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Commission d’accès à l’information du Québec Dossier : 1016882-S Nom de l’entreprise: Association des copropriétaires du Lowney I Date : 5 mai 2021 Membre : M e Lina Desbiens DÉCISION ENQUÊTE en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé 1 . CONTEXTE [1] Le Lowney I est un immeuble converti en copropriété en 2004-2005 comprenant 64 unités. Il est doté d’espaces communs de détente soit, un chalet urbain et une piscine au toit accessibles aux copropriétaires du Lowney I. Ces espaces communs se situent sur le toit du Lowney I et sont également accessibles aux copropriétaires du Lowney II par le biais d’une passerelle reliant les deux immeubles.

[2] L’accès aux deux immeubles est protégé par un système de carte à puces permettant de connaître l’identité du propriétaire et l’heure exacte de son passage.

[3] En 2012, des caméras fixes munies d’un détecteur de mouvements ont été ajoutées à la piscine et au chalet urbain, situés sur le toit.

[4] La Commission d’accès à l’information (la Commission) a procédé à une enquête, à l’égard de l’Association des copropriétaires du Lowney I (l’Association), à la suite d’une plainte qui porte essentiellement sur le système de vidéosurveillance installé dans les espaces communs à caractère récréatif, particulièrement à la piscine et au chalet urbain.

1 RLRQ, c. P-39.1, Loi sur le privé.

1016882-S Page : 2 AVIS D’INTENTION ET OBSERVATIONS [5] Le 16 juillet 2020, la Commission a transmis un avis d’intention informant l’Entreprise de son intention de rendre les ordonnances suivantes au motif qu’elle ne respecterait pas la Loi sur le privé :

- cesser de recueillir personnels des résidents et de leurs invités qui se trouvent à la piscine ou au chalet, notamment en repositionnant les caméras situées au niveau de la piscine et du chalet urbain;

- adopter des mesures de sécurité adéquates notamment en protégeant le système de vidéosurveillance par un mot de passe connu des administrateurs seulement et en le modifiant régulièrement;

- adopter des mesures de conservation et de destruction sécuritaires des images recueillies par les caméras de vidéosurveillance.

[6] Conformément à l’article 83 de la Loi sur le privé, l’Association a été invitée à fournir ses observations.

[7] Après plusieurs tentatives, l’avis d’intention a été signifié le 1 er décembre 2020 au gestionnaire de l’immeuble, soit The Homana Group inc., à l’adresse du domicile élu de l’Association mentionné au Registraire des entreprises. Toutefois, ce gestionnaire n’étant pas mandaté pour présenter des observations au nom de l’Association, les coordonnées du nouveau président de l’Association nous ont été fournies et l’avis d’intention lui a été transmis le 16 mars 2021. Considérant les difficultés particulières liées à la signification de l’avis d’intention et craignant que l’Association n’ait pas été informée adéquatement de la teneur de cet avis, la Commission a accordé à l’Association un nouveau délai de 30 jours pour lui permettre de présenter ses observations écrites et produire des documents afin de compléter le dossier.

[8] L’Association a été informée qu’à l’expiration du délai, la Commission rendrait une décision selon les informations contenues au dossier et ce, même si elle n’avait pas reçu d’observations. Au terme de ce délai et à ce jour, l’Association n’a transmis aucune observation.

en continu les renseignements

1016882-S Page : 3 ANALYSE 1. L’Entreprise est assujettie à la Loi sur le privé [9] L’Association est une entreprise inscrite au Registraire des entreprises dont l’activité est d’administrer les parties communes et les intérêts de la copropriété Lowney 1 2 . [10] Elle est assujettie à la Loi sur le privé qui établit les règles particulières pour une entreprise qui recueille, détient, utilise ou communique des renseignements personnels à l’occasion de l’exploitation de son entreprise.

[11] Ces règles sont établies pour protéger le droit à la vie privée, conformément à ce qui est prévu au Code civil du Québec et à la Charte des droits et libertés de la personne.

2. Les images captées par contiennent des renseignements personnels

[12] La Loi sur le privé s’applique aux renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l’identifier, et ce, quelle que soit la nature de leur support et la forme sous laquelle ils sont accessibles.

[13] À ce titre, les images captées par les caméras de surveillance situées dans les espaces communs et accessibles sur les serveurs de l’immeuble qui permettent d’identifier les résidents du Lowney I et du Lowney II, mais aussi leurs invités, constituent un renseignement personnel.

