécessaires à l’assurance de sa propriété. En effet, il est légitime pour un propriétaire de vouloir assurer son immeuble. [36] À titre de locateur, il est généralement reconnu qu’il ne peut exiger de ses locataires que les renseignements concernant leur identité, leur comportement et leurs habitudes de paiement 6 . Ces informations au sujet d’un aspirant locataire sont généralement suffisantes pour l’évaluation d’une demande de location. [37] La Commission considère que le propriétaire peut utiliser ces renseignements s’ils sont nécessaires à l’obtention d’une couverture d’assurance pour son immeuble. [38] En l’espèce, il ressort de la documentation provenant du BAC et de la GRC, déposée par l’assureur avec ses observations, qu’une résidence 5 CCQ-1991, le Code. 6 Regroupement des comités de logement et Association de locataires du Québec et Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, [1995] C.A.I 370; Julien c. Domaine Laudance, [2003] C.A.I. 77; Perreault c. Blondin [2006] C.A.I. 162; X, propriétaire, CAI 1005500, M e Diane Poitras, 22-05-2015.
1014293-S Page 8 unifamiliale peut être louée afin d’y cultiver de la marijuana et que cette activité augmente les risques de dommages et particulièrement d’incendie. [39] C’est pourquoi l’assureur souligne qu’il prend en compte ce risque que pour la location de résidence unifamiliale et que les renseignements demandés sont nécessaires à l’évaluation de ce risque. [40] Qu’en est-il? Nom, bail, preuve d’assurance et numéro d’assurance sociale [41] Le courtier peut obtenir auprès de son client, le propriétaire de la maison, le nom des locataires et la copie du bail de location. En effet, le risque assurable peut tenir compte des occupants de l’immeuble loué 7 . [42] Il ressort de l’enquête que le nom des locataires et la confirmation d’un bail annuel signé sont des renseignements fournis par le propriétaire de l’immeuble. Il s’agit de renseignements nécessaires à l’objet du dossier, puisque le propriétaire a l’obligation d’informer son assureur de la location de son immeuble. Cette information permettra à l’assureur d’évaluer le risque lié au fait que le propriétaire n’occupe pas les lieux assurés et de fixer la prime en conséquence. [43] Quant à la preuve d’une police d’assurance locataire occupant, il ressort de l’enquête que le courtier a demandé ce renseignement, mais qu’il ne s’agit pas d’une exigence de l’assureur. Dans le présent dossier, la preuve d’assurance habitation du locataire a été fournie par le propriétaire et n’est pas l’objet de la plainte. La Commission souligne qu’il est légitime de la part du propriétaire de demander cette information. D’ailleurs, dans ses publications intitulées Conseils d’assurance à l’intention des propriétaires de logements et Êtes-vous un propriétaire, le BAC suggère au locateur d’une maison unifamiliale d’exiger que le locataire assure la maison louée. [44] Quant au numéro d’assurance sociale, les entreprises ont admis qu’il ne s’agit pas d’un renseignement personnel nécessaire au courtier ou à l’assureur et la Commission prend acte de l’admission qu’ils ne le recueillent pas et confirment qu’ils ne sont pas autorisés à le recueillir. 7 Valmont Lavallières c. Wawanesa Cie Ltée, 2005 QCCQ 21708; Tremblay c. Compagnie d’assurance Wawanesa, 2016 QCCS 26.
1014293-S Page 9 Date de naissance, professions, emplois et derniers employeurs [45] La date de naissance, la profession, l’emploi occupé et le nom et les coordonnées de l’employeur des locataires sont des renseignements personnels concernant ces derniers. [46] L’assureur soutient que la collecte systématique de ces renseignements est nécessaire à l’évaluation du risque dans le cas d’une résidence unifamiliale louée. Plus particulièrement, il soutient que : « […] Il serait essentiel pour l’assureur de pouvoir effectuer certaines vérifications quant au risque à assurer, incluant des questions comme : • Le locataire a-t-il déjà été reconnu coupable d’actes criminels pertinents à l’évaluation du risque à assurer (e.g. vol, fraude, production de drogues)? Sans obtenir la date de naissance du locataire, il est à toutes fins pratiques impossibles de vérifier son plumitif criminel. • Le locataire occupe-t-il un emploi susceptible de constituer un risque important pour l’assureur (e.g. propriétaire d’un bar lié au crime organisé)? Ce locataire étant présent dans la résidence unifamiliale, ses actions augmenteront ou diminueront la probabilité qu’un sinistre survienne. » [47] La Commission doit donc décider si le courtier ou l’assureur peut exiger de leur client ces renseignements concernant le locataire de l’assuré. Les antécédents judiciaires et le risque moral [48] Les prétentions de l’assureur sont à l’effet, d’une part, qu’il est plus risqué d’assurer le propriétaire d’une maison unifamiliale louée et que, par conséquent, il est nécessaire de vérifier les antécédents criminels du locataire pour savoir s’il a été reconnu coupable d’actes criminels pertinents, vol, fraude et production de drogues. D’autre part, le milieu dans lequel il travaille peut constituer un risque important pour l’assureur. [49] Sauf en matière d’emploi 8 , la vérification des antécédents n’est pas en soi interdite parce que discriminatoire. Toutefois, les informations relatives aux antécédents judiciaires relèvent du droit à la vie privée 9 . 8 Articles 18.1 et 18.2 de la Charte québécoise des droits et libertés, R.L.R.Q, ch. C-12, la Charte. 9 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Jean-Paul Desroches inc., 2007 QCTDP 28
