Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 1012873-S Nom des entreprises : Les Matériaux de construction Oldcastle Canada Inc. et Solutions Oldcastle Enclosure Date : 12 novembre 2019 Membre : M e Cynthia Chassigneux DÉCISION PLAINTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . APERÇU [1] La Commission d’accès à l’information (la Commission) est saisie d’une plainte à l’égard de Solutions Oldcastle Enclosure, une entreprise dont l’établissement principal a pour nom Les Matériaux de construction Oldcastle Canada Inc. 2 . [2] La plainte porte sur la collecte de renseignements personnels par le biais d’un système de vidéosurveillance situé à l’intérieur des locaux de l’entreprise devant une machine distributrice d’équipements de sécurité. [3] À la suite de cette plainte, la Commission a procédé à une enquête 3 . L’entreprise ne conteste pas les faits à l’origine de la plainte. En effet, elle reconnaît avoir installé un système de vidéosurveillance qui filme non seulement les employés qui utilisent la machine distributrice, mais aussi les personnes qui 1 RLRQ, c. P-39.1, Loi sur le privé. 2 Les deux entités sont inscrites sous le numéro 1168102342 au Registre des entreprises du Québec. 3 Loi sur le privé, article 81.
1012873-S Page 2 passent devant celle-ci. [4] Toutefois, elle indique avoir installé ce système de vidéosurveillance à la demande de la compagnie propriétaire de la machine. [5] La Commission a alors interpellé Acklands-Grainger Inc., la compagnie propriétaire de la machine distributrice, à ce sujet. Un de ses représentants a répondu en précisant qu’il n’en était rien et qu’aucune indication en ce sens ne figure dans l’Entente de programme de distribution que la compagnie fait signer aux entreprises qui louent leurs machines distributrices 4 . AVIS D’INTENTION [6] Au terme de l’enquête, la Commission a transmis à l’entreprise un avis d’intention. Cet avis a aussi été transmis à l’établissement principal afin d’obtenir ses observations. [7] Dans cet avis, la Commission fait mention de la version de la compagnie propriétaire de la machine distributrice. Elle informe également l’entreprise, qu’à la lumière des informations dont elle dispose, elle pourrait conclure que l’entreprise ne respecte pas la Loi sur le privé en recueillant l’image des employés qui utilisent la machine distributrice pour avoir accès à l’équipement dont ils ont besoin, mais aussi des personnes qui passent devant cette machine. [8] La Commission demande alors à l’entreprise de démontrer : • quel est le but poursuivi par l’installation d’un tel système de vidéosurveillance alors que la compagnie propriétaire de la machine distributrice ne l’exige pas; • que le fait de recueillir l’image des employés qui utilisent la machine distributrice pour avoir accès à l’équipement de sécurité dont ils ont besoin, mais aussi des personnes qui passent devant la machine, répond à un objectif légitime, important et réel; • qu’il n’existe pas d’autres moyens moins attentatoires à la protection des renseignements personnels permettant d’atteindre le but poursuivi par l’installation d’un tel système de vidéosurveillance. 4 Modèle transmis par un représentant de la compagnie propriétaire de la machine distributrice en date du 10 octobre 2018.
1012873-S Page 3 [9] La Commission indique aussi les ordonnances qu’elle pourrait prononcer à l’encontre de l’entreprise, le cas échéant. [10] L’avis d’intention a été envoyé le 3 juillet 2019. Il a été reçu à l’adresse de l’entreprise et de son établissement principal le 4 juillet 2019 5 . [11] L’entreprise et l’établissement principal avaient 30 jours pour présenter leurs observations à la Commission. En date de la présente décision, la Commission n’a reçu aucune réponse de leur part. ANALYSE [12] La Loi sur le privé établit des règles relatives à la collecte, à l’utilisation, à la détention et à la communication de renseignements personnels à l’occasion de l’exploitation d’une entreprise. [13] Ces règles visent à établir un équilibre entre le droit d’un individu au respect de sa vie privée et les besoins d’une entreprise en matière de collecte, d’utilisation et de communication des renseignements personnels dans le cadre de l’exercice de ses activités. Les images collectées au moyen d’un système de vidéosurveillance constituent des renseignements personnels [14] La Loi sur le privé prévoit qu’un renseignement personnel est un renseignement qui concerne une personne physique et permet de l’identifier 6 . Cette loi s’applique aux renseignements personnels, quelle que soit la nature du support sur lequel ils se trouvent : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre 7 . [15] Ainsi, l’image d’une personne captée sur un enregistrement vidéo constitue un renseignement personnel lorsque cette personne peut être identifiée 8 . [16] Par conséquent, contrairement à la prétention de l’entreprise 9 , la 5 Comme indiqué sur le bordereau de transmission. 6 Loi sur le privé, article 2. 7 Loi sur le privé, article 1. 8 Voir notamment, Garderie Cœur d’enfant inc, CAI 080272, 31 mars 2014; Bronzage Soleil Autour du Monde, CAI 1007483, 24 novembre 2014, ou encore COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION, La vidéosurveillance – Conseils pratiques à l’intention des organismes publics et des entreprises, janvier 2019. 9 Réponse en date du 8 avril 2016.