3. La nécessité de la collecte de renseignements personnels [14] La Loi sur le privé prévoit qu’une entreprise peut recueillir uniquement les renseignements personnels nécessaires à l’objet du dossier qu’elle constitue au sujet d’une personne, et ce, pour minimiser l’atteinte à la vie privée 3 . 2 Annexe 2. 3 Art. 5 Loi sur le privé.

le système de vidéosurveillance

1016882-S Page : 4 [15] Ainsi, une entreprise qui entend recourir à la vidéosurveillance pour collecter les images des résidents et de leurs invités qui se trouvent dans les espaces communs doit justifier la nécessité de cette collecte. Pour ce faire, elle doit démontrer le caractère légitime, important et réel de cette collecte et la proportionnalité de l’atteinte à la vie privée qu’elle constitue quant aux objectifs qu’elle poursuit 4 . a. Les objectifs poursuivis par l’Entreprise [16] Les objectifs ou finalités recherchés par la collecte de ces renseignements personnels sont d’augmenter la sécurité des résidents et de leurs biens ainsi que de dissuader la perpétration de crimes et d’infractions au règlement de l’immeuble.

[17] En effet, il ressort de l’enquête que des caméras de surveillance ont d’abord été installées dans le garage, l’escalier et l’entrés principale à la suite d’incidents, vols ou infractions au règlement de l’immeuble signalés par les copropriétaires aux administrateurs. Il y a eu un vol de voiture, des pneus dégonflés et des itinérants qui dormaient dans le portique de l’entrée.

[18] Une résolution a été adoptée en assemblée générale, mais il y avait une réticence de la part des copropriétaires pour installer des caméras dans les espaces de détente sur le toit (piscine et chalet urbain).

[19] Avant l’installation du système de vidéosurveillance, des événements ont été signalés, notamment des personnes ivres dans la piscine du grabuge et du vandalisme.

[20] L’année suivante les copropriétaires ont adopté une résolution 5 permettant « l’installation de trois caméras aux terrasses/chalet urbain ». Il ressort de la déclaration du président de l’Association de l’époque, que les caméras au toit, aux accès, au chalet urbain et à la piscine ont toutes été installées au même moment.

[21] Depuis l’installation du système de vidéosurveillance, l’Association indique qu’aucun incident ne s’est produit dans le garage et ceux se produisant à la piscine ou au chalet urbain ont grandement diminué.

4 Laval (Société de transport de la Ville de) c. X., [2003] C.A.I. 667 (C.Q.); Grenier c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, [2010] QCCQ 93. 5 Annexe IV.

1016882-S Page : 5 [22] Par exemple, des cendres et des traces de brûlures ont été découvertes sur le plancher du chalet urbain alors que la Loi concernant la lutte contre le tabagisme 6 interdit de fumer à l’intérieur. De plus, il y a eu une bagarre à la piscine qui a importuné certains copropriétaires. Les caméras ont permis d'identifier les responsables et de faire des réclamations. Selon l’Association, l’installation des caméras a un effet dissuasif parce que les personnes savent qu’elles sont filmées.

[23] À la lumière de la preuve présentée, la Commission conclut que l’objectif poursuivi par l’Association d’augmenter la sécurité des résidents et de leurs biens ainsi que de dissuader la perpétration d’infractions est important et réel.

[24] Toutefois, la violation du règlement de copropriété par des infractions mineures y compris le respect de l’interdiction de fumer n’est pas un objectif suffisamment important pour porter atteinte à la vie privée des résidents 7 . b. Proportionnalité de l’atteinte à la vie privée. [25] Le fait de capter l’image des résidents et de leurs invités constitue une atteinte à la vie privée. Cette atteinte à la vie privée, pour être justifiée, doit être minimisée afin qu’elle ne soit pas disproportionnée par rapport aux objectifs recherchés.

[26] En l’espèce, la piscine et le chalet urbain sont utilisés par les résidents pour des activités personnelles pouvant même révéler un certain mode de vie, par exemple, prendre un bain de soleil, nager, lire ou rencontrer des amis.

[27] Même s’il s’agit d’un espace commun, les résidents s’attendent à une certaine expectative de vie privée lorsqu’ils utilisent la piscine ou le chalet urbain qui se veulent en quelque sorte un prolongement de leur résidence. Dans de tels espaces récréatifs, la surveillance se fait en continu puisque les résidents s’y installent pour une certaine période de temps.

[28] D’autres alternatives pour réduire les incidents qui avaient lieu dans ces espaces ont été mises en place, dont la sensibilisation des copropriétaires et un gardien de sécurité occasionnel, mais sans succès. Les administrateurs ont également fait des tournées régulières compte tenu que le règlement de l’immeuble stipule que c’est leur responsabilité de le faire respecter, mais ce n’était pas efficace. L’imposition d’un couvre-feu et l’embauche d’un gardien pour faire sortir les

6 L.R.Q., chapitre L-6.2. 7 Shoal Point Strata Council, Order P09-02, [2009] B.C.I.P.C.D. No. 34.

1016882-S Page : 6 gens des espaces récréatifs à 2h00 ont également été proposées, mais ces propositions n’ont pas été retenues.