1014293-S Page 10 [50] Selon la jurisprudence citée par l’assureur, les antécédents judiciaires en lien avec le risque assurable peuvent être pris en compte par les compagnies d'assurances au moment d'établir le risque et de déterminer s'ils acceptent ou non de couvrir ce risque 10 . Il s’agit du facteur moral connu dans le domaine des assurances. [51] Les décisions citées concernent les antécédents de l’assuré, mais dans le domaine de l’assurance, le risque assurable s’évalue en tenant compte de tous les occupants de l’immeuble. [52] L’obligation de divulgation à l’assureur appartient à l’assuré en vertu de l’article 2408 du Code précité. Il ne s’agit pas d’une obligation générale de fournir des renseignements permettant à l’assureur d’effectuer une recherche d’antécédents judiciaires pour l’ensemble des occupants d’une résidence louée. [53] Ainsi, la collecte de renseignements personnels en lien avec les antécédents judiciaires portant atteinte à la vie privée de la personne concernée devra être proportionnelle à la finalité poursuivie et minimisée 11 . [54] La Commission souscrit à l’affirmation de l’assureur voulant que l’évaluation du risque moral, fondée sur les éléments subjectifs, doive être individualisée et tenir compte de chaque situation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle conclut que la collecte des renseignements demandés ne peut se faire de manière systématique. [55] En l’espèce, il s’agit de la location d’une résidence unifamiliale dans le contexte d’une option d’achat par les locataires. Ces derniers ont d’ailleurs obtenu une assurance habitation d’un autre assureur. [56] De plus, ni dans les publications du BAC ni dans celle de la GRC il n'est mentionné de vérifier les antécédents criminels des locataires. La GRC suggère plutôt d’obtenir les antécédents en matière de crédit, d’exiger des références et d’inspecter régulièrement la propriété. [57] Contrairement à ce qu’affirme l’assureur, l’atteinte à la vie privée du locataire n’est pas minimale. En effet, une vérification systématique de tous les antécédents judiciaires d’une personne du seul fait qu’elle loue une résidence unifamiliale n’est pas une atteinte minimale à sa vie privée. 10 Côté c. Industrielle Assurance, 2002 QCCS 8058; Desbiens c. Société nationale d’assurance inc., 2004 QCCS 24078; Cie Mutuelle d’assurances Wawanesa c. GMAC locations Ltée, 2005 QCCA 197; Morissette c. Cie Mutuelle d’assurances Wawanesa, 2014 QCCQ 13244; Gagnon c. L’Équitable Compagnie d’assurances générales & al, EYB 1991- 75156; Massé c. St-Onge, 2014 QCCS 103. 11 Affaire Laval précitée.
1014293-S Page 11 [58] La collecte de renseignements doit se limiter aux seuls renseignements nécessaires à l’objectif poursuivi qui est d’identifier le risque potentiel. Ainsi, dans l’hypothèse où l’occupant a des antécédents criminels, encore faut-il qu’il y ait un lien rationnel entre certaines condamnations (ex. : production de cannabis, incendie criminel) ou certains comportements (ex. : travailler dans un endroit appartenant au crime organisé) et un risque additionnel. [59] Pour toutes ces raisons, la Commission conclut que l’assureur n’a pas démontré que l’atteinte au droit à la vie privée que pourra constituer la cueillette systématique et la conservation de la date de naissance, la profession, le nom et les coordonnées de l’employeur d’un locataire d’un assuré aux fins d’évaluer ses antécédents judiciaires et son comportement est proportionnel aux fins spécifiques poursuivies par ce dernier 12 . [60] L’entreprise n’a pas non plus démontré que le nom de l’employeur est nécessaire dans l’évaluation du risque qui se résume à savoir si le milieu de travail est un milieu criminalisé et, si oui, le risque que la maison louée soit utilisée à des fins criminelles ou à des activités commerciales illicites est plus élevé. [61] Quant à la nécessité de la collecte, la Commission rappelle que chaque cas est un cas d’espèce et doit être évalué. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [62] DÉCLARE la plainte fondée; [63] PREND ACTE de la déclaration du courtier et de l’assureur selon laquelle ils ne requièrent pas le numéro d’assurance sociale des locataires; [64] ORDONNE à Racine & Chamberland inc. de cesser d’exiger directement auprès des locataires de leurs clients les renseignements personnels les concernant; [65] ORDONNE à Intact Assurance de cesser d’exiger des courtiers qu’ils obtiennent directement auprès des locataires de leurs clients leurs renseignements personnels. 12 Affaire Laval précitée.
1014293-S Page 12 Original signé M e Lina Desbiens Membre de la Commission, section de surveillance
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