1012873-S Page 4 Commission considère qu’en filmant les employés qui retirent de l’équipement de sécurité de la machine distributrice, mais aussi les personnes qui passent devant cette machine, l’entreprise collecte des renseignements personnels. [17] Partant, la Commission doit déterminer si l’entreprise, dans le contexte de l’utilisation d’un système de vidéosurveillance, respecte les dispositions de la Loi sur le privé quant à la collecte de renseignements personnels. La Commission est d’avis que non. Les principes applicables à la collecte de renseignements personnels [18] La Loi sur le privé prévoit qu’une personne qui exploite une entreprise doit avoir un intérêt sérieux et légitime pour constituer un dossier sur autrui. Elle prévoit aussi qu’une entreprise ne doit recueillir que les renseignements personnels nécessaires à l’objet du dossier qu’elle constitue sur autrui : 4. Toute personne qui exploite une entreprise et qui, en raison d’un intérêt sérieux et légitime, peut constituer un dossier sur autrui doit, lorsqu’elle constitue le dossier, inscrire son objet. Cette inscription fait partie du dossier. 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d’y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l’objet du dossier. Ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites. [19] La Commission apprécie ces dispositions à la lumière de la finalité poursuivie par l’entreprise qui recueille des renseignements personnels et du fait que l’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle aux objectifs poursuivis 10 . [20] L’entreprise devait donc démontrer qu’elle avait un intérêt sérieux et légitime, mais aussi en quoi le fait d’installer un système de vidéosurveillance devant la machine distributrice et de capter les images des personnes qui l’utilisent ou qui passent devant était nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. [21] En l’espèce, l’entreprise a indiqué que l’objectif poursuivi est la surveillance de la machine distributrice 11 . Toutefois, en l’absence de réponse à son avis 10 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., [2003] C.A.I. 667 (C.Q.); Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] QCCQ 9397; Synergie Hunt International inc. c. Trinque Tessier, 2017 QCCQ 13747. 11 Verbatim de la rencontre entre les enquêteurs de la Commission et un représentant de
1012873-S Page 5 d’intention, les observations fournies par l’entreprise en cours d’enquête ne permettent pas de déterminer l’objectif poursuivi par cette surveillance ni en quoi il est légitime et important et en quoi il répond à un besoin réel. [22] En effet, les arguments mis de l’avant par l’entreprise, à savoir que l’installation de ce système de vidéosurveillance est une exigence de la compagnie propriétaire de la machine et que cela a un effet dissuasif sur le vol et le vandalisme sans plus de précision 12 ne convainquent pas la Commission. [23] Tout d’abord, la compagnie propriétaire de la machine affirme qu’il ne s’agit pas d’une exigence de sa part. De plus, l’Entente de programme de distribution de la compagnie propriétaire de la machine ne comporte aucune clause à l’effet que la machine distributrice doit faire l’objet d’une vidéosurveillance 13 . [24] Ensuite, il n’y a pas d’élément factuel et probant au dossier voulant que le vol et le vandalisme soient problématiques au sein de l’entreprise en ce qui concerne la machine distributrice. Au contraire, aucun acte de vandalisme n’a été rapporté avant d’installer le système de vidéosurveillance 14 . [25] Par ailleurs, les employés doivent utiliser une carte à puce pour avoir accès à l’équipement de sécurité contenu dans la machine distributrice 15 . L’entreprise est donc en mesure de savoir qui a eu accès à la machine, quand et quel équipement a été retiré de la machine. [26] Enfin, aucune mesure alternative n’a été considérée par l’entreprise avant d’installer le système de vidéosurveillance 16 . [27] Ainsi, l’entreprise n’a pas démontré que la collecte de renseignements personnels par le biais de son système de vidéosurveillance vise à répondre à un objectif réel, important et légitime. Elle n’a pas davantage démontré que cette mesure est proportionnelle aux objectifs qu’elle dit poursuivre par cette collecte. [28] Dans ces circonstances, la Commission considère que l’entreprise n’a pas démontré la nécessité d’installer un système de vidéosurveillance devant la machine distributrice afin de filmer les employés qui utilisent cette machine pour avoir accès à l’équipement de sécurité dont ils ont besoin, mais aussi les l’entreprise en date du 6 juillet 2016. 12 Verbatim de la rencontre du 6 juillet 2016, Id. Voir également la réponse de l’entreprise en date du 8 avril 2016, réitéré le 8 juillet 2016. 13 Précité note 4. 14 Verbatim de la rencontre du 6 juillet 2016, précité note 11. 15 Id. 16 Id.
1012873-S Page 6 personnes qui passent devant cette machine. CONCLUSION [29] Ainsi, à la lumière de l’enquête et en l’absence de réponse à son avis d’intention, la Commission conclut que l’entreprise ne respecte pas les articles 4 et 5 de la Loi sur le privé en collectant, par le biais du système de vidéosurveillance installé devant la machine distributrice, l’image des employés qui utilisent cette machine pour avoir accès à l’équipement dont ils ont besoin, mais aussi des personnes qui passent devant cette machine. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [30] ORDONNE à l’entreprise de cesser de recueillir l’image des employés qui utilisent la machine distributrice pour avoir accès à l’équipement dont ils ont besoin, mais aussi des personnes qui passent devant cette machine; [31] ORDONNE à l’entreprise de détruire toutes les images recueillies au moyen du système de vidéosurveillance mis en place quant à la machine distributrice. «Original signé» Cynthia Chassigneux Membre de la Commission, section de surveillance
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