[29] À la lumière de l’enquête, la Commission est d’avis que la surveillance en continu des personnes présentes à la piscine ou au chalet urbain représente une atteinte à la vie privée disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi qui est d’augmenter la sécurité des résidents et de leurs biens ainsi que de dissuader la perpétration d’infractions au règlement de l’immeuble. Suivre la position de l’Association reviendrait à justifier la surveillance en continu des individus dans toutes les sphères de leur vie dans un lieu public.

[30] Au surplus, d’autres moyens moins intrusifs sont en place, comme l’utilisation d’une carte à puce permettant d’identifier les personnes et l’heure de leur passage ainsi qu’une caméra dans l’escalier donnant accès à la terrasse et ce, même s’ils ne permettent pas de savoir qui a commis l’acte reproché ni de voir l’acte.

[31] De plus, la réorientation de la caméra de manière à ce que les résidents et leurs invités qui profitent des espaces récréatifs ne se sentent pas filmés en permanence, permettrait d’atteindre les objectifs recherchés. La caméra pourrait notamment être réorientée aux points d’accès seulement.

4. Mesures de sécurité, de conservation et de destruction [32] L’article 10 de la Loi sur le privé prévoit qu’une entreprise doit prendre les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels qu’elle recueille. Ces mesures doivent s’appliquer tout au long du cycle de vie des renseignements personnels et ce quel que soit le support par lequel ils sont recueillis ou encore conservés : caméra de surveillance, serveurs, et clé USB en l’espèce.

[33] Il ressort de l’enquête que le système de vidéosurveillance est situé dans une pièce verrouillée au sous-sol de l’immeuble, à laquelle cinq personnes ont accès, soit les trois membres du conseil d’administration et les deux préposés à l’entretien. Ce système n’est pas protégé par un mot de passe.

[34] Le temps de conservation des images dépend de l’activité. Plus, il y a de mouvements, plus les images s’effacent rapidement pour faire place aux nouvelles.

1016882-S Page : 7 [35] Le conseil d’administration s’est doté d’un règlement nécessitant une résolution pour procéder au visionnement des images, et ce, en cas d’incident seulement. Lorsque les images sont conservées, une copie est faite sur une clé USB qui est conservée par un des administrateurs dans sa résidence munie d’un système d’alarme.

[36] Les enregistrements ont été utilisés notamment pour identifier des personnes qui ne respectent pas le règlement de l’immeuble et comme preuve dans le cadre d’une réclamation pour dommages.

[37] Par ailleurs, il ressort de l’enquête que, dans certains cas, notamment lorsqu’il y a des plaintes, des images sont copiées sur une clé USB non sécurisée et sont conservées à la résidence d’un des administrateurs, notamment pour des réclamations de dommages. L’Association n’a pas de procédure pour la destruction des images qui sont conservées sur une clé USB pour les dossiers qui sont devant le tribunal.

[38] La Commission conclut que l’Association ne prend pas les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels collectés par le biais de son système de vidéosurveillance, utilisés, communiqués, conservés ou détruits et qui sont raisonnables compte tenu, notamment, de leur sensibilité, de la finalité de leur utilisation, de leur quantité, de leur répartition et de leur support. En effet, bien que le système soit dans une pièce barrée, plusieurs personnes non autorisées à avoir accès aux enregistrements ont accès à cette pièce. De plus, la copie des images sur une clé USB sans mesure de protection particulière (clé non sécurisée) et conservée à la résidence d’un administrateur, sans aucune autre mesure de sécurité que le fait que l’appartement soit muni d’un système d’alarme, ne constituent pas des mesures de conservation sécuritaire.

[39] Par conséquent, la Commission est d’avis que l’Association doit protéger le système de vidéosurveillance par un mot de passe connu des seulement administrateurs. Celui-ci devrait être modifié régulièrement notamment à chaque changement d’administrateur.

[40] De plus, l’Association doit adopter une politique de conservation et de destruction des enregistrements sécuritaire, notamment en prévoyant l’utilisation d’une clé USB sécurisée conservée dans un endroit sécuritaire.

1016882-S Page : 8 POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : DÉCLARE la plainte recevable. ORDONNE à l’Association de cesser de recueillir en continu les renseignements personnels des résidents et de leurs invités qui se trouvent à la piscine ou au chalet, notamment en repositionnant les caméras situées au niveau de la piscine et du chalet urbain;

ORDONNE à l’Association de protéger le système de vidéosurveillance par un mot de passe connu des administrateurs seulement et en le modifiant régulièrement.

ORDONNE à l’Association d’adopter une politique de conservation et de destruction sécuritaires des images recueillies par les caméras de vidéosurveillance.

Original signé M e Lina Desbiens Membre de la section surveillance de la Commission d’accès à l’information

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